Télécharger - Le Monde selon les femmes
Télécharger - Le Monde selon les femmes
Télécharger - Le Monde selon les femmes
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LOREDANA MARCHI<br />
Ne pas exclure <strong>les</strong> hommes<br />
Loredana Marchi est née en 1948. Après<br />
des études universitaires en Italie à<br />
Trieste, on lui propose de donner durant<br />
deux ans des cours d’italien à Liège<br />
à des enfants issus de cette communauté.<br />
À cette époque, elle est active au<br />
CASI-UO, mouvement italien d’éducation<br />
populaire.<br />
Avec d’autres, elle crée en 1979<br />
Cittadenanza Migrante à Laeken, association<br />
italienne. Elle développe ensuite<br />
un travail avec des <strong>femmes</strong> au sein de<br />
l’association néerlandophone, le Foyer,<br />
une maison de jeunes de la commune de<br />
Molenbeek. Elle coordonne aussi la maison<br />
d’accueil pour <strong>femmes</strong> Dar El Hamal<br />
(“La maison de l’espoir”) de 1979 à 1989.<br />
Au départ, Loredana ne connaît pas<br />
la population musulmane issue du<br />
Maroc qui habite la commune. Pendant<br />
une année elle entreprend un travail<br />
de contact par des visites à domicile<br />
auprès d’une centaine de famil<strong>les</strong> des<br />
enfants et des jeunes qui fréquentent<br />
l’association. <strong>Le</strong> but de l’entreprise :<br />
inclure <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> dans l’association<br />
et leur faire prendre conscience du rôle<br />
déterminant qu’el<strong>les</strong> ont à jouer dans<br />
le processus d’intégration sociale de la<br />
famille.<br />
Pour Loredana Marchi, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong><br />
immigrées marocaines analphabètes<br />
doivent sortir de leur isolement psychologique<br />
et social pour devenir un<br />
levier d’émancipation sociale pour leur<br />
famille. Ce sont el<strong>les</strong> qui transmettent<br />
<strong>les</strong> valeurs culturel<strong>les</strong> et incarnent un<br />
espoir de changement. Or, ce changement<br />
ne peut être possible que par<br />
l’éducation de la femme. Son rôle dans<br />
le processus de changement doit être<br />
valorisé à travers une approche collec<br />
tive ; c’est ce que le Foyer tente de faire<br />
depuis 25 ans.<br />
Dès le début, elle constate un fossé<br />
grandissant entre <strong>les</strong> enfants, scolarisés<br />
dans une langue et une culture différentes,<br />
et <strong>les</strong> mères qui sont <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> à<br />
transmettre leur culture et leur langue.<br />
Cette rupture de communication entre<br />
deux générations a été à l’origine, <strong>selon</strong><br />
Loredana Marchi, de grandes difficultés<br />
d’intégration des jeunes de la deuxième<br />
génération. Elle observe que ces <strong>femmes</strong><br />
maghrébines sont <strong>les</strong> premières victimes<br />
de l’immigration et pourtant, c’est<br />
sur el<strong>les</strong> que reposent tous <strong>les</strong> espoirs<br />
de mobilité sociale des membres de la<br />
famille.<br />
En 25 ans, beaucoup d’associations travaillant<br />
avec des <strong>femmes</strong> ont vu le jour.<br />
<strong>Le</strong> public a changé, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> ne sont<br />
plus <strong>les</strong> mêmes, mais <strong>les</strong> problèmes demeurent.<br />
On n’a toujours pas réglé <strong>les</strong><br />
questions d’inégalité hommes-<strong>femmes</strong><br />
au niveau du travail, du statut social<br />
même si <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> sont de plus en<br />
plus présentes dans <strong>les</strong> différents secteurs<br />
de la société.<br />
“Féministe peut-être, mais pas extrémiste”,<br />
nous précise Loredana. Il ne faut pas<br />
exclure l’homme car il l’a été bien trop<br />
longtemps, et des problèmes rejaillissent<br />
aujourd’hui à cause de ce rejet.<br />
Au Foyer, dont elle est la coordinatrice générale<br />
depuis 1989, <strong>les</strong> principes d’actions<br />
sont empruntés à ceux de l’école de Paolo<br />
Freire. Chacun est en même temps enseignant<br />
et enseigné ; c’est ainsi que toute<br />
femme, même analphabète, détient un<br />
patrimoine culturel à même d’être mis<br />
en valeur et transmis. Certaines <strong>femmes</strong><br />
berbères analphabètes ont donné des<br />
page 42 Des associations & des <strong>femmes</strong>... Quels enjeux, quels défis pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> migrantes ? 04-2006