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LA COMMlâSllON BOURGEOIS<br />
QI 904-1 905)
CTNERHI<br />
Centre Technique National dlEtudes et de Recherches<br />
sur les Handicaps et les lnadapations
DOCUMENTS POUR L'HISTOIRE<br />
DE L%QUCK~ION SPÉCIALISÉE<br />
TEXTES PRÉSENTES PAR<br />
MONIQUE VlAB ET MARIE-ANNE HUGON
Extrait du catalogue<br />
Accompagner les personnes polyhandicapées<br />
Réflexions autour d'un groupe de travail du CTNERH l<br />
Etisabeth Zucrnan<br />
CTNERHI, 1998,227 p., 125 F.<br />
La vieillesse des personnes handicapées : quelles politiques sociales?<br />
Lieux de vie - Ressources - Aide sociale<br />
(nouvelle édition)<br />
Patrick Guyot<br />
CTNERHI, 1998, 168 p., 125 F.<br />
= Aux sources de l'éducation spécialisée (1878-1 91 0).<br />
La formation des premières infirmières Ia'iques<br />
Marcel Jaeger, Claude Wacjman<br />
CTNERHI, 1998, 147 p., 120 F.<br />
Insertion des étudiants handicapés à l'université :<br />
du diplôme à l'emploi<br />
Université d'Orl&ans, actes du colloque du 15 novembre 1996<br />
CTNERHI, 1998,122 p., 120 F.<br />
A paraître<br />
L'enfant handicapé en famille d'accueil :<br />
besoins des professionnels<br />
Joël Roy<br />
Toute reproduction doit être soumise à l'autorisation du Directeur du CTNERHi
......................................................................................<br />
Remerciements 3<br />
...........................................................................................<br />
Abréviations 5<br />
introduction par Monique Vial ................................................................ 7<br />
.<br />
La Commission Bourgeois .................................................................. 12<br />
Les documents ................................................................................... 22<br />
1 . Textes initiateurs par Monique Vial ................................................ 27<br />
TEXTE 1 . Pour les enfants arriérés et anomaux (M . Chariot) ............... 29<br />
TEXTE 2 . Arrêté du cl octobre 1904 (J . Chaumié) ................................. 35<br />
COMMENTAIRE ..................................................................................... 36<br />
- III - Classifications par Monique Vial ................................................... 44<br />
TEXTE 3 . Note pour un projet de statistique des enfants<br />
anormaux ...................................................................................... 45<br />
COMMENTAIRE ..................................................................................... 49<br />
TEXTE 4 . Classification établie par D.M. Bourneville ............................ 65<br />
COMMENTAIRE ..................................................................................... 75<br />
TEXTE 5 . Note sur la distinction entre l'enfant normal et l'arriéré<br />
(A . Binet) .................................................................................. 111<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 113<br />
TEXTE 6 . Note complémentaire de l'enquête sur le nombre des<br />
enfants anormaux existant actuellement en France ..................... 153<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 157<br />
TEXTE 7 . Classification des enfants anormaux (Note<br />
accompagnant les tableaux de statistique dressés en 1905) ........ 169<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 170<br />
- 818 - Contributions institutionnelles et pédagogiques<br />
par Marie-Anne Hugon ........................................................................ 189<br />
TEXTE 8 . (( Avant d'entrer dans le détail ... » ...................................... 191
..................................................................................<br />
COMMENTAIRE<br />
194<br />
TEXTE 9 . Etude sur l'éducation manuelle et I'enseignement<br />
professionnel des filles arriérées et instables (Mlle Stupuy) ......... 211<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 215<br />
TEXTE 10 . Etude sur l'éducation manuelle et I'enseignement<br />
professionnel des arriérés et des instables (G . Baguer) ............... 227<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 232<br />
. IV . Les conclusions de la Commission<br />
par Marie-Anne Hugon et Monique Val ................................................ 243<br />
TEXTE 11 . Rapport au nom de la sous-commission chargée<br />
d'étudier les solutions A proposer en faveur des arriérés et<br />
des instables (A . Binet) ................................................................ 245<br />
TEXTE 12 . Travaux de la Commission ministérielle pour les<br />
enfants anomaux . Conclusions arrêtées par la commission<br />
plénière en vue d'assurer l'instruction des arriérés et des<br />
instables ...................................................................................... 265<br />
COMMENTAIRE DES TEXTES 11 ET 12 ................................................... 271<br />
. V . Lettres après la Commission par Monique Vial .......................... 305<br />
TEXTE 13 .......................................................................................... 307<br />
TEXTE 14 .......................................................................................... 312<br />
COMMENTAIRE ................................................................................... 313<br />
Annexe . L'activité de Bourneville B partir de 1901<br />
par Jacques Poirier .............................................................................. 317<br />
Bibliographie ..................................................................................... 323<br />
Index des noms de personnes .......................................................... 343<br />
Index thématique ............................................................................... 349
Remerciements<br />
Nous tenons ài remercier, pour leur confiance et pour leur aide :<br />
- Amelle Sentilhes, dirednce du Musée national de l'Éducation (Institut<br />
national de Ba recherche pédagogique, 39, rue la Croix-de-Vaubois, 761 30<br />
Mont-Saint-Aignan), François beloup, directeur, et Gabrièle Boscher,<br />
directrice pédagogique de l'Institut departemental Gustave Baguer pour la<br />
rQQducaiion, la scolarisation et la formation professionnelle des enfants<br />
atteints de surdité (35, rue de Nanterre, 92600 Asnières-sur-Seine), Alexis<br />
Karacostas, responsable du Service des archives manuscrites de l'Institut<br />
national de jeunes sourds de Paris (254, rue Saint-Jacques, 75005 Paris),<br />
Daniel Édouard, directeur du Centre Augustin Grosselin d'éducation spé-<br />
cialisee pour déficients auditifs (5-75, rue Olivier Noyer, 75014 Pans), qui<br />
ont mis B notre disposition les archives dont ils ont la responsabilité ;<br />
- Jacques Arveiller, Jacques Poirier et Françoise Mandelbaum-Reiner<br />
qui, chacun à leur façon, ont contribué à nos recherches ;<br />
- Guy Avanzini, rQdadeur en chef des Cahiers Binet-Simon, qui nous a<br />
autorisées A publier les conclusions de la Commission Bourgeois, parues<br />
dans le Bulletin de la SLEPE, ancetre des Cahiers Binet-Simon ;<br />
- mesdames et messieurs les conservateurs ainsi que le personnel des<br />
bibliothèques Charcot, Henri Ey, de l'Assistance publique et de l'Académie<br />
nationale de médecine qui nous ont obligeamment accueillies.
AP : Ann6e psychologique.<br />
Abréviations<br />
BLE : Bulletin de la Ligue de l'Enseignement.<br />
6011. INRP : Archives de l'enfance anormale, Collections historiques du<br />
Musée national de I'education, Institut national de la recher-<br />
che pédagogique, 39, rue La-Croix-de-Vaubois, 76130,<br />
Mont-Saint-Aignan.<br />
INJS : Archives manuscrites de l'Institut national de jeunes sourds<br />
de Paris, 254, rue Saint-Jacques, 75005 Paris.<br />
M6 : Manuel genéral de l'instruction primaire (partie genérale).<br />
MIP : Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.<br />
PF : Premier congrès international d'éducation et de protection<br />
de l'enfant dans la famille, Liège, 18-20 sept. 1905.<br />
RCT : Recherches cliniques et therapeutiques sur l'épilepsie,<br />
I'hysterie et l'idiotie.<br />
RPC : Revue internationale de pedagogie comparative (1 903 :<br />
janvier-juillet. 1903-4 904 : octobre 1903, septembre 1904)<br />
SLEPE : Bulletin de la Societb libre pour I'etude psychologique de<br />
l'enfant (SLEQE).
Par<br />
Monique Vial
Cette publication vise A contribuer à l'histoire de l'éducation spécialisée<br />
en France, au début du siécle. Cette période capitale a donné lieu à de<br />
nombreux travaux, mais la complexité des processus alors en jeu est loin<br />
d'être entièrement élucid&e '.<br />
Référence obligée de toute histoire des enfants que l'on appelait à<br />
l'époque anormaux », la commission dite Commission Bourgeois - du<br />
nom de son président, le radical-socialiste L6on Bourgeois - marque les<br />
débuts de la prise en charge de ces enfants par les instances politiques<br />
nationales. Après des mesures limitées et peu suivies d'effet concernant<br />
sourds et aveugles, sa création annonce la volonté du législateur de se<br />
pr4occuper de l'ensemble des anormaux. Créée le 4 octobre 1904, par un<br />
arrêté de Joseph Chaumié, ministre de l'Instruction publique et des<br />
Beaux-Arts 2, elle a pour objet d'étudier i( les conditions dans lesquelles<br />
les prescriptions de la loi du 28 mars 1882 sur l'obligation de I'enseigne-<br />
ment primaire pourraient être appliquées aux enfants anormaux des deux<br />
sexes (aveugles, sourds-muets, arriclrés, etc.) )) 3. Pour la première fois,<br />
cet arrêté regroupe sous une même dénomination officielle les enfants<br />
présentant des handicaps sensoriels et ceux atteints d'anomalies men-<br />
tales : ces enfants, ou les adultes souffrant de difficultés semblables, sont<br />
rassemblés sous la catégorie unique et globalisante de I'anonnalité, déjA<br />
utilisée au cours des années précédentes dans les écrits éducatifs, médi-<br />
caux et scientifiques. Cette catégorie devient référent scientifique pour la<br />
définition d'un secteur institutionnel spécifique, dont le premier maillon est<br />
' Le lecteur trouvera des bibliographies dans les ouvrages actuels que nous citons. Une<br />
bibliographie thématique sur les handicaps et les inadaptations est disponible au Centre<br />
technique national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations,<br />
CTNERHI, 236 bis, rue de Tolbiac, 75013 Paris (G. Woodill, 1991).<br />
Cabinet Combes, dit de Bloc des Gauches (7 juin 1902 - 18 janvier 1905). Dominé par les<br />
radicaux, il rassemble les partis républicains et laïques (Union démocratique, gauche radi-<br />
cale, radicaux-socialistes), opposés à la droite héritière des anciens régimes (royalistes et<br />
bonapartistes) et soutenus par les socialistes. II est marqué avant tout par ses conflits<br />
avec l'église. Joseph Chaumié est un radical modéré.<br />
Texte 2. Un manuscrit de Baguer attribue la nomination de la commission à Aristide<br />
Briand, E( alors ministre de Ilnstruction publique a (In M. Vial, 1993, p. 188). Rédaction<br />
rapide qui a confondu avec la création de la commission, le dépôt par Briand du projet de<br />
loi créant les classes de perfectionnement (1 907).
éducatif: la Commission Bourgeois propose les premières structures<br />
scolaires publiques destinées à scolariser à part une partie des enfants<br />
réunis sous le vocable d'anomaux. Ultérieurement, d'autres catégories,<br />
objets d'inteminables controverses, remplaceront celui-ci : déficience<br />
(avec, par exemple, la charte de I'enfance déficiente, en 1936-1937), in-<br />
adaptation (avec, par exemple, en 1964, la création au ministère de ~'Édu-<br />
cation nationale, d'une sous-direction de l'Enfance inadaptée), handicap<br />
(avec, par exemple, la promulgation de la loi de 1975) 4. Elles continueront<br />
à regrouper les mêmes types d'enfants ou d'adultes et serviront à un<br />
usage institutionnel élargi aux secteurs du travail, de la santé et du social.<br />
La Commission Bourgeois a donné lieu à de nombreux commentaires,<br />
parfois contradictoires, et il n'est guére d'ouvrage ou d'article sur I'éduca-<br />
tion spéciale ou elle n'apparaisse, au détour d'un développement histo-<br />
rique. Une revue de question devrait ainsi renvoyer à la quasi-totalité de la<br />
littérature sur cette éducation. Je citerai seulement, parmi les travaux qui<br />
ont porté sur la fin du xixe siècle et le début du xxe, ceux qui ont proposé<br />
des commentaires substantiels, auxquels nous serons amenées à nous<br />
référer tout au long de ce travail. Ce sont principalement : G. Avanzini,<br />
E. Baumfelder, J. Gateaux-Mennecier, Y. Pélicier et G. Thuillier, B. Ravon,<br />
J. Roca 5. Pourtant, malgré son importance, mis à part mon travail déjà<br />
ancien sur sa composition et sur sa stratégie 6, la Commission Bourgeois<br />
n'a pas fait l'objet de recherches spécifiques. Seuls le rapport à son ori-<br />
gine et ses conclusions générales ont été publiés et nous n'en avons en<br />
réalité qu'une connaissance réduite. Faute de données assurées, les<br />
commentaires n'ont pu jusqu'ici s'appuyer que sur les indications de ses<br />
contemporains et sur son image dans le monde professionnel de I'enfance<br />
handicapée ou inadaptée. Ils restent ainsi largement conjecturels. Les do-<br />
cuments qui en sont issus sont à même de nous donner des éléments<br />
pour éclairer sa réalité et permettre un examen des observations et hypo-<br />
Sur l'usage institutionnel de ces mots en rapport avec les projets législatifs et les évolu-<br />
tions politiques, voir l'ouvrage de J. Roca, 1992 b.<br />
Cf. bibliographie.<br />
M. Vial, 1982.
théses qu'elle a suscitées et plus largement une analyse des processus<br />
en jeu a I'époque autour de l'enfance anormale. Les textes disponibles<br />
n'ayant a notre connaissance jamais été interrogés, il nous a paru utile<br />
aux débats en cours de les publier et d'en entreprendre l'analyse.<br />
Ces textes apparient notamment des données sur :<br />
- les débats notionnels et nosographiques (extension du champ de I'en-<br />
fance anormale, conception des différentes « anorrnalités », vocabulaire<br />
et nomenclatures) ;<br />
- le jeu des alliances el des conflits entre les partenaires sociaux et les<br />
personnes : rivalités et conflits professionnels ou idéologiques (inédu-<br />
cables, rôle des médecins), souvent réduits par les commentateurs à une<br />
opposition entre les médecins et les enseignants chapitrés par Binet et<br />
par Simon ;<br />
- les débats institutionnels : quelles institutions, quels personnels, pour<br />
quels anormaux (classes, écoles, internats ; privé, public ; école ou insti-<br />
tutions d'assistance) ?<br />
Après leur etude, beaucoup de points d'interrogation subsistent. Cela<br />
tient à leurs silences, mais aussi au fait que les débats étaient alors plus<br />
confus qu'on ne l'imagine couramment. La force de l'énonciation, la répé-<br />
tition des mêmes formulations chez différents auteurs, anciens ou actuels,<br />
aboutissent à transformer en idées allant de soi des énoncés qui n'étaient<br />
au départ que des opinions inscrites dans le contexte de I'époque, ou qui<br />
constituent aujourd'hui des hypothèses de recherche. Les questions sans<br />
réponse nous ont paru aussi éclairantes, pour les débats actuels, que les<br />
données apportées.<br />
Notre projet vise également 01 contribuer à la préservation d'un patri-<br />
moine unique et fragile (feuilles volantes manuscrites dont les annotations<br />
au crayon tendent peu à peu à s'effacer et le papier à s'abîmer), en rédui-<br />
sant le nombre de consultations des originaux. Quelles que soient les<br />
précautions prises, celles-ci entraînent un risque évident de disparition et<br />
de détérioration : l'un des écrits est déjà incomplet (texte 8) et l'on doit
destinées B l'éducation des enfants anomaux. Elle fait suite aux conclu-<br />
sions d'un rapport demandé par le ministre à M. Chariot, inspecteur géné-<br />
ral de I'lnstruction publique, sur « la situation au point de vue scolaire des<br />
anormaux physiques, intellectuels ou moraux » (texte 1). Selon le député<br />
Paul Chautard, ce rapport découle des débats de la Chambre des députés<br />
sur les sourds et les aveugles (mai 1904) : « Dépôt par M. Tournade d'un<br />
projet de résolution tendant A la crdation d'écoles régionales de sourds-<br />
muets et d'aveugles en Age de scolarité. » « L'urgence fut déclarée et le<br />
projet de résolution renvoyé B le Commission de l'Enseignement. La<br />
Commission demanda au Ministre de I'lnstruction publique de fournir les<br />
dléments d'appréciation nécessaires, et ce fut l'objet d'une étude et d'un<br />
rapport de M. Marcel Charlot ll. » Ce rapport, qui s'attache à l'ensemble<br />
des anormaux, avait en fait été precédé d'une première mission « relative<br />
à la situation des enfants arriérés ou anormaux à l'étranger » confiée à un<br />
certain docteur Gauraud et ce serait à la suite de cette mission, dont les<br />
résultats l'avaient « vivement intéressé », que le ministre aurait demandé<br />
une 6tude à M. Charlot.<br />
L'ensemble des eléments disponibles ne permet guère de savoir<br />
comment la commission a travaillé. Une lettre de Léon Bourgeois fait état<br />
de procès-verbaux des réunions 12. On n'en trouve pas trace dans aucun<br />
des fonds d'archives consultés : Musée national de l'Éducation 13, lnstitut<br />
Gustave Baguer 14, Sénat, Assemblke nationale, ministère de I'lnstruction<br />
publique (série F17 des Archives nationales), ministère de l'Intérieur. Au-<br />
cun document issu de la commission n'est mentionné dans l'inventaire<br />
imprimé des Archives nationales ; aucun ne figure ni dans les dossiers<br />
aux noms de Léon Bourgeois et de Paul Strauss 15, ni dans les archives<br />
l1 P. Chautard, 4910, p. 6.<br />
l2 Texte 14.<br />
l3 Institut national de la recherche pédagogique, 39, rue La-Croix-de-Vaubois, 76130, Mont-<br />
Saint-Aignan.<br />
l4 35, rue de Nanterre, 92600, Asnières-sur-Seine.<br />
l5 Recherches effectuées aux Archives nationales, avec la collaboration de Françoise<br />
Mandelbaurn-Reiner.
privées de Léon Bourgeois conservées au ministère des Affaires étran-<br />
gères et aux Archives départementales du Val de Marne 16.<br />
Des informations succinctes sont données dans les Bulletins de la<br />
Soci6t6 libre pour I16tude psychologique de i'enfant (SLEPE), sous la si-<br />
gnature de Binet. « Nous tiendrons le Bulletin exactement au courant des<br />
travaux de la commission )) précise l'avis qui annonce sa création 17. Il<br />
invite tous nos collègues qui auraient réuni des documents ou des ob-<br />
servations utiles, concernant les enfants anormaux, à les communiquer »,<br />
soit au secrétaire général de la SLEPE, soit à l'un des sociétaires, mem-<br />
bres de la commission ministérielle, mais aucun document ne laisse sup<br />
poser que des observations ont été communiquées. Un article portant sur<br />
le (( passé et l'avenir )) de la SLEPE rappelle le nom des quatre socié-<br />
taires (Baguer, Binet, Lacabe, Malapert) nommés membres de la commis-<br />
sion et on ne trouve plus, avant la publication des conclusions, que deux<br />
courts résumés de ses travaux 18.<br />
Selon la SLEPE, la commission (c a siégé un grand nombre de fois<br />
pendant l'année 1904-1905, sous la présidence de M. Léon Bourgeois l9 »<br />
et selon Vaney (qui n'en était pas membre), « pendant le mois de dé-<br />
cembre 1904 », elle (( s'est réunie plusieurs fois sous la présidence de<br />
M. Léon Bourgeois 20. » En fait, Léon Bourgeois a présidé les deux premières<br />
séances, les le' et 15 décembre 1904. Par la suite, la commission<br />
(( s'est réunie plusieurs fois, en [son] absence [...] sous la présidence de<br />
M. Strauss 21 ». Baguer parle de (( nos brèves séances * », ce qui évoque<br />
des débats peu approfondis. Binet souligne pourtant (( l'opiniâtreté » avec<br />
l6 Selon les renseignements obtenus auprès des responsables de ces deux fonds, nombre<br />
d'archives privées de Léon Bourgeois seraient régulièrement mises en vente. Beaucoup<br />
auraient été brûlées en 191 4, lors du transfert du gouvernement à Bordeaux.<br />
l7 A. Binet, 1904 b.<br />
le A. Binet, 1905 b et 1905 c.<br />
lg SLEPE, 1906, ne 28, janvier, p. 57.<br />
20 V. Vaney, 1906, p. 94.<br />
21 A. Binet, 1905 b et 1905 c.<br />
22 Texte 9.
laquelle il est « revenu B sur 8e nécessité de méthodes scientifiques pour<br />
reconnaître les anomaux 23 : est-ce en séance plénière ?<br />
La commission a délégu6 l'essentiel de son travail à des sous-commis-<br />
sions : rédaction du questionnaire destiné à procéder à une enquête sur le<br />
nombre des anormaux en France (texte 3), préparation de ses proposi-<br />
tions institutionnelles et pédagogiques (textes 8 à 12) et sans doute travail<br />
sur les anormaux médicaux 24. Comment les sous-commissions ont-elles<br />
fonctionné ? BI semble que celle chargée du questionnaire d'enquête ait, à<br />
son tour, déléguk son travail B Baguer 25. On ne peut pas savoir si elle<br />
s'est vraiment rbunie. Quant B la sous-commission pédagogique, elle s'est<br />
réunie cinq fois et a visiQB plusieurs établissements spécialisés 26.<br />
Les écrits recsns$s ne vont pas au-delà de 1905. Léon Bourgeois<br />
6voque « le souvenir des dix mois pendant lesquels mes collègues, multi-<br />
pliano les séances de la commission plénière et des sous-commissions<br />
techniques, les visites aux principaux établissements d'anormaux, les<br />
consultations, les examens des dossiers [...] hâtaient le moment où les<br />
solutions donnees pair eux pourraient se traduire en textes de lois et en<br />
P.$glernents 27 ». Le iappori de la sous-commission pédagogique est pré-<br />
sent6 des avril 4905 et les conclusions de la commission plénière sont<br />
publiées, pour la premibre fois, en janvier 1906 28.<br />
Pourtant, il semble que la commission ait continué à fonctionner bien<br />
après cette date 29. En 'i 907, Bourneville écrit « Cette commission ... paraît<br />
devoir aboutir prochainement B des conclusions conformes au programme<br />
23 A. Binet, 4907 b, p. 764.<br />
24 Selon M. Charlot, 4 906, p. 481.<br />
25 Cf. plus loin, p. 49.<br />
26 Texte 4 4.<br />
27 In A. Binet, Th. Simon, 1907, p. MI.<br />
28 SLEPE, 1906, no 28, janvier (Texte 42).<br />
29 Selon E. Baumfelder, ses travaux cc vont durer cinq années ». Cet auteur semble attribuer<br />
I la commission les rapports parlementaires présentés à la Chambre en 1907 et 1908.<br />
(4 983, p. 250 et 279).
défendu par nous m. )) En 1913 encore, un texte dactylographié envoyé<br />
par Baguer à tdouard Herriot indique : M. Léon Bourgeois - qui préside<br />
depuis 1904 la Commission nommée par le ministre de l'Instruction pu-<br />
blique pour étudier les conditions dans lesquelles la loi sur l'obligation de<br />
l'enseignement pourrait être appliquée aux enfants anormaux - me rap<br />
pelait hier la nécessité urgente d'obtenir une solution 31. »<br />
LES ACTEURS<br />
Le psychologue Alfred Binet et le directeur de l'Institut départemental<br />
des sourds-muets dfAsnières, Gustave Baguer ont manifestement joué un<br />
rôle central. Baguer en rédigeant le questionnaire d'enquête 32, Binet en<br />
tant que rapporteur de la sous-commission pédagogique. Ce dernier se<br />
présente comme (( le rapporteur des travaux de [la] commission en ce qui<br />
concerne les arriérés et les instables 33 ». Les conclusions finales, non<br />
signées, reprennent largement son rapport de sous-commission, mais<br />
avec des modifications non négligeables et parfois en désaccord avec ses<br />
idées M. On ne peut savoir dans quelles conditions a été produite la ré-<br />
daction définitive.<br />
Hormis une étude de Mlle Filoleau-Stupuy et une de Bourneville, il<br />
n'existe aucun texte signé des autres membres de la commission et rien<br />
ne permet de savoir quelle a été leur participation effective 35. On ne peut<br />
D.M. Bourneville, 1907, p. 1.<br />
31 G. Baguer, Lettre du 23 mai 1913, Coll. INRP, Dossier 3701/10640.<br />
32 Texte 3.<br />
3 3 ~ Binet, . Th. Simon, 1907, p. 14.<br />
Cf. plus loin, p. 271 sq.<br />
35 A rencontre de ce qu'indique B. Ravon, Binet n'est pas président de la commission. Ce<br />
n'est pas un u décret B qui la crée et sa nomination ne consiste pas à a transformer » la<br />
commission de la SLEPE sur les anormaux. Je n'ai trouvé aucun écrit montrant que ses<br />
premiers travaux usont coordonnés par Binet, qui avec trois autres membres de la<br />
SLEPE (Baguer, Lacabe et Malapert) lui donnent une orientation définitive u (B. Ravon,<br />
1993, p. 173, n. 1 et p. 177). Bizarrement, M. Fardeau et Z. Weygand font participer
pas connaître les positions de la totalité des participants. L'absence de<br />
comptes rendus, ou même de simples résumés des débats, empêche<br />
d'analyser les 6ventuels conflits, alliances ou interventions tactiques, à<br />
I'euvre au cours des r6unions.<br />
Bourneville et Binet s'y sont-ils affrontés ? Si Bourneville a été présent,<br />
c'est probable. En effet, c'est des 4905 (avec la parution des articles de<br />
Binet et de Simon dans i'Année psychologique) que leur conflit par p"bli-<br />
calions interposees devient public %. Mais on peut se demander quelle a<br />
$Pb la participation de l'aliéniste aux réunions. S'il y avait été assidu, on<br />
pourrait s'étonner qu'il ait laiss6 passer sans y répondre par écrit, un texte<br />
comme celui sur les asiles-écoles 37 (mais celui-ci est peut-être postérieur<br />
B 'i1905, voire sala d6cès de Bourneville). Bourneville a certainement été<br />
associ6 au débat sur les classifications, mais on ne peut savoir selon<br />
quelle procédure. Sa seule contribution date en réalité de 1896 et il ne<br />
semble pas I'avoir lui-même pr6sent6e Sa désignation comme membre<br />
des sous-commissions a pu se faire en son absence et n'implique pas qu'il<br />
ait été présent ài leurs r6unions. Sa participation à la sous-commission<br />
p6dagogiclue a pu se limiter à l'accueil à Bicêtre de ses membres qui y ont<br />
(( étudié spécialement )) les méthodes pédagogiques 39.<br />
Bourneville ne figure pas parmi les sociétaires de la SLEPE énumérés<br />
par Binet comme membres de la Commission Bourgeois. Ce fait plaide<br />
fortement en faveur de l'hypothèse selon laquelle il n'a pas réellement<br />
participé à son travail. II figure en effet dans la liste des adhérents de la<br />
SLEPE établie au le' janvier 4905, ainsi que dans les listes ultérieures. II<br />
est nommé parrni les membres de la commission sur les enfants anor-<br />
Simon à la commission (1 991, p. 122) et J. Roca en fait l'un des auteurs de ses classifica-<br />
tions (1 990 a, p. 55 et 1992 a, p. 1 23).<br />
%Selon E. Baumfelder, Bbdorez, Baguer, Binet, Charlot a étaient tous réticents, sinon<br />
hostiles au projet de collaboration avec Bourneville D (1983, p. 195). Je ne partage pas ce<br />
point de vue, en ce qui concerne Baguer et Charlot.<br />
37 Texte 8.<br />
38 Texte 4.<br />
39 Cf. plus loin, texte 4 4.
maux créée par cette société 40, commission qui se propose notamment<br />
des études sur les enfants de Bicêtre, mais on ne le voit jamais parmi les<br />
intervenants, ni parmi ceux qui présentent des communications. Les tra-<br />
vaux effectués à Bicêtre sont exposés par son collaborateur Joseph Boyer.<br />
En 1904, l'aliéniste a alors 64 ans et quittera Bicêtre, au 31 décembre<br />
1905. Pourtant, selon J. Poirier, l'un de ses biographes 41, « il est légitime<br />
d'affirmer qu'en 1904-1 905, Boumeville continuait à avoir une activité<br />
scientifique conséquente dont témoignent des publications, certes moins<br />
abondantes qu'auparavant, mais malgré tout encore assez nom-<br />
breuses 42 ». Aprés sa retraite, « le préfet de la Seine ne voulant pas se<br />
priver de ses services, le maintint Médecin de la Fondation Vallée qui ne<br />
dépendait pas de l'Assistance publique 43 ». En 1907, « malgré son grand<br />
âge », il « fait lui-même parcourir en détail toutes les classes et tous les<br />
services des deux établissements qu'il dirige encore », la Fondation Vallée<br />
et l'Institut médico-pédagogique de Vitry-sur-Seine (qu'il dirige jusqu'en<br />
1909), à la mission lyonnaise venue enquêter à Paris sur l'éducation des<br />
anormaux 44. Malgré une alerte grave en 1901, rien n'étaye l'hypothèse,<br />
sur laquelle je me suis arrêtée, selon laquelle son état de santé rendait<br />
peu probable sa présence aux réunions de la Commission Bourgeois.<br />
Inversement, les affirmations couramment développées aujourd'hui selon<br />
lesquelles I'aliéniste en aurait été écarté et ses positions occultées dans<br />
les débats ne sont pas confirmées par la documentation que j'ai eue en<br />
mains. Non seulement l'aliéniste est membre de la commission, mais<br />
celle-ci le nomme dans sa sous-commission pédagogique (1 1 personnes)<br />
et dans sa sous-commission chargée de rédiger le questionnaire d'en-<br />
quête (4 personnes). Loin de vouloir ignorer son action et ses revendica-<br />
tions, elle semble au contraire avoir tenu à l'associer pleinement à sa<br />
40 SLEPE, 1904, no 15, mars, p. 406.<br />
41 Cf. J. Poirier, J. Signoret et al., 1991.<br />
42 J. Poirier, Annexe, p. 320-321.<br />
43 M. Harburger, 1973, p. 16.<br />
44 G. Beauvisage, 1907, p. 11.
éflexion. À supposer que l'aliéniste n'ait pas ou ait peu participé à son<br />
travail, ce n'est pas du fait de Ba commission.<br />
On peut alors se demander si, malgré la continuité de son combat en<br />
faveur de classes sp6ciales, celle-ci a figuré parmi les priorités de l'alié-<br />
niste. A-%-il estin16 Ia question suffisamment avancée et bien défendue<br />
dans cette commission comme A la SLEPE, par Baguer, Mesureur et<br />
Strauss qui y soutiennent ses points de vue les plus importants ? Leur a-t-<br />
il en quelque sorte d6l6gu$ son action sur des problèmes qu'il continue à<br />
suivre par ailleurs 45 5 9« Malheureusement », écrit J. Poirier, «je ne dis-<br />
pose d'aucun texte me pemettant de confirmer ou d'infirmer la participa-<br />
lion effective de Bourneville B la Commission Bourgeois 48 ».<br />
bai comrnis~ion semble s'être penchée, comme le voulait l'arrêté de<br />
J. Cheurnié, sur l'ensemble des enfants anormaux. La classification qu'elle<br />
relient intègre sourds, aveugles el enfants dits anormaux médicaux (idiots,<br />
imbQciles, Upileptiques ...). « ha Commission nommée en octobre pour<br />
duceli el ion des enfants anomaux pourra sans doute présenter un rapport<br />
d'ensemble vers P3ques », écrit Baguer, en mars 1905 47. Mais le rappori<br />
de la sous-commission pQdagogique, les contributions sur l'éducation<br />
manuelle et i'enseignement professionnel (G. Baguer, Mlle Stupuy) et les<br />
conclusions génArales qui proposent « tout un plan d'organisation sco-<br />
laire 48 » portent sur les seuls arriArés et instables. C'est sur elles que<br />
45 En 1908, il fait encore voter un voau demandant la création d'écoles spéciales de perfec-<br />
tionnement (J. Poirier, Annexe).<br />
4e J. Poirier, Annexe. En 1983, E. Baumfelder notait déjà : « J'ai tenté en vain de retrouver<br />
trace » des rencontres de Binet et de Bourneville, u puisqu'ils étaient membres de la<br />
même commission ministérielle a (1 983, p. 17).<br />
47 Lettre à Henri Tournade, INJS, dossier a Projet Tournade 1904 », chemise ((Asnières,<br />
Lettres de G. Baguer n, 5 mars 1905.<br />
48 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 6.
s'appuiera, en en limitant encore la portée, la loi du 15 avril 1909 créant<br />
des classes et des écoles de perfectionnement destinées aux arriérés.<br />
C'est des arriérés et des instables, « spécialement que [la commission]<br />
s'est préoccupée pendant l'année 1905 », dit la présentation de ce projet à<br />
la Chambre 49.<br />
Les documents ne permettent pas de savoir si une sous-commission<br />
sur les sourds et les aveugles a fonctionné. Baguer avait adressé aux<br />
membres de la commission un rapport de M. Hugentobler, directeur d'un<br />
établissement spécialisé, sur les écoles régionales destinées à ces en-<br />
fants. II se proposait de distribuer également le projet de résolution rédigé<br />
par le député Henri Tournade sur la création de telles écoles 50. En 191 0,<br />
le radical-socialiste Paul Chautard, présentant un projet de loi sur I'ensei-<br />
gnement destiné aux sourds et aux aveugles, le fait découler de la<br />
commission : « Ses travaux ont eu pour conclusion le projet de loi que<br />
nous rapportons 51. » Je n'ai trouvé ni écrit portant spécifiquement sur les<br />
sourds et les aveugles, ni commentaire évoquant des débats ou des<br />
conclusions sur ces enfants. Baguer n'en fait jamais état. II parait cepen-<br />
dant difficile d'interpréter la phrase de Chautard comme une simple affir-<br />
mation rétrospective, visant à rattacher son projet à une action gouverne-<br />
mentale plus vaste et à des travaux qui font autorité. La commission dans<br />
son ensemble, ou tout au moins certains de ses membres, ont dû aborder<br />
la question (peut-être aprés la remise des conclusions sur arriérés et<br />
instables).<br />
En 1908, à la Chambre des députés, F. Rabier affirme : « sous la dé-<br />
nomination d'anormaux médicaux », la commission a « précisément re-<br />
poussé » les enfants « pour lesquels l'hospice doit remplacer l'école 52 ».<br />
Selon Baguer, « elle décida tout d'abord de laisser aux asiles de l'Assis-<br />
49 A. Fallières, G. Clemenceau, A. Briand, J. Caillaux, 1907, p. 3.<br />
Lettre a Henri Tournade, INJS, dossier c Projet Tournade 1904n, chemise asn nier es,<br />
Lettres de G. Baguer B, 1 1 octobre 1904.<br />
'' P. Chautard, 1910, p. 7.<br />
52 F. Rabier, 1908, p. 5.
lance publique [...] les sujets trop profondément atteints pour que la<br />
médico-g8ciagogie puisse les rendre jamais à l'utilisation sociale 53 ». Une<br />
des contribations, non signe@ mais probablement de Binet, porte pourtant<br />
sur les asiles et les anormaux m6dicaux qui semblent avoir fait l'objet d'un<br />
travail spécifique. « Sans doute, notre commission avait surtout à se<br />
pr@occuper des arriérbs, des instables, des enfants atteints de cécité ou<br />
de surdité-mutit$, de ceux en un mot qu'une pédagogie spéciale peut<br />
amener au niveau commun, ou du moins en rapprocher. Mais les catégories<br />
inférieures sur lesquelles je viens de jeter un coup d'œil, et dont une<br />
de nos sous-commissions s'occupe d'ailleurs tout particulièrement, nous<br />
ont singu!ièrement Qrnus et troublbs 54. » Une sous-commission aurait<br />
donc existé et continu6 à fonctionner, après 1905. Aucun texte ne témoigne<br />
de ses travaux. Les anormaux médicaux sont mentionnés dans le<br />
questionnaire d'enquête, mais lai Note compl6mentaire proposée par la<br />
commission pour aider ài la statistique des anormaux leur fait une place<br />
r6duite (Texte 6). Est-ce parce qu'à la différence des arriérés et des instabies,<br />
ils paraissent faciles A distinguer des autres enfants ? Pas plus<br />
que pour les sourds et les aveugles, il n'est besoin de longs discours pour<br />
que les maîtres puissent les &signer: « Les parents, un infirmier, suffiraient<br />
A reconnaître qu'un idiot, un imbécile ne sont point normaux 55. »<br />
Est-ce parce que, comme le suggkre M. Chariot, ils ne constituent pas<br />
alors ta pr6occupation prioritaire 4 Est-ce enfin parce que les débats les<br />
concernant (faut-il Qduquer les idiots ?) sont trop aigus et que la commission<br />
n'est pawenue à aucun accord ? Aucun document ne montre qu'elle<br />
ait abouti à des conclusions. Aucun 'commentaire de Baguer n'en fait<br />
6taP 56. L'idée selon laquelle Chaumié aurait nommé la commission pour<br />
s'occuper des seuls instables et arriérés se répandra très vite, y compris<br />
sous la plume de Baguer: « M. le Ministre de l'Instruction Publique, par<br />
53 G. Baguer, 1943, p. 562.<br />
54 M. Charlot;, 1906, pp. 484-482.<br />
55 A. Binet. Th. Simon, 1905 c, p. 295.<br />
56 Peut-on dire que, sur i'kducation des idiots et des imbéciles des discussions passion-<br />
nées opposèrent d la Commission Léon Bourgeois médecins et éducateurs » (Y. Pélicier,<br />
G. Thuillier, 4980, p. 475) ?Je n'ai trouvé aucun document en témoignant.
décision en date du 4 Octobre 1904 nomma une Commission interministé-<br />
rielle chargée de rechercher les conditions dans lesquelles l'instruction<br />
primaire et l'enseignement professionnel pourraient être assurés aux arrié-<br />
rés et instables perfectibles, les enfants trop atteints dits anormaux<br />
médicaux devant rester dans les asiles hospitaliers dépendant de I'Assis-<br />
tance Publique 57. »<br />
Les documents<br />
Les seuls manuscrits disponibles semblent être ceux présents dans les<br />
Collections historiques de I'INRP, cartons 3701 et 3703 des Archives de<br />
l'enfance anormale Peu nombreux, ces documents ne se répètent pas<br />
et sont tous pertinents pour comprendre l'action de la commission. Nous<br />
les éditons donc intégralement. Les textes 5 et 8 figuraient anciennement<br />
dans ces collections, mais n'y ont pas été retrouvés lors d'une recherche<br />
récente et ont été reproduits d'après des photocopies anciennes. D'autres<br />
textes, publiés à l'époque ou plus tardivement, peuvent être consultés en<br />
bibliothèque (textes 1 et 12). Dans la mesure où le lecteur peut souhaiter<br />
avoir à sa disposition, sans recherches supplémentaires, tous les écrits<br />
intéressant la commission, il nous a semblé plus satisfaisant de les faire<br />
entrer dans cette publication.<br />
Nombre des manuscrits reproduits sont à en-tête du ministère de I'lns-<br />
truction publique, « Commission des Enfants anormaux », ou « Commis-<br />
sion pour l'Éducation des Enfants anormaux ». Lorsque ce n'est pas le<br />
cas, leur titre ou leur contenu indique clairement leur provenance. Tous ne<br />
sont pas datés, mais les intitulés ministériels apportent parfois des préci-<br />
57 G. Baguer, Rapport à Monsieur le Prefet de la Seine, 27 janvier 191 9, Arch. Asnieres.<br />
Présentation de ce fonds d'archives, M. Vial, 1993. Des photocopies de nombre d'entre<br />
eux figurent, avec celles de documents empruntés à d'autres musées, dans B. Benoît,<br />
1973-1 974.<br />
22
sions. Sous le cabinet Combes, 7 juin 1902 - 18 janvier 1905 : « Ministère<br />
de I':nstrudion publique et des Beaux-Arts ». Sous les cabinets Rouvier,<br />
24 janvier 7905 - 9 mars 1906 : « Ministère de l'Instruction publique, des<br />
Beaux-Arts et des Cultes D.<br />
Sont successivement présentes :<br />
- deux des textes initiateurs : rapport Charlot et arrêté nommant la<br />
commission (textes 1 et 2) ;je n'ai pas trouvé trace du rapport du docteur<br />
Gauraud « relatif A la situation scolaire des enfants arriérés ou anormaux<br />
B I'ePranger » ; annonc6, des novembre 1904, à paraître prochainement<br />
» dans ka Revue p6clagogique 59, on ne le trouve ni dans le numéro<br />
de décembre, ni dans les numéros de 1905 et 1906 de cette revue et il<br />
ne semble pas avoir 616 publi6 ;<br />
- des classifications : deux notes avant l'enquête (textes 3 et 6), deux<br />
contributions (texies 4 et 5), une note après l'enquête (texte 7) ;<br />
- des tex-les institutionnels et p6dagogiques : trois contributions théma-<br />
Piques (textes 8 ài IO), le rappori de la sous-commission pédagogique<br />
(texte 4 l), les conclusions générales (texte 12) ;<br />
- deux lettres, ayant trait A la commission.<br />
Les réponses à l'enquête sur les anormaux organisée à l'initiative de la<br />
commission et le manuscrit de ses conclusions n'ont pas été trouvés,<br />
dans les archives consultées.<br />
'i. Chaque texte est précédé d'une courte introduction qui le situe (au-<br />
teur, destinataires, contexte ...) el en indique les caractéristiques maté-<br />
rielles et graphiques et éventuellement les problèmes de datation et les<br />
différentes versions. Chacun est suivi d'un commentaire dans lequel, sans<br />
59 4904, no 4 1, 45 novembre, p. 475, no 1.
evenir sur des analyses déjà publiées auxquelles nous renvoyons, nous<br />
nous attachons Ci confronter les différents écrits entre eux et à les situer<br />
par rapport aux écrits qui leur sont contemporains et aux textes institution-<br />
nels ultérieurs. Lorsque les textes sont signés, nous tentons de les situer<br />
dans la pensée de leurs auteurs et de contribuer aux débats actuels les<br />
concernant.<br />
Le document est repéré par une bordure en marge gauche.<br />
2. La graphie s'efforce de respecter celle des originaux (enrichisse-<br />
ments graphiques, place des majuscules). Les fautes manifestes (frappe<br />
ou copiste) ont été corrigées. II n'a pas toujours été facile de distinguer les<br />
caractères gras ou italiques. Nous avons tranché en tenant compte de la<br />
logique de présentation des originaux.<br />
3. Les signes < > indiquent qu'il y a doute sur le texte.<br />
Exemples :<br />
- < ? > : mot (ou mots) illisible (ou illisibles) ;<br />
- inégaux < différents > : les deux mots sont possibles, mais le premier<br />
paraît plus vraisemblable ;<br />
- < on > : mot probable, mais non certain.<br />
En cas de doutes concernant la ponctuation, notamment virgules et<br />
points-virgules, nous avons retenu la plus plausible.<br />
4. Toutes les mentions placées entre crochets sont ajoutées par nous.<br />
Exemples : [sic], [brouillon du texte suivant], [En travers, sur l'en-tête],<br />
[Ajout au-dessus de la ligne] ...<br />
5. Les passages barrés dans l'original sont transcrits tels quels.<br />
6a. Les passages comportant des corrections autres que des ratures<br />
sont transcrits dans leur version finale. Ils sont suivis d'un appel de notes<br />
entre crochets. Les notes correspondantes figurent en fin de document,<br />
avec un appel de notes lui-même entre crochets. Dans ces notes, ces
passages sont reproduits en caractères gras et nos remarques les<br />
concernant sont portées entre crochets.<br />
Exemple.<br />
Manuscrit :<br />
/* !, .,: i,. ,<br />
Transcription du texte :<br />
« Déjà bien des villes importantes, bien des départements auraient pris<br />
l'initiative de pourvoir à la plus grosse part des dépenses pour l'éducation de<br />
certains groupes d'anormaux si l'État n'avait pas décliné la charge, que la loi<br />
lui impose cependant, d'assurer pour tous les enfants, le traitement légal du<br />
personnel enseignant. [9] ))<br />
Note [9]<br />
[9] n'avait pas déclin6 la charge que la loi lui cependant<br />
, .<br />
« asseQte » a été ajouté et barré au-dessus du passage précédent barré.<br />
Le passage comme c'est son devoir )) a été barré et déplacé.<br />
6b. D'autres passages sont de même suivis d'un appel de notes entre<br />
crochets. Ce sont ceux qui nous ont paru appeler des commentaires parti-<br />
culiers reportés également dans les notes en fin de document : remarques<br />
d'auteurs de l'époque, remarques techniques ou de contenu, non reprises<br />
dans le commentaire général.<br />
6c. Pour chaque texte, on trouvera ainsi trois types de notes :<br />
- des notes figurant dans le manuscrit lui-même, indiquées explicitement<br />
comme telles ;<br />
- nos notes de fin de document (ci-dessus présentées), avec des appels<br />
de notes entre crochets ;<br />
- nos notes de bas de page, avec une numérotation continue pour chaque<br />
chapitre.
