MANUEL GENERAL - INRP
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564 <strong>MANUEL</strong> GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE<br />
il porte en lui les souvenirs et les marques de<br />
sa longue éducation monarchique, et un demisiècle<br />
ne suffit pas pour créer des mœurs nouvelles;<br />
mais on voit à de certains signes que la<br />
nécessaire évolution est commencée.<br />
Notre peuple répugne d'instinct aux diverses<br />
sortes de fanatismes. Il y a en effet des fanatismes<br />
de diverses sortes, qui se combattent les<br />
uns les autres, mais se ressemblent au fond,<br />
— frères ennemis, mais frères tout de même et<br />
de qui la fraternité se reconnaît à une identique<br />
laideur.<br />
Enfin, notre peuple est profondément démocrate<br />
et il a le sentiment de la justice sociale.<br />
De ces qualités et de ces vertus, on pourra<br />
tout espérer, le jour où l'école nationale leur<br />
aura donné toute leur force.<br />
Vous êtes trop jeunes pour savoir et pour<br />
comprendre que la France a quantité de choses<br />
à faire qui sont toutes très difficiles. Nous vivons<br />
dans un grand tumulte. Pas un jour ne passe<br />
sans que l'on entende dire à Paris, par des personnes<br />
qui, d'ailleurs, n'en perdent pas une<br />
bouchée, que nous nous décomposons, et que,<br />
bientôt, il ne restera plus de nous que je ne<br />
sais quelle pourriture dont l'exhalaison attirera<br />
les vautours.<br />
D'autres hommes, desquels je suis, gardent<br />
leur confiance en l'avenir. Ils savent l'imperfection<br />
des êtres et des choses et que des accidents<br />
= = = = = LÉGISLATION ET ADMINISTRATION<br />
L'art à l'école et « les palais scolaires ».<br />
L'école d'autrefois et l'école moderne. — Les erreurs<br />
des architectes. — Ce qu'on trouve souvent<br />
derrière les belles façades. — Les idées de<br />
M. Frantz Jourdain. — Un beau programme<br />
pour les écoles de demain.<br />
Allons au plus pressé.<br />
On peut ranger nos maisons d'école en deux<br />
catégories : les unes, antérieures aux lois scolaires,<br />
sont dans un état de délabrement pitoyable.<br />
De loin en loin, on remplace une poutre<br />
branlante, on passe un lait de chaux sur les<br />
murs;'mais, comme l'école a été construite dans<br />
des conditions hygiéniques déplorables, le mal<br />
est, à vrai dire, sans remèdes. Les réparations<br />
qu'on y entreprend sont plutôt regrettables car<br />
elles reculent la seule solution logique qui consiste<br />
à jeter l'immeuble à bas et à le refaire<br />
sur un nouveau plan.<br />
Mais il y a, dans bien des communes, des<br />
écoles de construction récente qui ne nous satisfont<br />
pas davantage. Les architectes qui les ont<br />
élevées n'ont eu en vue que le triomphe du moellon.<br />
Atteints pour la plupart de la maladie de la<br />
pierre, ils ont visé avant tout au solennel et au<br />
grand. « L'école, se sont-ils dit, est un édifice<br />
public. L'instituteur d'aujourd'hui est une manière<br />
de curé laïque. Pourquoi l'école moderne<br />
ne rivaliserait-elle pas avec l'église? «Et ils ont<br />
mis à mal leur imagination pour lui donner<br />
grand air et en décorer surtout la façade :<br />
Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales.<br />
C'est à ceux-là surtout qui cherchaient à faire<br />
de l'école un fac-similé de l'Hôtel de ville ou de<br />
la caserne de gendarmerie, qu'a songé M. Frantz<br />
et des périls sont possibles ; ils ne dorment pas<br />
dans une tranquillité béate. Mais ils croient, ils<br />
prévoient, ils prédisent (que ce peuple intelligent<br />
et sage fera, chaque jour suffisant à sa peine<br />
mais chaque jour prenant sa peine, toutes ces<br />
œuvres malaisées. A la fin, lui qui a offert au<br />
monde le plus brillant modèle de monarchie,<br />
au temps de Louis XIV, il lui présentera une<br />
libre démocratie où s'épanouiront toutes les<br />
forces vives du pays, pour notre gloire et pour le<br />
bien de l'humanité.<br />
Il semble en effet que ce soit notre destinée<br />
de donner des exemples. Du moins les étrangers<br />
le disent, qui sont bons juges en la matière.<br />
Cette année nous avons été visités par des rois<br />
et par des présidents de républiques. Ils nous<br />
ont parlé. Je sais bien qu'ils ne sont pas venus<br />
chez nous pour nous dire des choses désagréables<br />
; mais je ne crois pas que les Etats-Unis et<br />
la Belgique, la République Argentine, la Brésil<br />
et la Bulgarie se soient concertés pour nous dire<br />
le même mensonge. Ces rois et ces présidents<br />
croient évidemment ce qu'ils ont dit presque<br />
dans les mêmes termes, à savoir que la France<br />
est le pays qui montre le chemin. Et j'ajoute,<br />
mes enfants, puisque vous avez levé avant-hier<br />
vos têtes et vos bras vers les grands oiseaux<br />
venus de l'Est, qu'elle montre le chemin même<br />
à travers les nuages du ciel.<br />
Jourdain dans le rapport très original qu'il a rédigé,<br />
pour le congrès de Bruxelles, au nom de<br />
la société de l'Art à l'école.<br />
M. Frantz Jourdain est visiblement agdcé par<br />
les architectes qui s'obstinent à copier servilement<br />
les styles du passé. Volontiers, il s'écrierait,<br />
lui aussi :<br />
Qui nous délivrera des Grecs et des Romains?<br />
« Qu'on laisse enfin de côté, nous dit-il, les<br />
exemples empruntés sans méthode et sans discernement<br />
à une antiquité mal comprise : plus<br />
de frontons, plus d'ordres, plus d'entablements,<br />
plus de colonnes, plus de pilastres, plus dechambranles<br />
prétentieux, plus de consoles solennelles,<br />
plus de lourds bossages 1 »I1 suffit d'une « façade<br />
simple et accueillante, construite avec les matériaux<br />
du pays ». Que l'écolier y retrouve un peu<br />
de son chez lui, un chez lui plus confortable,<br />
plus serein, plus soigné, plus joyeux, mais rien<br />
de plus. « Que les sculptures, dans les villes importantes,<br />
soient tirées de la flore, de cette merveilleuse<br />
flore française, si variée et si décorative,<br />
de cette flore expressive que chérissait le<br />
moyen âge et qui vaut bien la frigide feuille<br />
d'acanthe des temples romains. »<br />
Paroles très judicieuses et qu'on ne saurait<br />
trop répéter dans un pays dévoré de la soif<br />
d'imiter au point d'en oublier toutes ses qualités<br />
nationales; mais réflexions un peu platoniques<br />
aussi, car nous ne jouons pas, comme on<br />
dit, sur le velours,<br />
Ces écoles ambitieuses, où l'on n'a pas ménagé<br />
la pierre, ne sont pas toujours appropriées à<br />
leur destination, et cela pour une raison bien<br />
simple. C'est que l'architecte a oublié souvent<br />
de consulter ou d'écouter les deux personnes les<br />
plus qualifiées: le médecin, conseiller autorisé