Textes initiateurs<br />
Par<br />
Msnique Vial
Texte 1<br />
Inséré par son auteur, en 1906, dans une étude intitulée « L'éducation des<br />
enfants anormaux ' a, ce texte avait QB diffusé dès 1904, avec i'arrêté instituant la<br />
commission et la liste de ses membres, par la grande presse et par les revues<br />
spécialisées 2, tandis que d'autres publications informaient de sa parution ou en<br />
présentaient le r&sum& 3. En 1905, Bourneville en publie une prksentation<br />
commentée ' et, dans YAnnuaire & l'enseignement primaire, figure un résumé,<br />
suivi de i'arrête nommant te commission, mais avec les seuis noms des membres<br />
appafienant aux pouvoirs publics (sadministrateurs et parlementaires)<br />
Le texte avait fait l'objet d'une impression, dans le format des linpressions<br />
paPlementaires, mais sans num6ro. II en existe un exemplaire incomplet, en<br />
feuiileç volantes, dans les archives de l'Institut national de jeunes sourds de<br />
Paris @. II est truffb de coquilles non corrigées. C'est sans doute une épreuve d'un<br />
document officiel, mais je n'ai Prouvk aucune trace d'un tel document, auquel la<br />
litlérature de I'époque ne fait pas r4Nrence. Cette impression semble avoir été<br />
largement diffusée. En effet, la presse en reproduit le texte qui annonce le rapport,<br />
ainsi que celui qui présente les membres de la commission, dont la liste conserve<br />
souvent les erreurs d'orthographe : Baquer pour Baguer ; Gaurand pour Gauraud.<br />
Le texte publié ici en reprend la prdsentation, qui semble celle retenue par la<br />
commission. Une coupure du journal Le Temps - qui, toui en corrigeant les co-<br />
quilles, la retranscrit intégralement - est en effet annexée au document intitule :<br />
a Nola pow un projet de statistique des enfants anormaux x, (texte 3).<br />
M. Charlot, 1906, pp. 474486.<br />
Le Temps, 6 oct. 4904 ; 7 oct. f 9ü4 ; L'Assistance, 1904, p. 83-86 ; La Revue p6dagogique,<br />
15 nov, 1904, na 4 4, pp. 475-476. ..<br />
L'Opinion nationafe, 6 oct. 1904 ; ~'Éc~air, 7 oct, 1904 ...<br />
RCT, 1905, pp. CXX-CWI.<br />
In F. Martel, 1905, pp. 407-408.<br />
INJS, Dossier E( Projet Tournade, f 904 .a, chemise t< Projet Tournade, 1904 B.
Pour les enfants arriérés ou anormaux<br />
À la suite d'une mission confiée au docteur Gauraud relative à la situation<br />
des enfants arriérés ou anormaux à l'étranger, et dont les résultats l'avaient<br />
vivement intéressé, M. Chaurnié a chargé M. Marcel Charlot, inspecteur géné-<br />
ral de l'instruction publique, de lui fournir un rapport sur la situation au point<br />
de vue scolaire des anormaux physiques, intellectuels ou moraux.<br />
Voici le rapport de M. Marcel Charlot.<br />
Pan>, ie 30 septembre. [l]<br />
Monsieur le ministre,<br />
La loi du 6 mars 1882 dit, dans son article 4, que ((l'instruction primaire<br />
est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize<br />
ans révolus ». Mais il est une catégorie d'enfants à qui, jusqu'ici, la loi n'a pas<br />
été appliquée : ce sont les sujets qui, soit au point de vue physique, soit au<br />
point de vue intellectuel ou moral, ne se trouvent pas dans des conditions<br />
normales pour recevoir l'enseignement commun.<br />
L'instituteur public ne peut accepter ni encore moins garder dans sa classe<br />
des enfants incapables de prendre part aux exercices scolaires et dont la présence<br />
retarderait la marche des études et serait une cause de désordre, parfois<br />
même de scandale. Ces éliminations s'imposent dans l'intérêt de l'immense<br />
population normale des enfants de nos écoles.<br />
Mais ce n'est pas envers celle-là seulement que l'État a des devoirs à remplir.<br />
Ses obligations ne sont pas moins strictes, elles ont même un caractère<br />
plus impérieux à l'égard des malheureux êtres d'exception : anormaux physiques,<br />
anormaux intellectuels, anormaux moraux. La société a sa part de<br />
responsabilité dans des tares qui sont, le plus souvent, le résultat de l'hérédité<br />
ou du milieu : elle doit donc prendre à sa charge la réparation ou l'atténuation<br />
de ces misères. Et ce qui est son devoir est égaiement son intérêt. Laissés à<br />
l'état de nature, les anormaux ne cesseront, pendant toute leur vie, d'être pour<br />
la collectivité, une lourde dépense. Au contraire, habilement et humainement<br />
traités par les nouvelles méthodes scientifiques [2], ils ne seront plus
condamnés à demeurer irrémédiablement des non-valeurs sociales, des para-<br />
sites onéreux et nuisibles, mais ils prendront une part, plus ou moins impor-<br />
tmte, dans le travail commun, et un certain nombre d'entre eux en viendront<br />
peut-être un joua à faire, pour la société, presque autant qu'elle aura fait pour<br />
eux.<br />
Le législateur de 1882 n'avait pas méconnu cette conséquence du principe<br />
d'obligation, puisque l'article 4 de la loi du 28 mars porte, in /%ne, qu'un<br />
« règlement d'administration déterminera les moyens de donner l'instruction<br />
primaire aux sourds-muets et aux aveugles ». Mais ce règlement, qui reste<br />
encore à faire, n'était destiné, comme on le voit, qu'à deux catégories d'anor;<br />
maux. Il laissait de côté tous ces petits êtres, d'une intelligence lente ou in-<br />
complète, qui ne peuvent sans doute s'accommoder de la discipline et des<br />
programmes appliqués dans nos écoles ordinaires, mais qui ne sauraient non<br />
plus être confondus avec les idiots et les crétins, et traités comme des<br />
incurables. [3]<br />
Le silence de la loi scolaire à leur égard s'explique surtout par ce fait qu'il y<br />
a 22 ans, les études psycho-physiologiques n'avaient pas été poussées aussi<br />
loin qu'aujourd'hui, et tenaient moins de compte de la graduation dans le<br />
classement des anomalies intellectuelles [4]. Or, c'est précisément l'existence<br />
constatée de toutes ces variétés dans les infirmités mentales, et la détermina-<br />
lion de leur curabilité, qui a donné à l'État enseignant la conscience de de-<br />
voirs nouveaux, et qui rend indispensable aujourd'hui l'élaboration du règle-<br />
ment attendu, dont les dispositions devront s'étendre à toutes les catégories<br />
d'anormaux éducables.<br />
Même en ce qui concerne les sourds-muets et les aveugles, on est resté<br />
sous l'influence de cette idée ancienne, que le soin de leur intirmité relève<br />
beaucoup plus de l'assistance que de l'éducation, et que l'intérêt de la société à<br />
leur égard doit se manifester surtout par les secours matériels ou l'hospitali-<br />
sation. Quant au devoir de les instruire, l'État s'en remettait, et s'en rcmet<br />
encore aujourd'hui presque exclusivement à des institutions privées, dont la<br />
plupart sont congréganistes. [5] Le tableau ci-dessous donne la répartition<br />
actuelle des aveugles et des sourds-muets des deux sexes entre les diverses<br />
maisons d'éducation qui leur sont affectées.
' cinq<br />
A veughs<br />
L'Institution nationale,<br />
boulevard des Invalides, reçoit ...................<br />
école Braille (école départementale)<br />
à Saint-Mandé (Seine), reçoit ......................<br />
Une vingtaine d'écoles privées,<br />
répandues dans divers départements,<br />
reçoivent environ ........................................<br />
Garçons Filles<br />
m<br />
Totaux ................................................... 550<br />
Ensemble .......................................................... 900<br />
Sourds-muets<br />
L'Institution nationale de la me<br />
Saint-Jacques, à Paris, reçoit ..............................<br />
école nationale de Bordeaux ........................<br />
école nationale de Chambéry .......................<br />
263<br />
'1<br />
86<br />
II<br />
220<br />
3 8<br />
L'Institut départemental &Asnières .............. 180 120<br />
66 écoles privées, dans divers départements 1594 1568<br />
Totaux ................................................ 2123<br />
Ensemble ...................................................... 4 067<br />
1946<br />
Or, bien que le nombre des sourds-muets et des aveugles en âge scolaire<br />
n'ait pu être établi d'une façon rigoureuse, on est d'accord pour reconnaître<br />
qu'il s'élève approximativement à sept mifle pour les premiers et à quatre ou<br />
dle pour les seconds. Ainsi, plus du tien des sourds-muets et près des<br />
quatre cinquièmes des aveugles sont mis, en quelque sorte, hors la loi scolaire,<br />
où est cependant inscrit, en termes formels, leur droit à l'instruction.<br />
Les arriérés intellectuels et moraux perfectibles, dont le nombre est beaucoup<br />
plus considérable que celui des aveugles et des sourds-muets (on ne l'évalue<br />
pas à moins de quarante mille), sont, au point de vue éducatif, encore plus<br />
délaissés.
La situation s'aggrave chaque jour, et, chaque jour, dans les congrès d'en-<br />
seignement, d'assistance, de médecine, les voix les plus autorisées pressent<br />
l'État de remplir ses obligations. [6] Ce qu'on lui demande, ce n'est pas de<br />
supprimer ou de supplanter l'initiative privée, ni celle des départements et des<br />
communes, à laquelle on doit déjà tant de fructueux efforts, mais de la consi-<br />
dérer simplement comme une auxiliaire dans l'accomplissement d'une tâche<br />
qu'il ne saurait décliner, et que lui seul d'ailleurs peut embrasser dans .son<br />
ensemble.<br />
À quelles méthodes s'arrêtera-t-il ? Quelles classifications établira-t-il entre<br />
les anormaux éducables ? Quel type d'établissement leur destinera-t-on<br />
Comment recrutera-t-il et formera-t-il le personnel enseignant ? Comment,<br />
pour les élèves sortants, ménagera-t-il la délicate et périlleuse transition entre<br />
l'école et la vie ? Mais n'aura-t-il pas, au préalable, à faire le recensement, aussi<br />
rigoureux que possible, des enfants qui ont droit à une de ces éducations<br />
spéciales, et à étudier scrupuleusement les expériences tentées et les résultats<br />
obtenus dans les établissements existants ?<br />
Quoi qu'il en soit, pour préparer une telle œuvre, 1'Etat a les éléments né-<br />
cessaires : les hommes de science, les éducateurs, les praticiens auxquels il<br />
fera appel lui apporteront le concours d'un savoir, d'une expérience, d'un<br />
dévouement auquel aura été rarement fournie une plus belle occasion de<br />
servie l'humanité.<br />
Veuillez agréer, etc.<br />
Marcel CHARLOT<br />
Inspecteur général de l'enseignement<br />
primaire.<br />
Conformément aux conclusions de ce rapport, M. Chaumié a décidé,<br />
d'accord avec le président du conseil, d'instituer une commission chargée<br />
d'étudier la question. pl]<br />
[Il 1904. [ajout manuscrit, encre violette.]
[2] Qu'entend M. Chariot par u nouvelles méthodes scientifiques » ? La médico-<br />
pédagogie proposée par Bourneville ou des pratiques issues des recherches des<br />
psychologues et des pédagogues ?<br />
[3] Commentaire de Bourneville : « M. Charlot semble faire encore une exclusion<br />
au détriment des idiots et des crétins, ceux-ci de plus en plus rares, croyons-nous ;<br />
ceux-là, au contraire, de plus en plus nombreux et quoiqu'on [sic] dise amélio-<br />
rables, même à un degré très prononcé n (RCT, 1905, p. CXXV).<br />
[4] Qu'entend M. Charlot par « la graduation dans le classement des anomalies<br />
intellectuelles » ? Les graduations cliniques établies par les aliénistes ? Celles que<br />
l'on peut établir, à l'aide de questionnaires comme celui du docteur Blin (1902) ?<br />
Celles dont Binet et Simon l'ont peut-être entretenu ?<br />
[5] Commentaire de Bourneville : « En toutes circonstances, partout où l'occasion<br />
s'en est offerte, même dans nos observations médicales concernant des malades<br />
ayant été mal traités, exploités, dans des maisons privées congréganistes, nous<br />
avons insiste pour que l'État, les Dbpartements, les Communes fassent leur devoir<br />
républicain, c'est-à-dire créent des dtablissements laïques pour I'assistance et<br />
l'instruction de tous les malheureux du corps ou de l'esprit, enfants, malades,<br />
vieillards et infirmes et ne comptent en rien sur I'assistance privée » (RCT, 1905,<br />
p. CXXII, note).<br />
[6] Commentaire de Bourneville : « C'est "congrés d'assistance et de médecine"<br />
qu'il conviendrait de dire, car ce sont les médecins qui se sont occupés les pre-<br />
miers depuis un siècle, de I'assistance, du traitement et de l'éducation de ces<br />
malades. Ce n'est que dans ces dernidres annees et surtout depuis notre cam-<br />
pagne pour la création des classes ou des écoles spéciales pour les moins<br />
malades (Imbéciles, arriérés et instables) que les Congrés d'enseignement ont<br />
commencé à s'occuper d'eux. r « Si, dans le monde pédagogique, on ne fait que<br />
commencer à s'intéresser aux anormaux intellectuels et moraux, il y a bien long-<br />
temps que les médecins s'en sont occupés, ont r6clamé pour eux des soins spé-<br />
ciaux, et tenté leur éducation. On ne peut, avant un essai prolongé du traitement<br />
médico-pédagogique, déclarer un enfant incurable. » (RCT, 1905, p. CXXIII, note<br />
et p. CMV-XXVI).<br />
17) [Suit la liste des membres de la commission].
Texte 2<br />
Cet arrêté est paru B plusieurs reprises, à la suite du rapport Charlot.<br />
J'ai repris l'orthographe correcte des noms.<br />
Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts,<br />
Vu la loi du 28 mars 1882 (art. 4)<br />
Arrête :<br />
Art. 1er.- Une commission est instituée Q refet d'értldier les conditions dans lesquelles les<br />
pre~m)tions de ka hi du 28 mars 1882 sur fobhgatc'on smhin pourraient ê t appLquées ~<br />
am enfants anormaux des dem sexes (aveugles, sourds-muets, an$&, etc ...) )).<br />
Aa. 2.- Sont nommés membres de cetle commission :<br />
MM.<br />
Léon Bourgeois, d+trté, anhn président du Conseil, ancien ministre de PInstruclion<br />
pubkque, président.<br />
Baguer, directeur de PInsd!'tut d+~rtementaf des sourds-muets dlAsnières.<br />
Bédorez, directeur de Penseignementpn'm~ire de la Seine.<br />
Binet, directeur du hboratoire d'étudespycbologiques à LI Sorbonne.<br />
Boumeville, docteur, membre du conseil sqérieur de PAssistance publique.<br />
Bruman, conseiller d'État, dirdieur de Padministration d@atfementalé et communah au<br />
ministère de Plnténeur.<br />
Charlot Marcel, in@ecteurgénéral de rInstmcbonpubbque.<br />
Cohen Jacques, docteur en dmt't, chefa$oint du cabinet du mini~tn de fInténet/r et des<br />
Cultes.<br />
Collignon, directeur de fInstitdon nabonale des sourds-muets.<br />
Gasquet, dinctetlr de PEn~eignemenfpnhaiio au mintitère de fInstnlctionptrbLque.<br />
Jost, inspecteurgénéral honoraire de PInstructionpubtique.<br />
Lacabe, inspecteurprimaire à Pan>.<br />
Malapert,pmfesseur de philosophie au Lyke LLo-k-Grand.<br />
Mesureur, dinocteur de fadministration générale de /'Assisfance pubLque à Pan>.<br />
Monod Henri, dipecteur de PAssistance et de L'Hygiène pubbques au minf~fère de<br />
PInténeur.
Pissard, in~ecteurgénéral des services administra@ an minhtère de PInténear,<br />
Robin, directeur de L'Institution nationale desjeunes aveugles à Pans.<br />
Saint-Sauveur (de), ch$ du bureau des Étab~hemenb de bie.faisance at, ministère de<br />
PIntén'eur.<br />
Strauss, sénateur, membre du conseilsupénkur de fAssirumcepubu'que.<br />
Melle Stupuy, directn'ce d'Ede enfantine, à Paris.<br />
Gauraud Docteur Jean, chargé de mission, secre'taiire.<br />
Fait à Paris, le 4 octobre 1904.<br />
Signé : J. Chaumié.<br />
Commentaire<br />
Je résume ici, en précisant certains points, les analyses présentées<br />
dans mes publications passées, où I'on trouvera une étude de la composi-<br />
tion et de la fonction de la commission 7.<br />
Elle rassemble avant tout des notables républicains : neuf hauts fonc-<br />
tionnaires des deux ministères concernés et onze spécialistes que I'on<br />
qualitlerait aujourd'hui d'experts ou d'avis autorisés. Commission d'admi-<br />
nistrateurs et de spécialistes, c'est une instance où des responsables<br />
d'une administration jusque-là inactive s'engagent publiquement aux côtés<br />
des partisans de la création d'un enseignement spécial. Y figurent les<br />
grands noms de la campagne en faveur des anormaux, pour lesquels elle<br />
crée de nouvelles conditions d'action. La place qu'ils y occupent constitue<br />
une sorte de légitimation de leur action. Ils deviennent, à l'intérieur d'une<br />
structure officielle, ceux à qui les pouvoirs publics demandent de guider<br />
leur réflexion. La commission institue pour eux des possibilités d'action sur<br />
certains des hommes qui font marcher l'appareil d'état et par là, leur ouvre<br />
l'occasion d'acquérir un pouvoir à l'intérieur même de cet appareil d'état.<br />
Notamment, M. Vial, 1982, pp. 3443 et 140-143.<br />
36
Elle est sans doute I'un des maillons essentiels de l'action de Baguer qui a<br />
pu y rencontrer les parlementaires (Léon Bourgeois, Paul Strauss) et le<br />
directeur de l'enseignement primaire (Amédée Gasquet), avec qui il sera<br />
ensuite en relation.<br />
Aux deux membres politiques et aux trois directeurs d'établissements<br />
spécialisés, s'ajoutent huit personnes appartenant aux institutions sco-<br />
laires et huit appartenant aux institutions d'assistance. Cinq membres<br />
viennent de la hiérarchie de l'Instruction publique (six, si l'on y ajoute<br />
Mlle Stupuy, directrice d'6cole maternelle) et six de l'administration de<br />
I'Assistance publique, dont trois de ses hauts responsables au ministère<br />
de l'Intérieur. Cette administration est donc présente à part entière dans la<br />
commission, dont la composition témoigne d'une volonté évidente de re-<br />
présentation 6quilibr6e des deux ministères.<br />
La commission est r6solumenP parisienne. Les membres qui n'ont ni<br />
fonction dans les ministQres, ni i61e politique national - eux-mêmes<br />
d'ailleurs parisiens, par leur fonction sinon par leur origine - viennent tous<br />
de Paris ou de la Seine. Je n'ai pas rencontré de commentaire sur ce fait,<br />
qui m'avait d'ailleurs 6chappé dans mes premiers travaux. II est révélateur<br />
du fonctionnement centralisé de notre pays. En 1908-1909, le parisia-<br />
nisme du projet de loi créant classes et écoles de perfectionnement sera<br />
I'un des points en débat au Sénat.<br />
L'école est représentée par quatre personnes haut placées dans la hié-<br />
rarchie, auxquelles s'ajoutent un inspecteur primaire, un professeur de<br />
philosophie et une directrice d'6cole maternelle. Aucun représentant des<br />
associations pédagogiques, ni des amicales ou syndicats d'instituteurs<br />
n'est présent. ha commission n'ai pour objet ni d'entendre les maîtres, ni<br />
de prendre connaissance de leurs demandes et de leurs problèmes. Elle<br />
doit atudier comment instruire les enfants anormaux, quels qu'ils soient,<br />
scolarisés ou non, en considérant la question comme l'affaire des spécia-<br />
listes dont elle doit recueillir les avis. Le poids de ceux-ci, dans son travail,<br />
est confirmé par la composition de ses sous-commissions. La sous-
commission chargée de la confection du questionnaire d'enquête est<br />
confiée à quatre spécialistes : Baguer, Binet, Bourneville et Robin 8. Trois<br />
au moins figurent panni les noms importants de la campagne en faveur<br />
des classes spéciales. La sous-commission pédagogique, chargée d'étu-<br />
dier les mesures à prendre pour les arriérés et les instables, est plus équi-<br />
librée. Mais elle comprend à nouveau Baguer, Binet, Bourneville,<br />
confrontés à six membres de I'lnstruction publique, dont trois de la haute<br />
hiérarchie, et c'est Binet qu'elle prend pour rapporteur (texte 11).<br />
Que dire de la représentation des médecins ? Selon E. Baumfelder,<br />
« De nombreux médecins [...] sont nommés » dans la commission. Je n'en<br />
ai pas trouvé confirmation, mais les responsables de l'Assistance publique<br />
le sont peut-être, sans que ce soit indiqué dans l'arrêté 9. Deux seulement<br />
sont connus, les docteurs Bourneville et Gauraud. A supposer qu'ils soient<br />
les seuls présents, cette sous-représentation traduirait-elle la volonté de<br />
I'lnstruction publique de minimiser leur r61e ? Cela ne me paraît pas certain.<br />
C'est Bourneville qui a initié la campagne en faveur des anormaux et il<br />
reste l'autorité médicale incontournable sur la question. (Faut-il s'étonner<br />
que le rapport Charlot, ne le nomme pas ? Ce texte ne nomme personne<br />
et son argumentaire est emprunté à toute la campagne qui a précédé.)<br />
Quant au docteur Jean Gauraud, je n'ai, à ce jour, trouvé aucun rensei-<br />
gnement sur lui. S'agit-il d'un aliéniste ? S'agit-il d'un médecin-inspecteur<br />
des écoles ? Les orthographes rencontrées (Gaurand, Gauraud, Gouraud)<br />
Et pas seulement r à Binet [...] en collaboration avec Bourneville n, G. Avanzini, 1969,<br />
p. 97. Cf. A. Binet, 1905 b, p. 559.<br />
E. Baumfelder, 1983, p. 250.<br />
'O J. Gateaux-Mennecier, 1989, p. 23. Cet auteur (notamment, 1986, pp. 336-341) met en<br />
évidence les oublis incontestablement volontaires et répétés du rôle de Bourneville et des<br />
médecins, dans certains écrits de I'Bpoque. Selon M. Fardeau et 2. Weygand, u pas une<br />
fois n, le nom de Bourneville r n'a été cité dans les débats [parlementaires] ou n'est ap<br />
paru dans les textes consacrés A [la loi de 19091 n (1991, p. 122). Bourneville n'est pas<br />
cité dans le préambule du texte de loi, qui ne cite personne, mais son rôle est clairement<br />
reconnu dans le rapport à la Chambre de F. Rabier (1908, p. 4 et 10) et il est cité dans le<br />
rapport au Sénat de P. Strauss (1 908, p. 3).
endent difficile son identificationll. Je n'ai trouvé aucune publication A ces<br />
trois noms. Pourquoi, en 1904, a-t-il été choisi, par le ministre de I'lnstruc-<br />
%ion publique, comme rappodeur sur « la situation scolaire des enfants<br />
arriérés ou anormaux A l'étranger », la question reste posée. Mais, quelle<br />
que soit sa fonction médicale, son enquête lui confère une compétence,<br />
réelle ou supposée (il faut rappeler qu'une telle enquête avait déjà été<br />
réalisée et actualisée maintes Bois par Bourneville), qui explique sa pré-<br />
sence dans la commission, en tant que « chargé de mission », respon-<br />
sable de son secrétariat.<br />
En réalité, il se passe, pour les médecins, ce qui se passe pour les<br />
maîtres. De même que Malapet?, professeur de philosophie, ou Binet,<br />
professeur A la Sorbonne, qui ont 6crit sur la question 12, Bourneville et<br />
J. Gauraud figurent dans la commission en tant qu'autorités en matière<br />
d'enfance anomale et non en tant que représentants du point de vue des<br />
médecins. Pas plus que les instituteurs tout-venant, les médecins tout-<br />
venant ne sont représentés. II ne s'agit pas davantage de les entendre<br />
que d'entendre les maîtres. On peut notamment s'étonner que ne soit<br />
présent es qualité aucun médecin-inspecteur des écoles (l'inspection mé-<br />
dicale des écoles est prévue par une loi de 1886 et un décret de 1887).<br />
Malgré les difficultés de mise en place de services médicaux scolaires,<br />
des médecins-inspecteurs exercent dans les grandes villes et à Paris 13.<br />
Depuis longtemps, les questions d'hygiène scolaire apparaissent en<br />
bonne place dans la presse scolaire et médicale. Dans les années 1880-<br />
1890, les intérêts vont d'abord A la prévention des épidémies, à la myopie,<br />
aux « attitudes vicieuses » (scoliose), au surmenage des élèves et des<br />
l1 Un docteur Gouraud est mentionné comme président de la « Société protectrice de I'enfance<br />
», dans LXssistance (1899, 45 décembre, ne 23, p. 63). Mais c'est un docteur<br />
Xavier Gauraud qui, en 1891, est indiqué comme membre de cette société, puis, en 1902-<br />
1903, comme président, par le Bulletin de la Societe protectrice de l'enfance.<br />
l2 Seule, Mlle Stupuy représente les maRres de 1'8cole ordinaire. Je fais l'hypothèse que sa<br />
présence a été sollicitée par Baguer.<br />
l3 En 9879, Le Conseil général de la Seine avait institué un service médical dans les écoles<br />
communales et les salles d'asile, prévu la nomination de médecins-inspecteurs des écoles<br />
et créé 11 4 places, dont 85 ài Paris (MG, 1879, pp. 234235).
maîtres, à I'enseignement de I'hygiène à l'école, à l'alcoolisme. Mais une<br />
« Ligue des médecins et des familles pour l'amélioration de I'hygiène phy-<br />
sique et intellectuelle dans les écoles » est fondée en 1902, par un certain<br />
docteur Mathieu, médecin des hôpitaux. Elle regroupe notamment, avec<br />
de nombreux médecins, des parents et des instituteurs l4 et se donne<br />
comme objectif premier l'organisation de l'inspection médicale scolaire<br />
dans tous les départements. En 1904, elle participe au premier congrés in-<br />
ternational d'hygiène scolaire, à Nuremberg, qui étudie entre autres ques-<br />
tions, celle des « écoles pour les enfants faibles d'esprit ou arriérbs » 15.<br />
En 1905, au congrès de I'enseignement primaire à Liège, l'une des plus im-<br />
portantes sociétés amicales d'instituteurs de la Seine propose, parmi ses<br />
vœux concernant I'hygiène scolaire, la création d'écoles de réforme pour<br />
les enfants anormaux je. En 1907, à Londres, le deuxième congrès inter-<br />
national d'hygiéne scolaire prévoit : huitième question, « Écoles spéciales<br />
pour arriérés ou anormaux » ; neuviéme question, « écoles spéciales pour<br />
enfants aveugles, sourds et muets » 17. En 1906, le Manuel g6n6ral de<br />
l'instruction primaire organise, à destination des maîtres, des « Causeries<br />
sur I'hygiène scolaire », confiées à un médecin, le docteur Guillemet, « un<br />
spécialiste autorisé ». La neuvième causerie a pour titre : « État intel-<br />
lectuel des écoliers, les arriérés » 18. Il est donc probable qu'à partir de 1904<br />
au moins, les médecins-inspecteurs des écoles se sont sentis concernés,<br />
en tant que responsables de I'hygiène scolaire, par les enfants anormaux<br />
et par le suivi intellectuel des écoliers. Cet intérêt semble contemporain de<br />
la commission. II faudrait explorer la littérature sur I'hygiéne scolaire et les<br />
médecins-inspecteurs - notamment celle qu'a certainement produite la<br />
Ligue créée en 1902, ainsi que ses congrès successifs - pour savoir<br />
comment cet intérêt s'est fait jour et si les médecins-inspecteurs avaient<br />
formulé des avis et des demandes sur la question avant 1904.<br />
l4 MG, 1903. p. 233.<br />
l5 MG, 1903, p. 391.<br />
le MG. 1905, p. 401.<br />
l7 MG, 1906-7, pp. 763-764.<br />
le MG, 1906, p. 169.
Classifications<br />
Par<br />
Monique Vial
Au cours de ses deux premi&res réunions, les le' et 15 décembre<br />
9004, !a commission prend a d'imwrtantes résolutions )B. II a été décidé<br />
qu'elle « commencerait son travail par une statistique des enfants arriérés<br />
et. anomaux qui existent actuellement en France. Cette statistique sera<br />
obtenue au moyen d'une enquete par questionnaires adressés notamment<br />
aux insitituteus B. La commision a voté 3 CC une enquete par questionnaire,<br />
afin de connaître quel est le nombre exact ou approximatif des<br />
enfants anomaux qui @xistenl' actuellement en France * ». Ainsi<br />
commence-t-elle son travail par ce qu'on appellerait aujourd'hui une étude<br />
des besoins, B l'aide de classifications définissant les différentes catégories<br />
sur lesquelles doit porter l'enqu3te.<br />
Sont disponibles trois textes $manant de la commission et deux contn-<br />
bufions individuelles, I'une de Bourneville, l'autre de Binet.<br />
La date de ces derniéses ne peut être fixée avec exactitude et l'on peut<br />
se demander à quelle phase du processus elles interviennent. On pourrait<br />
penser qu'elles ont $té proposées comme textes préparatoires, soit dès<br />
les premières séances de la commission, soit dans le cadre de la sous-<br />
commission chargée de prbparer le questionnaire, dont la rédaction aurait<br />
pris appui sur elles. Pourtant, les comptes rendus de Binet laissent plutôt<br />
supposer qu'elles interviennent aprds cette rédaction, qui ne le satisfait<br />
pas.<br />
Ba questionnaire, écht Binet, (< établit une classification intcifessante<br />
parmi les anormaux ; ceux-ci sont répartis en cinq groupes :<br />
1" Les aveugles ;<br />
2" Les souMs-muets ;<br />
3" Les anormaux mcidicaux ;<br />
C( 4" Les arriér4s de l'intelligence ;<br />
« 5" Les instables.<br />
' A. Binet, 9905 b, p. 558.<br />
A. Binet, 1905 c.
(( Les aveugles et sourds-muets n'ont besoin d'aucune définition. Au<br />
contraire, la distinction entre les trois derniéres catégories ne manque pas<br />
de difficultés, et j'ai proposé qu'on joignit au questionnaire un commentaire<br />
un peu long, afin d'éviter que l'instituteur ne se méprenne sur le sens des<br />
mots 3. »<br />
Les contributions de Boumeville et de Binet portent précisément sur<br />
ces trois dernières catbgories. On peut donc plutôt faire l'hypothèse<br />
qu'elles ont été versées à la commission, ou à la sous-commission, après<br />
la rédaction du questionnaire d'enquête et avant la rédaction de la note<br />
qui le complète, en s'appuyant sur elles (texte 6).<br />
Conformément à cette hypothèse, j'ai retenu l'ordre de présentation<br />
suivant :<br />
Texte 3. Note pour un projet de statistique pour les enfants anormaux (15<br />
décembre 1904) ;<br />
Texte 4. D.M. Bourneville, Classification (décembre 1904) ;<br />
Texte 5. A. Binet, Note sur la distinction entre l'enfant normal et l'arri6rA<br />
(sans date) ;<br />
Texte 6. Note compl6mentaire de /'Enquête sur le nombre des enfants<br />
anormaux existant en France (sans date) ;<br />
Texte 7. Note accompagnant les tableaux de statistique dresses en 1905<br />
(sans date).<br />
A. Binet, 1905 c.
Texte 3<br />
Musée national de éducation. Dossier 3.7.03137367 f 1904).<br />
Calligraphie. 4 pages. Encre violette. Traits en marge et passages soulignés,<br />
crayon bleu. En-tete: u Ministere de L'Instruction publique et des Beaux-Arts,<br />
Commission pour h'6ducation des Enfants anormaux B. Date indiquée en note : 15<br />
décembre 9 904.<br />
Le texte est suivi d'une coupure der presse :
vus de tous leurs sens et doués d'une intelligence moyenne), sont désignés<br />
sous le nom générique d'enfants anomaux. [l]<br />
Ce sont :<br />
l0 Les aveugles : sujets privés de la vue, soit totalement, soit dans des pro-<br />
portions leur rendant impossibles la lecture et l'écriture des clairvoyants nor-<br />
maux ;<br />
2' Les sourds-muets : sujets privés de l'ouïe, soit totalement, soit dans des<br />
proportions ne leur permettant pas d'acquérir, par l'audition, le langage<br />
spontané des entendants-parlants normaux ;<br />
3' Les idiots, crétins, imbéciles, épileptiques, hystériques, choréiques, pa-<br />
ralytiques, hémiplégiques, etc. - ainsi que les imbéciles moraux, sujets atteints<br />
de perversion des instincts ; - tous enfants qui, ne pouvant être soignés et<br />
éduqués collectivement que sous la responsabilité du médecin, sont désignés<br />
pour cette raison sous le nom d'anormaux médicaux ;<br />
4' Les mëds: sujets qui, sans pouvoir être classés dans la catégorie des<br />
anormaux médicaux, sont en état de débilité mentale, ne possèdent qu'une<br />
intelligence ou qu'une responsabilité atténuées [2] ne leur permettant pas<br />
d'acquérir - à l'école commune et par les méthodes ordinaires d'enseigne-<br />
ment - la moyenne d'instruction primaire que reçoivent les autres élèves ;<br />
5O Les instables : enfants affectés d'une incohérence de caractère, d'un<br />
manque d'équilibre mental leur rendant insupportable la discipline générale et<br />
nécessitant absolument leur éloignement de l'école publique. [3]<br />
Ne doivent pas être considérés comme anormaux les enfants qui sont<br />
restés plus ignorants que les autres, parce qu'ils ont été retardés dans leurs<br />
études pour des causes indépendantes de leur état mental, comme par<br />
exemple, la non-fréquentation scolaire, les absences réitérées, etc. [4]<br />
*<br />
* *<br />
Afin d'établir une statistique aussi exacte que possible, il est désirable que<br />
toutes les écoles, publiques ou privées, primaires ou maternelles, ainsi que<br />
tous les établissements hospitaliers recevant des enfants en âge ikga/ de scokznié,<br />
fournissent, en conformité de la classification précédente, les renseignements<br />
suivants :
1 Écoles publiques<br />
......... .........<br />
............. ........... Département *...<br />
Tu~igénéraf des élèves, normlaux et anmaux,<br />
inscrits dans Picole<br />
Sur ce nombre, combien sont :<br />
1 oAueugies<br />
20 sourdr-~~et~<br />
3O A~lomaux médic~tdx<br />
LbO Am'@rés<br />
5 O Instabhs ------------<br />
En hts anormaux ~le frquent~nt laumpre école,<br />
mais dont les parrnts sont domiciliés dans la<br />
cinonscription desservie par l'école<br />
f oAmugles<br />
Zb Suwdr-Muets<br />
3O Anomaux médicaux<br />
4O Amwés<br />
5' Instabies ------------<br />
Observations - Indquw s'it se tvvtdm uelque<br />
enjont tivnisd p/uaews lanotv~kes : JciIi .<br />
surdimutité, cécité et idotie, etc ............................<br />
Sur ce nombre, combien sont :<br />
1 OAveugles<br />
2O Sourdr-Muet5<br />
' 3 O Anmaux médicaux<br />
4O Amërés<br />
5' Instdbhs<br />
lkcaaltes privées<br />
Enfants âgés de<br />
2à6ans 6à13ans<br />
garçons filles garçons filles A
Établissements hospitaliers<br />
Nom de I'Etablissement<br />
(laïque ou congréganiste) ....<br />
recevant des (garçons ou filles).<br />
située Rue ............. .à ........ . . .. Département ....<br />
Enfants âgés de<br />
2à6ans 6à13ans<br />
garçons filles garçons filles<br />
Pensionnaires<br />
Total générd des pensionnaires, normaux et<br />
anormaux, payants ou gratuits, tfsi'drmt dons<br />
l'établssement<br />
Sur ce nombre, combien sont :<br />
1 OAveugbs<br />
2" Sod-Muets<br />
3O Anmaux médicaux<br />
4" Amëtfs<br />
5" Instabbs - - - - - - - -<br />
Externes. - Demi-pensionnaires<br />
Total des mfants, nomx et anormaux, venant<br />
recevoir i'instmction comme externes ou demi-<br />
pensionnaires, mais ne résahnt ppar dons<br />
i'établssement.<br />
Sur ce nombre, combien sont :<br />
1 OAveugbs<br />
2" Sourdr-Muets<br />
3" Anmaux médicaux<br />
4" A d s<br />
5" Instabbs<br />
- - - - - - - -<br />
Pensionnaires instruits au dehors<br />
Pm' les pensionnaires, pgants ou gr&ts,<br />
résidant dans i'étabkssement, combien y a-t-il<br />
d'enfants, normaux et anormaux, recevant<br />
l'instruction dans une école située au dehors.<br />
Sur ce nombre, combien sont :<br />
1 OAveughs<br />
2" JO&-Muets<br />
3O Anormaux médicaux<br />
4" Amëtfs<br />
5" Instabhs ------------<br />
Observations - Indquer s'il se trouve quelque<br />
eqant tfumisant plusieurs anomakes : Cédé et<br />
p
[Il Paragraphe marqué d'un trait dans la marge gauche. « Enfants anormaux » :<br />
soulign6 deux fois.<br />
[2] En 1898-1899, c'est des arriérés et des instables que Baguer dit qu'ils « ne<br />
possèdent qu'une intelligence ou qu'une responsabilité atténuées » (p. 2). Le<br />
a ou n semble signifier que les erriérbs ont une intelligence atténuée et les in-<br />
stables une responsabilité atténuée. Ici, bizarrement, c'est pour les seuls arriérés<br />
que l'on retrouve le « OU », comme s'il pouvait y avoir des arriérés ayant, sans<br />
intelligence attenuée, une responsabilitb atténuée. Cela laisse supposer une ré-<br />
daction pour le moins rapide.<br />
[3] Un trait dans la marge gauche, depuis « Ce sont », jusqu'g la dernière ligne du<br />
paragraphe sur les instables. Termes soulignbs d'un trait : « aveugles », sourds-<br />
muets », « anormaux médicaux u, « arriérés », « instables D.<br />
[4] Paragraphe marqué d'un trait dans la marge gauche.<br />
Commentaire<br />
Le statut de cette note fait problème.<br />
Elle est présentée comme « arrêtée le 15 décembre 1904 », c'est-à-<br />
dire lors de la deuxième réunion de la commission. Pourtant, Binet n'en<br />
fait pas état, en janvier $905 l. Pourquoi n'en parie-1-il que dans son<br />
compte rendu de mars-avril ? « Ce questionnaire, qui a été rédigé par les<br />
soins de M. Baguer, a reçu l'approbation de la Commission2. » Peu satis-<br />
fait de la rédaction, a-P-il tenu pour non définitif un accord pourtant établi<br />
dès le 15 décembre ? La commission avait, on l'a vu 3, confié cette rédac-<br />
tion B une sous-commission. Baguer a-t-il, de son propre chef, pris les<br />
' A. Binet, 4 905 b.<br />
A. Binet, 1905 c.<br />
Cf. plus haut, p. 15.
choses en main, ne serait-ce que pour aller plus vite ? A-t-il anticipé un<br />
accord, obtenu seulement lors de la séance suivante ?<br />
Selon une publication de l'Institut des sourds-muets d'Asnières, le texte<br />
devait, avec des modifications minimes, accompagner les résultats de<br />
l'enquête (texte 7). 11 n'est pas repris dans leur publication officielle, ni -<br />
semble-t-il - dans aucune autre publication, mais paraît bien recouvrir,<br />
pour l'essentiel, le questionnaire final. Ce sont ses termes que critiquera<br />
Binet, mettant en question la feuille d'enquête 4. Le préambule du projet<br />
de loi reprendra presque intégralement ses énumérations, ses définitions<br />
et ses descriptions<br />
LE QUESTIONNAIRE<br />
Selon Binet, qui se présente comme l'instigateur de l'enquête, la déci-<br />
sion d'enquête a été adoptée à I'unanimité 6. Le recensement des anor-<br />
maux avait été demandé par différentes voix, notamment par Bourneville,<br />
puis par la Ligue de l'Enseignement et la SLEPE. Le rapport Charlot avait<br />
fait sienne cette demande.<br />
La grille présentée se veut exhaustive. Elle ne se réduit pas à la re-<br />
cherche des anormaux fréquentant l'école, mais vise à recenser tous les<br />
anormaux, âgés de deux à treize ans : anormaux physiques, sensoriels,<br />
intelleduels et moraux, fréquentant établissements publics ou privés et<br />
hôpitaux, ou gardés dans les familles. Le préambule parle des enfants en<br />
âge légal de scolarité, soit six à treize ans, mais les fiches distinguent<br />
deux à six ans et six à treize ans.<br />
Cf. plus loin, p. 181.<br />
A. Fallières, G. Clémenceau, A. Briand, J. Caillaux, 1907, p. 3.<br />
a Je suis heureux de constater que [la commission ministérielle] a voté à l'unanimité la<br />
proposition que je lui ai faite d'organiser une enquête sur les anormaux. n A. Binet,<br />
1905 a, p. 31 6, note. En 1904, dans les débats de la SLEPE, Baguer se montrait encore<br />
hostile à une telle enquête.
k'enquête ne doit concemer que les enfants jugés réellement anor-<br />
maux. Ne devront pas y figurer les enfants retardés dans leurs études,<br />
pour des causes indépendantes de leur état mental.<br />
L'objectif est d'aboutir à des mesures scolaires. Les anormaux sont<br />
définis par rapporl à l'école : ce sont les enfants « qui ne se trouvent pas<br />
dans des conditions normales pour recevoir I'enseignement commun ))<br />
(expression reprise du rappor$ Charlot), « qui ne peuvent être instruits par<br />
les procédés ordinairement employés ». II s'agit de séparer des enfants<br />
qui peuvent bénéficier de l'obligation scolaire sans aménagements de leur<br />
scolarité, ceux qui nécessitent des mesures spéciales dont on veut éva-<br />
luer l'ampleur.<br />
On a là la première démarche institutionnelle visant à approcher les<br />
problémes scolaires à partir des caractéristiques individuelles des enfants.<br />
Cependant, exceptés les sourds et les aveugles ou certains anormaux<br />
médicaux dont le handicap est connu, il n'y a pas de véritable description<br />
de ces caractéristiques et les limites ne sont pas indiquées. Pour définir<br />
les anormaux, seule est nommée - sans qu'en soient donnés les critéres -<br />
une incapacite intellectuelle ou morale à bénéficier de I'enseignement<br />
ordinaire (d'où, on le verra, l'insatisfaction d'un Binet). Cette approche, qui<br />
ne s'interroge ni sur la pédagogie, ni sur les processus scolaires et so-<br />
ciaux producteurs de difficultés el d'échecs, autorise une extension sans<br />
limites de la notion d'anormalité et contient en germe toutes les pathologi-<br />
sations possibles. Tout enfant en difficulté à l'école, pour lequel on ne peut<br />
mettre en évidence un défaut de fréquentation scolaire ou toute autre ex-<br />
plication extérieure à lui, est susceptible d'entrer, au gré de celui qui établit<br />
le diagnostic, dans la catégorie des anormaux.<br />
L'envoi a été fait par la voie hiérarchique, sous l'autorité non de la<br />
commission, mais du ministère de I'lnstruction publique. Un question-<br />
naire très complet, rédigé par la commission, fut distribué dans toute la<br />
France par les soins du Ministère de I'lnstruction publique. II n'y a pas un<br />
directeur d'école primaire qui n'ait eu ces feuilles de questionnaire entre
les mains et n'ait eu à répondre en donnant le nombre absolu ainsi que le<br />
pourcentage des anormaux fréquentant son école '. » II a été effectué<br />
« sur les ordres de M. Gasquet, Directeur de l'Enseignement ».<br />
L'enquête a été réalisée au cours de 1905. Selon Chazal, en avril g.<br />
Selon d'autres écrits, « au début de 1905 » 1°. Pourtant Bourneville parie<br />
encore, à la fin de septembre 1905 - mais dans un texte peut-être rédigé<br />
quelques mois plus tôt - de 1' « enquête officielle en cours » ll. Binet et<br />
Simon indiquent, dans I'Année psychologique : « A l'heure où nous écri-<br />
vons ces lignes, toutes les écoles primaires de France ont répondu à un<br />
questionnaire, rédigé par la Commission ministérielle des anormaux [...]<br />
Les questionnaires ont été centralisés à Paris, au Ministére de l'Instruction<br />
publique 12. » Cette revue ne porte pas d'indication précise de date, mais,<br />
selon G. Avanzini, les articles auraient été rédigés en mars-avril 13. II fau-<br />
drait alors penser que, dés cette date, tout était terminé.<br />
L'enquête devait recenser tous les anormaux de France. Pourtant, au<br />
31 décembre 1905, (selon Chazal), en janvier 1906 (selon Roubinovitch),<br />
une deuxiéme enquête est conduite - la demande de ce dernier 14,<br />
semble-t-il - par le directeur de l'Assistance publique au ministère de I'lntérieur,<br />
sur les enfants anormaux recueillis dans les établissements publics<br />
d'aliénés. Selon Roubinovitch, la commission a demandé une<br />
enquête sur les enfants anormaux « non internés » l5 : pour obtenir le<br />
' V. Vaney,l906, p. 95.<br />
G. Baguer;, 1908, p. 1.<br />
E. Chazal, 1907, p. 41.<br />
'O Notamment G. Baguer, 1908, p. 1. A. Fallières, G. Clémenceau, A. Briand, J. Caillaux,<br />
1907, p. 2.<br />
l1 D.M. Bourneville, 1905 b, p. 6.<br />
l2 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 322.<br />
l3 G. Avanzini, 1969, p. 109. r: Binet dl qu'il écrit ce texte [l'ensemble des trois "célèbre"<br />
études] six mois après la création de la Commission ministérielle qu'il situe en octobre<br />
1904.. Ces études ont cependant dû être commencées plus tôt. En novembre 1904,<br />
Binet fait en effet état d'un r: travail inédit B sur la mesure de l'intelligence, à paraitre dans<br />
I'Ann4e psychologique de 1905. (A. Binet, 1905 a, p. 319). Aucun travail sur l'intelligence<br />
autre que les trois études ne figure alors dans i'Ann6e psychologique.<br />
j4 J. Roubinovitch, 1906 a, p. 3 ; 1910, p. 138.<br />
l5 J. Roubinovitch, 1906 a, p. 6 ; 1910, p. 142.
nombre total des anormaux en France, cet auteur- comme d'autres,<br />
après lui - additionne les résultats des deux enquêtes 16. Rien cependant,<br />
dans la rédaction du questionnaire, adressé à tous les hôpitaux, ne laisse<br />
entendre qu'il ne devait pas être envoyé aux asiles. Des aliénistes, no-<br />
tamment Roubinovitch, se sont peut-être émus d'une enquête auprès de<br />
Beurs patients, sous la houlette des administrations locales. Roubinovitch<br />
critiquera cette enquete, réalisée par des non-médecins 17. L'Assistance<br />
publique et I'lntérieur se sont peut-être réservé leur propre domaine et<br />
n'ont pas communiqu$ le questionnaire aux asiles. S'ils l'ont fait, ce sont<br />
les établissements et les aliénistes qui ont pu refuser d'y répondre. Rien<br />
ne prouve cependant qu'aucun établissement d'aliénés n'ait répondu.<br />
En sealite, on ne sait pas comment l'enquête a été conduite locale-<br />
ment, 4 quels interlocuteurs elle est parvenue et lesquels ont répondu. La<br />
voie suivie a ét4 double : d'une past, les administrations publiques, pré-<br />
fedures et mairies ; d'autre pari, les autorités scolaires, rectorats, autori-<br />
tés académiques, directeurs d'écoles 18. Y a-t-il eu des envois parallèles, à<br />
ces deux hiérarchies ? On peut penser que l'autorité scolaire n'a eu à<br />
interroger que les t5tablissernents scolaires publics. L'administration pré-<br />
fectorale a-8-elle su B interroger les seules institutions hospitalières, pri-<br />
vbes el publiques ? Qui a interrogé les établissements privés ? Les maires<br />
ont-ils dûi centraliser les réponses concernant tous les types d'établisse-<br />
ments ? L'administration de l'Assistance publique est-elle intervenue ?<br />
Comment et par qui ont été recensés les enfants anormaux restés dans<br />
les familles ?<br />
Le questionnaire n'a sans doute pas été envoyé seul. Bourneville<br />
Qvoque les « instructions rédigées par la Commission des anormaux,<br />
adressées par le Ministère de l'Instruction publique à tous les maires, ins-<br />
tituteurs et institutrices de France, qui doivent répondre à la formule sui-<br />
l6 cf. PIUS loin, p. 4 74.<br />
l7 CI. Pius loin, p. 4 82.<br />
CL E. Chazal, a Les enquêtes, hites par les soins des administrations municipales et<br />
académiques D (1907, p. 44).
vante : "Combien y a-t-il dans l'école et dans la commune d'enfants hors<br />
d'état de suivre l'enseignement de l'école, soit moralement, soit intelleo<br />
tuellement ? Ne doivent pas figurer dans ce compte les enfants dont I'ins-<br />
truction a été retardée par suite de causes étrangères à leur état physique<br />
et moral." lg ». Ces deux phrases, présentées comme des citations par<br />
l'aliéniste, ne figurent pas dans le questionnaire. On peut donc faire I'hy-<br />
pothèse que celui-ci a été accompagné d'une lettre du ministre ou de<br />
Gasquet, lettre qui, malheureusement, ne figure pas parmi les documents<br />
conservés au Musée national de l'Éducation.<br />
LES ANORMAUX MEDICAUX<br />
Au cours des années précédant la commission, la notion d'anomaux<br />
médicaux ne semble figurer ni dans les vœux votés en faveur de classes<br />
ou d'établissements spéciaux, ni dans les écrits médicaux. Ces derniers<br />
énumèrent alors, sans autres regroupements catégoriels, arriérés, imbé-<br />
ciles et idiots profonds, en utilisant ou non des termes génériques tels que<br />
dégénérés, idiots, incurables ou inéducables. On peut faire l'hypothèse -<br />
à vérifier, par des recherches plus systématiques - que le questionnaire<br />
de la commission, ainsi que la version de la classification de Bourneville<br />
destinée à elle (texte 4), constituent les premières occurrences de cette<br />
notion pour désigner des enfants gravement atteints, par opposition aux<br />
instables et aux arriérés.<br />
L'origine de l'expression est à chercher dans une distinction voisine qui<br />
oppose arriérés médicaux et arriérés pédagogiques et paraît être née peu<br />
avant 1900, sous la plume du médecin belge J. Demoor. En 1895, rendant<br />
compte des expériences belges, Bourneville ne fait pas état de ces no-<br />
lg<br />
D. M. Bourneville, 1905 b, p. 6 (texte daté de septembre 1905). Ce passage est repris, tel<br />
quel, dans la réédition de i'article, en 1907, comme si I'enquête n'avait pas encore abouti :<br />
a I'enquête officielle en cours B.
taons 20. Elles apparaissent sous sa plume, en 1898 : les classes d'arriérés<br />
belges réunissent (< arriérés pédagogiques, arriérés médicaux et indisci-<br />
plinés » 23. Le premier texte de Demoor ou je les ai trouvées date égalemen%<br />
de 1898, mais cet aufe~r des 8 peut-être été utilisées plus t6t, dans<br />
des &crits en allemænd.<br />
Demoor sépare les enfants ani6r6s pour des causes constitutionnelles<br />
ou biologiques pi.&coces, des enfants retard& dans leurs études pour des<br />
raisons circonstancielles. II s'agit d'une distinction (< pédagogique B.<br />
« Dans toutes les Bcoles primaires, on rencontre toujours, à côté des en-<br />
fanfa normaux [...] d'autres btèves qui, à cause d'une passivité intellec-<br />
Puelle prononcl5e ou d'anomalies psychiques diverses, 6voluent inéguiiè-<br />
~'~3rnenQ @t se trouvent ainsi bient8t dans des classes qui ne correspondent<br />
pas & B@uk aigle et dans lesquelles, d'ailleurs, ils restent toujours incapables<br />
de s'adapter B l'enseignement donnQ à la masse. Ces irrégufiers d'origine<br />
m&dicalo ne sont pas les seuls ; à c6té d'eux doivent être signalés les<br />
r5)t-~f6&s péfBagogiqldes purs, c'est-&-dire ceux qui, n'ayant fréquenté jusqu'id<br />
aucune dcole ou l'ayant mal fréquentée, sont des ignorants dont<br />
l'allure inte!!ectuelle est fatalement différente de celle des enfants normaux<br />
=. » Ces notions sont reprises par différents auteurs belges, notamment<br />
Th. Jonckheere 23. Decroly ne semble pas l'avoir utilisée dans ses<br />
nomenclatures, mais une revue de question faite par lui avec Demoor I'emploie<br />
pour caractériser les institutions belges et signale : « cette terminologie<br />
est à peu pr&s acceptée en Hollande, par Schreuder 24 ». Pour tous<br />
ces auteurs, sont arri6rk.s rnédimux : « les idiots, les crétins, les idiots<br />
sirnpfes et tes imbéciles des auteurs français 25 D ou encore (« les imbéciles<br />
(idiots du Ierdegré), les idiots du 2edegré et les idiots du 3edegré 26 B.<br />
20 D.M. Bourneville, 4895 a, pp. 96-97.<br />
21 DM. Bourneville, 1898, p. 19.<br />
22 J. Demoor, 1898, pp. 1-2.<br />
23 7R. Jonckheere, 1903, p. 254.<br />
24 J. Demoor. O. Decroly, f9û4, p. 322.<br />
25 Th. Jonckheere, 9903, p. 254.<br />
26 J. Demoor, O. Decroly, p. 322.
C'est en 1903, que la notion d'arriérés médicaux semble apparaître en<br />
France, à partir des débats du Congrès d'Assistance publique et de Bien-<br />
faisance privée de Bordeaux. Le rapport du docteur Jacquin énumère, à<br />
propos des institutions belges : « les arriérés pédagogiques purs (arriér&s<br />
par fréquentation irrégulière de classe, par manque de fréquentation, par<br />
retard dans la marche des études), les arriérés médicaux indisciplinés (in-<br />
stables, pervers), les arriérés médicaux passifs (arrierés éducables) 27. »<br />
Baguer ne parle pas d'anormaux médicaux dans son Rapport sur les inter-<br />
nats de perfectionnement (1 898-1 899), mais I'exem plaire de ce rapport<br />
qui figure au Musée national de l'Éducation 28, porte de sa main, en 4e de<br />
couverture, les mentions : anormaux, idiots (aliénés) - arriérés médi-<br />
caux 8. La mention, également manuscrite, « Envoyer Écoles Régionales<br />
à l'Inspecteur Granier B laisse supposer que ces indications datent soit de<br />
la fin de 1903, soit de 1904, aprés le Congrès de Bordeaux : le rappoit sur<br />
les écoles régionales de sourds-muets et d'aveugles est, en effet, daté du<br />
1 e' décembre 1903<br />
L'expression anormaux médicaux utilisée par le questionnaire élargit la<br />
notion d'arriérés médicaux. Par cette expression, Baguer n'entend pas des<br />
enfants relevant du seul médecin ; par arriérés et instables, des enfants<br />
face auxquels le médecin n'aurait rien à faire. A-t-il repris les termes<br />
belges, dans un souci tactique, afin d'éviter l'affrontement de l'Instruction<br />
publique et de l'Intérieur et un blocage des débats de la commission ?<br />
S'agissait-il de proposer un partage des taches sur lequel les deux minis-<br />
téres pouvaient se mettre d'accord ?<br />
Dans un article rédigé à la fin de 1904, Binet utilise la notion d'arriérés<br />
médicaux m. Mais dès 1905, il émet une réserve et parle de « ces enfants<br />
qu'on appelle d'ordinaire et assez improprement des arriérés pédago-<br />
giques, et qui ne sont point des arriérés, mais tout simplement des igno-<br />
27 G. Jacquin, 1903, p. 32.<br />
ColI. INRP, Dossier 3703179(L).<br />
29 Coll. INRP, Dossier 3701 13260811 905.<br />
A. Binet, 1905 a, p. 316.
n8nis par suite de Brbquentation insuffisante de l'école 31 ». Selon Binet et<br />
Simon, « LO 62ngage administratif distingue [les] degrés divers d'arriera-<br />
iion par Pes expressions suivantes : anormaux m6dicaux; anormaux<br />
p$da$ogiquss. il serait pl-$fbrable d'éviter l'équivoque du terme médical, et<br />
de dire tout simplement : anomaux d'hospice et anomaux d16cole, pour<br />
bien montrer la diffbrence de Beur destination 32. »<br />
Apfko; !$ c0mm971ssion, BI notion d'anormaux pédagogiques est assez<br />
fr6qademmeo? employbe. ha notion d'anormaux médicaux est surtout présente<br />
dans des textes se rbfbranl au travail de la commission, notamment<br />
en rappor! avec la loi du i5 avril 4909, par exemple dans I'expostl des<br />
motifs pr6senlanl le lexie de loi. On trouve davantage les notions d'anormaux<br />
d'asile ou d'hôpital, opposbes B celles d'anormaux et d'arriértls<br />
scolairss ou d'$col@ 33. CependanP Baguer continue à parier d'anomaux<br />
mbdicaux. On renconfre bglalernent l'expression chez M. Bourneville M.<br />
J'ai pensé, avec d. Gaîsaux-Mennecier, qu'autour de 1895, les notions<br />
de petversion des instincts et d'irnbbcillité morale constituent de nouvelles<br />
notions, de « nouvelles figures de la déviance » 35. Mais de nouvelles<br />
31 W. Binet,1905 h, p. 559.<br />
32~. Binet, Th, Simon, 4907, p. 408. Binet et Simon ne parlent d'anormaux médicaux que<br />
lorsqu'iis évoquent le travail de la commission. J'ai identifié, à tort, dans leur pensée,<br />
anormaux mhdicaux et anormaux d'asile (M. Wial, 1990 b, p. 78).<br />
33 D'autres usages sont peu suivis. Telle, le distinction entre u arriérés scolaires médicaux u,<br />
enfants dont I'aniération est due des causes physiques ou sensorielles et se traite par le<br />
baitement de ces causes, et a arri6rés scolaires médico-pédagogiques r> qui ont à la fois<br />
besoin de soins médicaux et pbdagogiques ou psychopédagogiques. (R. Cruchet, 1908,<br />
p 35.)<br />
J'y reviendrai, Û propos du texie 4 (CI. glus loin, p. ).<br />
35 J. Gateaux-Mennecier, 19W a, p. 75
explorations m'ont montré que ces notions étaient en réalité bien anté-<br />
rieures à 1890 38.<br />
C'est dès le début du xixe siècle que I'anti-socialité et les déviations du<br />
sens moral font l'objet de formulations psychiatriques, avec notamment en<br />
1835 la notion de folie morale créée par Pritchard et le développement,<br />
tout au long du xixe siècle, d'une « litanie interminable » de concepts psy-<br />
chiatriques, d'un « chapelet de mises en forme cliniques » 37. C'est dès le<br />
début du siècle que l'intervention aliéniste tend à se développer, de façon<br />
continue, comme « prophylaxie morale ». Cet envahissement du moral<br />
dans la vie publique n'est d'ailleurs pas propre à la psychiatrie : témoins,<br />
les nombreuses sociétés de prévoyance et de protection sociales et mo-<br />
rale qui se créent, à partir surtout de 1880 38.<br />
La perversion des instincts figure trés tôt dans les tableaux des sorties<br />
de Bicêtre donnés par Bourneville : au plus tard, en 1881. On la retrouve<br />
ensuite régulièrement dans ces tableaux, presque toujours associée à<br />
d'autres maladies (idiotie légère, imbécillité, hystérie), mais pas nécessai-<br />
rement à l'instabilité. Le pervers figure, dès le compte rendu de 1881,<br />
dans une énumération catégorielle 39. 11 apparaît ensuite plus ou moins<br />
fréquemment dans des énumérations (à c6té ou non de l'instable). Dès<br />
1885, Bourneville décrit minutieusement des malades présentant perver-<br />
sion des instincts ou perversion morale. Chez Baguer, les notions de per-<br />
vers et de perversion des instincts sont présentes en 1898-1899, mais cet<br />
auteur ne reprend pas le terme imbécile moral que le questionnaire re-<br />
tient, à la suite des aliénistes et de Bourneville.<br />
36 Cette partie de mon travail dol beaucoup B l'aide de Jacques Arveiller. Je reprends ici<br />
certaines de ses données sur l'histoire des notions d'idiotie morale et de perversion ins-<br />
tinctive. J. Arveiller, 1993, p. 253 sqq ; J. Arveiller, 1995.<br />
37 J. Arveiller, 1995, p. 454. C'est plus tard, en 1912, que Dupré décrira le pervers instinctif<br />
constitutionnel, notion qui tombera plus tard en désuétude.<br />
38 Rappelons les analyses bien connues de F. Muel, P. Pinell et M. Zafiropoulos.<br />
39 p. XI. J. Arveiller donne comme premier exemple Taverni et Magnan en 1890 (1995,<br />
p. 455, note 12).
C'est en 1843, semble-848, que Félix Voisin invente l'idiotie morale éta-<br />
blissant un parallélisme entre intelligence et moralité (on ne la trouve chez<br />
86aj u-tj en 183Q, ni en 7839) : comme il existe une idiotie intellectuelle, il<br />
existe une idiotie morale. On peul « être atteint d'idiotie dans ses senti-<br />
ments moraux 40. » ALJ cours du dQpouillement que j'ai réalisé des travaux<br />
de cet auteur, coaroboranU celaai de J. Arveiller, je n'y ai pas rencontré la<br />
notion d'imbécilli9$ morale. Chez Bourneville, j'ai trouvé l'expression folie<br />
morale dans Ee compte rendu de 4889, et celle d'imbécillité morale, dans<br />
be compte fendu de 4894 (oc figurent d'emblée trois cas parmi les sortants<br />
de Bicêtre) 41. Bourneville continue à utiliser simultanément les deux no-<br />
tions jusqu'en 1907 42. Pourtant, la notion d'imbécillité morale est, elle<br />
aussi, bien plus ancienne : on la rencontre dès 1875 (peut-étre 1874 ?)<br />
dans un ouvraaie de W. Maudslev. sur la folie et le crime 43 ».<br />
Si ces nofions A forte connotation morales sont créées bien avant<br />
7 890, autour de 4 895 semble bien se produire, dans le sens des analyses<br />
de J. Gateaux-Mennecier, une systélmatisation de leur utilisation, de pair<br />
avec un durcissement de la perspective moralisatrice. L'extension de<br />
!'emploi du concept d'imbéciilli96 morale est à rapporter 5i cette prégnance<br />
du souci moral, mais aussi A l'extension A la même époque de la perspec-<br />
tive classificaliice, qui continuera ài se développer au début du xxesiècIe,<br />
envahissant non seulement l'aliénation et les déficiences intellectuelles<br />
mais aussi !es troubles de la sph&re morale 44. Le raffinement des catégo-<br />
risations perceptible dans tout le champ de la psychiatrie rencontre ainsi le<br />
souci moral dominant pour produire de nouveaux concepts.<br />
40 F. Voisin, 4 843, p. II.<br />
" D.M. Bourneville, WCT, 9892, p. XXI-XX11.<br />
42 D.M. Bourneville, 4907, p. 2.<br />
43 C.W. de 1875, non signé, mais de Brierre de Boismont, d'après la table de la revue. Pas<br />
plus que l'édition française ultérieure, le compte rendu n'indique la date de parution de<br />
i'ouvrage. (Référence communiquée par J. A~eiller qui fait l'hypothèse qu'on trouverait la<br />
notion d'imbécillité morale encore plus tôt.)<br />
44 Utilisée fréquemment a la Rn du xixO siècle et au début du xx0, I'imbécillité morale sera très<br />
critiquée plus tard. (Cf. W. Healy cité par H.H. Anderson. 1929, p. 135. Référence<br />
communiquée par J. Arveiller.) L'histoire de cette notion reste à faire.
ARRIÉRÉS ET INSTABLES<br />
Ces termes sont utilisés par les aliénistes français, bien avant 1904. En<br />
1898, se référant à Bourneville, Baguer distingue déjà arriérés et instables-<br />
auxquels il réseive l'internat de perfectionnement - des autres anormaux :<br />
sourds-muets, aveugles, « idiots, gâteux, crétins, imbéciles » 45. En 1904-<br />
1905, on parie couramment d'amérés et d'instables, dans le sens retenu<br />
par la commission. En revanche, la notion d'anormaux scolaires n'est pas<br />
utilisée par celle-ci : on ne peut suivre E. Baumfelder, lorsqu'elle écrit :<br />
« Tous les rapports de la commission précisent qu'il y a deux sortes<br />
d'anormaux : les "anormaux médicaux" et les "anormaux scolaires". » La<br />
commission ne se demande pas « comment procéder pour établir la dis-<br />
tinction [entre anormaux médicaux et anormaux scolaires], e! donc le re-<br />
crutement sûr des arriérés "utilisables" 46 ».<br />
Les arriérés<br />
Comme Baguer en 1898-1 899, le questionnaire désigne par arriérés la<br />
catégorie la moins atteinte des déficients intellectuels. Ces arriérés légers<br />
ne sont pas identiques aux arriérés pédagogiques des auteurs belges.<br />
Ces derniers ne semblent pas distinguer entre arriérés légers et arrié-<br />
rés pédagogiques 47, comme si une arriération Iégére était forcément pé-<br />
dagogique. Critiquant Demoor, le médecin belge Ley lui attribue la division<br />
des arriérés « en "arriérés médicaux" (idiots et imbéciles) et "arriérés pé-<br />
dagogiques" (arriérés simples) 48 ». En 1903, un vœu de la Société de<br />
médecine mentale de Belgique distingue « les arriérés simples » et « les<br />
arriérés épileptiques ou convulsifs » qui ne doivent pas aller dans les<br />
45 G. Baguer, 189&1899, p. 2.<br />
46 E. Baurnfelder, 1983, p. 251 et p. 253.<br />
47 Que Dernoor et Daniel appellent aussi e arriérés pédagogiques simples r> (1898, p. 12).<br />
Dr Ley, 1904, pp. 135-1 36.
instituts spéciaux )) B créer pour les premiers 4Q. Dans l'optique belge,<br />
les argiéres pédagogiques paraissent ainsi regrouper, non seulement ceux<br />
QUO sont arriérés pour des raisons circonstancielles, notamment l'absence<br />
de frbquentation scolaire, mais aussi les arriérés légers et ceux qui ne<br />
prQsentenQ pas de troubles associQs.<br />
En France, les arn6r6s p6dagogiques sont considérés par nombre<br />
d'auteurs comme de faux anomaux. J. Philippe et 6. Paul-Boncour oppo-<br />
sent vrais et faux anomaux scolaires » ". Binet et Simon soulignent les<br />
difficult6s que suscite l'usage simultané des distinctions belges et fran-<br />
pises : on a appel6 les enfants normaux en retard dans leurs études<br />
« anïerds p6dagogiqcses ; ces termes prêtent à confusion, depuis que les<br />
débiles 16gers ont reçu une dénomination analogue, celles d'anormaux<br />
pédagogiques. II vaudrait mieux appeler les premiers des retardés, ou<br />
simpiement des ignorants 51 M. C'est à ce point de vue que se range le<br />
questionnaire : les enfants « qu'on appelle d'ordinaire et assez impropre-<br />
ment des arriérés pédagogiques, et qui ne sont point des arriérés, mais<br />
fout simplement des ignorants par suite de fréquentation insuffisante de<br />
B1$cole 52 » y sont nommes ignorants ou retardés.<br />
Ba commission ne reprend pas l'expression d'imbécillité légère, comme<br />
synonyme d'arrieretion intelleduelle que Baguer utilisait, en 1898-1 899,<br />
par i6f6rence B Bourneville. Baguer, et à sa suite la commission, ont peut-<br />
8tre simplement voulu donner chaque catégorie un nom qui la différen-<br />
cie nettement des autres, afin d'6viter des confusions chez les maîtres et<br />
administrateurs charges de I'enquele.<br />
Bas plus que le fapporZ de Baguer de 1898-1899, le questionnaire ne<br />
parle d'arribr6s simples. Cette notion ne paraît, à aucun moment, guider<br />
l'action des pouvoirs publics.<br />
49 in J. Dernoor, 1904, p. 4 76.<br />
J. Philippe, G. Paul-Boncour, 1W4, p. 441.<br />
A. Binet, Th. Simon, 4907, p. 4 44.<br />
52 A. Binet,l905 b, p. 559.
Les instables<br />
Le projet ne parle pas d'indisciplinés. En 1898-1899, Baguer utilisait à<br />
la fois indiscipliné et instable. u Ces enfants indisciplin6s, presque toujours<br />
les derniers de leur classe, ne sont en réalité que des malades, atteints<br />
d'arriération intellectuelle ou d'instabilité mentale. Même ceux qui se mon-<br />
trent égaux, parfois supérieurs par certains côtés, aux enfants de leur âge,<br />
n'en sont pas moins des déséquilibrés que les mesures de rigueur ne<br />
sauraient améliorer. L'incohérence de leur conduite est le produit d'un<br />
fond psychique morbide. Ils entrent dans la catégorie des enfants anor-<br />
maux 53. » L'absence du terme indiscipliné, dans un questionnaire adressé<br />
à des maîtres, souligne la volonté de ne pas s'en tenir à une catégorisa-<br />
tion pédagogique et de reprendre les termes médicaux.<br />
La distinction est clairement établie entre amiéré et instable. Le terme<br />
d'arriéré moral, courant au début du siècle et repris par le rapport Charlot,<br />
puis par Binet pour la commission (texte 5), n'est pas utilisé. II va de soi<br />
qu'arriéré signifie arriéré intellectuel. Dans ses comptes rendus pour la<br />
SLEPE, Binet écrit pourtant : « La Commission a décidé [...] que les seuls<br />
anormaux et arriérés de l'intelligence et des sentiments moraux seraient<br />
portés sur les tables de l'enquête ". )) En mars 1905, il reprend le terme<br />
instable du questionnaire mais consetve l'expression arriérés de I'intelli-<br />
gence 55. En 1906, sous le titre (( Combien existe-t-il en France d'enfants<br />
arriérés de l'intelligence ? », Vaney évoquera encore le questionnaire SB.<br />
Binet a-t-il essayé d'imposer ces notions, à la commission ?<br />
Comme Bourneville, en 1896 57, le questionnaire distingue entre, d'une<br />
part, (( incohérence de caractère )) et manque d'équilibre mental )) et<br />
d'autre part imbécillité morale et perversion. En 1898-1899, chez Baguer,<br />
l'indiscipline (instabilité) paraissait recouvrir avant tout un trouble de la<br />
53 G. Baguer, 1898-1899, p. 2.<br />
"A. Binet, 1905 b, p. 559.<br />
55 A. Binet, 1905 c.<br />
" V. Vaney, 1906, p. 94.<br />
57 Texte 4.
MusBe national de l'Éducation. Dossier 3.7.03/79(B) (189611904).<br />
Calligraphie. 5 pages. Autographie à l'encre violette de l'Institut des Sourds-<br />
Muets d'Asnières. En-tête, page de garde : a Ministere de l'Instruction publique et<br />
des Beaux-Arts, Commission pour I'Bducation des Enfants anormaux B. Première<br />
page : « Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, Commission des<br />
Enfants anormaux B. Date, page de garde : 1904 ; jour et mois effacés, sur le<br />
document disponible. Rajout6 Si l'encre violette, le chiffre 20 : code de classement<br />
ou nombre d'exemplaires Si prBvoir ?<br />
Cette classification a 6té adresse@ par Bourneville, le 5 novembre 1896, au Di-<br />
recteur de l'enseignement primaire de la Seine, M. Carriot, en réponse à sa de-<br />
mande, en vue de l'organisation d'une enquête sur les arriér6s et les indisciplin6s<br />
des Bcoles '.<br />
Elle a btB publibe à plusieurs reprises par son auteur.<br />
4. Dès le '1 0 dbcembre 4 896, la Lettre aux membres de la 3e commission du<br />
Conseil GQnéral de b Seine sur k cr6alion de classes spéciales pour les enfants<br />
arrj6r6s2 reproduit intégralement la lettre à Carriot, puis est à son tour reproduite<br />
dans son intégralite dans le Torne XVII des Recherches cliniques et thérapeu-<br />
tiques sur l'6pilepsO, l'hyst6rie et l'idiotie 3, ainsi que dans Le Progrès medical du<br />
26 juin 4897 4. Ce dernier fait cependant une erreur et propose les résultats de<br />
l'enquête effectu&e dans les VQ et VIQ arrondissements de Paris, à la place du<br />
tableau des enfants hospitalisBs qui pourraient bénéficier de classes spéciales<br />
(p. 6-7 de la Lettre aux membres de la 3a commission). La version présente dans<br />
ces %soit; publications sera dits icb : texte initial.<br />
Un exemplaire de la Lettre aux membres de la 3e commission figurait ancien-<br />
nement à I'lNRP parmi les ouvrages de la Bibliothèque Baguer, sous la cote BB27.<br />
II sera dit exemplaire BNWB. Disparu avant 1973, date du premier relevé de ces<br />
l Cf. M. Wial, 4979, pp, 77-79. Cette enquête sera organisée en 1894. « L'an dernier [écrit<br />
Bourneville] M. Foubert [inspecteur primaire] a invité les instituteurs et les institutrices des<br />
\F et VI' arrondissements i lui adresser une liste des enfants arriérés et indisciplinés<br />
qu'ils avaient dans leur école B ( KT, 1895, p. LXI).<br />
* D.M. Bourneville, 4 897 a, pp. 16-23.<br />
D.M. Bourneville, WCT, 4897, Première partie : Histoire du Service pendant l'année 1896,<br />
Section III : Assistance des enfants idiots : création de classes spéciales annexées aux<br />
Bcoles primaires pour les enfants arriérés, pp. LXX à XC.<br />
D.M. Bourneville, 1897 b, pp. 434-435.
ouvrages, il contenait -visibles sur la photocopie dont je dispose - des indications<br />
et des corrections manuscrites de la main de Baguer, sur lesquelles j'appuierai<br />
une partie, au demeurant mineure, de mon commentaire.<br />
2. La classification figure ensuite dans le Trait6 de medecine de Brouardel et<br />
Gilbert, paru en 1902. Sous le titre : u Définition et classification cliniques », elle<br />
s'intégre alors, hors de tout contexte épistolaire, dans un exposé sur les encépha-<br />
lites cliniques et les idioties 5. Dans cette version, un certain nombre d'alinéas sont<br />
supprimés. Ils seront indiqués, en début de paragraphe, par les signes : r].<br />
3. En 1905, la classification entre dans la contribution de Bourneville au Pre-<br />
mier Congres d'Éducation et de Protection de l'Enfance dans la famille B.<br />
CLASSIFICATION<br />
établie par<br />
M. le Docteur Bourneville<br />
dans sa lettre du 5 novembre 1896, adressée à<br />
M. le Directeur de l'Enseignement primaire du Département de la Seine<br />
Anormaux médicaux [l]<br />
Sous le nom d'idiotie, on désigne un état constitutionnel, physique, intel-<br />
lectuel et moral, dû soit à des troubles survenus pendant la vie fœtale ou au<br />
moment de la naissance, soit à des affections pathologrques surtout de la<br />
première enfance, c'est-à-dire de la naissance à 7 ans, moins souvent de la<br />
seconde enfance, c'est-à-dire de 7 ans au début de la puberté (13 ou 14 ans).<br />
121<br />
[*] L'idiotie est donc congénitale ou acquise.<br />
D.M. Bourneville, 1902.<br />
13 D.M. Bourneville, 1905 a, pp. 1-16.
Considérée dans son degré, elle est complète ou incomplète, se rapprochant<br />
dans sa forme la plus atténuée de l'état de l'enfant normal le moins bien doué.<br />
[31<br />
[*] Dans toutes les variétés, l'idiotie peut être simple ou mmpbq'qtlée (paralysie,<br />
épilepsie, chorée, rachitisme, scrofüie, etc.). [4]<br />
Idiotie comgiéte, absolue ou idiotie dupremier degré .- Marche, préhen-<br />
sion, paroles, attention nulles. Incapacité de s'aider en quoi que ce soit. In-<br />
conscience du besoin de s'alimenter, ou gloutonnerie avec absence du senti-<br />
ment de la satiété. Écoulement permanent de la salive (bave) et des mucosités<br />
nasales. Excrétions involontaires. Accès de cris, tics multiples (balancements,<br />
grimaces, agtations des mains, etc.). Bien que les organes des sens puissent<br />
être intacts au point de vue anatomique, l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, le<br />
toucher semblent absents. Sensibilité générale très obtuse, d'où indifférence à<br />
la douleur, au froid et à la chaleur. Aucune connaissance de leurs parents, ni<br />
des personnes qui les soignent. Sans idée, sans parole, sans mouvement, les<br />
idiots de cette catégorie sont des êtres en quelque sorte végétatifs. [5]<br />
Idioi$epm@nde ou du ~econld degr+.- La motdté est moins atteinte que dans le<br />
premier degré. La marche est possible, parfois exubérante. Lapréhension se fait,<br />
mais d'une façon défectueuse, le pouce ne s'opposant pas ou s'opposant mal<br />
aux autres doigts.<br />
['"] L'appétr'test exagéré ;le sentiment de la sahëté fait défaut ;le goût est nul<br />
ou obtus, d'où la s~hité 161. La dtjestion se complique parfois de rumination. Les<br />
exm'tions sont involontaires.<br />
Lapamle est nulle ou limitée à quelques monosyllabes ou à des syllabes répétées.<br />
Les besoins, les déteminations instinctives se traduisent plutôt par un lmgage<br />
d'action (cris de joie ou de douleur). Ces idiots reconnaissent assez<br />
souvent leurs parents, les infirmières qui s'occupent d'eux. Ils témoignent de<br />
la préférence pour certaines personnes. Ils ont fréquemment des aptitudes<br />
mtrsic~les, retiennent d'emblée les airs qu'ils entendent et les chantonnent sans<br />
cesse, signe d'une mémoire au moins partielle. L'attention est fugitive ; ils regardent<br />
sans voir, entendent ce qui leur plaît et semblent absolument sourds
pour les bruits ou les appels qui ne les intéressent pas. L'odorat et le toucher<br />
sont obnubilés ou indifférents. m<br />
Ces enfants n'ont aucune conscience du danger et comme les idiots du<br />
premier degré, ont des tics très variés, sont destructeurs, rongent leurs ondes,<br />
se déchirent, se mordent ou mordent les autres, se livrent à l'onanisme, etc.<br />
[*] En résumé, vie végétative surtout, et vie de relation très bornée. [8]<br />
Ce qui différencie ce second groupe du précédent, c'est l'existence du<br />
mouvement, la marche et la préhension, qui les rend dangereux pour eux et<br />
pour les autres puisque le mouvement les expose à des accidents par suite de<br />
leur inconscience du danger, et expose les autres à subir les conséquences de<br />
leurs impulsions. [9]<br />
Imbécillité proprement dite .- Les jâmités intehcttlehs existent mais à un<br />
degré très incomplet. L'attention est fugace, la mémoitil peu active, peu sûre, la<br />
volonté sans énergie : ils veulent et ne veulent pas. Ils peuvent comparer,<br />
combiner ; toutefois ils s'élèvent difficilement à des notions générales et abs-<br />
traites. Ils ont des idées, mais en petit nombre ; ils ne pensent et n'agissent<br />
que par autrui, bien qu'ils soient capables de quelques raisonnements.<br />
[*] Ils ont des déterminations instinctives, comme les idiots du second degré et<br />
y obéissent sans frein. [IO]<br />
Parmi ces malades, il en est chez lesquels l'imbécillité se complique d'une<br />
pewenion des instincts. Ils sont menteurs, querelleurs, paresseux, poltrons, en-<br />
têtés, mobiles, incapables d'un effort soutenu. [Il] Ils ont des besoins sexuels<br />
auxquels ils cèdent sans retenue. Ne possédant qu'une notion vague du tien<br />
et du mien, ils ont des impulsions à voler, détruire, incendier, etc.<br />
La paroie existe, mais la ptunonnacton est souvent défectueuse. Leur langage<br />
est borné, leurs phrases imparfaites, le verbe y est parfois absent ; ils parient<br />
d'eux à la troisième personne.<br />
[*] Ils peuvent remplir des occupations simples, uniformes, toujours les<br />
mêmes.<br />
Ils ont des sentiments afect$ souvent superficiels. La sensikbté généraie est<br />
d'ordinaire émoussée. [12] Les sens sont fréquemment intacts mais peu<br />
délicats.
Imbécillité morale .- Les enfants ou les adolescents de ce groupe peu-<br />
vent posséder des facultés intellectuelles intactes, être les égaux des enfants<br />
de leur âge, appartenir à la même classe, avoir leur certificat d'études, etc.<br />
Leur défectuosité intellectuelle en tout cas ne constitue qu'un caractère se-<br />
condaire. Les stigmates de dégénérescence physique sont même quelquefois<br />
tout à fait absents.<br />
L'imbécillité mode, de même que l'idiotie, reconnaît pour cause l'héré-<br />
dité, l'alcoolisme, mais elle est aussi due souvent à l'incapacité, à la brutalité, à<br />
l'immoralité des parents.<br />
Elle peut s'annoncer par des cauchemars, des accès de colère, des caprices<br />
irmisonnables, inaccoutumés, des périodes de bouderie, survenus après une<br />
maladie fébrile ordinaire, accompagnée ou non d'accidents cérébraux (délire,<br />
convulsions, etc.), ou à l'occasion d'une croissance précoce avec développe-<br />
ment rapide de la puberté. À l'inverse des imbéciles intellectuels, ils de-<br />
vancent sexuellement leur âge ; d'où des impulsions génitales qui les rendent<br />
dangereux.<br />
L'inst~bibté<br />
et laperversion des instrkcts caractérisent au premier chef l'imbé-<br />
cillité morale.<br />
[*] L'instabibté mentcah se présente chez eux avec les caractères décrits ci-<br />
après. [6]<br />
Quant à lapemersion des insfikcts, elle offre les traits suivants : la conduite de<br />
ces malades est inexplicable, en désaccord avec leur état antérieur et avec le<br />
milieu dans lequel ils vivent ; ils sont désobéissants, en révolte contre toutes<br />
les conventions sociales, récalcitrants à toutes les remontrances, à toutes les<br />
prières, aux témoignages d'amitié, aux encouragements, aux récompenses,<br />
aussi bien qu'aux punitions. Ils se laissent aller à des mensonges intention-<br />
nels, soutenus avec entêtement. Ils sont souvent crédules à l'excès envers<br />
ceux auxquels ils s'abandonnent et qui les dominent.<br />
Les sentiments affectifs sont émoussés ou nuls, ce qui est dû parfois à<br />
l'indifférence coupable des parents. Ils sont sujets à toutes les impulsions<br />
mauvaises : vols, incendies, destructivité, cruauté envers les animaux, envers<br />
leurs camarades plus faibles, etc. Ils éprouvent du plaisir à la vue de la souf-
france ; aiment voir couler le sang ; sont en général durs pour eux-mêmes<br />
bien qu'ils soient égoïstes.<br />
[*] L'imbécillité morale se complique quelquefois d'alcoolisme, d'épilepsie,<br />
de folie, de perversions sexuelles. [14:) [15]<br />
Arriérés et Instables 1161<br />
Imbécillité légère ou arriération inteflectuefle .- Les facuhés intellec-<br />
tueIles, considérées dans leur ensemble, existent mais sont ntaniées [17] nota-<br />
blement au-dessous des facultés des enfants du même âge. L'atten~zon laisse<br />
beaucoup à désirer, toutefois il est possible de la fixer, au moins pendant<br />
quelques temps : ce temps augmente si l'on varie les occupations intellec-<br />
tuelles. La re@xon, laprémyance n'existent qu'à un faible degré. La conqfu?.ion est<br />
lente, la mémoire paresseuse : ils n'apprennent que par périodes.<br />
Les arriérés ont des penchants particuliers, des aptztudes spéciales. Leur intel-<br />
ligence se manifeste principalement pour tout ce qui est relatif à ces pen-<br />
chants ou à ces aptitudes. On doit en profiter et s'en servir pour agrandir leur<br />
champ intellectuel. Parmi ces aptitudes, relevons les réparties piquantes, les<br />
saillies plaisantes, les manières joviales qui caractérisaient, par exemple, les<br />
malheureux qui remplissaient autrefois la fonction de fou du Roi. 1s ont des<br />
sentiments moraux, de la gaieté, de l'affection familiale. Ils possèdent à un<br />
certain degré la notion du devoir, l'esprit d'ordre. [18] [19]<br />
Leur regard a peu d'éclat, mais ne fuit, ni ne se perd dans le vague. Le<br />
mouvement, la marche, la préhension, la sensibilité générale, la sensibilité<br />
spéciale sont en général intacts. Au point de vue physique les arriérés offrent<br />
des stigmates de dégénérescence moins nombreux et moins prononcés que<br />
les imbéciles et surtout que les idiots. [20]<br />
Instabilité mentale .- Elle est parfois simple, constituant alors une va-<br />
riété distincte mais est le plus souvent liée à I'imbédLté, à l'arnëration intelle-<br />
tueh2, désignée encore sous le nom de débiltémental. [21]
Les inftables ont une mobibtéphysque exubérante. Ifs ne restent en place<br />
ndle part, se lèvent de table à chaque instant, sans motif. S'ils jouent, ils<br />
passent rapidement $'un jeu à un autre.<br />
[*] Leur mobikté intelhcttleLh n'est pas moindre. À peine ont-ils commencé à<br />
lire qu'ils veulent écrire ou compter, etc. Ils n'obéissent pas.<br />
Il en est de même au point de vue du travdmanue1. Peu après avoir débuté<br />
dans l'apprentissage d'une profession qu'ils ont eux-mêmes choisie, ils veulent<br />
en changer, essayant tour à tour, sans se fixer, une foule de professions.<br />
lfr] Ils ont des ikpuhions s~~bites, se sauvent de l'école, de la maison paternelle,<br />
errent durant un temps plus ou moins long, rentrent spontanément ou<br />
se font arrêter par la police. Ils sont prodigues de promesses, les font souvent<br />
de bonne hi avec l'intention, à ce moment, de les tenir et quelques heures ou<br />
quelques minutes plus eard, exécutent ce qu'ils venaient de promettre de ne<br />
plus faire.<br />
Les enfants atteints d'idiotie aupmmier et au second degré, les enfants affectés<br />
d'i~nbédlkté mor& doivent être placés dans des services hospitaliers sous<br />
l'autorité constante du médecin.<br />
Les enfants frappés d'hbénllitéppoprrmenttpment dite peuvent être placés suivant<br />
leur état, soit dans ces services hospitaliers, soit dans des services scolaires<br />
spéciaux inspectés par des médecins.<br />
Les enfants atteints, soit d'imbé&lLté kgère ou arriération intellectuelle, soit d'in-<br />
stiabilité mentoh (sans perversion des instincts), devraient être placés dans des<br />
services scolaires spéciaux auxquels seraient attachés des médecins inspec-<br />
teurs.<br />
Ces services scolaires spéciaux recevraient aussi les idiots et tes imbéciles<br />
qui auraient été assez améliorés dans les services hospitaliers.<br />
Il serait nécessaire de faciliter, pour tous les enfants, suivant les observa-<br />
tions faites en cours de traitement, et sur le rapport des médecins respon-<br />
sables, le transfert d'un service hospitalier dans un service scolaire spécial et
éciproquement, le transfert en cours d'études, d'un service scolaire spécial<br />
dans un service hospitalier. [22]<br />
[Il Ce titre ne figure ni dans le texte initial, ni dans les textes publiés en 1902 et<br />
1905. Dans toutes ces versions, imb6cillit6 légère et instabilité mentale s'inter-<br />
calent entre imbécillité proprement dite et imbécillité morale.<br />
Dans le texte initial, tous les noms des catégories sont en petites majuscules,<br />
excepté idiotie profonde ou du second degré et imbécillité légère qui apparaissent<br />
comme des sous-catégories de I'idiotie d'une part, de l'imbécillité d'autre part, et<br />
figurent en italiques, de m&me que, pour l'idiotie absolue, la deuxième partie de<br />
l'intitulé : idiotie du premier degr6. Pour la commission, les titres des catégories<br />
sont en minuscules grasses, qui correspondent aux petites majuscules du texte<br />
initial. Comme dans celui-ci, idiotie du second degr6 et idiotie du premier degré<br />
sont en italiques. Imbécillité légère ou arriération intellectuelle figure à la fois en<br />
gras et en italiques, ce qui semble traduire l'embarras du copiste. II s'agit bien d'un<br />
titre à marquer comme tel, puisque - avec le nouveau découpage qui sépare arrié-<br />
rés et instables des anormaux médicaux - on n'est plus sous la catégorie imbécil-<br />
lité, mais le copiste garde i'italique désignant une sous-catégorie. L'illogisme de<br />
cette mise en forme ne se retrouve dans aucune des autres versions. En 1902,<br />
toutes les catégories sont en minuscules grasses ; lorsqu'elles comprennent un<br />
deuxième intitulé, celui-ci est, comme dans le texte initial, en italiques non<br />
grasses. En 1905, toutes les catégories sont en petites majuscules. Seules ita-<br />
liques : idiotie du premier degr6 et idiotie du second degr6.<br />
[2] 1902 et 1905 : variations dans l'écriture des ages. Entièrement en lettres, en<br />
1902, tandis qu'en 1905, les âges entre parenthèses restent en chiffres.<br />
[3] Texte initial, exemplaire INRP : « Considérée dans son M~MM [barré à la<br />
main] degré [ajout manuscrii au-dessus du mot barré] ».<br />
1902 : « se rapprochant dans sa forme la plus atténuée (arriération intellectuelle,<br />
débilité mentale) [ajout] B<br />
[4] 1902 : e compliqu6e (paralysie avec ou sans atrophie, contracture, spasme,<br />
athétose [ajout] ...) B.<br />
[SI Texte initial, exemplaire INRP, note de bas de page, B la fin du paragraphe :<br />
u<br />
. . I .<br />
[barré à la main] B.<br />
dn
Cette note ne figure pas en 4902, mais reparaît en 1905. A-t-elle semblé déplacée<br />
dans un traité savant et dans un texte destiné à une commission officielle ?<br />
[6] 1902 : « d'oh la salacité ou coprophagie. [ajout] B.<br />
[7] Texte initial, exemplaire INRP : u Ils témoignent ées [barré à la main] de la<br />
[ajout manuscrit su-dessus du mot barré] préférences [barré à la main]...))<br />
[BI 1902 : cc En r&sumé, wio ~46g6tabB'v@ [ajout d'italiques] ))<br />
[9) 9905 : ><br />
[13] Texte initial, exemplaire INWB : u avec les caractères<br />
zipr&s [ajout manuscrit sous la ligne barrbe] o.<br />
1902 : « la. wnduite [pas d'italiques] de ces malades >)<br />
[barré à la main] ci-<br />
['i4] 4902 : a L'imbécillité morale se complique quelquefois d'alcoolisme, d'épilep-<br />
sie, de Polio, de pefwersions sexuolles, [ajout d'italiques] ou d'excitation maniaque,<br />
de mélancolie, etc. [ajout] B.<br />
[15] Texte initial. Paragraphe supplémentaire. « Le traitement médico-pédago-<br />
gique [caractbres gras, dans le texte], là aussi, doit s'appuyer sur le peu qui reste<br />
de sain et s'en servir de base pour corriger les défectuosités morales et, s'il y a<br />
lieu, les imperfections intellectuelles. » [Dans le texte destiné la commission, ce<br />
paragraphe a pu être supprimé par suite d'une erreur de découpage, lorsque I'im-<br />
bécilliPé morale e ét6 remontée avant arriération et instabilite. II a pu être volontai-<br />
rement enlevb, car c'est le seul passage prescriptif à l'intérieur de la description<br />
catégorielle. On pourrait penser qu'il s'agissait de faire disparaître la notion de<br />
médico-pédagogie, afin de faire entrer le médical dans l'école sans le dire, mais<br />
une Pelle hypotkQse me parait peu plausible, compte tenu de la conclusion.<br />
[le] Ce titre ne figure ni dans le texte initial, ni dans les versions ultérieures. Dans<br />
deux des publications dites ici texte initial (1897 a et RCT, 1897), deux accolades
en marge, une pour imbécillitb lbgère et une pour instabilitb mentale, distinguent<br />
ces catégories des autres.<br />
[17] 1902 : « retardees [pas d'italiques] r.<br />
[18] 1902 : « les saillies plaisantes, les expressions pittoresques [ajout] [...] Ils<br />
possédent à un certain degr6 la notion du devoir, ont [ajout] l'esprit d'ordre et de<br />
propreté jusqu'à la minutie. [ajout] B<br />
[19) 1902 : paragraphe intercale. « Certains sont irritables, hargneux, rageurs,<br />
violents, cruels, entêtés, vindicatifs, moroses, défiants. Les uns sont désordonnés,<br />
turbulents ou apathiques. D'autres ont l'amour du vin ou des liqueurs jusqu'à I'ivro-<br />
gnerie ou l'amour de la possession jusqu'à l'avarice ».<br />
[20] 1902. A la fin du paragraphe, note ajoutée : « DEIASIAUVE a décrit plusieurs<br />
groupes sous le nom de simples, insuffisants, dbbiles. D<br />
[21] La notion de débilité mentale est évoquée à propos de l'instabilité et non de<br />
l'arriération. Faut-il voir là le résultat des critiques de Bourneville à cette notion que<br />
pourtant il utilise parfois ?<br />
1902 : « variété distincte, mais elle [ajout] est le plus souvent P.<br />
[22] Texte initial, les paragraphes de conclusion sont remplacés par les suivants.<br />
« Les enfants atteints d'idiotie au premier et au second degrb, les enfants affectés<br />
d'imbbcillitb morale doivent être hospitalisés. II en est de même, au moins au<br />
début de la création des classes spéciales, des enfants frappés d'imbécillité pro-<br />
prement dite.<br />
Ces classes nous paraissent devoir être consacrées aux enfants atteints :<br />
1 d'imbbcillit6 Ibgere ou arribration intellectuelle ; 2' d'instabilitb mentale (sans<br />
perversion des instincts) ; 3' elles recevront aussi, plus tard, venant des services<br />
hospitaliers spéciaux, les enfants idiots et imbéciles qui auront été améliorés et<br />
jugés aptes à profiter de ces classes. r<br />
7902 et 7905. La ciassificafion est suivie de d'éveioppements plus knpotianfs. En<br />
1902, ils portent sur les variétés cliniques de l'idiotie et ses complications, sur<br />
l'assistance et la médecine légale et sur le traitement : traitement médico-pédago-<br />
gique, médico-pharmaceutique, chirurgical (refusé par Bourneville). En 1905, ils<br />
portent sur la statistique des enfants anormaux et la situation faite à ces enfants<br />
en France, puis sur l'éducation des différentes catégories d'anomaux (le texte<br />
reprend et résume les indications données en 1902, sur le traitement médico-<br />
pédagogique) ; suit un développement sur I'indisciplin6 et l'instable ; enfin, vient<br />
une conclusion sur les mesures à prendre en faveur des enfants anormaux.
Commentaire<br />
Mon commentaire tentera de situer la classification de Bourneville dans<br />
B'Avo[ution de sa pensée et dans celle de son époque. Ce sera l'occasion<br />
de m'interroger sur les motivations tactiques de l'aliéniste, dans ses interventions<br />
en direction de I'IndaucPion publique. C'est bien en effet dans ce<br />
texte - rédig6 en 1886 B l'adresse des autorités scolaires et repris en<br />
4 904 B l'intention de Ba commission nommée par le ministre de l'Instruction<br />
publique -- que l'on peut espérer trouver, en le comparant à d'autres écrits<br />
de son auteur, les QOQments les plus pertinents pour répondre à une telle<br />
interrogation. Je serai ainsi amende à discuter les thèses de J. Gateaux-<br />
Mennecier, don8 les travaux sur Bourneville ont apporté des analyses qui<br />
font aujourd'hui rRf6rence, mais dont je ne partage pas le point de vue sur<br />
Ce poids de ces motivations tactiques dans la lutte de l'aliéniste pour la<br />
création de classes spdciales : notamment en ce qui concerne l'usage qu'il<br />
fait de la notion d'arrieration simple, sa description des arriérés dans<br />
I'Qcole et sa prise en compte de l'indiscipline.<br />
La pensée de Bourneville n'est pas toujours aisée à cerner, compte<br />
tenu des ~;duations dans sa terminologie, voire dans ses idées, et l'on<br />
coup? le n9sqils permanent de trouver des textes qui nuancent, voire<br />
contredisen? ceux commenlQs. Pour s'y retrouver, il faut en passer par une<br />
ex6gQse qui sisque de paraître aride et parfois d'un pointillisme exagéré.<br />
Jusqu'oC est-il lQgitime d'accorder sens à la place d'une parenthèse, à la<br />
pa6sence d'une virgule, B l'emploi d'un singulier? II ne m'a pas paru possible<br />
de faire I'Qconomie de Pelles analyses, à l'appui du débat.<br />
J. Gateaux-Mennecier, 1989. Sur Is vie et l'œuvre de Bourneville, voir également :<br />
M. Harburger, 4973; E. Baumlelder, 1983; C. Wacjman, 1987, 1989, 1990; M. Jaeger,<br />
C. Wacjman, 4 994 ; C. Poirier, J.L. Signoret, 1991.
LES MODIFICATIONS DU 'TEXTE INITIAL<br />
La présentation à la Commission<br />
La version présentée à fa commission n'est pas entièrement identique<br />
à la classification initiale. L'exemplaire INRP de la Lettre aux membres de<br />
la 3e Commission semble avoir été utilisé au cours de la préparation de<br />
cette version. La lettre à Carnot y figure, comme dans les autres versions<br />
publiées en 1897, avec son début et sa fin à la première personne. Au<br />
début de la classification, Baguer a porté, dans la marge du haut : « Clas-<br />
sification établie par le M. le a Dr Bou [mot non terminé] B. Un trait en<br />
milieu de page indique une coupure il faire, avant celle-ci. Le texte pré-<br />
senté à la commission ne retient que la classification et reprend toutes les<br />
corrections manuscrites, ainsi que le titre à la troisième personne.<br />
Ce titre laisse supposer que ce n'est pas Boumeville qui a présenté<br />
son texte. II paraîtrait cependant invraisemblable que des modifications y<br />
aient été apportées, sans son accord. Celles portées sur l'exemplaire<br />
INRP sont mineures. Les plus importantes (intertitres, nouvelles conclu-<br />
sions), n'apparaissent pas sur cet exemplaire. Le texte final a sans doute<br />
été établi en plusieurs étapes. Aucune des modifications n'est reprise par<br />
l'aliéniste dans les versions publiées. S'est-il laissé imposer, éventuelie-<br />
ment pour des raisons tactiques, des demandes ne conespondant pas<br />
vraiment à sa pensée ?<br />
L'ajout d'intertitres<br />
Ne comportant ni titre, ni intertitres, le texte initial fait se succéder défi-<br />
cits intellectuels et problèmes de comportement et les organise en de-<br />
grés : du plus grave au plus léger, pour les déficits intellectuels ; du moins<br />
au plus moralement marqué, pour les problémes de comportement, L'im-<br />
Le scripteur avait probablement prévu d'abord : a par le Dr Bou B.
ecilfité Iégere fait ainsi suite B I'imb&cillité proprement dite et l'imbécillité<br />
morale apparaît en fin de dassification, après l'instabilité mentale. Le texte<br />
pour Be cornmlssjon ajolate deux intertitres : « anormaux médicaux »,<br />
cq arriérés et instables » et modifie l'ordre des catégories. II intègre les<br />
imbéciles moraux aw onormam médicaux et isole imbéciles légers et<br />
instables (ce qui entraîne une modification du texte 9. Dans le texie initial,<br />
ce sont 88s accoJades en marge qui, sans rompre le continuum, signalent<br />
ces deux derni@res catégories correspondant aux arriérés et aux indisci-<br />
piin& sur !esquels pofle le questionnement de Carnot. Les intertitres pla-<br />
cés pour la commission accentuent la distinction. Ils mettent la classifica-<br />
Pion de Bournevil!e en conformité avec la Note pour un projet de statistique<br />
(texte 3) et peuvent prbfigurer des mesures institutionnelles différentes<br />
(Assistance ou !nstruction publique), pour les deux groupes distingués.<br />
Les accolades figurent encore dans le volume XVll des Recherches<br />
cliniques, publié en 1897, mais disparaissent dès cette année-là, dans le<br />
Progr&s m&dical. Elles ne figurent dans aucune des versions ultérieures.<br />
Les intertitres ne sont jamais repris par Bourneville. Ceci semble montrer<br />
que la s6paration ainsi marquée ne correspond pas à la pensée profonde<br />
de I'alikniste. II ne reprendra jamais la distinction entre anormaux médi-<br />
caux et ani6;6s el instables. L'ajout d'intertitres paraît bien exprimer un<br />
choix tactique, visent peul-btre ài 6vifer tout affrontement entre Instruction<br />
publique et IntQrieur el ainsi & ne pas bloquer le travail de la commission.<br />
Ces inteditres sont-ils de Bourneville ? Ont-ils été ajoutes, Si oui, avec son<br />
accord ? Par la commission ? Bar Baguer ? On ne peut pas répondre 1°.<br />
En 1906-9907, Marcel Bournsville 11, employant les termes belges, ap-<br />
pelle anomaux m6dicaux les anomaux psychiques des asiles-écoles, par<br />
opposition aux « anomaux pkdagogiques, ou légers, subnormaux », qui<br />
CF. plus haut (131, p. 73.<br />
l0 En 4990, je les ai aitribu& a tort A la classification de Bourneville de 1896, n'ayant pas<br />
alors comparé les différentes versions de ce texte (M. Vial, 1990 b, p. 87).<br />
l1 Fils de l'aliéniste.
elèvent des classes spéciales 12. De même, en 191 1, dans un texte publié<br />
après la mort de l'aliéniste, Baguer appelle anormaux médicaux les idiots<br />
des le' et 2e degrés, ainsi que les imbéciles moraux : ces enfants « doivent<br />
être placés dans des services hospitaliers sous l'autorité constante<br />
du médecin ». Arriérés et instables, et « selon leur état » certains imbéciles<br />
proprement dits « devraient être placés dans des services scolaires<br />
spéciaux auxquels seraient attachés des médecins-inspecteurs l3 ». Ces<br />
deux textes se réfèrent à l'œuvre de Bourneville, dont Baguer reprend<br />
presque mot pour mot la classification. Ils ne sont pas en parfaite conformité<br />
avec les formulations de l'aliéniste 14. 11 s'agit de passages qui définissent<br />
les mesures institutionnelles destinées aux anormaux : les anormaux<br />
médicaux sont destinés aux asiles-écoles et aux services hospitaliers.<br />
La notion d'anormaux médicaux a peut-être encore une fois ici une<br />
fonction tactique : il pourrait s'agir d'affirmer les prérogatives du médecin,<br />
face aux attaques d'un Binet et d'un Simon ; ou, à nouveau, de se prémunir<br />
contre d'éventuels affrontements entre administrations.<br />
Les transformations de la conclusion<br />
Pour Bourneville, si tant est qu'il en soit l'auteur, les intertitres ne signi-<br />
fient nullement qu'arriérés et instables relèvent de la seule éducation et<br />
anormaux médicaux du seul asile. Si elle ne retient pas la notion de<br />
médico-pédagogie, la conclusion parle de setvices scolaires spéciaux -<br />
expression médicale -, alors que le texte initial parle de classes spéciales.<br />
Elle insiste, ce que ne fait pas le texte initial, sur la responsabilité du<br />
médecin, y compris à l'école, pour les arriérés et les instables. On peut<br />
rapporter cette accentuation des prérogatives médicales aux débats<br />
d'alors et y lire une opposition aux thèses de Binet et de Simon. Classe<br />
spéciale et asile se distinguent, non par l'absence ou la présence du<br />
l2 M. Bourneville, 1908, p. 21.<br />
l3 G. Baguer, 191 1, p. 820.<br />
'4 En 1907, M. Royer, élève de I'aliéniste, ne reprend pas la notion d'anormaux médicaux.
médical, mais par leurs priorités. En 1905, Bourneville distinguera c I'as-<br />
sistance et l'éducation dans les ASILES-ÉCOLES )) et « l'éducation et I'assis-<br />
tance », sans pr6cision de lieu, pour les enfants qu'il destine, dans<br />
d'autres textes, eux classes ou écoles spéciales.<br />
Le préoccupation tedique paraîd absente de la rédaction des conclu-<br />
sions, u6daction qui force le point de vue habituellement exprimé par<br />
Bousoaeviile. Traduit-elle une appreciation optimiste des rapports de force,<br />
Qventuellement iwfiuenc6e pas Baguer ? Aprés 1904, l'aliéniste ne reprend<br />
pas la notion de services scolaires spéciaux. Recule-t-il à cause des réac-<br />
tions B son point de vue, ou parce qu'il a toujours bien distingué l'asile, où<br />
assistance 84 médecin ont la pari le plus grande et enseignement spécial,<br />
ob: éducation et instituteurs (fombs au rnédico-pédagogique) ont un rôle<br />
plus Important ?<br />
Loin d'introduire un clivage institutionnel infranchissable entre les caté-<br />
gories décrites, Be conclusion destinée à la commission dessine - déjà<br />
prQsewte da% !e texle initial - une conception souple qui prévoit, sous la<br />
responçabilit6 du médecin, des passages de l'asile vers l'école et de<br />
B'6cole vers i'asile. Su~sammenP améliorés, idiots et imbéciles seront<br />
placés dsns les services scolaires spéciaux. Le texte initial laissait les<br />
enfants frappés d'imb6cillité proprement dite à l'hôpital, au moins au<br />
début de la crbafion des classes spéciales », renvoyant à plus tard »,<br />
I'éventuelle antrSe des idiots et des imbéciles améliorés en classe spé-<br />
ciale. Ces restrictions ne sont pas maintenues : les imbéciles iront,<br />
(( suivant leur état )) dans les services hospitaliers ou dans les services<br />
scolaires spéciaux ; les idiots améliorés iront dans les services scolaires<br />
spéciaux. Bouineville estime probablement que les expériences faites<br />
son2 suffisamrnenP concluantes pour 6tre systématisées et que, face aux<br />
conceptions qui limitent l'usage des classes spéciales aux écoliers anor-<br />
maux, il faut affirmer fortement leur intérêt pour des enfants venus de<br />
l'asile. En 4905-1907, il demandera des asiles-écoles « pour les enfants<br />
idiots apparienant aux catégories les plus malades )) et (( suivant le<br />
nombre, des classes, ou des Bcoles speciales, ou mieux des Acoles d'en-
seignement sp&cial15 », dans lesquelles pourront entrer (( les enfants<br />
idiots et imb6ciles qui auront &t& am&lior&s dans les asiles-&coles et successivement<br />
d'idiots auront été transformés en imbeciles et en ama&rés<br />
l6 ». Dans trois textes, Bourneville parle des idiots transformés en<br />
imbéciles (c ou )) en arriérés, il semble ainsi faire descendre très bas le<br />
niveau de déficience susceptible de bénéficier des classes spéciales 17.<br />
Selon J. Gateaux-Mennecier, Bourneville réserve les classes spéciales<br />
aux (( enfants arriérés non indisciplinés la ». L'aliéniste, à ma connaissance,<br />
ne formule pas cette restriction. Dans la plupart des écrit où il demande<br />
de telles classes, il s'en tient, il est vrai, aux arriérés. Pour lui, ces<br />
classes sont avant tout destinées à désencombrer les asiles, mais il ne les<br />
restreint pas aux enfants non indisciplinés. En 1896 comme en 1904, il<br />
demande au contraire explicitement à l'autorité scolaire des classes spéciales<br />
ou des seivices scolaires spéciaux pour les arriérés et pour les<br />
instables, terme alors synonyme du mot indiscipliné qu'il utilise dans des<br />
demandes ultérieures. Dans ces derniéres, la préoccupation tadique, sur<br />
laquelle insiste J. Gateaux-Mennecier, n'est sans doute pas absente. II<br />
s'agit bien de répondre aux préoccupations des autorités scolaires, centrées<br />
sur l'indiscipline. Mais Bourneville adresse ses demandes incluant<br />
les indisciplinés à d'autres autorités. Par exemple, en 1898, à la Commission<br />
de Surveillance des asiles : ces classes s'adresseront au (( enfants<br />
arriérés, indisciplinés, etc., qui nuisent au bon fonctionnement des écoles<br />
ordinaires, au détriment des enfants normaux lQ ». Au-delà d'un éventuel<br />
souci tactique, sa réflexion le conduit à un plan d'ensemble de mesures,<br />
l5 L'expression a ou mieux m ne figure que dans les énumérations qui distinguent a écoles<br />
spéciales m et a écoles d'enseignement spécial m. Elle ne semble donc pas indiquer une<br />
préférence pour les écoles par rapport aux classes, mais pour la désignation a d'enseignement<br />
spécial m, seule retenue dans d'autres énumérations, par rapport à la simple<br />
appellation a écoles spéciales m. La graphie, variable (petites capitales, italiques, caractères<br />
gras) dans les énumérations de 19051907, ne permet pas de déceler une valorisation<br />
constante de Yune ou i'autre institution : les caractères gras valorisent deux fois les<br />
écoles ; les petites capitales valorisent une fois les classes.<br />
l6 D.M. Bourneville, 1905 c, p. 135.<br />
D.M. Bourneville, 1905 a, p. 15 ; 1905 b, p. 22 ; 1907, p. 15.<br />
J. Gateaux-Mennecier;, 1990 a, p. 57.<br />
D.M. Bourneville, 1898, p. 4.<br />
l7<br />
la<br />
lQ
un programme 20 B et lorsqu'il le developpe, quel que soit le public au-<br />
quel il s'adresse, BB Anumère toujours les instables. En revanche, il réserve<br />
clairement et constamment les classes spéciales aux enfants « sans per-<br />
version des lnslinds », wi accidents convulsifs. Les imbéciles moraux,<br />
atteints de perversion des instincts, sont constamment classés parmi les<br />
enfants qui doivent gtre Rospitalis6s dans les asiles-écoles 21.<br />
Dans les ann6es 'B 905-1 909, avec la distinction établie par Bourneville<br />
entre instable et indisciplin6 n, apparaît cependant dans ses conceptions<br />
un point nouveau qui limite l'usage des classes spéciales dans le sens<br />
indiqué par 4. Gateaux-Mennecier. Les classes ou écoles spéciales sont<br />
toujours destinées aux instables mais à une partie seulement des indisci-<br />
plinés 23. 11 arrive même que ces derniers, dans la nouvelle acception de la<br />
notion, ne soient plus mentionnés, lorsque Bourneville énumère les me-<br />
sures destinées aux anormaux 24. 11 décrit alors largement le traitement<br />
que ces indisciplinQs doivent subir (isolement, notamment), mais sans<br />
indiquer avec précision le lieu ou ce traitement doit être mis en œuvre :<br />
ces enfants seront « placés dans des établissements spéciaux ou dans<br />
des familles étrangères », oh « ils seront soumis à une discipline dont le<br />
rigorisme ne se fera sentir que progressivement 25 ». Ces établissements<br />
sp6ciaux peuvent-ils être autre chose que des structures de Justice remo-<br />
delées comme le demandaient les philanthropes de l'époque (écoles de<br />
réforsne) ?<br />
20 D.M. Bourne\~ille, 1905 b, p. 8.<br />
21 Par exemple, au congrés international d'assistance publique et de bienfaisance privée de<br />
4900 (Recueil des travaux, Paris, Siége gbnéral du congrhs, 1900, p. 295 ; ou encore,<br />
1909 b, p. 8).<br />
22 Cf. Plus loin, p. .<br />
23 D.M. Bourneville, 1905 b, pp. 8-9 ; 4907, p. 5.<br />
24 D.M. Bourneville, 4 905 a, p. 15 ; 4905 c, p. 135.<br />
25 D.M. Bourneville, 1905 a, p. 1 4 ; 1905 b, p. 19 ; 1907, pp. 12-13.
Une classification nosographique d'ensemble<br />
Bien loin d'entraîner Bourneville à une simple réponse de circonstance,<br />
la demande de l'autorité scolaire le conduit à un travail conceptuel d'en-<br />
semble. Il se livre à un effort de description clinique en continuité avec ses<br />
précédents essais, mais qu'il ne semble pas avoir tenté de façon aussi<br />
systématique jusque-là.<br />
Dés ses premiers écrits, l'aliéniste propose une classification de l'idiotie<br />
en degrés et des descriptions symptomatiques, à côté de distinctions ba-<br />
sées sur l'étiologie 26. tes enfants de Bicêtre sont, le plus souvent, classés<br />
en idiots, imbéciles, arriérés, gâteux ou non, invalides ou non, épileptiques<br />
ou non, hystériques ou non, auxquels peuvent s'ajouter les paralytiques,<br />
les instables, les impulsifs, les enfants atteints de peiversion des instincts,<br />
d'imbécillité ou de folie morales.<br />
C'est l'essentiel de ces catégories que Bourneville reprend, à l'usage<br />
de l'autorité scolaire. (( Vous me demandez de vous donner "une définition<br />
des mots ani6r6s et indisciplin6sW [...] Je vais essayer, autant que pos-<br />
sible, de répondre à vos désirs )) répond-il fort civilement à Carriot et, se<br />
lançant dans ses propres développements, il insère les définitions deman-<br />
dées dans sa classification générale, en élaborant une nouvelle mise en<br />
ordre. Qu'il s'agisse des déficits graves ou de l'arriération intellectuelle et<br />
de l'instabilité mentale, le style est celui des descriptions cliniques et les<br />
ternes, ceux de la médecine : notamment le terme instable, utilisé au lieu<br />
du terme indiscipliné qu'emploie Carnot. II est donc clair que I'aliéniste<br />
garde toute liberté par rapport à la demande, comme du reste le lui avait<br />
suggéré son correspondant : (( Si, pour cette enquête, il vous paraissait<br />
nécessaire d'adopter une autre classification, je vous serai reconnaissant<br />
de m'en prévenir 27. )) Bourneville propose des « tableaux )) (ou « une<br />
26 Cf. J. Gateaux-Mennecier, 1989, pp. 94-1 07, pp. 149-151 et annexes<br />
" D.M. Bourneville, 1897 a, pp. 1617.<br />
82
sorte de tableau ») (( en raccourci », qui comportent des « insuffi-<br />
sances PP, mais qu'il ne semble pas avoir corrigés par la suite. Cette<br />
classification garde pour lui valeur, indépendamment de la demande sco-<br />
laire. Non seulement il l'adresse aux instances non scolaires à qui il sou-<br />
met ses demandes - pas exemple, dès 1896, à la Commission d'Assis-<br />
tance du Conseil général de la Seine - mais il la reproduit à cinq reprises<br />
au moins et jusqba'ài prbs de 10 ans après sa rédaction, dans des publica-<br />
tions destinées notamment A un public medical. On imagine mal une telle<br />
insis9nce A répandre son travail, si celui-ci avait pour lui le seul intérêt<br />
stratkgique d'étayer sa demande de classes spéciales auprés de I'lns-<br />
truction publique. Loin de le considérer comme purement circonstanciel,<br />
Bourneville lui conf&re le statut d'un véritable texte de référence.<br />
Utilisé, en 9896, dans lle chapeau de la classification, le terme idiotie,<br />
qui designe un « 6tat constitutionnel, physique, intellectuel et moral »,<br />
recouvre toutes les caP6gories d'anormaux, intellectuels ou moraux, énuméi-$es<br />
ensuite. 01 en va de même dans le tome XVll des Recherches<br />
clinigbdes et thérapeutiques sur I'Gpilepsie, I'hyst6rie et I'idiotie, ainsi que<br />
dans Le Progres medical du 26 juin 1897 29. Pour la commission, le chapeau<br />
sur l'idiotie prenant sa place sous le titre anormaux médicaux, est<br />
i6servb aux troubles graves, y compris de la moralité. Dans le cours du<br />
Pe~e - en 1896 comme pour Ia commission - Bourneville distingue I'imb6cillité<br />
morale de l'idiotie (a l'imbécillité morale, de même que I'idiotie »).<br />
28 D.M. Bourneville, 4897 a, p. 22 et Recueil des travaux du congrds international d'assis-<br />
tance et de bienfaisance privde, tenu du 30 juillet au 5 aoOt 1900, Paris, Siège général du<br />
congres, 1900, p. 298.<br />
29 Afin de restituer la classification de Bourneville, J. Gateaux-Mennecier reprend la classifi-<br />
cation figurant dans les Recherches Cliniques (RCT, 1897), mais n'en retient pas I'irnbécil-<br />
lité morale ni i'instabilité mentale, se privant ainsi, semble-t-il, de la logique générale de la<br />
classification : intégration des troubles moraux dans I'idiotie, homologie suggérée par les<br />
accolades entre instabilité et imbécillité légère (J. Gateaux-Mennecier, 1989, pp. 101 -1 04).
Ces fluctuations se retrouvent ailleurs. Bourneville inclut parfois les<br />
troubles de la moralité, sous le terme idiot : ainsi, en 1902, il parie des<br />
« idiots moraux, atteints dans leur sens moral, mais dont l'intelligence peut<br />
être plus ou moins intacte B. D'autres fois, il distingue idiots et anormaux<br />
moraux : en 1900, par exemple, il définit le terme idiot comme « terme<br />
générique qui comprend les idiots proprement dits, les imbéciles, et les<br />
arriérés au point de vue intellectuel 31 », distingués des imbéciles moraux<br />
et des épileptiques ; de même, en 1905, il parle des « enfants idiots de<br />
tous les degrés, depuis l'idiot complet, être végétatif, jusqu'aux enfants<br />
simplement am't!r&s, confinant à l'enfant normal moyen 32 ».<br />
Non moins couramment, l'aliéniste réserve le terme idiot aux degrés<br />
les plus profonds de déficience mentale, sans qu'on puisse déceler une<br />
évolution nette dans ses nomenclatures. Ainsi, en 1894, où il prend pour<br />
terme générique, désignant anormalité intellectuelle et anorrnalité morale,<br />
le mot incurables 33. De même, en 1895, où il semble critique par rapport à<br />
l'usage générique du terme idiot dont « certains médecins se contentent B,<br />
à l'encontre des usages habituels « dans le langage clinique ou dans la<br />
pratique médicale ». De même encore, en 1905, puis en 1907, dans des<br />
textes où le terne générique utilisé est anormaux (pour désigner égale-<br />
ment sourds, aveugles et bégues) 35.<br />
Bourneville utilise rarement arriéré comme terme générique pour dési-<br />
gner tous les degrés de déficience mentaleM. A son époque, d'autres<br />
D.M. Bourneville, 1902, p. 62-63. Cet usage est repris par son collaborateur J. Boyer<br />
(SLEPE, 1905, juill.-août-sept., no 25, p. 686).<br />
31 D.M. Bourneville, in Recueil des travaux du congrès international d'assistance publique et<br />
de bienfaisance pnv4e de 1900, Paris, Siège général du congrès, 1900, p. 295.<br />
32 D.M. Bourneville, 1905 c, p. 2.<br />
33 D.M. Bourneville, 1894 a, p. 122.<br />
34 D.M. Bourneville, 1895, pp. 1781 79.<br />
35 D.M. Bourneville, 1905 b, p. 4 ; 1907, p. 2.<br />
Dans les tableaux de sorties de Bicêtre, l'arriération intellectuelle apparaît en 1887 (RCT,<br />
1888, p. XXVIII), sous la rubrique cr maladies n ; auparavant, on ne trouve qu'imbécilllé<br />
légère. En revanche, la débilité mentale y figure très t6t. Elle apparaît en 1881, au plus<br />
tard, dans le tableau des décès (RCT, 1882, p. XXII) et se retrouve relativement souvent<br />
dans les tableaux ultérieurs des décès et des sorties, le plus souvent associée à des
auteurs font au contraire couramment cet usage, idiot étant alors - selon<br />
sa deuxième acception - résewé aux arriérés profonds. Cet usage géné-<br />
rique se répandra et restera dominant pendant de longues années, avec<br />
I'apparition de classifications en temes d'arriération légère, moyenne et<br />
profonde et l'abandon des mots imbécile et idiot devenus péjoratifs et<br />
progressivement passés dans le langage commun (comme actuellement,<br />
le teme débile).<br />
idiotie et arriération a simples t)<br />
« Pour l'école, [écrit J. Gateaux-Mennecier] Bourneville annule toute<br />
dimension organique, neurologique ou psychopathologique, il s'agit dé-<br />
sormais d'"arriération intellectuelle simple" 37. » Dans le présent document,<br />
Bourneville n'emploie pas l'expression arriération intellectuelle simple. II<br />
parle des formes simples ou compliquées de I'idiotie, « dans toutes ses<br />
vasiétés », de la plus grave la plus légère. II ne réserve donc pas cette<br />
distinction B l'arriération et n'en fait pas un critère de différenciation entre<br />
les catégories définies. Elle concerne l'idiotie dans son ensemble. Utilisée<br />
dans le chapeau de la classification, elle s'applique aussi B l'instabilité<br />
mentale et A I'imbbcillité morale.<br />
La notion de formes simples d'idiotie a deux acceptions, chez Bourne-<br />
ville. La première, qui est sans le moindre équivoque celle signifiée ici, I'op-<br />
pose aux formes compliquées. Elle recouvre la présence ou l'absence de<br />
ce qu'on appellerait aujourd'hui troubles ou handicaps associés (parmi les<br />
plus cités par Bourneville : paralysie ou hémiplégie, épilepsie, chorée, ra-<br />
chitisme, scrofule, onanisme, tics, onychophagie). Elle ne signifie rien<br />
troubles neurologiques (épilepsie, chor&, paralysie...). En 1905, Bourneville note que<br />
cette notion doit être r6servée eux adultes et aux vieillards (1905 a, p. 1 , note 1).<br />
37 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 59.
quant à la présence ou à l'absence d'organicité et de dimension neuro-<br />
logique.<br />
La deuxième acception, à laquelle se référe J. Gateaux-Mennecier,<br />
désigne des degrés dans chacune des formes de I'idiotie. Inscrite dans<br />
une logique construite avant 1896, en dehors de toute centration sur<br />
l'école et avant toute demande de celle-ci, elle ne concerne pas la seule<br />
arriération. En 1895, Bourneville décrit déjà, à c6té de I'idiotie profonde,<br />
une idiotie simple ; à c6té de l'imbécillité prononcée, une « imb6cillit6<br />
simple (fatuité, niaiserie, etc.), ou arriération intellectuelle, ou encore débi-<br />
lité mentale 38 ». L'arriération simple, dans laquelle pathologie, compo-<br />
santes neurologiques, stigmates de dégénérescence sont les plus atté-<br />
nués, s'oppose à I'idiotie complète. Cette acception, plus souvent expri-<br />
mée par la formulation simple arriération que par la formulation arriération<br />
simple, n'est pas synonyme de la premiére : l'arriéré simple peut présenter<br />
des troubles associés. « Tous les anormaux, intellectuels ou moraux,<br />
depuis l'idiot complet jusqu'au simple arri6r6, y compris les indisciplin6s et<br />
les instables, peuvent être affectés de paralysies diverses, d'épilepsie, de<br />
manies, de tics, de perversion des instincts 39. » Plus on va vers les<br />
formes légères, moins on a de chances de trouver de « stigmates de dé-<br />
générescence », mais ces stigmates ne constituent ni un critère de caté-<br />
gorisation, ni un critère d'admission en classe spéciale.<br />
Quelle qu'en soit l'acception, l'arriération simple n'est pas réservée à<br />
l'autorité scolaire. En 1893, Bourneville parle de « la simple arriération<br />
intellectuelle » par opposition à I'idiotie la plus complète et ceci, non pas à<br />
propos des enfants des écoles mais à propos de ceux de Bicêtre, non pas<br />
à destination de l'autorité scolaire mais à destination d'un public médi-<br />
cal 40. On la retrouve plus tardivement, à destination de publics divers 41. 11<br />
38 D.M. Bourneville, 1895 a, p. 21 1.<br />
39 D.M. Bourneville, 1905 b, p. 21 et 1907, p. 14.<br />
40 D.M. Bourneville, 1893, p. 489.<br />
41 D.M. Bourneville, 1905 b, p. 21 ; 1905 c p. 2 et p. 135.
me paraît remanluable que I'aliéniste ne reprenne pas I'expression en<br />
réponse B la demande de !'autorité scolaire.<br />
Je n'a! trouvé aucun texte énumérant les mesures à prendre pour les<br />
différentes catégories d'anormaux, où I'expression arriération simple soit<br />
employée. Elle ne flgure dans aucun des multiples vœux que Bourneville<br />
fait voter, à partis de 1891, pour demander des classes spéciales. En gé-<br />
néral, quel que soit son interiocuteilai, le mot arriération - synonyme d'im-<br />
bécillité simple - lui sumt. A ma connaissance, un seul écrit - où l'aliéniste<br />
rapporte son adion engagée en 1891-1892 auprès de Léon Bourgeois,<br />
alors ministre de I'lnstniciion publique - destine les classes spéciales aux<br />
« enfants atteints d'arneration intellectuelle simple 42 B. Mais alors, rien ne<br />
permet de savoir s'il s'agit d'arriération sans troubles associés, ou d'arrié-<br />
ration légère par opposition à des degrés plus graves.<br />
Au demeurant, on doit donner acte à J. Gateaux-Mennecier de ce que<br />
certains auteurs de l'époque sollicitent une lecture telle que la sienne. Lors<br />
du congrès d'assistance publique et de bienfaisance privée de Bordeaux,<br />
Jacquin attribue par trois fois I'expression d'arriération simple à la classifi-<br />
cation de t'aliéniste, en se référant à une version de 1897 et à celle de<br />
1902 : i'imbécillité legére ou ainémtion intellectuelle simple » ; « idiots<br />
intelledueils (idiots profonds, imbéciles et arriérés simples) 43 ». Or, pas<br />
plus dans ces deux versions que dans les autres, la classification de<br />
Bourneville ne parle d'arriération simple. Elle parle uniquement d'instabilité<br />
mentale simple par opposition P l'instabilité compliquée d'imbécillité ou<br />
d'arriération. Par arriération simple, Jacquin entend, conformément h<br />
d'autres écrits de Bourneville, arriération non compliquée de perversion<br />
des instincts ou d'épiiepsie, mais il identifie cette absence de complication<br />
au degré le plus élevé de l'arriération 44. Il tire ainsi la pensée de l'aliéniste<br />
vers ses propres fomulations, influencées par les médecins belges.<br />
42 D.M. Bourneville, 3895 a, p. 355.<br />
43 G. Jacquin ; i 903, pp. 10-1 1.<br />
44 Cf. plus haut, p. . Selon la même acception, J. Demoor demande des u instituts spéciaux<br />
qui seront distincts pour les arriérés simples et pour les arriérés épileptiques ou convul-<br />
sifs n (1903, p. 176).
Bourneville s'est-il exprimé oralement en faveur d'une telle identification,<br />
que les textes ne reprennent pas ? Lorsque l'aliéniste spécifie à quels<br />
enfants les classes spéciales s'adressent, il y inclut en général des en-<br />
fants plus gravement atteints que les aniérés légers ; en revanche, il en<br />
exclut les enfants présentant les complications pour lui majeures que sont<br />
la perversion des instincts et l'épilepsie.<br />
A cette époque, indépendamment de Boumeville ou par référence à<br />
lui, l'épithète « simple » est utilisé de façon fluctuante. Reprenant à son<br />
compte les définitions de Demoor 45, Jacquin évoque « la catégorie la plus<br />
élevée des arriérés médicaux, [les] amerés intellectuels simples, sans<br />
perversion des instincts, sans accidents convulsifs » : c'est-à-dire les arriérés<br />
qui, comme les arriérés pédagogiques purs, sont « capables d'instruction<br />
» et destinés aux classes spéciales48. De méme, se référant à<br />
Bourneville et à Jacquin, le rapport Strauss au congrès de Bordeaux de<br />
1903 déclare : « un certain nombre d'arriérés simples, de faibles d'esprit<br />
peuvent exclusivement rester sur le terrain pédagogique ». « Les classes<br />
spéciales d'ordre pédagogique sont réservées aux arriérés médicaux<br />
simples 47. » Un exemplaire de ce rapport, conservé à I'INRP, porte des<br />
mentions manuscrites de Baguer, reprenant, à destination de la SLEPE, le<br />
vœu du congrès. Le vœu voté par cette société, en 1904, ne retient pas la<br />
notion d'arriération simple, mais celle d'anomaux perfectibles 43. En 1904,<br />
J. Voisin parle de i< débilité mentale simple u, et encore d'enfants « dégénérés<br />
simples », à propos des enfants qui viennent en consultation externe<br />
à la Salpêtriére 4e. La notion d'amération simple figure encore, en 1905,<br />
dans une lettre à la signature de Léon Bourgeois : « Pour les arriérés<br />
simples et les instables [par opposition aux anomaux médicaux] il n'existe<br />
absolument rien, en France » (texte f3, préparé sans doute avec la collaboration<br />
de Baguer).<br />
45 Cf. plus haut, p. 55.<br />
46 G. Jacquin, 1903, pp. 38,42.<br />
47 P. Strauss, 19û3, pp 13 et 16.<br />
48 Cf. plus loin, p. t 19.<br />
@ J. Voisin, 1904, p. 187.
Des descriptions non cenarées sur I'6tiologie<br />
Si $a cdassifimtion ne décrit pas ijes causes et composantes organiques<br />
ou weuroiogiques de l'arriération, elle ne le fait pas davantage pour les<br />
dbficits graves. U6tiologie est rapidement évoquée avant la description<br />
des symptdmes, et ceci pouu toutes les catégories decrites, qu'elles soient<br />
simples ou compljquées et que! que soit leur degré. La description des<br />
&lologies, notamment organiques, est réservée aux études destinées à<br />
des spécialistes, le urologues ou aliénistes. On la retrouve, pour I'en-<br />
semble des catégories distingubes, dans des textes largement postérieurs<br />
B 2896. Qia ne !a trouve pas lorsque Bourneville s'adresse aux non-<br />
spécialistes que sont les autoritbs scolaires, mais pas davantage lorçqu'il<br />
s'adresse à des publics larges, philanthropes par exemple<br />
Les descriptions reposent toutes ici sur le comportement. Ce type de<br />
description figure dans des textes destinés à tous les publics, spécialistes<br />
ou non. Loin d'être r6servé à l'autorité scolaire et aux enfants des écoles,<br />
il se retrouve dans les descriptions cliniques des enfants des asiles, qu'il<br />
s'agisse de publications anciennes ou tardives. La nouveauté réside ici<br />
dans Ba systématisation de la catégoflsation à paitir du comporiement,<br />
notamment pour l'arriéré, mais pas pour lui seul.<br />
Loin d'exclure Poute dimension organique, la classification parle, pour<br />
B'idiotIe dans son ensemble, y compris l'arriération, d'un état c constitu-<br />
tionnel » d0 à des troubles survenus dans la vie foetale, à la naissance ou<br />
aprés celle-ci. Ailleurs, il parle des « enfants malades, atteints de lésions<br />
weweuses plus ou moins profondes ou de dégénérescence : imbéciles,<br />
arriér$s, instables, impulsifs, etc. ». Ou encore, présentant l'idiotie<br />
Faut-il suivre J. Postel et CI. Quétel, lorsqu'ils écrivent : a Pour Delasiauve et même que<br />
pour son Bleve Bourneville le souci étiologique sera tout à fait secondaire et c'est d'ailleurs<br />
I'un des axes fondamentaux de la deuxième partie du siécle tout au moins pour ceux de<br />
ses représentants qui œuvreront pour l'enfance déficience n (1 983, p. 506). On trouvera<br />
des analyses de l'évolution des conceptions Btiologiques à la fin du XIX* siècle et au début<br />
du XYesiécle, dans E. Baumfelder, 4983. p. chap. IX.<br />
D.M. Bourneville, RCT., 1887, p. XV.
comme la cc conséquence d'un certain nombre de maladies de I'encé-<br />
phale )), il inclut parmi ses variétés l'imbécillité simple ou arriération intel-<br />
lectuelle 52. Selon J. Postel et CI. Quétel, qui ne citent pas de sources,<br />
(c sous les qualifications d'imbéciles et d'arriérés )) Bourneville opposerait<br />
aux déficiences graves cc un ensemble très hétérogène de troubles B rele-<br />
vant explicitement 1) d'étiologies multiples, a dans lesquelles prédomine<br />
la pensée des déterminations psycho-sociologiques 53 m. Je n'ai trouvé<br />
aucun texte de l'aliéniste corroborant cette affirmation. L'aliéniste s'attache<br />
certes aux conditions de vie des enfants, dans ses descriptions cliniques,<br />
mais ce n'est pas seulement pour les cas les moins graves 54. Selon<br />
J. Postel et CI. Quétel, l'Institut médico-pédagogique de Vitry aurait été<br />
créé pour de tels enfants. En réalité, cet institut est destiné aux c< malheu-<br />
reux enfants déshérités de l'esprit, qui, désignés sous l'euphémisme d'ar-<br />
ri&&, doivent à un vice cérébral originel ou à une maladie postérieure à<br />
leur naissance, leur infirmité mentale 55 ».<br />
Le comportement des arri6rés<br />
Bourneville ne décrit pas le comportement scolaire des arriérés. Deux<br />
notations seulement ont explicitement trait à l'école et elles ne les concer-<br />
nent pas : les instables cc se sauvent de l'école )) ; les imbéciles moraux<br />
peuvent cc appartenir à la même classe » que les enfants du même âge et<br />
cc avoir leur certificat d'6tudes B. Le comportement scolaire perturbant pour<br />
les classes figure pourtant en bonne place, et ceci bien avant 1896, dans<br />
des descriptions des arriérés que l'aliéniste reprendra à l'identique, à de<br />
nombreuses reprises : enfants cc imbéciles ou arriérés qu'on ne peut gar-<br />
der dans les écoles de la ville )) ; cc incapables de suivre les exercices des<br />
autres enfants et que leurs tics, leur insuffisance mentale, rendent la risée<br />
de leurs camarades B ; ils cc troublent la classe par leur instabilité, leur<br />
52 D.M. Bourneville, 1895, p. 21 1.<br />
53 J. Postel, CI. Quétel, 1983, p. 507.<br />
" Voir à ce sujet les analyses très détaillées de E. Baumfelder, 1983, p. 302 sq.<br />
55 D.M. Bourneville, 1894 b, p. 1.<br />
90
esoin de mouvement, leurs contorsions, leurs crises convulsives » 56.<br />
Une telle absence, dans un texte destiné à servir de guide aux instituteurs,<br />
exprime sans doute sa méfiance B l'égard des maîtres qui pourraient être<br />
tentes - comme il Ee Beur reproche, à la suite de l'enquête effectuée à sa<br />
demande dans deux arrondissements de Paris- de ne pas déclarer<br />
d'anormaux, de peur d'être considérés comme de mauvais maîtres 57.<br />
Mais 61 faut y voir aussi l'expression de choix théoriques : il s'agit de définir<br />
les anormaux dans Peurs cairad6i9stiques intrinséques, comme n'importe<br />
que! malade reconnaissable en dehors de tout critère institutionnel.<br />
Bourneville tente une description psychologique des arriérés, dans la ligne<br />
théorique qui guide l'ensemble de sa classification et se retrouvera dans<br />
des textes ultérieurs non destin6s B l'école.<br />
Pour les arriérés, Bolarneville dbcrit peu de traits comportementaux<br />
pouvant apparaître comme des symptômes pathologiques. J. Gateaux-<br />
Mennecier a bien montre cet amenuisement des symptômes et de la réa-<br />
lit6 de la catégorie « arriération ». part l'affaiblissement de ses caracté-<br />
ristiques intelleduelles, pose par d6finition, il n'y a pas grande pathologie<br />
A décrire, dans la conduite de cet arriéré ". Disparaissent, de fait, les<br />
connotations qui - dans la description de son comportement scolaire - le<br />
rapprochaient de I'bpileptique, ou le décrivaient comme instable. Cepen-<br />
dant, la description de ses facultés intellectuelles est aussi détaillée que<br />
celle de l'imbécile (attention, réflexion, prévoyance, conception, mémoire).<br />
Comme le veut la logique d'une conception de l'idiotie comme anornialité<br />
présentant des degrés, de Iâ plus globale à la plus limitée, il s'agit d'un<br />
arriéré dont la pathologie, forme la plus atténuée et la moins globale, se<br />
56 D.M. Bourneville, RCT, 4888, p. LIII-LI\/ ; D.M. Bourneville, 1889 a, p. 7 ; 1894 a, p. 123 ;<br />
'1895 a, p. 145.<br />
57 D.M. Bourneville, 1897 a, p. 9.<br />
J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 72.<br />
91
éduit, lorsqu'il ne présente pas de troubles associés, à la seule déficience<br />
des fonctions intellectuelles 5g.<br />
II y a, dans une telle description, l'amorce d'un glissement de la notion<br />
d'arriération vers des enfants de moins en moins manifestement malades<br />
qui sera d'usage au début du xxe siècle. Cet arriéré, aux franges de la<br />
normale, qu'aucun comportement ne désigne de façon évidente comme<br />
pathologique, est la préfiguration de ce pseudo-malade qu'inventeront<br />
Philippe et Paul-Boncour et à qui Binet et Simon accorderont une place<br />
majeure, sous le nom d'arriéré d'6cole<br />
Bourneville affirme couramment le caractère pathologique de I'arriéra-<br />
tion et utilise le terme arriéré pour désigner « la catégorie la moins malade<br />
des enfants idiots ». Mais certains textes, dont les destinataires peuvent<br />
être aussi bien médicaux que scolaires, distinguent l'arriération de I'imbé-<br />
cillité légère et semblent même la faire sortir de la pathologie. Ainsi, en<br />
1895 : « les idiots, les plus malades, les imbéciles, les moins malades, les<br />
arriérés, qui se rapprochent, dans une certaine mesure, des enfants<br />
moyens au point de vue de l'intelligence 62 ». De même, en 1896, dans<br />
une note à la Commission de Surveillance des asiles, les arriérés sont<br />
rapprochés des retardés et distingues des « imbéciles du degré le moins<br />
accusé 63 ». Dans ses derniers textes, l'aliéniste continue à présenter<br />
l'arriéré comme identique à l'imbécile léger - « Le mot débile fait double<br />
emploi avec I'imb6cile simple, et l'arriéré » - mais simultanément, il lui<br />
5g En 1904, A. Binet écrit : a Je crois devoir insister en note sur cette question très impor-<br />
tante. Beaucoup d'enfants arriérés ne présentent qu'un seul symptôme appréciable, i'ar-<br />
riération de l'intelligence. B (1 904 a, p. 178, note 1 ).<br />
60 Cf. M. Vial, 1979, p. 139-1 43 ; 1990 b, p. 75-86. En 1903. G. Jacquin utilise la notion<br />
d'arriérés d'école, pour désigner a les arriérés les moins touchés, les simples débiles n<br />
(p. 25). J'ai moi-même, à tort, attribuée le premier usage de cette expression à Binet et à<br />
Simon.<br />
D.M. Bourneville, 1897 a, p. 4.<br />
62 D.M. Bourneville, 1895 a, p. 179.<br />
63 D.M. Bourneville, in 1897 a, p. 4. La phrase écrit bizarrement a: les amdrds et même les<br />
imbdciles du degré le moins accusé existent dans les services consacrés aux idiots n,<br />
comme si les imbéciles étaient les moins atteints.<br />
64 D.M. Bourneville, 1905 a, p. 1, n. 1.
arrive de tes distinguer nettement, notamment dans des textes décrivant<br />
les mesures à prendre pour les anormaux<br />
Alors même que sa pensée ne laisse pas de lui en offrir les moyens, il<br />
me parait une wou\lelle fois remarquable que, s'adressant à l'autorité sco-<br />
laire, Bourneville n'atténue nullement le degré d'insuffisance intellectuelle<br />
de l'arriéré. Celui-ci se situe a notablement au-dessous des facultés des<br />
enfants du même Age B. Au début de sa lettre à Carnot, il distingue la<br />
catégorie des enfants (( plus ou moins retardés dans leur développement<br />
intellectuel », mais cette désignation, qui peut sembler gommer le carac-<br />
BAre pathologique de l'arriération, n'est plus de mise dans la classification<br />
qui utilise les appellations arriére et imbécile et, comme dans ses pre-<br />
miéres demandes de classes spéciales, fait clairement de l'arriération le<br />
synonyme de l'imbécillité Iégére. Le terme retardé y est utilisé dans la<br />
description des facultés intellectuelles des enfants concernés, mais non<br />
comme désignation catégorielle. Répondant à la demande de l'autorité<br />
scolaire, Bourneville est loin d'édulcorer sa pensée. L'arriération n'est pas<br />
ici une nouvelle catégorie, entre l'imbécile et I'enfant normal. L'arriéré est<br />
un malade, comme les imbéciles et les idiots profonds, et c'est d'ailleurs<br />
parce qu'il souscrit A ce point de vue que Carriot en a demandé la défini-<br />
tion à l'aliéniste.<br />
En accord avec les courants qui deviendront dominants après 1900,<br />
Bourneville accorde parfois place, dans ses demandes de classes spé-<br />
ciales, à l'arriéré distinct de l'imbécile léger, voire à I'enfant simplement<br />
subnormal ou retardé Il souhaite des classes spéciales « pour les en-<br />
fants au-dessous de la moyenne », pour lesquels il faudrait instituer « un<br />
enseignement spécial analogue A celui qui existe pour les enfants arrié-<br />
D.M. Bourneville, 9 905 a, p 4 ; '1 905 b, p. 8 ; 1907, p. 2 (texte et note), 5, 10, 14.<br />
66 L'usage du terme retardé comme désignation catégorielle se retrouve, chez l'aliéniste,<br />
pour d'autres destinataires que les autorités scolaires et reste souvent ambigu. Utilise-t-il<br />
ce mot comme synonyme du terme arriéré, comme cela semble être le cas au début de la<br />
lettre à Carriot ? Désigne-1-il, par là, un retard moins important, plus proche de la normale?<br />
a II y a aussi des arriérés, des retardés, dans les écoles ordinaires ... B (1897 a, p. 4).
és 67 1). Mais il ne réserve pas ces classes à de tels enfants. « C'est pour<br />
les imbéciles les moins frappés dans leurs facultés intelleduelles, les ar-<br />
riérés, les faibles d'esprit, les enfants en retard, comme disent les Italiens,<br />
que nous avons proposé depuis longtemps la création de classes sp6-<br />
ciales M. » La prise en compte des problèmes scolaires à côté de ceux de<br />
l'asile est sans doute à la source de telles énonciations, mais elle me<br />
paraît avoir une valeur théorique qui dépasse la simple opportunité fac-<br />
tuelle. Elle est présente relativement tôt dans la pensée de l'aliéniste<br />
(1887, au plus tard) et perceptible y compris dans des textes ne s'adres-<br />
sant pas aux autorités scolaires ee et dans des descriptions ayant valeur<br />
théorique, au-delà de toute demande institutionnelle.<br />
Des arriérés à l'école ?<br />
Selon J. Gateaux-Mennecier, Bourneville « postule » l'existence d'ar-<br />
riérés dans les écoles, et ceci par une position « plus stratégique que<br />
scientifique », pour justifier la création de classes spéciales. La « concep<br />
tion d'une population d'enfants prétendument arriérés au sein de l'école<br />
ordinaire » participe des « légitimations apparentes » de la création de<br />
telles classes 70. Une autre hypothèse peut aussi être retenue. Président<br />
d'un « Cercle des parents Rducateurs 71 », Bourneville s'intéresse active-<br />
ment aux questions éducatives. Dès 1881 et jusqu'en 1895 au moins, il<br />
67 D.M. Bourneville, RCT, 1892, p. CXII.<br />
88 D.M. Bourneville, Recueil des travaux, p. 295.<br />
Cf. Les textes cités plus haut - D.M. Bourneville, 1894 a, p. 123 et 1895, p. 145 - qui<br />
s'adressent à des congrés d'Assistance. II ne semble pas que l'aliéniste s'en tienne aux<br />
a désenfermement des déficients profonds de i'asile s, lorsqu'il s'adresse à la Commission<br />
de Surveillance des asiles d'aliénés (J. Gateaux-Mennecier, 1990 b, p. 64) : il parle des<br />
tous les enfants des asiles indament hospitalisés et de tous ceux qui ont été<br />
r améliorés n. Devant cette même commission, il demande explicitement des classes<br />
spéciales pour les arriérés et indisciplinés des écoles (1 898, p. 4).<br />
70 J. Gateaux-Mennecier;, 1990 a, p. 55-56. Cf. aussi 1989, p. 228. L'auteur parle des<br />
a efforts n de Bourneville a pour assimiler le retardé scolaire au déficient asilaire n<br />
(1990 a, p. 73). Est-ce en accord avec l'affirmation selon laquelle l'aliéniste voudrait Iégi-<br />
timer la création de classes spéciales par une atténuation des caractéristiques pathol-<br />
ogiques de i'arriéré destiné à ces classes ?<br />
71 MG, 1899, p. 595.
est membre de la délégation cantonale du arrondissement de Paris 72. Il<br />
a 6%é membre de la commissioao de l'Enseignement du conseil municipal<br />
de Paris. SI évoque d'ailleurs, avant toute action auprès de l'Instruction publique<br />
et dans des &crits n'envisageant pas la création de classes spéciales,<br />
la présence d'arriérés dans les écoles. Nous avons eu l'occasion<br />
de signaler i'existence en nombre assez considérable dans les écoles primaires<br />
d'enfants airrierés, ou dont l'intelligence confine à l'imbécillité - et il<br />
en existe aussi dans les 6tablissements d'enseignement secondaire 73. »<br />
Rien ne penne% de mettre en cause la véracité de ces affirmations. Des<br />
dcrits ultérieurs le confiment, on trouve des arriérés, y compris des arriéù6s<br />
profonds, A l'&col@ ordinaire 74. Le premier texte que j'ai rencontré date<br />
de 1900 : J'ai entendu souvenP des instituteurs exprimer les mêmes<br />
plaintes. Aveugles, sourds-muets, idiots, bègues sont à leurs yeux, des<br />
unit& encombrantes, un véritable poids mort dont il faudrait alléger les<br />
classes 75. » L'obligation scolaire ayant été décrétée en 1882, il est probable<br />
que de tels enfants fréquentaient déjà les écoles ordinaires, avant<br />
1900 76. Leur nombre a peut-être progressivement augmenté, par la pression<br />
de parents de la bourgeoisie ; il ne semble pas, en tout cas, complètement<br />
négligeable : on ne comprendrait pas autrement que figure dans<br />
les premieres classes de perfectionnement une proportion notable de handicapés<br />
gravement atteints (y compris, par exemple, microcéphales ou<br />
72 a La délégation cantonale du 5' arrondissement, dont je fais partie ... D (D.M. Bourneville,<br />
4895 a, p. 188). Avis de nomination, mai 1881, octobre 1884, avril 1890, novembre 1893<br />
(Archives de l'Assistance publique, liasse ne 646, manuscrits Bourneville). Les délégations<br />
cantonales étaient des assemblées de notables nommées par le Conseil départemental et<br />
chargées de a veiller a la direction morale et intellectuelle des enfants ainsi qu'à la bonne<br />
installation matérielle des écoles D du canton. A Paris, les délégués se réunissaient au<br />
moins une fois par mois, sous la surveillance du maire ou d'un de ses adjoints (E. Duplan,<br />
1889, p. 9, note 2).<br />
73 Signé B., a. Assistance des enfants arriérés, imbéciles, idiots et épileptiques ; nécessité de<br />
les hospitaliser s, Archives de neurologie, 1890, pp. 449-451 (p. 451).<br />
74 Cf. M. Vial, 1990 b, p. 420. Selon Binet, en accord sur ce point avec Bourneville, on<br />
trouve, dans les écoles a tous les degrés ci'anormalité, depuis les idiots jusqu'aux débiles<br />
simples s (cité par La Petite R&publique, juin 1908, article non signé, Coll. INRP,<br />
3703179C).<br />
75 A. Bak. 1900. D. 377.<br />
. .<br />
76 11 ne s'agit évidemment pas de dire que populations scolaire et asilaire se recouvrent, mais<br />
qu'A leurs franges, certains enfants peuvent présenter les mêmes caractéristiques : en-<br />
fants gravement atteints, à l'école ; enfants peu ou pas arriérés, à l'asile.
mongoliens) 77. Ce sont peut-être les doléances des maîtres ou des auto-<br />
rités scolaires face à la présence de tels enfants à l'école qui ont amené<br />
Bourneville intégrer dans son argumentaire en faveur des classes spé-<br />
ciales, la considération des problèmes scolaires.<br />
Lors de l'enquête faite à la demande de Bourneville dans les Ve et VIe<br />
arrondissements de Paris, les maîtres signalent peu d'arriérés (1,22 %).<br />
Mais s'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de la population<br />
concernée (2,15 %), les 77 garçons signalés (6 filles seulement) repré-<br />
sentent les effectifs de plusieurs classes : Bourneville demande deux<br />
classes par arrondissement 78. Les maîtres ne sont pas interrogés sur<br />
l'arriération simple, ni sur I'amiéré scolaire, mais sur les arriérés en géné-<br />
ral. II y a sans doute quelques arriérés graves, parmi ceux qu'ils signalent,<br />
mais sollicités par l'autorité scolaire et sa caution médicale, ils ont proba-<br />
blement désigné également nombre d'enfants qui simplement ne suivent<br />
pas les classes et dont, spontanément, ils ne se seraient pas plaints.<br />
L'instituteur discerne très bien celui qui ne suit pas en classe, simplement<br />
il n'en fait ordinairement pas cas : c'est le cancre, objet normal de sa pra-<br />
tique quotidienne, qui devient arriéré avec l'intervention hiérarchique et<br />
médicale 79.<br />
En général, Bourneville ne fait pas de descriptions différentielles des<br />
arriérés qu'il destine aux classes spkciales, en fonction du lieu où ils sont<br />
recrutés (asile, Bcole, enfants errant sans soin hors institutions). Je n'ai<br />
trouvé qu'un texte - d'ailleurs peu clair -. qui pourrait paraître aller dans ce<br />
sens. II semble distinguer trois groupes : les « imbéciles les moins ma-<br />
lades », dont « un certain nombre sont hospitalisés » ; « les arriérés, les<br />
débiles, les insuffisants d'esprit » qui sont « soit dans les écoles, soit dans<br />
leurs familles » ; « quant au dernier groupe, les arriérés, souvent in-<br />
stables, qui sont censés rester dans leurs familles, ils sont généralement<br />
77 Cf. M. Hugon, J. Gateaux, M. Vial, 1984.<br />
7e Signé B, (note sans titre), Archives de neurologie, 1893, p. 156.<br />
Cf. M. Vial, 1990 b, p. 52.
abandonnés à eux-mêmes 80 13. On peut effectivement y lire que les arrié-<br />
rhs sont davantage à I'école et les imbéciles à I'hdpital ; les arriérés in-<br />
stables qui vagabondent et sont en proie à la justice seraient peut-être<br />
ceux que I'école renvoie. Mais les classes spéciales s'adressent à tous.<br />
Bourneville ne fait pas une catégorie d'arriérés scolaires, comme cela<br />
se fera apr&s lui. En revanche, on Prouve sous sa plume des descriptions<br />
d'enfants de l'asile en termes scolaires. L'enfant pas vraiment arriéré,<br />
confinant & l'enfant normal et probablement davantage cas social que<br />
malade, s'y trouve peut-être aussi, même s'il y est rare, notamment parmi<br />
les « quelques enfants » présentés au certificat d'études primaires (54<br />
réussites, A Bicêtre, entre 1883 et 4900) Imbécillité légère et arriération<br />
figurent dans les tableaux des soriies de Bicêtre. C'est d'ailleurs la pré-<br />
sence d'enfants qui ne devraient pas entrer à l'asile et l'encombrent qui a<br />
amené l'aliéniste à envisager, sur le modèle de l'étranger, la création de<br />
classes spéciales. En 1897, ces malades « non pervers et non épilep-<br />
tiques » (la plupail, il est vrai, de plus de treize ans), qui auraient pu béné-<br />
ficies de classes spéciales si elles avaient existé sont cités au nombre de<br />
51 (auxquels s'ajoutent 30 enfants améliorés à I'asile), sans que I'on<br />
sache s'il s'agit d'arriérations véritables ou de ces enfants dont on ne veut<br />
pas qu'ils soient des nomaux mais qui ne sont pourtant plus des<br />
malades e2.<br />
Bans ses demandes de classes spéciales, l'aliéniste n'est certaine-<br />
men8 pas exempt de préoccupations tactiques. Comme tout solliciteur, il<br />
devait rendre son discours convaincant. Le début de sa lettre à Carnot,<br />
notamment, avec l'usage du terme retardé peut être interprété ainsi. Mais<br />
D.M. Bourneville, WCT, 1896, pp. LVIII-LIX.<br />
D.M. Bourneville, 1900, pp. LIX et LX. En novembre 1904, L. Meusy cite dans les première<br />
et deuxième classes de la Salpêtrière, 35 et 36 enfants sachant lire et écrire (L. Meusy,<br />
9905, pp. 559-560). En 1894, Bourneville dénombre les enfants relativement nombreux<br />
sachant lire, écrire, compter, voire préparant le certificat d'études, présents à Vaucluse, à<br />
Villejuif et à la Salpêtrière. Selon J. Gâteaux-Mennecier, 3.3 % des sortants de Bicêtre se-<br />
raient de simples arriérés et l'on trouverait également a l'asile, un petit nombre d'enfants<br />
que I'on appellerait aujourd'hui délinquants ou cas sociaux (1 990 a, p. 51 et p. 46).<br />
82 D.M. Bourneville, 1897 a, pp. 5 et 6.
ces préoccupations ne l'empêchent pas de revenir à ses propres analyses<br />
dans sa classification elle-meme. Si l'insistance sur la présence d'arriérés<br />
dans les écoles a bien évidemment valeur démonstrative, cela ne me<br />
parait pas signifier qu'ellé ne renvoie à aucune réalité pour l'aliéniste.<br />
L'évolution observée dans son discours vient à l'appui de ses revendica-<br />
tions concernant i'asile qui demeure sa préoccupation majeure et perma-<br />
nente : la prise en compte des problémes scolaires est un argument<br />
supplémentaire en faveur de la création de classes spéciales, visant avant<br />
tout à remédier à la situation catastrophique des asiles *. Mais cela ne<br />
veut pas dire que cet argument a uniquement valeur stratégique et est en<br />
fin de compte mensonger. Outre qu'elles ne s'appliquent pas au texte<br />
adressé à I'autorité scolaire et repris pour la commission, des analyses en<br />
terme de pure tactique par rapport à l'autorité scolaire, sont singulièrement<br />
réductrices pour la pensée de l'aliéniste, dont les positions semblent au<br />
contraire s'affirmer, avec une remarquable permanence, quels que soient<br />
ses interlocuteurs et quel que soit le statut de ses écrits (scientifique ou<br />
conjoncturel). On ne dispose actuellement, à ma connaissance, d'aucun<br />
document privé permettant d'élucider les mobiles éventuellement non<br />
exprimés publiquement par Bourneville.<br />
L'indiscipliné, 1 'instable, le pervers<br />
Instable et indiscipliné<br />
L'instabilité mentale est à la fois symptôme et catégorie d'anomalité.<br />
En tant que symptôme, elle définit, avec la perversion des instincts, I'im-<br />
bécillité morale. En tant que catégorie, elle est présentée, dans la lettre<br />
adressée à Carriot, comme la maladie qu'étudie le médecin, distinguée de<br />
l'indiscipline qui figure le symptôme, la manifestation que perçoit l'école :<br />
certains enfants des écoles primaires sont « sujets à une instabilité men-<br />
83 Dès 1979, rai longuement insisté sur ce fait, ainsi que sur le caractère paramédical des<br />
classes spéciales imaginées par Bourneville (pp. 72-76).
%ale qui les rend du&ulents, indisciplinés " B. Si considérations tactiques il<br />
y ai dans l'usage du terme indiscipliné, elles s'arrêtent, encore une fois,<br />
quand Sourneville passe & I'expod de ses thèses et que ce terme est<br />
remplacé par instable.<br />
En tant que symptôme, l'instabilité (plus rarement, l'indiscipline) figure<br />
dans les descriptions des enfants des asiles. C. Wacjman fait état d'ob-<br />
servations d'enfants « qualifiés d'indisciplin6s », réalisées par Bourneville<br />
en 1886 85. Dans les textes les plus anciens, Bourneville évoque davan-<br />
tage l'insubordination, ou les poussées impulsives (notamment des épi-<br />
IepGques). La atégorie Instabilit4 est présente très t6t dans les tableaux<br />
des sorties de Bicgire (au plus tard, dans le compte rendu de 1881 88), où<br />
elle apparaît associée ou non A l'arriération OU A la perversion des ins-<br />
ténds. Elle est présente dans des &numérations catégorielles au plus tard<br />
dans son compte rendu de 4882 On la trouve ensuite réguliérement,<br />
dans les tableaux de sortie et moins systématiquement dans les énumé-<br />
ualions catégorielles. Plusieurs cas d'instabilité mentale, le plus souvent<br />
avec perversion des instincts, sont d6crits par l'aliéniste, entre 1885 et<br />
'189% En tant que catégorie, l'indiscipline ne semble présente dans son<br />
discours ~41.4'8 partir de 1891, lors de sa demande d'enquête dans les<br />
écoles des et VIe arrondissements de Paris Si le terme indiscipline<br />
figure ensuite fréquemment dans ses demandes de classes spéciales, il<br />
ne semble pas apparaitre, la différence du terme instabilité, dans ses<br />
énumérations catégorielles.<br />
Bourneville, dans sa première demande de recensement des anor-<br />
maux A l'école. évoque A la fois indiscipline et arriération. « II semblerait »,<br />
écrit J. Gateaux-Mennecier, « que ce ne soit pas à fa demande de I'alié-<br />
niste, mais sur ses seules préoccupations, que l'Instruction Publique elar-<br />
84 D.M. Boumeville, 1895 si, p. 155 ; f 897 a, p23.<br />
85 C. Wacjman, 4989, p. 88.<br />
66 D.M. Bourneville, RCT, 1882, pp. XII-XIII.<br />
D.M. Bourneville, RCT. 1883, p. XXIV<br />
BB Ce n'est pas a dans sa réponse Carriot que I'aliéniste se référera pour la première fois à<br />
la categorie des enfants indisciplines D (J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 58).
gisseE9 ce dépistage aux enfants indisciplinés * ». « C'est donc bien<br />
l'aliéniste qui instille dans l'institution scolaire » le concept d'''arriération<br />
intellectuelle simple g1 " [...] Mais, en revanche, c'est l'Instruction Publique<br />
qui interpelle le corps médical sur I'indiscipline, et suscite implicitement<br />
une interprétation thérapeutique de cette opposition aux contraintes 92. »<br />
C'est I'lnstruction publique « qui entonne la pathologisation de I'indisci-<br />
pline, en sollicitant un avis médical sur la question 93 ». « Sourde au dis-<br />
cours de Bourneville sur I'arriération, I'lnstruction publique interpelle en<br />
revanche le corps médical sur I'indiscipline 94. » C'est le ministère de I'lns-<br />
truction publique « et non Bourneville » qui est « à l'origine de I'anorrnali-<br />
sation » de I'indiscipline 95. Je n'ai trouvé aucun texte corroborant ces<br />
affirmations. On ne dispose, à ma connaissance, ni du contenu des dis-<br />
cussions entre Bourneville et l'inspecteur primaire auquel il s'est adressé<br />
ni de lettres montrant comment l'aliéniste a initialement formulé sa<br />
demande. Mais chaque fois qu'il en rend compte, il se présente comme<br />
l'initiateur d'une enquête sur les deux catégories 96.<br />
89 Souligné par moi, M.V.<br />
J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 57 a, note 4.<br />
g1 II faudrait. en toute exactitude, dire arriération et non-arriération intellectuelle simple.<br />
92 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 61. Les indisciplinés signalés par les maîtres des V" et<br />
VI' arrondissements sont beaucoup moins nombreux que les arriérés : 39 garçons et 10<br />
filles (soit 0,7 %). Pourquoi l'indiscipline serait-elle plus a plausible B dans récole et plus<br />
convaincante pour I'lnstruction publique que l'arriération, si elle concerne encore moins<br />
d'enfants ? (La lettre B C. Dupuy (1 899, p. 6) comporte une coquille, reprise par différents<br />
auteurs (Binet, 1905 a, p. 31 2 ; Prudhommeau, 1949) et que j'ai moi-même reproduite<br />
(M. Vial, 1990 b, p. 58). Elle indique 249 indisciplinés, en contradiction avec les tableaux<br />
et les chiffres invariables publiés par ailleurs par Bourneville (1 895 a, p. 155-1 56 et 188 ;<br />
RCT, 1896, p. LXII ; 1897 a, p. 8 ; 1897 b, p. 401). En 1895, Bourneville fait une autre<br />
coquille et indique 38 indisciplinés (1895 b, p. 150) ; en 1896, il rétablit le nombre de 39<br />
(page 164, où figurent les tableaux).<br />
93 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 93.<br />
94 J. Gateaux-Mennecier, 1990 b, p. 66. a Rappelons que si I'lnstruction publique accepte le<br />
discours de Bourneville sur l'arriération ... D écrit pourtant J. Gateaux-Mennecier, la même<br />
année (1 990 a, p. 73).<br />
95 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 11 5.<br />
96 a Sur notre demande, M. Foubert a invité les instituteurs des V" et VIC arrondissements, à<br />
lui adresser une liste de leurs enfants arrierés et indisciplinés n (1895 a, p. 155).<br />
a M. Foubert [...] à notre instigation B (1897 a, p. 9), etc.
Ba responsabilité des autorités scolaires est certes incontestable : ce<br />
n'est pas l'intervention médicale seule qui améne la pathologisation des<br />
comportements scolaires s7. Le développement, à partir de l'action de<br />
Bourneville, d'une campagne auprès des responsables scolaires et I'en-<br />
gagement de ces derniers a do, en retour, agir sur sa pensée. Compte<br />
tenu de ses fonctions institutionnelles concernant l'école, il ne pouvait<br />
ignorer les débats autour des 6lèves indisciplinés, présents alors dans la<br />
littérature pédagogique et chez les maîtres C'est peut-être la considé-<br />
ration des problèmes scolaires qui introduit le terme indiscipline, dans son<br />
vocabulaire 'e et fait apparaître la notion en tant que catégorie. C'est bien,<br />
comme l'indique J. Gateaux-Mennecier autour des années 1894-1896<br />
que les autorités scolaires, dans la Seine tout au moins, reprennent le<br />
point de vue médical et le font leur. Mais il suffit d'un changement de per-<br />
sonne pour que les projets ne soient pas réalisés (remplacement de<br />
Carriot par Bedorem, dont se plaint Bourneville). Surtout, l'aliéniste n'est<br />
pas acteur passif et l'école ne l'a pas contraint à des positions allant au-<br />
del& de ses convictions. La pathologisation de l'indiscipline était en germe<br />
depuis bien longtemps dans les théorisations de la délinquance, de la<br />
rébellion, du vagabondage, comme comportements anormaux. C'est un<br />
mouvement conjoint des médecins, des gens de Justice, des autorités<br />
scolaires et des notables républicains en général qui produit, à partir de la<br />
médecine légale du début du sihcle, cette assimilation des problèmes de<br />
comportement, y compris scolaire, A I'anormalité. Bourneville en est partie<br />
prenante. C'est A travers un enchev8trement des pr6occupations et des<br />
actions, où les uns el les autres ont été influents, que le processus s'est<br />
développé. Aliéniste et autorités scolaires, les secondes mobilisées à<br />
partir de l'action du premier, entonnent tous deux la pathologisation et des<br />
difficultés à suivre en classe (préoccupation peu explicitée par les maîtres)<br />
s7 Comme certains I'ont compris, B la lecture de mon travail de 1979 (p. 78, notamment). J'ai<br />
alors évoqué le rôle actif des autorités scolaires, mais surtout après 1900,<br />
M. Vial, 1990 b, pp. 38-46.<br />
QQ M. Vial, 1979, p. 80. II faut noter cependant I'usage social plus large que scolaire de ce<br />
terme, que I'on trouve déja, bien avant 4882, dans la littérature médicale. Les c têtes in-<br />
disciplinées D écrit Félix Voisin (1830, p. 58). Une datation de l'usage du terme, avant<br />
1882. réserverait oeut-être des surorises quant à sa filiation scolaire et à ses emplois.
et de l'indiscipline, (préoccupation présente dans leur expression<br />
col ledive).<br />
On peut penser, avec J. Gateaux-Mennecier, que l'indiscipline n'intéresse<br />
guère Bourneville, « jusqu'au moment où l'Instruction Publique I'interroge<br />
sur ce point loO ». Dans ses premiers écrits, il semble en effet<br />
reprendre à son compte la catégorie indiscipline dans ses seules demandes<br />
d'enquêtes auprès des maîtres et dans ses demandes de classes<br />
spéciales. En 1887, il en critique l'usage, en évoquant la création « d'un<br />
service destiné au redressement physique, moral et intellectuel de cette<br />
catégorie d'enfants que, administrativement, on appelle les enfants indisciplinés<br />
et qui, pour quelques médecins et pour nous, sont des enfants<br />
malades, atteints de lésions nerveuses plus ou moins profondes ou de<br />
dégénérescence : imbéciles, arriérés, instables, impulsifs, etc. loi ». Existait-il<br />
à l'hôpital, dans les années 1880, un usqge de ce vocable, contesté<br />
par Bourneville, usage très extensif et tendant à dépathologiser certains<br />
comportements délictuels et à conduire les personnes concernées à la<br />
condamnation lo2 ?<br />
Au cours des années 1905-1 907, l'aliéniste s'attache longuement à da-<br />
rifier les notions d'instabilité et d'indiscipline et à établir un clivage entre<br />
elles, bien au-delà du seul intérêt opportuniste, en réponse au souci de<br />
l'école 'O3.<br />
1. Apparaît, dans ses énumérations, la catégorie des enfants atteints<br />
« d'instabilité mentale et physique », alors que, dans sa classification de<br />
1896, il se contentait d'évoquer la mobilité des instables, dans la descrip<br />
tion de leurs caractéristiques.<br />
'O0 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 92.<br />
1°' D.M. Bourneville, RCT, 1887, p. XV.<br />
'O2 Dès 1830, F. Voisin évoque a les têtes inégales, violentes et indisciplinées qui viennent<br />
en consultation r. (p. 58) En 1898, Demoor parle des a: indisciplinés sérieux B (p. 2).<br />
L'histoire du terme indiscipliné et de ses usages n'a pas été faite. Elle apporteral peut-<br />
être des surprises, quant à sa filiation scolaire et à ses emplois institutionnels.<br />
'O3 Souligné par moi, M.V. D.M. Bourneville, 1905 a, pp. 12-15 ; 1905 b, pp. 16-21 ; 1907,<br />
pp. 11 -1 4.
2. Apparaît le distindion entre instables et indisciplinés, les mêmes<br />
descriptions étant reprises d'un Qex2e B l'autre. Peut-être a-t-on tort de<br />
confondre )) ces deux catégoeies. a Tout en reconnaissant que le type pur<br />
est rare et même n'existe pas, on peut préciser quelques points de diffé-<br />
uewc!atiow. D a L'instable ne peut s'arrêter à rien ... son instabilité physique<br />
va de pair avec son instabilitb mentale. )) Dans la définition de I'instable,<br />
l'accent est mis sur $8 naobilit6 physique et mentale et sur son incapacité<br />
A !a continuitb dans ses aciivitbs, jugements et volontés. Par contre, pour<br />
P'incâiscipline - qui garde cependant l'impulsivité de l'instable de 1896-<br />
1904 - P'accent est mis sui le refus de se plier à la règle. (( On pourrait<br />
designer sous le nom d'ifldisciplin6sI les enfants qui, consécutivement à<br />
un 6tat wevropathique, semb8enl ne vouloir se plier à aucune direction<br />
qu'elle vienne d'un individu ou ale la société. Ce sont les antisociaux par<br />
exce8lence ... Ce sor~t des malades dangereux. )) Alors qu'en 1896, les<br />
deux temes se rapportaient B lai meme catégorie, on aboutit ainsi à une<br />
v6riPabBe opposition entre eux. « L'indiscipliné est dangereux. L'instable<br />
est inutile ... k'indisciplin6 ne veut pas, l'instable ne peut pas. Le premier<br />
est atteint surtout au point de vue moral (du caractère). Le deuxième au<br />
point de vue intellectuel (incornplétude de sensation). »<br />
3. Bien loin d'etre rksewée aux problémes scolaires 'O4, la notion d'indiscipline<br />
devient une notion de psychologie générale, utile pour caractériser<br />
les individus clans leur réalité intrinséque et permanente. (( Dès le<br />
berceau )) les indisciplines sont ctiards et colère, autoritaires et impatients<br />
D. Ils sont (( impulsifs D, « taquins », « querelleurs ». (( Ils font des<br />
chefs de bande ... beur premier mouvement est un mouvement de défense,<br />
de révolte même contre toute intervention los. »<br />
4. La notion d'indiscipline tend ainsi à se rapprocher de la sphère du<br />
médico-légal, comme dans les congrès d'instituteurs. On y retrouve les<br />
incorrigibles dont parlent ceux-a. (( II est certain que cette répulsion contre<br />
tout ce qui est règle les éloigne de le classe, ou les rend réfractaire à toute<br />
'O4 Contrairement ce que j'ai moi-même &rit, en 1979, p. 80.<br />
'O5 D.M. Bourneville, 1905 a, p. 13 ; 1905 b, p. 4 7.<br />
4 03
éducation. Leur état ne fait donc que s'aggraver. r, Ce sont les chiens<br />
galeux, les parias de la société et de l'école. Cindiscipline semble alors<br />
prendre une place à part dans la pensée de i'aliéniste. Distinguée de I'in-<br />
stabilité, elle ne figure plus dans les énumérations d'enfants anomaux.<br />
Est-elle désormais hors de la sphère de I'anormalité ? Boumeville parle de<br />
malades, mais les choix proposés pour l'éducation des indisciplinés sem-<br />
blent témoigner en faveur d'une telle hypothèse 'OB.<br />
Imb6cillité morale et perversion des instincts<br />
C'est à travers l'imbécillité morale que la classification mQIe le plus clai-<br />
rement pespective moralisatace et perspective médicale. Pewersion des<br />
instincts et instabilitg mentale en sont les deux symptômes majeurs. Bizar-<br />
rement, imbécillité morale et perversion sexuelle semblent distinctes :<br />
l'imbécillité morale se complique quelquefois ... de perversions se-<br />
xuelles 'O7 )). Les problèmes sexuels paraissent pourtant, lorsque Bourne-<br />
ville décrit le comportement des imbéciles moraux ou des pervers, un<br />
symptôme central 'O8.<br />
La pewersion des instincts n'est pas nommée, comme catégorie. Dans<br />
ta plupart des textes de Boumeville, elle est équivalente de l'imbécillité<br />
morale présentée comme synonyme de la folie morale, qu'il réfère à la<br />
médecine angfo-saxonne. L'aliéniste semble employer indiffbremment<br />
l'une ou I'autre expression : tes a imbéciles moraux, c'est-à-dire sujets à<br />
des perversions instinctives 'Og ».<br />
De rares textes peuvent donner l'impression d'une identification entre<br />
instabilité, d'une part, et perversion des instinctslimbécillité morale, d'autre<br />
part. Ainsi, Bourneville écrit, en 1894 : cc On peut distinguer aussi I'imbécil-<br />
'O6 Cf. plus haut, p. 81.<br />
'O7 D.M. Boumeville, 1897 a, p. 22.<br />
'O8 Cf. Par exemple, D.M. Bourneville, 1895 a, p. 145.<br />
'O9 D.M. Bourneville, Congr$s international ffassistance pubfique et de bienfaisance privbe<br />
de 7900, Recueil des trevaux, Paris, Siège général du congrés, 1900, p. 295.
lit6 moraie ou O'instabilit6 mentale, dans laquelle ltO les facultés intellectueltes<br />
peuvent etre plus ou moins respectées et parfois même indemnes<br />
Il1. )P Mais l'identification se serait plus proprement exprimée avec,<br />
sans deuxième article : a I'imbécilliâé morale ou instabilité mentale ». De<br />
plus, eEJe accorderait B l'instable des capacités intellectuelles normales ou<br />
proches de la normale, contradictoirement avec les affirmations les plus<br />
ffr6quentes de Bourneville. En 1907, l'aliéniste énumère les (( amoraux<br />
(irnbécillit6 morale, folie morale, instabilitk mentale avec ou sans perversion<br />
des instincts) Il2 ». On retrouve lii une classification d'octobre 1905,<br />
mais la parenthèse y était placée différemment : « amoraux (imbécillité<br />
morale, folie morale), instabilif6 mentale avec ou sans perversion des<br />
instincts ». Cette place de la parenthèse est en accord avec la place des<br />
italiques qui fait de l'instabilité une catégorie au même titre que l'imbécillité<br />
morale. la presentation de 99Q3 est en contradiction avec l'évolution de la<br />
pens6e de I'alibniste qui, on vient de le voir, conçoit l'instabilité non<br />
comme trouble de la moralitb, mais comme incapacité. II serait tout aussi<br />
contradictoire d'identifier instabilitk mentale et imbécillité morale, c'est-iidire<br />
perversion des instincts, el de préciser en même temps instabilité<br />
mentale avec ou sans pewersion des instincts B. Les deux textes cités,<br />
si peu congruents avec l'ensemble de la pensée de Bourneville, sont-ils<br />
vraiment le signe de fluctuations, voire d'errements dans cette pensée ?<br />
L'hypothèse la plus vraisemblable n'est-elle pas plutôt celle de coquilles ?<br />
Le dans laquelle recouvrirait une faute non corrigée, pour dans lesquelles.<br />
Ba place de lai parenthèse, dans IQ texte de 1907, s'expliquerait de la<br />
m9me manière.<br />
Bans la pluparl des textes de I'alieniste, I'instabilité constitue une caté-<br />
gorie spécifique qui - si elle reste l'un des symptômes de l'imbécillité mo-<br />
rale - ne se confond ni avec elle, ni avec la perversion des instincts. La<br />
précision : (( instabilité mentale avec ou sans perversion des instincts »<br />
revient dans ces 6crits comme un leitmotiv, ce qui montre clairement la<br />
Souligne par moi, M.\/.<br />
'11 D.M. Bourneville, 1895 a, p. 24 1.<br />
'12 D.M. Bourneville, 4907, p. 2.
distinction des deux catégories. Instabilité mentale, imbécillité morale,<br />
perversion des instincts constituent parfois des expressions voisines, voire<br />
synonymes, chez les aliénistes. Ce n'est pas le cas des écrits où Bourne-<br />
ville demande des classes spéciales pour les instables : il s'agit toujours,<br />
de façon quasi rituelle, et quel que soit son interlocuteur, d'enfants c at-<br />
teints d'instabilité mentale, sans perversion des instincts ».<br />
Si la perversion des instinds ne se confond pas avec I'indiscipline<br />
identifiée à l'instabilité des textes allant de 1896 à 1904, elle ne se<br />
confond pas davantage avec I'indiscipline des années 1905-1907. Bour-<br />
neville évoque alors une partie des enfants indisciplinés qui iront dans les<br />
classes spéciales à la condition qu'il n'y ait chez eux ni perversion des<br />
instincts ni épilepsie f13 ». De l'imbécillité morale et de la perversion des<br />
instincts, I'indiscipline garde les accès de colére, la révolte contre les<br />
conventions sociales, la désobéissance, le refus de toutes les remon-<br />
trances : soit, en général, les conduites anti-sociales. Elle ne semble pas<br />
montrer les problèmes sexuels qui caractérisent le plus souvent, pour<br />
Bourneville, les imbéciles moraux : sexualité précoce et impulsions géni-<br />
tales qui les rendent dangereux. Les impulsions mauvaises ne sont pas<br />
non plus notées : destructivité, cruauté, plaisir à voir souffrir. Si la violence<br />
des indisciplinés est patente, on ne trouve pas à leur sujet les descriptions<br />
apocalyptiques qui définissent la perversion des instincts : enfants vo-<br />
leurs, menteurs, onanistes, pedérastes, incendiaires, destructeurs, homi-<br />
cides. empoisonneurs, etc. 114 ». On aboutit ainsi à la description de deux<br />
troubles distincts de la sphère morale : I'indiscipline, opposition à l'ordre ;<br />
la perversion des instincts qui ajoute à cette opposition, la perversité<br />
morale et l'absence de sens du bien et du mal.<br />
Au total, tout se passe comme si, en avançant dans ses observations,<br />
Bourneville prenait conscience de la complexité et de la diversité possible<br />
de ce que la psychiatrie considère comme anomalies du comportement ou<br />
de la moralité. La multiplication des catégories et l'affirmation conjointe de<br />
D.M. Bourneville, 1905 b p. 8-9<br />
D.M. Bourneville, 1894 a, p. 124 ; 1895 a, p. 181.
Ba rareté des types purs signalent la difficulté à en rendre compte. II arrive<br />
m6me qu'une 6wumération semble distinguer imbéciles moraux et per-<br />
ven : « enfants atteints dans Beun facultés morales : imbéciles moraux,<br />
instables, pewers, Pndisciplinbs, etc. » Les virgules indiquent-elles une<br />
successioia de catégories distinctes ? Recouvrent-elles des synonymies,<br />
dans un mode de pensbe un peu rapide ? De quel petvers s'agit-il : per-<br />
vers sexuel (pewersion) ou petvers moral (perversité) ?<br />
On e ainsi le sentiment d'une sorte de maquis notionnel, face auquel la<br />
volonté de cat4goriser buterait constamment sur la clinique, les mêmes<br />
symptômes se retrouvant il l'intérieur de catégories que l'on veut distin-<br />
guer et des symptômes considér6s comme caractéristiques d'une catégo-<br />
rie tendant parfois A s'en differencier comme catégories spécifiques. Ce<br />
maquis notionnel pourrait renvoyer à la diversité des traitements et des<br />
institutions : Ees pewers, v ces Qtres que la prison et l'hôpital se<br />
disputent B.<br />
Instabilité, imbécilIit6 morale et arriération<br />
Dans la classification, l'instable - à la différence de l'imbécile moral, qui<br />
peut Qtre bien dou6 intellectuellement - est le plus souvent arriéré, voire<br />
imbécile. Mais l'inverse n'est pas vrai : l'instabilité ne figure pas dans la des-<br />
cription de I'arriéré. b'irnbecile proprement dit est qualifié de « mobile »,<br />
mais pas explicitement d'instable. (II s'agit peut-être d'ailleurs uniquement<br />
de celui dont I0imb6cillit6 est compliquée de petversion des instincts.)<br />
Avant toute demande de Carriot, la description de I'arriéré soulignait<br />
pourtant son instabilité et 6voquaiP ses crises convulsives (sans doute,<br />
comme le souligne J. Gateaux-Mennecier, par une contamination de la<br />
description de l'arriéré par celle de l'épileptique). Si l'arriéré se présente à<br />
115 C'est-8-dire ici soit dans leur moralité soit dans leur volonté, par opposition 8 ceux atteints<br />
a dans leurs facult6s intellsctuelles u.<br />
B.M. Bourneville, 'iW5 b, p. 3.<br />
'17 D.M. Bourneville, 4895 a, p 479.
l'école comme un instable et si l'instable est souvent un arriéré, il y a bien,<br />
comme le montre cet auteur, une sorte de cercle entre les deux catégo-<br />
ries. Mais loin d'être mise en avant la référence à l'instabilité de l'arriéré,<br />
présente chez l'aliéniste avant toute demande scolaire, est au contraire<br />
gommée dans sa réponse à Camot, où l'on n'observe plus le cercle entre<br />
arriération et instabilité. A supposer que Bourneville participe à une élabo-<br />
ration qui ferait progressivement percevoir l'indiscipline « comme le<br />
symptdme fondamental de l'arriération-concept », ce n'est pas au moment<br />
où « sa caution médicale » est u sollicitée par les représentants de I'lns-<br />
truction publique ».<br />
Chez I'imbécile proprement dit, l'insuffisance mentale - dit la classifica-<br />
tion - se complique parfois de perversion des instincts, mais l'imbécile<br />
moral peut être bien doué intellectuellement. Quant à l'arriéré, il est ca-<br />
pable de sentiments moraux et d'affection. II possède « à un certain<br />
degré » la notion du devoir et l'esprit d'ordre. Sa description ne comporte<br />
aucune connotation morale particulibre. II peut être atteint de perversion<br />
des instincts, mais celle-ci ne le caractérise pas au premier chef. Si Bour-<br />
neville précise constamment « sans perversion des instincts », lorsqu'il<br />
demande des classes spéciales pour les instables, il n'éprouve pas le<br />
besoin de le faire dans ses demandes où les arriérés figurent seuls. Dans<br />
la réponse à Carriot, la description psychologique de l'arriéré n'est, pas<br />
plus que celle de l'instable, entachée de ces connotations morales notées<br />
à plusieurs reprises par J. Gateaux-Mennecier, dans la pensée aliéniste<br />
de la fin du siècle Ilg. Parfois, il est vrai, évoquée par Bourneville pour les<br />
imbéciles et les arriérés, la criminalité l'est le plus souvent à propos des<br />
idioties graves, elle figure parmi les arguments en faveur des soins et de<br />
'18 J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 90.<br />
llQ a Le discours sur la perversion [...] va de plus en plus fréquemment rencontrer l'imbécile<br />
puis l'arriéré B, les descriptions psychologiques de l'arriéré a s'élaborent en référence à<br />
des réalités fortement connotées moralement B ; a la perversion des instincts et l'instabilité<br />
deviendront des notions-pivots dans l'apparition du concept d'arriération B ; a I'instabilité<br />
mentale ou l'imbécillité morale m sont des a notions fondamentales dans l'élaboration de<br />
l'arriération B (J. Gateaux-Mennecier, 1990 a, pp. 79, 58, 50, p. 46).
I'éducation à donner aux anomaux en général, mais pas parmi ceux dé-<br />
veloppés spécifiquement en faveur des classes spéciales.<br />
Dans les années 4905-1987, l'indiscipliné conserve I'arriération de I'in-<br />
stable de 4 896. « Ce sont presque tous des am'6r6s intellectuels 120 B.<br />
C'est alors, dans une réflexion orientée vers le comportement social de<br />
B'indiscipline - et non specifiquernent sur les questions scolaires - que la<br />
connotation morale se lie, B travers ce comportement, à I'arriération. II<br />
reste cependant que le trouble moral de I'indiscipliné réside dans son re-<br />
fus de l'ordre social et non dans sa malignité ou sa perversité, que Bour-<br />
weville conserve sa description des arriérés de 1896, sans faire état de<br />
leur éventuelle indiscipline, qu'il conserve enfin l'idée que les imbéciles<br />
moraux peuvent être bien doués intellectuellement. On ne peut donc pas,<br />
quelle que soit la date à laquelle on se place, s'en tenir à une interpréta-<br />
%ion selon laquelle Bourneville déplacerait dans la sphbre morale la des-<br />
cription de l'arriéré et identifierait arriéré, instable, indiscipliné, pervers.<br />
120 D.M. Bourneville, 1907, p. 11.
Texte 5<br />
Anciennement pr6sent dans les Collections historiques de I'INRP (dossier EVII-<br />
df-div), ce document manque actuellement, dans le fonds d'archives conservé au<br />
Musée national de l'Éducation.<br />
Calligraphie, 3 pages. En-t&te : Ministére de i'lnstruction publique et des Beaux<br />
Arts, Commission des Enfants anormaux. Le manuscrit ne porte aucune date.<br />
Selon mon hypothèse, il est prbsentb B la commission apres la rédaction du ques-<br />
tionnaire d'enquête, c'est-à-dire après le 15 décembre 1904, et, compte tenu de<br />
son en-tête, avant le 24 janvier 1905 '.<br />
Texte transcrit d'après une photocopie ancienne, plus ou moins lisible. La<br />
ponctuation a dû parfois être induite du sens.<br />
Note<br />
sur lia distinction entre<br />
l'enfant normal et l'arriéré<br />
Par<br />
A. Binet, directeur du laboratoire de psychologie à la Sorbonne<br />
Les enfants peuvent être arriérés soit au point de vue de l'intelligence, soit<br />
au point de vue des sentiments moraux.<br />
Arriérés intellectuels .-Dans un certain nombre de cas la faiblesse d'in-<br />
telligence d'un enfant est si grande qu'elle ne laisse place à aucun doute ; c'est<br />
un petit garçon qui, au boue d'un an et demi d'études, n'arrive pas à syllaber<br />
des phrases simples, ou un autre qui malgré ses onze ans s'attarde dans le<br />
cours élémentaire. Mais généralement, l'arriération intellectuelle étant d'une<br />
forme plus atténuée, l'interprétation qu'on doit en faire demande un travail<br />
plus délicat.<br />
Pour apprécier l'intelligence d'un enfant, la meilleure méthode est de<br />
comparer son degré d'instruction à sa fréquentation scolaire. En principe,<br />
' Cf. plus haut, p. 45 et p. 23.
tout élève qui est en retard de trois ans sur l'instruction moyenne des élèves<br />
de son âge et qui cependant a eu une fréquentation scolaire suffisante, est un<br />
anormai. Ceux qui ont été retenus loin de l'école par des maladies acciden-<br />
telles, par l'incurie des parents ou toute autre cause analogue, sont tout sim-<br />
plement des gnorants, et ne doivent pas figurer dans la présente enquête. La<br />
fréquentation scolaire constitue le premier élément d'appréciation. Son exac-<br />
titude varie suivant les régions. À Paris, sur 200 jours de classe, les élèves du<br />
cours élémentaire en manquent 20 et ceux du cours moyen en manquent 10,<br />
en moyenne; il semble que lorsque le nombre des absences atteint seulement<br />
le double des chiffres précédents, la fréquentation reste encore suffisante.<br />
Quant au retard d'instruction, le maître l'appréciera en tenant compte des<br />
influences de milieu et de famille, de la paresse de l'enfant et autres causes qui<br />
peuvent diminuer la gravité de ce retard. Enfin, il paraît raisonnable d'adrnet-<br />
tre que, si un retard de 3 ans est un signe d'arriération intellectuelle pour un<br />
enfant de 10 ans, un retard moindre de 2 ans, par exemple, aura autant de<br />
signification pour des enfants moins âgés. [l]<br />
Les instituteurs observent souvent des enfants dont l'intelligence reste en-<br />
dormie pendant les premières années de leur scolarité et s'éveille beaucoup<br />
plus tard ; ils deviennent parfois des élèves intelligents. Ils n'en constituent<br />
pas moins pendant une partie de leur évolution des anormaux, auxquels I'en-<br />
seignement des écoles spéciales serait fort utile, sauf à les renvoyer à l'école<br />
ordinaire quand leur état d'intelligence se rapprochera de la normale. [2]<br />
Am'érés moraux .- Ce ne sont pas nécessairement des arriérés intellec-<br />
tuels. On rencontre souvent des enfants chez lesquels la perversion des ins-<br />
tincts moraux s'associe à une intelligence moyenne et même brillante. Leur<br />
état d'arriération morale exige cependant qu'on les admette dans des établis-<br />
sements spéciaux. [3]<br />
Pour reconnaître les arriérés moraux, il ne faut les confondre, ni avec les<br />
enfants bavards et remuants qui troublent le silence des études, parce qu'ils
ont besoin de dépenser un excès d'activité, ni avec les enfants dont le carac-<br />
tère ne sympathise pas avec celui de leur maître.<br />
Un sujet qui donne des difficultés à l'éducateur ne constitue pas pour cela<br />
un arriéré moral. Dans les écoles où il existe plusieurs maîtres, il sera prudent<br />
de ne considérer comme arriérés moraux que les enfants que 3 maîtres diffé-<br />
rents se seront montrés impuissants à corriger. Dans les petites écoles à un<br />
seul maître, pour remplacer ce contrôle collectif, on ne tiendra compte que<br />
des manifestations d'indiscipline et de rébellion qui seront graves, répétées,<br />
préméditées, et incurables par les moyens pédagogiques ordinaires.<br />
[1] ... la fréquentation sselôiFe reste [ajout au-dessus du mot précédent barré]<br />
suffisante.<br />
[2] Ils n'en constituent pas moins pendant une partie de leur m&fM dvolution<br />
[ajout au-dessus du mot précédent barré] des anormaux ...<br />
(31 Le titre ArriBrés moraux est porté une premiére fois au-dessus des asté-<br />
risques séparant les paragraphes. Erreur de copiste non corrigée ?<br />
Commentaire<br />
Ce texte est le deuxième consacré par Binet aux anormaux, non plus<br />
en tant que sujets d'expérimentation dans le cadre d'une variation systé-<br />
matique des populations de recherche, mais en tant qu'objet spécifique de<br />
réflexion. Le premier texte est un article daté du 25 novembre 1904 et<br />
paru dans La Revue, en '1905 2. Ces deux productions comptent parmi les<br />
A. Binet, 1905 a. Pour l'étude du contexte et des modalités de l'engagement du psycho-<br />
logue par rapport B i'enfance anormale, pour l'analyse critique de sa démarche et de ses<br />
théorisations concernant débilité mentale et échelle métrique de l'intelligence, voir mes<br />
travaux antérieurs. M. Vial, 1979, pp. 99-116 et 139-151 ; 1990 a, pp.75-98; 1990 b,<br />
PP. 78-86.
ares écrits sur les anormaux signés par Binet seul, toutes ses contribu-<br />
tions importantes seront ensuite signées avec Simon. Elles sont liées au<br />
travail de la commission, 8 laquelle, dans ses écrits ultérieurs sur les en-<br />
fants anormaux, Binet se réfère de façon quasi systématique.<br />
Rédigé avant toute réunion, l'article s'ouvre sur la création de la<br />
commission qui fait entrer le probleme de l'éducation des anormaux »<br />
(( dans une phase nouvelle N. II peut s'interpréter à la fois comme le fruit<br />
d'un travail préparatoire du psychologue et comme un moyen de marquer<br />
par avance sa place dans les futurs débats. Sans être une véritable revue<br />
de question (Binet ne cite guère de sources et ne donne pas de bibliogra-<br />
phie), c'est un texte de synthèse, relativement long, qui fait le point sur le<br />
problème social des anormaux et définit la tâche de la commission. De<br />
quels enfants, va-t-elle avoir à s'occuper? Quel programme d'études<br />
s'offre à elle ?<br />
La note à la commission est un texte bref, centré sur un probleme pré-<br />
cis : celui de la reconnaissance de l'arriération. Elle répond à la demande<br />
faite par Binet lui-même de précisions à apporter au questionnaire d'en-<br />
quête. II s'agit d'une mise en garde, qui, à travers la commission,<br />
s'adresse aux maîtres et constitue ce a commentaire un peu long )) qui<br />
permettrait (( que l'instituteur ne se méprenne sur le sens des mots ».<br />
C'est un texte à visée pratique immédiate et non à objectif théorique.<br />
Rédigés à peu d'inteivalle, les deux écrits n'ont donc pas la même<br />
fonction. La filiation, par rapport au premier, des idées exprimées ultérieu-<br />
rement par Binet est évidente ; en revanche, par les notions qu'elle utilise,<br />
la note à la commission reste marginale dans l'œuvre du psychologue.<br />
A. Binet, 1905 c.<br />
114
k'article témoigne ài la fois du sérieux avec lequel Binet se mobilise en<br />
prévision de la commission et d'une réflexion encore rapide, nourrie avant<br />
tout des travaux et des débats contemporains, mais relativement peu re-<br />
devable aux analyses propres 21 l'auteur.<br />
Le texte rappelle, sans les détailler, les actions entreprises en faveur<br />
des enfants anormaux. II souligne - comme Bourneville et comme toute la<br />
campagne qui fait suite à son action - l'avance de l'étranger sur la France,<br />
pourtant initiatrice, et reprend l'argumentaire classique de cette cam-<br />
pagne : les anormaux ne profitent pas de l'enseignement, gênent l'activité<br />
des classes et sont souvent renvoybs à la rue ; leur nombre est considé-<br />
rable, comme le montrent les statistiques existant à l'étranger ; l'abandon<br />
sans éducation de cette armée formidable de malades, d'instables, d'in-<br />
capables, qui entrent dans la société » représente un véritable (( péril<br />
social ». « Privés de direction, ils grossissent la masse des éléments anti-<br />
sociaux, des incapables, des ratés, des inutiles, des criminels 4. )) Le pro-<br />
gramme pédagogique proposé ne présente guère d'originalité : ensei-<br />
gnement individualisé et classes peu nombreuses, éducation par les sens,<br />
gymnastique, travail manuel, orthophonie (thémes ddveloppés, par<br />
exemple, par Baguer, ou exprimés ài la SLEPE, par Mme Fuster).<br />
Binet cite ses pairs : Qemoor, Daniel, Shuttleworth, dont certains ont<br />
publiQ dans E'Annke psychologique. II s'appuie sur les épreuves conçues<br />
par (( notre ami le Bi Blin », (( afin de se garantir contre les jugements ar-<br />
bitraires auxquels un médecin peut se laisser aller ». II a à l'évidence bé-<br />
néficié des débats de la SLEPE, ài partir de 1901 6. Sa demande d' (( une<br />
A. Binet, 1905 a, p. 344.<br />
p. 318. L'article de Blin sur les débilités mentales est paru en 1902. Du 1 a février 1899 au<br />
31 janvier 1901, Simon a été son interne, A l'asile de Vaucluse (SLEPE, 1962, Chronolo-<br />
gie biographique non signée, p. 447). 11 y a facilité rentrée de Binet, pour ses recherches.<br />
Débats où il ne joue aucun rôle moteur (M. Vial, 1990 b, p. 82). 11 intervient, pour la pre-<br />
mière fois, le 12 juin 1902. a Une discussion des plus intéressantes eut lieu entre MM.<br />
Binet, Baudrillard, Philippe, Baguer [etc.] n (SLEPE, 1902, p. 215). Le compte rendu dé-<br />
taille montre que Binet n'intervient ni sur le fond, ni sur les positions qui s'affrontent. II
enquête dans les écoles primaires de France sur le nombre réel des<br />
enfants anormaux » reprend celle déjà formulée par Sennelier, directeur<br />
d'école, qu'il ne cite pas. (( M. SENNELIER demande si l'administration ne<br />
pourrait pas faire une enquête générale sur le nombre des enfants anormaux,<br />
dans la population scolaire 8. >p Sa demande d'un examen « médical<br />
et anthropologique )) des enfants susceptibles d'aller dans des écoles<br />
spéciales reprend des termes de Philippe, son collaborateur, qu'il ne cite<br />
pas. M. le docteur Philippe fait une communication sur l'examen anthropologique<br />
et mental des écoliers anormaux, surtout de ceux qui, subitement,<br />
sont devenus indisciplinés, de bons élèves qu'ils étaient Io. »<br />
A-t-il emprunté à Baguer, qu'il ne cite pas non plus, sa démarche - développée<br />
par celui-ci en 1898-1899 par écrit et reprise oralement à la<br />
SLEPE, en 1902 l1 - pour définir les anormaux dont va avoir à s'occuper<br />
la commission ? Baguer écrivait : Procédons par élimination )) et excluait<br />
de sa réflexion les enfants dont on s'occupe déjà - aveugles, sourds-<br />
muets, enfants saisis par la Justice ou relevant des asiles d'aliénés ou des<br />
hôpitaux - pour aboutir aux arriérés et aux instables que l'école ne peut<br />
garder et pour qui il présentait un u projet d'organisation ». Binet écrit :<br />
Faisons de suite quelques éliminations )) - aveugles, sourds-muets,<br />
idiots gravement atteints « pour lesquels l'État a déjà pourvu dans une<br />
certaine mesure à leurs besoins 1) - il reste débiles mentaux et instables<br />
qui posent de graves problèmes à l'école, ne peuvent être envoyés à l'h6-<br />
pital et pour qui la commission doit définir des solutions 12.<br />
Les pages reprises en 1907 de l'article de 1904, dans l'avant-propos<br />
du Guide - définition des anormaux, description des débiles mentaux et<br />
trouve un vœu proposé u touffu et peu net n et demande u l'ajournement, trouvant utile de<br />
s'instruire de ce qui se fait en pays &ranger R (SLEPE, 1902, pp. 179-1 80).<br />
' A. Binet, 1905 a, p. 31 6.<br />
SLEPE, 1902, p. 180.<br />
A. Binet, 1905 a, p. 317.<br />
'O SLEPE, 1902, p. 178.<br />
l1 SLEPE, 1902, p. 180.<br />
l2 A. Binet, 1905 a, pp. 309-310.
des ilastables, nombre d'anomaux I l'étranger, critique des statistiques 13-<br />
doivent beaucoup Q l'$poque, oia les thémes développés sont devenus<br />
banalités. On peul penser que Binet et Simon n'y voient guère à changer,<br />
parce que le consensus reste Be meme. II s'est même probablement ren-<br />
for&, B padir des travaux de Be commission et des articles de la grande<br />
presse, décrivant une population d'enfants dits arriérés et instables - en-<br />
fants ni sourds, ni aveugles, ni idiots - « dont la place n'est en somme ni<br />
dans un service hospitalier, ni 21 I'$cole primaire )) et qui doivent être I'ob-<br />
jet d'une organisation p6dagogiojue spéciale l4 ».<br />
Les modifications apportées B ces pages sont des changements mi-<br />
neurs de contenu ou de lome, accompagnés d'une actualisation des<br />
données : enquêtes statistiques rQalisées en France (enquêtes ministé-<br />
rielles, enquête de Vaney, enquête effectuée B Bordeaux ; référence non<br />
plus B Ba cornrnission ministérielle mais CC cc la loi nouvelle B. D'autres<br />
changements montrent une pensQs qui s'est notablement étoffée, à partir<br />
d'une r6flexioi.i encore A ses dQbuts, en 1904 : réflexion trés générale,<br />
n'allant guère ou detail et peu au fait de problèmes dont Binet n'a pas<br />
encore pris toute la mesure. Le Guide comporte ainsi un développement<br />
plus important sur les sourds et les aveugles 15. Des formulations moins<br />
tranchées, des fornules de doute tbmoignent de nouvelles questions qui<br />
nuancent certains points de vue, OU certaines affirmations empruntées à<br />
d'autres, en 1904.<br />
1904. Polar les autres enfants anomaux, qui constituent l'immense<br />
majositA, leur place wks8 pas l6 ài l'hôpital, mais dans une école spéciale.<br />
Cs qu'il leur faut avant Bout, c'est une instruction adaptée à leur niveau<br />
d'intelligence, et cette instruction ne peut leur être donnée d'une manière<br />
mQthodique et complète que par des professeurs, et dans une école où on<br />
l3 pp. 309 P 31 2, qui deviennent 6 A4 4, dans le Guide.<br />
l4 iouette, p. 4M.<br />
l5 Binet a notamment participé au débat sur l'usage de la méthode orale et des gestes, dans<br />
l'éducation des sourds.<br />
le En gras, les passages modifibs.
les admettra avec l'espoir de les rendre capables, un jour, d'exercer un<br />
métier [...] Leur place est dans.des Écoles spéciales » (article, p. 31 1).<br />
1907. « Pour les autres enfants anormaux, qui constituent l'immense<br />
majorité, il semble bien que leur place n'est pas à l'hôpital, mais dans<br />
une école spéciale. Ce qu'il leur faut très probablement, c'est une ins-<br />
truction parficuliére adaptée à leur niveau d'intelligence, et cette instruo<br />
tion ne peut leur être donnée d'une manière méthodique et complète que<br />
dans des classes assez peu nombreuses pour permettre un enseigne-<br />
ment individuel [...] II faut faire pour eux l'essai des écoles et classes<br />
spéciales » (Guide, p. 9-10).<br />
Dans l'article, Binet reprend des termes et des positions dont il se dé-<br />
marque ensuite. Ainsi, ses références à l'étude de Blin ne comportent<br />
aucune critique. Dès 1905, tout en continuant à la dire « superieure,<br />
comme précision, à ce qu'on avait fait avant lui », Binet et Simon, en sou-<br />
lignent les limites 17. Dans I'article, Binet emploie la distinction belge entre<br />
arriérés médicaux et arriérés pédagogiques, précisant seulement, à pro-<br />
pos de ces derniers : « appelons-les des ignorants ». En 1907, tout le<br />
passage concernant ces deux types d'arriérés est supprimé, pour être<br />
remplacé par une critique 18.<br />
Dans I'article, Binet utilise plusieurs fois le terme perfectible : le renvoi<br />
à l'hôpital se justifie « pour les sujets non perfectibles » ; certaines statis-<br />
tiques ne parlent que « des idiots profonds, qui sont peu perfectibles » ;<br />
« instruits convenablement, par des méthodes spéciales, [les enfants<br />
anormaux] sont souvent perfectibles et capables d'apprendre un mé-<br />
tier lg », Ce terne figurait, en 1898-1899, chez Baguer : l'internat de per-<br />
fectionnement « ne recevra nécessairement que les sujets perfectibles,<br />
ceux qui doivent être rendus plus tard l'indépendance, au travail ». II<br />
l7 A. Binet, Th. Simon, 1905 a, p. 182 sq.<br />
l8 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 11 4.<br />
lgp.311 etp.314.<br />
20 18981899, G. Baguer, p. 8. En 1903, il parle d'arriérés éducables, enfants destinés A a un<br />
établissement dans lequel après l'examen médical, seraient reçus les arriérés éducables
es9 repris par la commission des anormaux de la SLEPE, qui, le 11 févr.<br />
4984, adopte un vmu demandanii que les enfants « reconnus comme<br />
anormaux perfectibles a) soient regroupés dans une classe ou un établis-<br />
sement spbciai, vmu qu'elle fait ensuite adopter en séance plénière 21.<br />
Utiliske par Re rapport Charlot, Ia notion d'arriérés perfectibles n'est pas<br />
reprise par Lai Commission Bourgeois. En 1907, Binet et Simon écrivent<br />
encore : « Bt est (ibcessaire de ne recevoir dans les écoles spéciales que<br />
des anormaux perfectibles B. Mais ils ajoutent : « Nous avons employé<br />
cette expression de perfectible, il faut Iâ corriger, car tous les anomaux le<br />
sont plus ou moins ; leur prbfendu an&t de développement n'est pas<br />
complet et l'expression est 6quivoque ; il vaudrait mieux remplacer le<br />
terne de perfectible par la phrase suivante, plus précise : capables d'arri-<br />
ver B gagner pcafliellernenl leur vie 22. »<br />
Dans I'adicle, Bai conception de l'examen médical des anormaux em-<br />
prunte à !a fois à 1'6poque (anthropométrie, stigmates de dégénérescence)<br />
et aux travaux expbrimentaux de Binet. Le rôle des mhdecins consiste 4<br />
savoir [...] si l'enfant a prbsentb dans son histoire des maladies du sys-<br />
tème newuaux [ou d'autres bvénements et maladies] qui le rendent inca-<br />
pable de suivre les cours d'une 6cole ordinaire ». Surtout, écrit Binet, « je<br />
voudrais [...:! que le médecin foi, par hasard, un peu anthropologiste, ha-<br />
LSitub A se sewir du compas, et capable de déteminer convenablement le<br />
poids lai Paille, !a forne de la t6te et le nombre de stigmates de dégénéres-<br />
cencv 23 ». Binet ne fornule aucune crifique A l'examen anfhropom6trique<br />
ni à !'ussge des stigmates de dbgbnérescence. II tente de mettre au ser-<br />
vice du disgnostic ses recherches expérimentales, commencées en juillet<br />
490C dans !as hospices et dans les bcoles, sur les mensurations cépha-<br />
lom6triques d'enfants nomaux, « intelligents » ou « d'6lite » et d'enfants<br />
pouvant bénéficier d'un traitement midico-pédagogique » (In 1898-99, exemplaire INRP,<br />
mentions manuscrites.) En 1903, propos des asiles-écoles, Jacquin évoque les « idiots<br />
intellectuels perfectibles D (G. Jacquin, 1903, p. 42.).<br />
21 Louette, 1804, p. 407 et SLEPE, 1904, p. 429.<br />
22 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 1 07-1 08.<br />
23 A. Binet, 1905 a, p. 34 7.
« inintelligents » ou « arriérés » 24. En 1904, la commission des anormaux<br />
de la SLEPE s'occupe, à sa demande « de réaliser un vaste plan de re-<br />
cherches ». « II s'agit [...] d'arriver à établir scientifiquement quelles sont<br />
les différences corporelles et mentales qui séparent I'enfant normal et<br />
I'enfant anomal », « par quels signes, on peut distinguer les enfants nor-<br />
maux et les enfants anormaux », définir les « frontières anthropométriques<br />
des anormaux 25 ». Dès 1904, Binet s'interroge : comment les données re-<br />
censées, vérités de moyenne, « peuvent-elles être utilisées pour le diag-<br />
nostic » ? Mais il conclut : les études engagées apportent des « résultats<br />
d'une netteté inattendue » ; « la méthode des frontières pourra rendre,<br />
pour l'étude des anormaux, des services inappréciables 28 1).<br />
En 1907, Simon et lui sont beaucoup plus circonspects. « L'absence ou<br />
la présence d'un stigmate défini n'a point de valeur précise pour l'individu<br />
qui en est porteur [...] on rencontre bien des sortes de malformations chez<br />
des normaux avérés et [...] certains anormaux authentiques sont confor-<br />
més normalement. » « La considération des stigmates [...] ne doit jamais,<br />
à elle seule, servir de base à un diagnostic. » « II existe entre le niveau<br />
intellectuel d'un sujet et son état de développement physique une corréla-<br />
tion réelle [...] mais elle est malheureusement faible. » « L'étude anato-<br />
mique ne peut en aucun cas dispenser de l'examen direct de l'intelligence.<br />
L'utilité de I'anthropométrie, des stigmates de l'aspect physique pour dé-<br />
couvrir dans une école les arriérés et les instables ne doit venir qu'en<br />
second lieu [...] Leur r61e principal n'est pas d'aider à choisir les enfants<br />
pour classes d'anormaux. » Pas plus que l'anthropométrie, les « observa-<br />
tions sur l'hérédité », non évoquées dans l'article, ne peuvent « trancher la<br />
question de savoir [si un enfant] est anormal 27 1). La connaissance de<br />
l'hérédité et des maladies de I'enfant peut amener à distinguer des catégo-<br />
24 On en trouve les comptes rendus, dans I'AnnBe psychologique de cette année-là.<br />
25 In Louette, pp. 407-408 et A. Binet, 1904 a. a L'idée première de ces frontières appartient<br />
peut-être à mon ami, le Dr Simon n (1904 a, p. 434, note 1). Les études demandées sont<br />
rapidement entreprises, sur les sourds, les aveugles, les arriérés, par Baguer, Boyer,<br />
Baldon, Mme Meusy ...<br />
26 A. Binet, 1904 a, pp. 436-438.<br />
27 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 136-1 37, 139, 141, 144.
Bées 21 !'intéfleur de B'arriQratiow, mais en aucun être l'instrument du diagnostic<br />
piremies: Les méthodes qui, dans l'article, définissent l'examen médical,<br />
figurent, en 1907, dans la a partie facultative » de cet examen et ne<br />
ffouinissrnt plus que des indications secondaires. Reste seule obligatoire<br />
l'indication des infimit@s ou maladies et des troubles mentaux autres que<br />
B'asriQuatiow. L'examen ant6auopomQtrique n'est plus donné comme un<br />
moyen pour !e secrutemewB des anomaux. Le médecin doit surtout fournir<br />
des cc indications 81 c6P6 afin de prQciser le sens des efforts de la pédagogie<br />
28 ». Ce qui ntempQche pas Binet et Simon de se défendre : « Nous<br />
avons toujours rQclarn6 - quoi que nos détracteurs aient pu dire - le<br />
concoui-$ des rn6decins pour ces opérations de recrutement ; mais nous<br />
leur avons demanal6 d'employer des méthodes contrôlables, de concert<br />
avec les inspecteurs primaires. II est fâcheux, et tous les médecins intelligents<br />
regretteront d'avoir B constater que l'on fasse, dans quelques<br />
milieux, une si large place Q l'empirisme 2g. »<br />
Dans i'a~iicle, les choix institutionnels, notamment entre internat et externat,<br />
figurent sous forme de questions non encore tranchées, dans des<br />
Iomula~io~s qui sefletent les débats d'alors et marquent une préférence<br />
pour Itinte:nsB : (c inconvQnients graves de l'externat, qui met [l'enfant]<br />
dans la rue, quatre fois par jour » ; avantages de I'internat, critiquable pour<br />
!es enfants nomaux, mais qui pemet de « soustraire l'anormal à I'influente<br />
de sa propre famille », souvent « tarée 30 ». Énoncées par Baguer,<br />
en 4898-4899, ces idees avaient 616 discutées à la SLEPE qui, le 10 décembre<br />
4903, avait refus6 un vaeu demandant la création d'écoles spéciales<br />
pour les anormaux indisciplinés 31. Dans son article, Binet ne parle<br />
pas de classes speciales, sauf pour l'étranger. Fait d'autant plus significatif<br />
que cette strucfaat-e avait QI$ retenue par la SLEPE : Baguer, pourtant plus<br />
favorable Q l'internat, avait demande l'ouverture d'une classe spéciale à<br />
titre dQmonstraQif et son voeu, adopte à l'unanimité, repris par la commis-<br />
28 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 4 67-1 68.<br />
29 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 72.<br />
30 A. Binet, 4905 a, pp. 31 9-320.<br />
31 SLEPE, 1903, p. 1 83.
sion des anormaux et transmis au ministére 32. En 1907, les positions de<br />
Binet ont radicalement changé et il se fait le défenseur farouche des<br />
classes spéciales, c'est-à-dire d'un enseignement en externat 33.<br />
La synthèse d'idées empruntées à d'autres que réalise l'article peut<br />
apparaître comme une sorte d'exercice d'école, elle n'est pourtant pas la<br />
reprise passive de ces idées. Sur les points déjà étudiés par Binet, on y<br />
trouve déjà la marque de sa pensée propre - sa griffe, pourrait-on dire. En<br />
témoigne sa définition des anormaux que, me semble-1-il, on ne trouve<br />
pas dans les écrits de l'époque et qu'il consetvera en 1907. En 1902,<br />
Baguer concluait sa démarche d'éliminations en demandant des « écoles<br />
spéciales pour toutes les catégories d'enfants qui ne sont ni normaux, ni<br />
aliénés, ni idiots 34 ». Binet va au-delà et se sert de ce caractère négatif,<br />
qu'il transforme en critère institutionnel, pour donner une définition synthé-<br />
tique et qualitative qui ne s'en tient pas, contrairement à nombre des défi-<br />
nitions de l'époque, à une énumération de catégories ou de symptômes :<br />
« Les enfants anormaux et arriérés sont des enfants dont l'école ordinaire<br />
et I'hdpital ne veulent pas ; l'école les trouve trop peu normaux, l'hôpital ne<br />
les trouve pas assez malades 35. » Ce ne sont pas encore les distinctions<br />
institutionnelles entre anormaux d'école et anormaux d'asile, mais c'en est<br />
la préfiguration.<br />
LE RECRUTEMENT DES ANORMAUX<br />
L'article définit « un double examen » : chaque enfant « doit être sou-<br />
mis à l'examen d'un médecin et d'un éducateur ». II distingue la compo-<br />
sante médicale anthropométrique de la composante pédagogique et<br />
psychologique. Dans la logique du questionnaire, la note à la commission<br />
32 SLEPE, 1903, pp. 391-392 et p. 407.<br />
33 Cf. plus loin, M.A. Hugon, p. 274.<br />
" SLEPE, p. 180.<br />
35 A. Binet, 1905 a, p. 31 1.
este à l'intérieur de l'école. Ce sont les instituteurs, à qui la commission<br />
demande d'être les maîtres d'œuvre de son enquête, qui sélectionneront<br />
arriérés et instables. Cette note ne réfère pas les consignes qu'elle pro-<br />
pose à des disciplines scientifiques : ce n'est pas le problème des maîtres,<br />
il fau? simplement qu'ils sachent ce qu'ils ont à faire.<br />
L'article laisse au psychologue toute liberté de donner ses points de<br />
vue. Ils sont encore imprégnés de l'époque, mais c'est déjà Binet qui<br />
parle. En 1902, au cours des débats de la SLEPE, était évoquée une<br />
« enquête médicale [...] afin d'éclairer les instituteurs sur la nature des<br />
difficultés qu'ils rencontrent chez quelques élèves ». La Société avait de-<br />
mandé, « il une grande majorité », que « les enfants anomaux indiscipli-<br />
nés soient soumis, avant exclusion, à un examen médical spécial 36 ». En<br />
proposant deux composantes bien distinctes à son examen, Binet; va plus<br />
loin. II ne retient aucun des adjectifs composites rencontrés à la SLEPE :<br />
en 1902, « enquête médico-psychologique [...] faite par des médecins<br />
spécialistes 37 » ; En 1904, examen « médico-psychologique », et examen<br />
« médico-pédagogique ». Bans l'article, la distinction entre examen<br />
pédagogique et psychologique n'est pas encore évidente : ce sont « des<br />
éducateurs proprement dits, et notamment des inspecteurs primaires » qui<br />
auraient (4 se prononcer sur les aptitudes intellectuelles de chaque en-<br />
fant » et ceci, on va le voir, & partir de leur instruction. Mais déjà pointe<br />
I'afimation de la prééminence de la psychologie. Dans cette seconde<br />
partie de l'examen que j'appelle pédagogique et psychologique [...] il<br />
s'agit avant tout de faire un examen psychologique 39 n.<br />
Dans la note ài la commission - texte de circonstance, dicté par une<br />
urgence pratique - l'appel aux seuls instituteurs, pour désigner les anor-<br />
maux, ne répond pas au souhait profond de Binet. Le psychologue n'y<br />
parle pas de l'inspecteur primaire. La note dicte sa conduite au maître<br />
36 SLEPE, 1902, pp. 4 79 et 183.<br />
37 SLEPE, 1902, p. 1 82.<br />
3s Louette, pp. 406 et 47.<br />
39 A. Binet, 1905 a, p. 318.
(« quant au retard d'instruction, le maître l'appréciera »), ou utilise des<br />
formulations impersonnelles : K I'interprétation qu'on doit en faire », pour<br />
apprécier l'intelligence d'un enfant la meilleure méthode est de », « pour<br />
reconnaître les arriérés moraux, il ne faut les confondre » « dans les<br />
écoles à un seul maître, on ne tiendra compte que ». A la SLEPE, Baguer<br />
proposait une procédure à quatre acteurs : instituteur, directeur, inspec-<br />
teur, médecin (SLEPE, 1902, p. 181 .) Le r61e de l'inspecteur primaire de-<br />
vient capital, par la suite, pour Binet et Simon.<br />
S'agissant de l'appréciation de l'intelligence, le critère est le même,<br />
dans la note à la commission et dans l'article. C'est « le degré d'instruction<br />
relativement à l'âge », le retard scolaire qui doit servir de « critérium » et<br />
permettre de dépasser « la cote d'intelligence » donnée par le maître.<br />
L'article en reste aux principes. La comparaison de l'instruction de I'enfant<br />
avec celle de I'enfant normal doit Atre faite, en verifiant qu'il a « fréquenté<br />
régulièrement l'école ». L'étude annonce les articles de 1905, elle s'appuie<br />
sur des recherches déjà engagées sur le niveau d'instruction à I'école<br />
primaire, mais dont les résultats (barèmes d'instruction) ne sont sans<br />
doute pas prêts. L'examen de la « faculte de comprendre, [de] l'exactitude<br />
du jugement, etc. » est évoqué (il n'apparaît pas dans la note à la<br />
commission), mais l'article ne parle pas encore d'une nouvelle méthode<br />
(questions d'intelligence). On a ici une simple ébauche, mais le pro-<br />
gramme est tracé et sera mené à bien dès 1905. La note à la commission<br />
offre quelques consignes simples et brèves, mais déjà précises.<br />
Si cette note se contente de dire, sans s'y appesantir, que le diagnostic<br />
de l'arriération à l'école est en général un travail « délicat », l'article pré-<br />
cise : le recrutement des anormaux « ne peut être confié qu'à des spécia-<br />
listes trés compétents ». II reprend les critiques faites dans les réunions de<br />
la SLEPE, aux enquêtes existantes : elles ne s'appuient pas sur des défi-<br />
nitions fiables et ne portent pas toutes sur les mêmes enfants. En 1902,<br />
Baguer exprime la crainte « qu'une enquête soit dangereuse, par suite<br />
des différents sens qu'on donne au mot "arriérés" [...] Si une enquête était
faite, elle ne devrait être menee que par des personnes compétentes 40 ».<br />
Critique de « la bonne volonté médicale », exigence d'un examen qui s'en-<br />
toure « des meilleures précautions , demande de rigueur et de « préci-<br />
sion scientifique » dans le diagnostic de I'anormalité apparaissent déjà,<br />
dans I'artide de Binet, comme des points forts. « Au lieu de juger un<br />
enfant d'apres ces impressions vagues et confuses qu'on appelle quel-<br />
quefois le tact, je souhaiterais qu'on se livrât à une opération de mesure<br />
avec les procédés les meilleurs que la science fournit actuellement 41. ))<br />
S'exprime la un des axes permanents de la pensée de Binet, hors<br />
même de la question des anormaux. II faut mettre de la rigueur et de la<br />
raison dans le social : la science doit être mise au seivice du social. « La<br />
lettre imprimée ne peut être le but dernier et la seule raison d'être d'une<br />
recherche scientifique. II est légitime qu'ayant beaucoup peiné, le savant<br />
désire que son travail ne soit pas perdu, qu'il seive il introduire quelque<br />
innovation heureuse dans les méthodes d'enseignement. » En première<br />
ligne » pami les « parlies de la pédagogie et de la psychologie » « mûres<br />
pour leur application », figurent « les méthodes qui nous permettent d'ap-<br />
prkcier la valeur intelleduelle des enfants et leurs différentes aptitudes ».<br />
II faudrait faire un essai. « II faudrait avoir l'appui de l'administration [...]<br />
aller voir ceux qui nous gouvernent, les intéresser à notre cause [...] Mais<br />
serions-nous compris ? P) « Que tous les instituteurs qui désirent ap-<br />
prendre ces m6thodes, que tous les péres de famille qui désirent qu'on<br />
étudie de pies l'intelligence et les aptitudes de leurs enfants, que tous<br />
ceux qui croient que notre initiative est une chose bonne et féconde, vien-<br />
nent frapper Sr la parie de ce nouveau laboratoire [la Grange aux Belles] ;<br />
ils peuvent &tre sîiirs de recevoir le meilleur accueil 42. » Binet a au moins<br />
r6ussi B Paris, oh Bedorez - directeur, après Carriot, de l'enseignement<br />
primaire - lui confie la mission « de coopérer à l'organisation de quelques<br />
40 SLEPE, 1902, p. 181.<br />
41 A. Binet, 1905 a, p. 317.<br />
42 A. Binet, 1905 d, pp. 25-27.
classes d'anormaux », de procéder au recrutement de cinq classes<br />
d'anormaux 43 ».<br />
Avant même la fin des travaux de la commission, Binet et Simon<br />
reprennent la question, avec une idée-force qui ne variera pas jusqu'à<br />
leurs derniers écrits : il faut un « diagnostic scientifique » de I'anormalité.<br />
Avant d'éduquer les anormaux, « il faut savoir les reconnaître 44 ». Ce<br />
« tri » demande de la rigueur, tant par exigence intellectuelle que pour des<br />
raisons de morale sociale. II s'agit d'éviter l'erreur et l'arbitraire. C'est<br />
pourquoi Binet critique, pour leur empirisme et leur manque de critères<br />
solides, les modes de recrutement, aussi bien des classes organisées à<br />
l'étranger que de celles qui s'ouvrent en France, à partir de 1907. En<br />
Allemagne, « la manière de recruter est empirique 45 » ; à Bordeaux, les<br />
« classes d'anormaux » « ont été recrutées par des médecins, qui n'ont<br />
point indiqué avec précision les signes qui leur ont servi à reconnaître et à<br />
mesurer l'arriération ; nous conjecturons que pour le recrutement des<br />
classes d'anormaux à Lyon, le travail a été également confié à des méde-<br />
cins, et que ceux-ci, comme leurs confrères bordelais, n'ont eu recours<br />
qu'à leur intuition, à leur flair. C'est bien regrettable 46. » A l'inverse, il dé-<br />
cerne un satisfecit à la ville de Charleroi qui « a adopté la mbthode de<br />
recrutement que nous avons formulée avec le Dr Simon 47 ».<br />
Les nouveaux modes de recrutement son présentks, en 1905, par<br />
Binet et Simon, dans L'Année psychologique, dans des articles rédigés en<br />
mars ou avril 48, c'est-à-dire quelques mois à peine après la note à la<br />
commission de Binet. La méthode conserve les critères scolaires, mais ils<br />
ne sont plus qu'une part d'une procédure plus complexe, comprenant trois<br />
examens : « C'est par la mise en œuvre simultanée des trois méthodes :<br />
médicale, pédagogique et psychologique [...] que devrait se faire la répar-<br />
43 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 14 ; A. Binet, 1907 b, p. 763.<br />
4.1 Binet in V. Vaney, 1905, p. 653, note.<br />
45 A. Binet, 1908, no 44, p. 59.<br />
46 A. Binet, 1909, pp. 71-72.<br />
47 A. Binet, 1909, p. 71-72.<br />
Cf. plus haut, p. 52.
tition des enfants dans les divers établissements spéciaux dont la création<br />
est à l'étude en France 4g. 6.3 La nécessité de cette procédure en trois<br />
temps sera constamment affirmée, jusque dans les derniers écrits du psy-<br />
chologue. Développées, on Be verra, essentiellement à propos du diag-<br />
nostic de l'arriération, ces trois $tapes sont cependant d'emblée prévues<br />
pour S'ensemble des anormaux ".<br />
Leur présentation ne manque pas d'une certaine impatience. Binet est<br />
encore membre de la commission, lorsqu'il écrit, avec Simon : « Nous<br />
ignorons encore si Ia Commission ministérielle a l'intention de procéder<br />
elle-même, bien entendu par délhgation de ses pouvoirs à quelques-uns<br />
de ses membres, A une enquele, 21 un examen scientifique, à une sorte de<br />
"descente sur lieu" dans les 6coles primaires, afin d'y rechercher les en-<br />
fants vraiment anomaux, et de les soumettre à des épreuves mettant en<br />
Avidence leur caractère anormal 51. » Aucun nom n'est indiqué, mais il va<br />
de soi qu'il s'agirait de travailler selon les directives des deux auteurs. En<br />
1909, Binet se fera un devoir » de proposer : « nous nous mettons tous,<br />
M. I'lnspecteur Belot, M. Vaney, le Br Simon et moi, à la disposition des<br />
municipalités et des Inspecteurs d'Académie qui désirent connaître ce que<br />
nous avons fait B Paris, pour crAer en province des classes d'anormaux<br />
oh l'on voudra introduire des m6thodes analogues pour recruter les anor-<br />
maux ... 52 ». La volonté de se voir officialisé, reconnu institutionnellement,<br />
est ici claire. II s'agit de l'entreprise publicitaire de tous les inventeurs par<br />
lesquels, quel que soit par ailleurs l'intérêt de leurs méthodes, l'institution<br />
scolaire est constamment sollicithe. Bien que Binet et Simon disent leur<br />
methode imparfaite, il s'agit bien de la vendre - au sens promotionnel du<br />
teme - 21 la commission, puis B I'Acole, comme seule valable en dernier<br />
ress0i-i.<br />
49 A. Binet, Th. Simon, 4905 d, p. 38.<br />
A. Binet, in V. Vaney, 4905, p. 653, note.<br />
51 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 323.<br />
52 A. Binet, 4909, p. 72.
Dans tout cela, que retenir en ce qui concerne le rôle des maîtres dans<br />
le tri des enfants anomaux ? Binet ne leur fera jamais confiance (pas plus<br />
qu'aux médecins ou à toute autre personne non armée méthodologique-<br />
ment). En 1900, il critiquait ses propres recherches de céphalométrie,<br />
basées sur sa demande au directeur d'école de lui désigner les « enfants<br />
d'élite », c'est-à-dire « parmi les intelligents, ceux qui étaient les plus intel-<br />
ligents de tous » et parmi les moins intelligents « les moins intelligents de<br />
tous ». « Je ne me dissimule pas que ces appréciations intellectuelles<br />
restent sujettes à caution ; elles auraient besoin d'être vérifiées et mieux<br />
précisées. C'est le point faible de ma recherche. Si je dois poursuivre les<br />
mêmes investigations, je m'efforcerai de juger moi-meme, au moyen de<br />
tests spéciaux, l'intelligence des enfants 53. » La note à la commission ne<br />
récuse pas le choix d'une enquête basée sur les seules déclarations des<br />
maîtres, éventuellement contrôlés les uns par les autres. Mais, avant<br />
même l'analyse des résultats, Binet et Simon les mettent d'avance en<br />
question. II est indispensable de vérifier si, « dans une petite proportion<br />
d'écoles, on est d'accord avec les instituteurs ». « Un examen des enfants<br />
anormaux dans les écoles doit se faire, en principe, sans le secours des<br />
instituteurs ». II faudrait que l'enquêteur « apprît à se passer de tout se-<br />
cours du directeur, ou du moins qu'il fut assez sûr de ses moyens d'action<br />
pour contrôler et au besoin mettre au point les renseignements que le<br />
directeur lui fournira 54 ». « Autrefois », écriront les deux auteurs en 1907,<br />
pour trouver les intelligents, « on demandait l'appréciation du maître. ))<br />
Cette méthode est « tout à fait défectueuse 55 ».<br />
Pourtant, à y regarder de prés, la mise à l'écart des maîtres est loin<br />
d'être totale dans les processus proposés Tout se passe comme si, dès<br />
qu'ils en viennent aux conditions concrètes du recrutement des classes<br />
53 A. Binet, 1900, pp. 403-404.<br />
54 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, 323-324.<br />
55 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 59, note.<br />
Dès 1907, les formulations de Binet et de Simon sont brocardées par M. Royer, élève de<br />
Bourneville, qui en soulignent les contradictions : tantôt, les maitres semblent y jouer u un<br />
rôle prépondérant B, tantôt ils apparaissent comme susceptibles de jugements qui ne pré-<br />
senteraient pas u une intégrité parfaite w (M. Royer, 1907, p. 3).
spéciales, Binet et Simon se voyaient obligés d'en passer par les institu-<br />
teun. Il serait « bien long, bien fastidieux, et tout à fait inutile » d'examiner<br />
tous les élèves d'une école. On procédera donc à une sélection sommaire<br />
A partir de la confrontation des ages des enfants et de leurs notes. « Nous<br />
n'avons pas eu encore l'occasion de faire nous-mêmes cette sélection<br />
sommaire ; mais elle sera certainement facile et rapide 57. » On procédera<br />
ensuite à un examen individuel dia petit nombre d'enfants retenus. A tra-<br />
vers notes et classement scolaires, la procédure retenue repose en fait,<br />
pour sa première étape, sur I'avis des maîtres. En l'absence d'un corps de<br />
psychologues scolaires, en l'absence de spécialistes formés aux mé-<br />
thodes souhaitées, il était impossible de mettre celles-ci en pratique, de<br />
faqon opérationnelle et rapide, S1 travers toute la France : « notre méthode,<br />
qui est lente, méticuleuse et exige quelque apprentissage, est une mé-<br />
thode d'exception et de luxe %. B Binet et Simon ne s'expliquent guère sur<br />
leurs motifs, mais on peut penser que ce sont de simples raisons<br />
conjoncturelles qui, en fisa de compte, les ont conduits A proposer de s'en<br />
remettre aux maîtres, pour faire le premier tri des anormaux à l'école. Ils<br />
ne cesseront jamais de manifester leurs réticences. « II est important de<br />
signaler que les procédes de sblection que nous venons d'indiquer<br />
peuvent être utilisés sans le concours des directeurs d'école 59. » On<br />
pourra « passer outre » l'avis des directeurs d'école. Les inspecteurs pri-<br />
maires auront la double tâiche de contrdler la parole des maîtres et de<br />
proc6der S1 l'examen des enfants signalés par eux. Ce sera l'objet du<br />
Guide de les initier B ces nouvelles fonctions. Ce n'est que « bien orien-<br />
tes )) qu'instituteurs, diredeurs, et même inspecteurs, pourront sélection-<br />
ner les anormaux 8 l'école. Si des maîtres peuvent opérer cette sélection,<br />
c'est qu'ils se seront formes A la nouvelle méthode de diagnostic qui « est<br />
ouverle B tout instituteur 60 », mais « ne peut pas être mise entre les mains<br />
du premier venu ; elle exige du tact, du doigté, une expérience des causes<br />
d'erreur B eviter, surtout, une notion claire des effets de la suggestion ».<br />
57 W. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 324.<br />
58 A. Binet, 191 1 a, p. 187.<br />
W. Binet, Th. Simon, 4907, p. 72.<br />
60 W. Binet, Th. Simon, W. Vaney, 4907, p. 20.<br />
429
Ce n'est pas « une bascule de gare sur laquelle il suffit de monter pour<br />
que la machine délivre notre poids imprimé sur un ticket », ses résultats<br />
« ont besoin d'être interprétés<br />
LES NOTIONS<br />
Le titre de la note à la commission évoque les arriérés en général. Le<br />
texte distingue arriérés de l'intelligence et arriérés moraux. Plus large que<br />
le terme imbécile moral retenu par le questionnaire d'enquête, la notion<br />
d'arriération morale peut comprendre différents degrés, dont l'imbécillité<br />
morale ne serait qu'un. L'expression se réfère à une conception de la<br />
sphère morale, en termes de degrés de développement (en plus ou en<br />
moins), homologue à la conception de l'intelligence, que l'on peut ratta-<br />
cher au systéme que Félix Voisin a développé dans les années 1840-<br />
1850 62. C'est ce parallélisme que marquent les deux sous-titres : arriérés<br />
intellectuels, arriérés moraux. Et c'est l'inclusion de I'arriération morale<br />
dans I'arriération que signifie le titre.<br />
Cette terminologie, exceptionnelle dans l'œuvre de Binet, est difficile-<br />
ment explicable. A c6té du terne arriéré, l'article emploie déjà débilité<br />
mentale et parle d'instables et non d'arriérés moraux. Pourquoi la note il la<br />
commission ne reprend-elle pas ces termes ? Pourquoi se démarque-t-<br />
elle de la commission qui, dans son questionnaire, utilise le terme arriérés<br />
pour les seuls arriérés intellectuels ? Avec la notion d'arriérés moraux, le<br />
psychologue reprend une formulation ancienne des aliénistes. Faut-il pen-<br />
A. Binet, 1911 b, p. 98 (édition citée, 1973).<br />
62 Cf. Texte 4, p. . a De la même façon que l'on peut être arriéré par insuffisance de déve-<br />
loppement de certains territoires cérébraux, de la même façon peut-on être délinquant par<br />
agbnésie de certains autres territoires : c'est ce que réalise l'idiotie morale. n (J. Arveiller,<br />
1993, p. 240).
ser que Simon est ici l'inspirateur d'une réflexion encore peu avancée 63 ?<br />
Le docteur Blin, reférence psychiatrique de Binet, pariait de « débilité mo-<br />
rale n. Faut-il simplement invoquer des fluduations dans un vocabulaire,<br />
voire dans des conceptions, que Binet n'a pas alors arrêtés ? En 1907,<br />
Binet et Simon ne retiendront plus cette formulation et se rangeront au<br />
voca!ble instables.<br />
Se pliant au choix de lai commission d'appuyer son enquête sur la pa-<br />
role des maîtres, la note B la commission vise à leur donner des normes<br />
auxquelles ils devront satisfaire. Avec une fréquentation scolaire suffi-<br />
sante, il faut, pour 8tre dkclarb arriéré : soit, un (( retard de 3 ans [sans<br />
précision d'age] sur l'instruction moyenne des élhves de son âge )) ; soit,<br />
un « retard d'instruction )) de trois ans, pour les enfants de plus de neuf<br />
ans et un retard moindre de deux ans, par exemple », pour les enfants<br />
moins âgés. Les differences de fomulations montrent que Binet en est<br />
encore aux balbutiements de sa rkîlexion. En l'absence de procédures<br />
standardisées pour mesurer les niveaux d'instruction, la moyenne )) des<br />
connaissances, sans autre pr@cision, ne peut guère signifier que les ac-<br />
quis moyens des dl&ves de la classe correspondant à l'âge. En 1905, pour<br />
Qtudier le d6veloppernent nomal de l'intelligence, Binet et Simon<br />
demandent aux maîtres de « désigner uniquement les enfants d'intelli-<br />
gence moyenne, qui ne seraient ni en avance ni en retard sur leurs cama-<br />
rades du même âige, et qui suivraient les cours de leur âge 65 ». La for-<br />
mulation : un retard moindre de deux ans « par exemple )) montre que<br />
83 En 4900, Simon Bvoque, dans la lign6e de F. Voisin, les enfants u atteints de débilité<br />
intellectuelle ou morale B qui u peuvent présenter tous les degrés jusqu'à l'imbécillité ou<br />
meme, par exception, l'idiotie N (p. 431).<br />
64 Dr Blin, 1902, p. 348.<br />
A. Binet, Th. Simon, 4905 c, p. 246.
Binet n'a encore guère réfléchi sur les jeunes enfants. En 1905 encore, il<br />
écrit, avec Simon : « Qu'il soit bien entendu, d'abord, que nous ne propo-<br />
sons pas une méthode générale de diagnostic pour tous les débilesm,<br />
quel que soit leur âge [...] Nous avons étudié seulement le débile de huit à<br />
treize ans, tel qu'on peut le rencontrer dans une école primaire 67. »<br />
La pensée de Binet et de Simon se prhcise ensuite de façon extrême-<br />
ment rapide, avec la volonté de servir au recrutement des classes qui vont<br />
être créées. II s'agit de « donner un guide aux futures commissions<br />
d'examen » qui doivent être bien orientées « des le début 88 ». On peut<br />
suivre, dans leur succession exemplaire, les trois étapes de la démarche,<br />
recherche systématique sur l'arriération mentale, dans les articles parus<br />
en 1905 dans I'Annee psychologique : historique critique et état de la<br />
question ; proposition d'une procédure de diagnostic, avec ses trois mé-<br />
thodes ; enfin, mise en œuvre de cette procédure 69. Compte tenu des<br />
travaux déjà effectués par Simon, on peut supposer que la rapidité du<br />
travail s'explique par les études que ce dernier avait antérieurement ef-<br />
fectuées. « Nous ne sommes arrivés que lentement » écrivent les deux<br />
auteurs, « à cette vue synthétique, après plusieurs années de re-<br />
cherches ». Rien ne montre que Binet ait travaillé pendant les années<br />
précédentes sur le diagnostic de l'arriération. L'importance de la nouvelle<br />
interrogation se retrouve, dans les travaux contemporains de la SLEPE.<br />
Tandis que Binet et Simon définissent la procédure d'ensemble et la mé-<br />
thode psychologique, instituteurs et inspecteurs, membres de la SLEPE,<br />
entreprennent de « mettre au point le procédé pédagogique 71 D.<br />
Ce terme, rappelons-le, est largement antérieur à Binet.<br />
67 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 322.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1905 a, p. 163.<br />
69 11 serait intéressant de faire une étude du vocabulaire de Binet et de Simon, en fonction du<br />
type d'article qu'ils rédigent. Dans i'Ann6e psychologique, le premier, article de recherche,<br />
évoque a les états inférieurs de l'intelligence n ; les deux autres, où se greffe la question<br />
sociale, parlent d'enfants anormaux et de débiles.<br />
70 A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 194.<br />
71 A. Binet, in V. Vaney, 1905, p. 653, note.
Trois ans de retard scolaire restent la frontière entre l'arriération et la<br />
normalité, jusque dans les demien écrits de Binet. Cependant, sur ce<br />
point aussi, Oa pensée de Binet et de Simon ne manque pas d'un certain<br />
flou. Bans le Guide, ouvrage capital du point de vue de ses auteurs pour<br />
B'organisation des classes d'anormaux, coexistent deux types de formula-<br />
!sons, qui présentent une certaine discordance 72. Cerfaines reprennent les<br />
critères retenus dans la note I la commission : deux ans de retard, avant<br />
neuf ans ; trois ans, aprés neuf ans. Doit être considéré « comme arriéré<br />
de l'intelligence, celui qui est en retard de trois ans, quand il a lui-même<br />
depassé neuf ans ». Le debile a montre un retard de deux ans ou de trois<br />
ans [selon son Bge], sans que ce retard soit dû A une insuffisance de<br />
scolarit6 D. L'inspecteur recruteur « demande des renseignements sur la<br />
scolarité des élèves qui sont rePaïd6s de deux ans (quand ils ont moins de<br />
neuf ans) et Ge trois ans (quand ils ont plus de neuf ans) 73 ». Ce sont des<br />
cridQres semblables que retient l'instituteur Vaney, collaborateur de Binet,<br />
sw temes won plus d'%ge mais de niveau scolaire : deux ans de retard<br />
sont suffisants pour carac86riser l'arriéré », au cours élémentaire ; un<br />
ireBeml de trois ans (( est un mauvais symptôme », pour les élèves de cours<br />
moyen 74. Poudan8, dans d'autres passages du Guide, il n'est plus ques-<br />
tion de deux ans de retard au-dessous de neuf ans. Comme la note A la<br />
commission, ceriaines fornulafions font état de trois ans de retard, quel<br />
que soit rage des enfants. Un retard scolaire de trois ans signale un<br />
enfant suspecl d'arri6ralion. D) cc Tout retard de trois ans doit faire suspec-<br />
ter une intelligence faible 75. 1) Ailleurs, les frontières sont reculées à tous<br />
72 Faut-il penser, avec G. Paul-Boncour, Fort critique vis-à-vis de i'ouvrage, que certaines<br />
parties ont bté rkcligées par Binet et d'autres par Simon ? a Par suite put-être d'une col-<br />
loboration inégale des auteurs, il plane sur certaines questions une imprécision qui, même<br />
légère, est fort regrettable. D. G. Paul-Boncour s'en prend particulièrement A son collègue<br />
Simon u qui paraît avoir insuffisamment observé la nature morbide des anormaux sco-<br />
laires D et dont les affirmations a ne reposent sur aucun argument et n'ont aucune base<br />
clinique D. a La partie qui nous semble appartenir plutôt au Dr Simon laisse en effet beau-<br />
coup B désirer. Et on ne peut trop s'en @tonner quand on voit notre confrère accepter<br />
qu'on Fasse au médecin dans le traitement medico-pédagogique un rôle tout effacé r><br />
(G. Paul-Boncour. 1908, pp. 142 et 139-1 40).<br />
73 A. Binet, Th. Simon, 4 907, pp. 25, 1 13, 123.<br />
V. Vaney, 4905, p. 658.<br />
75 A. Binet, Th. Simon, 4907, pp. 57 et 71.
les ages : « ce retard est, au-dessous de neuf ans, égal à plus de deux<br />
ans » et, au-dessus de neuf ans A « plus de trois ans 76 ». Binet et Simon<br />
proposent ainsi des critères plus étroits pour parler d'arriération. Ceci<br />
s'explique par le constat suivant : « la majorité des enfants dans le cours<br />
moyen a prés d'un an de retard par rappod aux prkvisions des pro-<br />
grammes [...] Des calculs faits sur la répartition des âges dans les autres<br />
cours nous ont donné des résultats équivalents 77. » Si un retard d'un an<br />
est la nome statistique, il est logique de reculer d'un an les limites d'abord<br />
retenues.<br />
A peine posé dans la note à la commission, le critère du retard scolaire<br />
sans défaut de fréquentation - premier moyen de tri des arriérés - semble<br />
aussitôt contesté. II ne figure dans aucun des trois articles publiés dans<br />
11Ann6e psychologique et s'il est évoqué, au congrès de Liège, c'est de<br />
façon critique : On peut voir [...] si l'enfant est dans sa classe avec des<br />
enfants d'un âge inférieur au sien. Mais des causes multiples peuvent<br />
expliquer ce retard [...] Quel est-il d'ailleurs au juste 78 ? » Dans l'article de<br />
1904, Binet cite les auteurs belges par qui des renseignements lui « sont<br />
fournis obligeamment » : pour que des enfants entrent en classe spéciale,<br />
ils doivent être « par leur instruction, en retard de trois ans au moins sur<br />
les enfants du même âge 79 ». Plus tard, Simon et lui signalent la filiation<br />
de leurs critères par rapport à ces auteurs : « L'idée première de cette<br />
méthode nous a été inspirée » par la lecture de brochures du docteur<br />
Demoor et de ses collègues qui l'appliquent aux arriérés pédagogiques<br />
« D'aprés une convention admise en Belgique et que nous modifions légè-<br />
rement [...] 'l. » Pourtant, des 1905, ils reprochent aux auteurs belges de<br />
« ne pas avoir senti le besoin de méthodes précises pour évaluer [...] le<br />
retard d'instruction. II est probable que dans leur pratique ce retard s'ap<br />
précie au jugé. Les instituteurs n'hésitent pas du reste à faire des appré-<br />
'' A. Binet, 'Th. Simon, 1907, p. 68.<br />
77 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 67, note.<br />
78 A. Binet, Th. Simon, 1905 d, p. 36.<br />
79 A. Binet, 1905 a, p. 316.<br />
'O A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 224.<br />
'' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 62.
ciations de ce genre. Ils diront sans hésiter que tel enfant est en retard de<br />
deux ans oui trois ans, reste il savoir ce que valent ces chiffres e2 ». Les<br />
modifications Iégéres apportées aux criteres belges recouvrent en fait la<br />
constuuction de toute une nouvelle méthodologie. Avec mes collabora-<br />
teurs, ecrit Binet, en WQ7, a J'aB remis A la fonte la méthode belge, et nous<br />
sommes ainsi arfiv6s B constituer une méthode un peu différente, plus<br />
démonstrative e8 surtou% plus sQre ». Parler de retard d'instruction,<br />
comme se font le Dr Bernoor et ses collègues et comme le fait, en 1904, la<br />
propre note A la c~mmission de Binet, « constitue un grand progrés sur<br />
O'apps6ciation subjective, et sans guide ». Ce « critérium » « fixe les idées<br />
et &vite les Incertitudes », mais I « a encore le defaut de manquer de<br />
précision PI.<br />
Afin de se pr6munir contre le manque d'objectivité, Binet et Simon<br />
&laborenl, en 'i9Q5, leurs trois examens combinés et hiérarchisés, pour<br />
« reconnaître » les « 6tats inf6iseuw de l'intelligence ». Bizarrement, si<br />
Beur pragmatisme (impossIbiIit6 d'appliquer ces examens à tous les élèves)<br />
les amène & ;efenir un premier tri scolaire des éléves « suspects d'arriéra-<br />
Pion », ce n'es? pas 810~ le retard scolaire mais le classement des élèves<br />
dans !@UT CIB~SS~, d6pendant de l'appréciation d'un seul maître : « on ne<br />
considÉ\rera comme suspecis que ceux qui par leur âge sont au premier<br />
rang de Be dasse, et par !es notes de leur carnet sont presque constamment<br />
au dernier rang 6 n. Ba fomulation reste d'ailleurs peu précise. A<br />
pair& de quelle place, est-on « au dernier rang » ? À partir de quand eston<br />
« presque toujours » 21 cette place ? L'intérêt des auteurs est alors clairement<br />
dans I'6laboraBon de m6thodes d'examen objectives, et non dans<br />
Be définition précise d'une proc6dure pragmatique, tenant compte des<br />
contraintes de la rQaliP6.<br />
82 A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 225.<br />
83 A. Binet, i907 b, p. 763.<br />
A. Binet, Th. Simon, 4905 b, p. 225.<br />
A. Binet, Th. Simon, 4905 c, p. 324.
La définition d'une telle procédure sera l'objet du Guide qui, en conti-<br />
nuité avec le travail de Binet dans la commission, se préoccupe davan-<br />
tage de mise en œuvre institutionnelle que d'élaborations scientifiques. On<br />
observe alors une curieuse &volution dans la pensée de Binet : après<br />
avoir contesté la validité du retard scolaire sans défaut de fréquentation,<br />
comme premier moyen de tri des arriérés, il va progressivement revenir à<br />
l'idée que ce critère est non seulement utile, mais signe quasi infaillible<br />
d'arriération. En 1907, les formulations restent encore mitigées : le retard<br />
scolaire permet le choix des enfants suspects d'arriération, mais avec un<br />
contrôle qui met en œuvre de façon obligatoire les trois méthodes définies<br />
en 1905 ; pourtant, les seuls arriérés à échapper à un recensement à<br />
partir du retard scolaire, sont des cas limites, ou le retard est très proche<br />
de trois ans. Lorsque l'on étudie les cas d'enfants présentant « un retard<br />
scolaire aussi considérable que celui de trois ans, [...] le facteur le plus<br />
important est sans contredit la faiblesse d'intelligence 86 ». En 191 1, Binet<br />
reprend cette position de façon beaucoup plus affirmée. K Lorsque nous<br />
avons eu à examiner des enfants qui étaient soupçonnés d'arriération [...]<br />
parce qu'ils présentaient un retard d'instruction égal au moins a trois ans,<br />
sans l'excuse d'une fréquentation scolaire irrégulière, nous leur avons<br />
toujours trouvé des retards intellectuels, mis en évidence par notre échelle<br />
métrique. » (( Pour se mettre en retard de trois ans dans ses études, pour<br />
ne savoir qu'a douze ans ce qu'en général les enfants savent à neuf ans, il<br />
faut manquer d'attention ou de compréhension. » Ces enfants ne sont<br />
pas seulement en insuffisance d'instruction, mais [...] ont réellement I'intel-<br />
ligence débile ».<br />
Si cette position est celle qui doit être retenue en dernière analyse, si<br />
tout enfant arriéré a trois ans de retard scolaire et si tout enfant qui a trois<br />
ans de retard scolaire est arriéré, on peut alors se demander si toute la<br />
sophistication méthodologique construite par Binet et Simon n'est pas<br />
8 6 ~ .<br />
Binet, Th. Simon, 1907, p. 71.<br />
A. Binet, 191 1 a, pp. 97 et 103. A propos d'un enfant de cours préparatoire âgé de huit<br />
ans, maigre et chétif, atone et inerte : a Ce ne sont pas ces enfants-la qui feront hésiter le<br />
diagnostic. La femme de service elle-même reconnaît que ce sont de petits anormaux u<br />
(lbid., p. 80).
saipeflue, dans %a procédure de recrutement M. Eux-mêmes mettent dans<br />
Ba bouche d'inspecteurs et d'instllateurs : (( Que tout cela est donc in-<br />
! )) De fait, cedaines remarques des deux auteurs, y compris à<br />
U'iw%éséeiar du Guide, rendent wmpl&tement inutiles examen pédagogique<br />
et suriout psychologique. Un retard scolaire suffisamment important, sans<br />
défaut de fréquentation, suffit pour qualifier un enfant d'arriéré. (( Non<br />
seulement is di-ecieur de B'$collb, mais encore une personne étrangère<br />
peuri déteminer quels sont les enfants les moins intelligents, les moins<br />
bien adaptés de catte 6cole, sans avoir la peine de les interroger tous<br />
Bwdividueilemen%. II suffii de s1enqu6i-ir de leur situation scolaire, el de faire<br />
aan rapprochement entre cette situation et leur âge »<br />
Plusieurs arguments sont cependant avancés par Binet et Simon en<br />
B8veur de Beur pi-ocQdure B trois examens.<br />
1. Elle es! utile dans tous les cas où le critère retardlfréquentation<br />
scolaire ne peut 6tre applique.<br />
- Un retard scolaire de trois ans, voire de deux ans, n'ai aucun sens pour<br />
des enfants qui n'en sont pas encore à leur troisième année de scolarité :<br />
BB fasrnt d'autres critbres pour appr6cier leur intelligence.<br />
- Dans les cas oM 1e retard scolaire est très proche de la frontière entre<br />
naorma! et anomal, II y a doute et il revient aux méthodes proposées de<br />
c!asser l'enfant parni les normaux OU les arriérés.<br />
- Dans les ces oia l'on ne connaît ni la fréquentation scolaire ni aucune<br />
autre cause sxt6rieure (y compris la (( paresse », considérée comme<br />
fadeur hors intelligence) pour expliquer le retard scolaire, l'examen psy-<br />
chologique devient un moyen de (( réhabiliter )) un élève (( qui présente<br />
un retard scolaire accenlu6 ». Ce thème est affirmé, jusque dans les<br />
Hors des questions de recrutement, la rndthode est présentée comme utile pour apprécier<br />
le rendement des écoles d'anormaux : on comparera degré d'instruction à l'entrée et à la<br />
sortie, niveau intellectuel B I'entrke et P la sortie.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1 907, p. 1 04.<br />
90~. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 5960.<br />
'' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 103.
Id6es modernes, où figure un long développement sur les risques de<br />
confusion entre les cc faux inintelligents )) et les arriérés g2.<br />
2. Surtout, la méthode vise à éviter la cc fraude ». II semble que I'ins-<br />
pecteur ne doive pas se contenter de I'examen des enfants retardés sco-<br />
laires. II doit s'occuper aussi des enfants placés dans un cours dont le<br />
niveau est en réalité inférieur à celui qui lui est officiellement dévolu, ainsi<br />
que de ceux placés dans des classes trop fortes pour eux. cc II y a bien<br />
des cas où le directeur place par complaisance pour les parents un enfant<br />
dans un cours trop fort pour lui. )) u On se rappellera [...] qu'un arriéré peut<br />
être placé, à raison de son tige, dans une classe trop élevée pour son<br />
savoir. Ce cas se présente souvent 93. » Un (( rapide examen permettra la<br />
contrôle du classement ; ce contrôle est tout à fait nécessaire ». Les ins-<br />
pecteurs (( se feront présenter le cahier de quinzaine, examineront les<br />
notes de l'élève, ses cahiers de devoir, ce qui donnera un premier<br />
aperçu 94 ». C'est pour les enfants que ce premier aperçu aura montré<br />
suspects de retard scolaire camouflé que les inspecteurs procéderont à<br />
I'examen pédagogique systbmatique.<br />
Mais alors, deux remarques s'imposent :<br />
a) S'il s'agit de traquer la fraude et de mettre en question la situation<br />
des enfants dans leurs classes, cela veut dire que I'inspecteur doit exami-<br />
ner les notes et les cahiers de tous les élèves. Si cette méthode n'est pas<br />
praticable partout, comme le disent par ailleurs Binet et Simon, on re-<br />
tombe sur la confiance de I'inspecteur envers ses directeurs, comme cri-<br />
tère premier de recrutement : placent-ils les enfants dans le cours corres-<br />
pondant à leur niveau réel ? Les niveaux des différents cours de leur école<br />
correspondent-ils vraiment au niveau ofilciel ? L'examen systématique des<br />
élèves ne serait en dernier ressort nécessaire que lorsque la confiance<br />
envers le directeur et les maîtres fait défaut. Plus accessoirement encore,<br />
92 A. Binet, 191 1 a, p. 81.<br />
93 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 60.<br />
94 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 78.
il permettrait de contrôlerr Bes dires des parents. Ceux-ci, en effet, auront<br />
une attlude différente selon qut!I% veulent que leur enfant reste à l'école<br />
odireaire, ou aille dans un intemat de perfedionnement e5.<br />
&a] L'examen rnbthodique d'indmction, fait par l'inspecteur, semble suffire<br />
pour véRf er les cas litigieux. UP lui permet de détecter des retards scolaires<br />
camouflés. On retombe ainsi sur le critère du retard scolaire, mais<br />
objectivé par !'examen dVin%8wadion. Le degré d'instruction apparaît<br />
comme la meilleure rnhthoolct pouf juger de I'intelligence d'un écolier : « la<br />
meilleure manier@ de juger I'intelligence d'une personne est d'examiner<br />
$on rendement social ; of, le rendement social de l'écolier, c'est le degré<br />
ouque! $1 $'assimil@ les connaissances de I'école " B. C'est alors i'examen<br />
pychologique qui semble inutile 87.<br />
Esi fa%, loqaae Binet et Simon s'attachent à décrire les procédures<br />
wncir$tes de recrutement des arriérés pour les classes de perfectionnement,<br />
ils relèguerat Vexamen psychologique, les « questions d'intelligence<br />
» Os ~ ; r&l8 7 accessoire, en décalage avec leur position théorique qui<br />
en fait par ailleurs l'examen princeps de I'intelligence. Deux positions co-<br />
existent ainsi chez ces auteaars, dont ils ne semblent pas avoir résolu I'an-<br />
tinomie : une optique pragmatique, appuyée sur une conception théorique<br />
qui fait de Ba facaaltc5 scolaire B le criterium de la faculté intellectuelle ;<br />
une cptique glus doctrinaire (peut-&ire davantage celle de la recherche ?)<br />
qui bit de l'échelle métrique de l'intelligence le critérium de l'intelligence,<br />
permettant $euDe de « reconnaRfe )) et de «doser » les anormaux<br />
d'6cofe (dette deuxième position ne deviendra opérante institutionnef-<br />
Bernent que beaucoup plus Bards torsque l'échelle métrique de l'intelligence<br />
sera utilisée, hors de foute consicd4ration scolaire, pour opérer le dépis-<br />
tage des débiles mentaux par l'examen systématique de classes entières.<br />
%A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 193.<br />
88 A. Bine, Th. Simon, W. Weney, 1907, p. '19.<br />
$' Binet et Simon Bvoquant parfois le a retard scolaire apprécié s, par opposition au K retard<br />
miaire b ~ D, t mais ils ne semblent guère l'exploiter.<br />
8e On trouvera I'analyse de cette antinomie, dans mes travaux déjà cités (1 990 a et 1990 b).
L'appréciation de la fréquentation scolaire<br />
Lorsqu'elle est donnée comme premier moyen de distinguer arriérés<br />
intellectuels et ignorants, elle est essentielle, dans la procédure de recru-<br />
tement des anormaux des écoles : les classes spéciales ne sont pas des-<br />
tinées aux ignorants, en retard pour des causes extérieures à eux, mais<br />
aux anormaux, en retard du fait de leurs caractéristiques propres. Cette<br />
importance est affirmée par Binet, jusque dans les Idées modernes.<br />
On ne sait pas sur quelles déductions ou avis s'appuient les nombres<br />
retenus dans la note à la commission : au-delà du double de vingt jours<br />
d'absence pour le CE, et de dix pour le CM (valeurs moyennes, à Paris).<br />
On ne retrouve pas ces nombres dans les indications très vagues don-<br />
nées dans le Guide. « Le seul point sur lequel il faudra être prudent est le<br />
calcul des absences. » Un exemple chiffré de calcul propose : « Un enfant<br />
qui vient à l'école depuis l'âge de six ans, qui a neuf ans d'âge, et qui a<br />
été absent pendant 250 jours environ, doit être considéré au point de vue<br />
scolaire comme un enfant de huit ans. » Mais la formulation de la règle<br />
générale reste très imprécise : Quand ces insuffisances de scolarité<br />
forment un nombre respectable de mois, on les soustraira du total d'an-<br />
nées de scolarité. » Qu'est-ce qu'un « nombre respectable » de mois ?<br />
« Les directeurs d'école n'auront aucune peine à faire ces évaluations [...]<br />
s'il se présente quelque cas complexe, ils l'auront vite résolu. » De même,<br />
l'inspecteur effectuera « l'appréciation des insuffisances de scolarité ». « II<br />
verra, d'après les notices qui lui sont envoyées, quels sont ceux de ces<br />
enfants dont le retard doit être mis sur le compte d'une scolarité irrégulière<br />
[...] C'est affaire de coup d'œil, d'habitude et de bon sens. » « Si c'est<br />
nécessaire, on serrera la question de plus près, par une enquête spéciale<br />
dans les autres écoles fréquentées par l'élève, ou bien on demandera à<br />
l'école où elle est le nombre exact des jours d'absence gg. » On pourrait<br />
ainsi dire, reprenant les termes de Binet pour I'appréciation du retard in-<br />
tellectuel par l'instituteur, que la détermination de la fréquentation scolaire<br />
99 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 60, 75, 77.<br />
140
est soumise à I'appréciation subjective », a au jugé u, a au petit bonheur<br />
» du directeur et de l'inspecaeur. Cela ne laisse pas d'étonner, alors<br />
qu'il s'agit - selon les dires des auteurs - de définir les conditions les plus<br />
rigoureuses possibfes pour Bs ~cwement des arriérés. c< Cobjectif est<br />
d'ogganises ces enquetes sociales, menées dans un esprit rigoureusement<br />
scientifique, qui deviennent aujoud'hui de plus en plus nécessaires pour<br />
êo~trGler les euvres d1int6r6t public $O0. »<br />
k& encore, le pragmatisme r'emporie sur une attitude qui leur conviendrait<br />
mieux intellec%uellemen% mais leur semble sans doute impraticable.<br />
Ces! ce que laisse déjh supposer la note à la commission de Binet qui<br />
&\roque le caradere relatif des absences à l'école : il faudrait avoir étudié<br />
la Br4quentaPion scolaire B travers toute la France, pour savoir apprecier<br />
E'importance du retard scolaire d'un enfant par rapport aux autres élèves<br />
de son 6cole.<br />
La note a la commission ;6voque des élèves cc dont I'intelligence reste<br />
endormie pendant les premières années de leur scolarité et s'éveille<br />
beaucoup plus tard ; ils deviennent parfois des élèves intelligents. Ils n'en<br />
constituent pas moins pendant une partie de leur évolution des anormaux<br />
B. BIS doivent aller provisoirement à I'école spéciale. C'est ici la ligne<br />
-<br />
souple du psychologue qui s'amms. On la retrouvera, dans le Guide. x Il<br />
est incontestable qu'on devra admettre dans les écoles et classes spé-<br />
ciales beaucoup da débiles légers, qui sont destinés à faire retour, le plus<br />
86% possible, & l'école ordinaire. » Les a cas douteux », voire les ignorants<br />
pas dbfaut de fréquentation scolaire, pourront être admis en classe spé-<br />
dale,
parallèle, destiné aux seuls anormaux, et différent de celui que définirait le<br />
simple ralentissement du programme primaire 'O2.<br />
Les arriérés moraux<br />
Arriération morale et instabilité<br />
Les arriérés moraux sont caractérisés par « la perversion des instincts<br />
moraux », ils manifestent « indiscipline » et « rébellion » « préméditées ».<br />
II ne semble pas s'agir là des instables du questionnaire, caractérisés non<br />
par la perversion des instincts, mais par une « incohérence de caractère ))<br />
et un « manque d'équilibre mental », enfants à qui la discipline de l'école<br />
est « insupportable », comme s'ils n'étaient pas maîtres de ce trait de<br />
caractère. II ne faut pas, précise la note à la commission, confondre les<br />
arriérés moraux « avec les enfants bavards et remuants qui troublent le<br />
silence des études, parce qu'ils ont besoin de dépenser un excés d'activité<br />
». On peut ainsi penser que, sous l'expression ambrés moraux, Binet<br />
entend des enfants rangés par le questionnaire, comme par Bourneville,<br />
parmi les anormaux médicaux. II s'agirait de l'imbécillité morale du questionnaire,<br />
ou de tout trouble analogue plus ou moins prononcé. Pourtant,<br />
on peut se demander si la notion d'arriération morale n'est pas en fait valable<br />
et pour l'imbécillité morale et pour l'instabilité. Après la rédaction de<br />
la note à la commission, Binet et Simon parient des instables
d'idées de suite, et probablement de force d'attention lo4 ». La note complémentaire<br />
de !a commission reprend textuellement, A propos des instables,<br />
des passages de Ba note ici analyse@, concernant les arriérés moraux los.<br />
Apr&s 1905, et notamment d Ilinterieur du Guide, les formulations de<br />
Binet et de Simon se caracd6risewt par leurs fluctuations. Quelquefois, les<br />
instables sont qualifiAs par 01 $eu18 instabilité. « Les instables ne s'adap-<br />
tmt pas par Bwmordinatiow de caractère 'Oe. » u Ils ont le caractère irri-<br />
tab!s, Be corps toujours en mouvement ; ils sont réfractaires à la discipline<br />
ordinaire IO7. D D'autres fois, aspecû moral et instabilité sont mêlés, quel<br />
que soit le degr6 de gravit6 du Urouble. « Cette instabilité se manifeste par<br />
les actions d'indiscipline, l'absence d'attention, le mensonge, la méchan-<br />
cet$, la violence, la bruPalit$, etc. » D'autres fois enfin, l'instabilité avec<br />
troubles moraux se detache comme une forme plus grave du trouble.<br />
« Les instables sont principalement des anormaux du caractère ; ils se<br />
signalent pas leur turbulence, leur bavardage, leur défaut d'attention, et<br />
parfois leur mechancet6 lm. B a Les trois traits suivants se rencontrent<br />
constamment dans les poirraits d'instables : ils sont turbulents, bavards et<br />
incapables d'attention. C'est B cela que se réduit la psychologie des moins<br />
carac.i6ris6sI c'est une instabilitg du corps, du langage, de l'attention ...<br />
Mais chez beaucoup le tableau est plus chargé : aux symptômes précé-<br />
dents s'ajoutent la méchancet6 vis-ài-vis des camarades, et l'indiscipline<br />
vis-Co-vis des maîtres. On les dit brutaux, menteurs, cruels "O. ))<br />
Binet et Simon cessent rapidement d'utiliser, pour des enfants peu gra-<br />
vement atteints, la notion d'arriér6 moral, pour employer celle d'instabilité,<br />
devenue largement dominante dans la littérature concernant les anormaux<br />
B B'Bcole. En 1907, le Guide ne propose plus de modalités de recrutement<br />
Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 991.<br />
'O5 Cf. plus loin, texte 6.<br />
'O8 A. Binet, Th. Simon, 4907, pp. 63-64.<br />
'O7 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 8.<br />
'"A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 105.<br />
'O9 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 24.<br />
"OA. Binet, Th. Simon, 1907, p. 34.
pour les arriérés moraux, mais pour les instables. Conformément à l'usage<br />
courant, Binet et Simon utilisent parfois, pour parler des arriérés intellec-<br />
tuels, le terme arriéré, sans précision, ou parlent d'arriérés proprement<br />
dits. Pourtant, ils ne semblent pas avoir tranché entre I'instabilité type<br />
spécifique de pathologie et I'instabilité forme de pathologie du développe-<br />
ment. Assez souvent, ils continuent à se référer à une conception qui dis-<br />
tingue plusieurs fotmes d'arrieration et à évoquer les arriérés de I'intelli-<br />
gence. Ainsi, en 1907, à propos du type mixte, à la fois instable et débile<br />
mental, ils écrivent : ces enfants « réunissent en eux les deux formes<br />
différentes d'arriération Il1. » Mais, dans le même temps, à propos de<br />
certains enfants qui se présentent comme débiles mentaux, sans l'être, ils<br />
parlent d'un « défaut de coordination dans la pensée », défaut mentionné<br />
par ailleurs comme l'un des traits du caractére des instables, qui « consti-<br />
tue un trouble tout particulier et non un retard de développement Il2 ».<br />
Ces fluctuations montrent une réflexion qui s'est coulée dans les<br />
moules de l'époque, mais qui reste bien en deçà de la réflexion d'un<br />
Bourneville. On y retrouve la distinction de I'instabilité et des troubles de la<br />
moralité, mais avec l'idée que les deux types de troubles sont fréquem-<br />
ment mêlés. Quant au rapport instabilité-indiscipline, Binet et Simon n'y<br />
réfléchissent guère et l'on voit coexister, dans leurs écrits, des formula-<br />
tions divergentes. En 1905, ils établissent la distinction, mais notent : « II<br />
faudra de longues études, probablement très difficiles, pour établir les<br />
signes différentiels qui séparent l'instable de l'indiscipliné Il3. » En 1907,<br />
ils semblent les identifier, en reprenant simplement ce que dit la classifica-<br />
tion de Bourneville de 1896 : « Les instables, terme médical auquel cor-<br />
respond l'expression plus scolaire d'indisciplinés l14. » En fait, après la<br />
rédaction de la note à la commission, leur réflexion sur I'instabilité s'enri-<br />
chit des apports empruntés aux descriptions des aliénistes, mais ne va<br />
guère au-delà. On ne trouve, à propos de I'instabilité, rien qui ressemble à<br />
11' A. Binet, 'Th. Simon, p. 29.<br />
'12 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 21.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 191<br />
'14 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 24.
la progression exemplaire obsewée, en 1905, à propos de l'arriération et<br />
de !'intelligence. On n'assiste pas I la mise au point d'une procédure<br />
d'objectivation qui serait le pendant, pour le caractère, de l'échelle métrique<br />
pour l'intelligence. Dans le Guide, la majorité des développements<br />
portent sur l'arriération. Le chapitre sur I'examen pédagogique est presque<br />
entièrement consacré au degr6 d'instruction et à l'intelligence, I'examen<br />
des instables tient sur une page B peine. P. Pinell a analysé cette différence<br />
de traitement entre les deux notions et souligné que dans l'étude<br />
des instables, « le discours psychologique reste totalement déteminé par<br />
le discours social, il ne dApasse pas le niveau de l'enquête sur "les enfants<br />
indisciplin4sW, se contentant d'une vague description de type nosographique<br />
[...] L'instable u5 n'es? rep6ré comme tel que dans sa relation à<br />
une institution et le degr6 d'indiscipline au-delà duquel un enfant sera<br />
désigr16 ainsi dépend avant tout de la capacité de son instituteur à le supporter<br />
Il6. » II ne me semble pas qu'après 1907, Binet et Simon aient repris<br />
la question.<br />
b@ recrubernenB des aaai6r6s moraux<br />
Tout I'atlicde de 1904 est organise autour des arriérbs. Les remarques<br />
concernant Ie diagnostic portent uniquement sur l'appréciation de I'intelli-<br />
gence. Comme polar les arriér6s intellectuels, la note propose un critère<br />
simple pour le recrutement des arriérés moraux. II s'agit avant tout du<br />
contrôle collectif, de l'accord entre les témoignages : seront dits arriérés<br />
moraux, les enfants « que 3 maîtres différents se sont montrés impuis-<br />
sants B corriger B. En 4907, cet accord entre trois maîtres est à nouveau<br />
retenu, par Binet et Simon, pour les instables. La pensée progresse, par<br />
une réflexion sur la valeur des tkmoignages : tous les maîtres ne sont pas<br />
aussi fiables les uns que les autres et leur réputation pédagogique devient<br />
le critère d'appréciation de leur jugement. « Si trois maîtres, au moins, qui<br />
Il5 En tout cas, celui de Binet et de Simon. Ce n'est pas le cas, on I'a vu, pour celui de<br />
Bourneville.<br />
P. Pinell, f 977, p. 354.
ont bonne réputation pédagogique, sont d'accord pour juger de la même<br />
manière le même enfant, il y a beaucoup de chances pour que leur appré-<br />
ciation soit juste Il7. » Mais un critère moins sévère est donné plus loin<br />
(critère repris en 1905, par la note complémentaire de la commission) : les<br />
enfants suspects d'instabilité sont ceux (( qui, selon le témoignage de<br />
deux maîtres au moins, sont rebelles à toute discipline et constituent une<br />
gêne dans la classe 118 ».<br />
Comme pour les arriérés intellectuels, s'ajoute au témoignage des<br />
maîtres, une prise en compte des conditions de scolarisation. Dans les<br />
écoles à une classe, où aucun contrôle collectif n'est possible, c'est la<br />
gravité des manifestations, leur répétition, leur caractère prémédité et<br />
incurable (( par les moyens pédagogiques ordinaires )) qui tiennent lieu de<br />
critère. cc L'instable est un nomade ; il fait plusieurs écoles. II importe de<br />
savoir les souvenirs qu'il a laissés dans ces écoles successives l'O. » Ainsi,<br />
se précise le critère de I'instabilité : d'une part, la permanence des<br />
troubles ; d'autre part, leur gravité. C'est l'épreuve continuée de plusieurs<br />
années, c'est le témoignage de maîtres différents qui se déclarent impuis-<br />
sants, malgré toute leur bonne volonté, A ramener l'enfant récalcitrant à la<br />
règle. )) cc Le vrai signe de l'instabilité est de ne s'entendre avec aucun<br />
maître Iz0. » Ce n'est pas autre chose que ce que disaient certains maîtres,<br />
en 1887, lors de leur deuxième congrès national, à propos des enfants in-<br />
disciplinés (( incorrigibles )) qu'il faudrait envoyer en écoles de réforme I2l.<br />
Après 1904, la procédure de recrutement des instables se précise.<br />
Comme pour les arriérés, elle repose sur un premier tri effectué par les<br />
maîtres et les directeurs. « Pour reconnaître les enfants instables, la règle<br />
'17 A. Binet, Th. Simon, p. 107.<br />
A. Binet, Th. Simon, p. 123. Faut-il voir, là encore, le signe d'une rédaction rapide, au<br />
cours de laquelle les deux auteurs auraient chacun rédigé leurs chapitres, sans prendre le<br />
temps d'une relecture commune ? a Certain livre sur les anormaux écrit trop hâtivement<br />
peut-être B, dit Baguer, à propos du Guide (Lettre à Buisson, 11 juillet 1908, Coll. INRP,<br />
dossier 370313721 8 ).<br />
llg A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 106.<br />
120 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 64 et 106.<br />
lzl Cf. M. Vial, 1990 b, pp. 40-44.
est la même. II faut que les directeurs d'école choisissent les enfants qui,<br />
par Beur caractère indiscipliné n'ont pas pu se soumettre au régime ordi-<br />
naire de l'école, et y ont été une cause perpétuelle de désordre. » Par la<br />
même circulaire que celle utilisée pour les arriérés, « I'inspecteur invite les<br />
instituteurs A désigner les Alèves de leur école qui leur paraissent in-<br />
stables [...] Les faits d'indiscipline doivent être notés avec les noms des<br />
enfants suspects d'instabilith lZ ». Comme pour les arriérés, c'est I'ins-<br />
pecteur qui contrôle les dires des maîtres. II « provoquera » des contrôles,<br />
afin de vérifier si plusieurs maîtres sont d'accord pour affirmer I'instabilité<br />
d'un enfant 123. Mais ici, il devra en rester aux témoignages. On peut<br />
certes passer outre l'avis des directeurs pour apprécier I'instabilité, mais<br />
on est alors renvoyé au dire des maîtres de son école. « Les enfants in-<br />
stables échapperont peut-être » A un recrutement fait par le directeur. II<br />
reste alors B l'inspecteur B faire « une visite dans l'école et, connaissant<br />
les dispositions du directeur, [de prendre] la précaution d'interroger les<br />
instituteurs adjoints sur les enfants de leur classe qui leur donnent le plus<br />
de mal au point de vue discipline. En général, les maîtres ont intérêt à<br />
signaler ces élèves, pour qu'on les en débarrasse 124. » Étant renvoyé au<br />
témoignage des maîtres, l'inspecteur est de nouveau renvoyé à une ap-<br />
préciation sur ces maîtres. « Quand il s'agit d'apprécier I'instabilité d'un<br />
enfant, il est essentiel de connaître le caractère de celui qui juge l'enfant.<br />
D'excellents maîtres n'arrivent pas A prendre sur un de leurs élèves, I'as-<br />
cendant nécessaire 125. » L'inspecteur interrogera également les parents,<br />
pour connaître l'itinéraire et les comportements de leur enfant.<br />
Ce n'est pas seulement parce que la réflexion est peu avancée que la<br />
procédure reste largement subjective, c'est aussi parce que I'instabilité est<br />
peu aisée à objectiver. ha construction d'un examen de I'instabilité est,<br />
sinon impossible, du moins très difficile. « S'il est facile d'établir par un<br />
examen d'instruction l'état d'arriération d'un enfant, la difficulté est au<br />
122A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 63-64 et 923.<br />
lZ3 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 407.<br />
lZ4 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 73.<br />
12' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 74.
contraire très grande d'établir son état d'instabilité [...] II faudrait qu'un<br />
enfant fut bien turbulent pour ne pas paraître calme quand l'inspecteur le<br />
prend à part ; isolé dans la salle d'examen, entouré d'individus graves,<br />
sérieux », privé du public de ses camarades prêts à l'admirer, « sa per-<br />
sonnalité s'amoindrit ». L'instabilité mentale ne peut pas être, dans la<br />
plupart des cas, l'objet d'un examen direct. )) Binet et Simon envisagent un<br />
(( examen physiologique très précis [des] réactions, de [la] mobilité, [des]<br />
capacités d'attention ». Mais « ce n'est là qu'un espoir pour la pédqgogie<br />
de demain, ce n'est pas de la science dès à présent utilisable 126 ». La<br />
seule systématisation introduite dans le recrutement des instables est la<br />
fiche de renseignements demandée au directeur d'école par le Guide, qui<br />
comporte une rubrique (( caractère et discipline )) et quatre questions<br />
d'ordre moral, dans la rubrique « pédagogie 127 ».<br />
Dans la mesure où I'instabilite ne peut être appréciée que de façon<br />
subjective, c'est sa définition et ses critères mêmes qui font problème.<br />
Dans sa note à la commission, Binet insiste sur le fait qu'un enfant (( qui<br />
donne des difficultés à l'éducateur ne constitue pas pour cela un arriéré<br />
moral P. Ceux-ci ne doivent pas être confondus avec « les enfants dont le<br />
caractère ne sympathise pas avec celui de leur maître B. En 1905, Binet et<br />
Simon reprennent les mêmes ternes, pour I'instabilité. « II est extrême-<br />
ment délicat de faire la distinction entre les instables et les enfants dont le<br />
caractere est difficile. Nous avons insisté ailleurs sur la nécessité pour les<br />
instituteurs de ne pas traiter en instables, c'est-à-dire en malade, tout en-<br />
fant dont le caractere ne sympathise pas avec le leur 128. » En 1907, on<br />
trouve de même : « la définition de l'instable est plus que toute autre su-<br />
jette à fausse interprétation, et certains instituteurs, si on les laissait faire,<br />
mettraient dans cette catégorie tous les élèves qui ne leurs sont pas sym-<br />
pathiques. )) « II faut reconnaître que l'appréciation de I'instabilité est bien<br />
plus délicate, plus subjective que celle de l'arriération. Celle-ci se traduit<br />
par un fait précis et contrôlable, l'insuffisance d'instruction. Au contraire,<br />
12' A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 105-1 06.<br />
'27 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 121 -1 22.<br />
12' A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 191.<br />
148
B'isistabilité d'un enfant n'affecte que légérement son intelligence et son<br />
succ&s dans les études ; elle se traduit en dehors surtout par les plaintes<br />
des maîtres. Et ceux-ci, pour tout dire, peuvent être portés à abuser un<br />
peu du reproche d'instabilit6, principalement s'ils y trouvent un moyen de<br />
se debarrasser d'enfants qui n'ont pas leur sympathie. )) « En ce qui<br />
concerne les instables, nous n'avons jusqu'ici aucun critérium 129. »<br />
On est d'~~uPant plus Qtonn6, aprbs cette insistance sur la difficulté de la<br />
quescion 130, de la voir r4solue d'une pirouette : (( L'inspecteur arrivera A<br />
mettre toutes choses au point ; et facilement, parce que c'est son habitude,<br />
il donnera aux faits qu'on lui apporte leur interprétation juste I3l. »<br />
Comme pour I'appr6cialion des absences scolaires, c'est une appréciation<br />
« au juge )) qui devient csilbre, mais ici il s'agit plus gravement de I'appréciation<br />
du trouble lui-mhe. Pour s'en tenir ainsi à une procédure aussi<br />
peu satisfaisante du point de vue de la rigueur, si souvent exigée par Binet<br />
el Simon, iI fallait que ceux-ci aient avant tout le désir de voir les choses<br />
avaccer rapidement. C'est encore ici le point de vue pragmatique qui<br />
prend ie pas sur l'exigence scientifique.<br />
Ls note distingue clairement entre arribrés moraux et arriérés intellec-<br />
Luels. ;.es si-riSres moraux ne sont pas nécessairement des arriérés<br />
Sntel!sdcels 8;i rencontre souvent des enfants chez lesquels la pe~ersion<br />
des instincts moraux s'essocie 2, une intelligence moyenne el même<br />
brillanPe. D Ocns I'adicle de 4904, 6nisrnérant les (( types les plus francs »<br />
d'anormaux, Binet distingue instable el débile et note que (( certains in-<br />
'29 A. Binet, Th. Simon, 4907, pp. 12, 64, 110.<br />
Si, pour Binet lui-même, il est si difficile de dire qui est anormal qui ne l'est pas, on peut<br />
estimer d'une certaine mauvaise foi sa r@ponse A L. Brueyra (1907, p. 721) qui s'inquiéte<br />
du profit que pourraient tirer les delinquants d'être considérés comme anormaux : Binet<br />
(1907 b, pp. 761-764) répond pour l'arriération, pas pour les problèmes de moralité .<br />
13' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 74.
stables et vicieux )) « sont réellement trés intelligents 132 B. Mais, dans<br />
l'ensemble du texte, I'instabilité paraît plus ou moins assimilée à I'aniéra-<br />
tion : Binet décrit le comportement instable, à propos des arriérés ; il<br />
évoque, dans un passage concernant la statistique des arriérés, les en-<br />
fants (( moralement et intelleduellement défectueux 133 ». En 1905, Binet<br />
et Simon écrivent : les instables a ne présentent pas nécessairement une<br />
infériorité de l'intelligence 134 ».<br />
En 1907, les deux auteurs mettent cette question à l'étude, ceci pro-<br />
bablement plus pour comprendre ce qu'est l'intelligence que par intérêt<br />
pour l'instabilité. Leurs recherches les conduisent alors à un point de vue<br />
que l'on peut résumer en deux points.<br />
1. Instabilité et arriération sont deux troubles distincts. II existe un<br />
type mixte, qui réunit à la fois l'arriération et l'instabilité 135 B. Mais ce type<br />
est beaucoup moins fréquent que « les types purs » a Le plus souvent,<br />
I'instabilit6 mentale et I'arri6ration intellectuelle se présentent à 116tat<br />
d'isolement [...] Ce ne sont pas les fragments d'un même état patholo-<br />
gique, mais bien deux états pathologiques, qui peuvent bien coexister<br />
chez le même sujet [...] mais qui n'en sont pas moins distincts, puisque le<br />
plus souvent ils ne coexistent pas 136. » « Les arriérés de l'intelligence ne<br />
présentent pas une anomalie bien tranchée du caractère 13'. »<br />
2. Cependant - et il y a là une évolution par rapport à ce que Binet écrit<br />
en 1904-1905 - les instables ne figurent plus que rarement parmi les en-<br />
fants d'intelligence moyenne, encore moins parmi les enfants brillants.<br />
« L'instabilité d'un enfant n'affecte que légèrement son intelligence et ses<br />
succès dans les études 138. » Mais, fait assez surprenant, on n'en ren-<br />
132 pp. 309, 315.<br />
133 pp. 310 et 312.<br />
'"A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 191.<br />
135 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 24.<br />
I3OA. Binet, Th. Simon, 1907, p. 30.<br />
13' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 24.<br />
138A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 64.
contre point dans les cours supérieurs. » Ceci « montre qu'en général un<br />
instable est d'une intelligence, au-dessous de /'ordinaire ». « Le retard<br />
intellectuel est bien moins net cher l'instable que chez l'arriéré proprement<br />
dit, puisque dans le groupe des premiers on rencontre beaucoup d'élèves,<br />
environ un tiers, qui ne prhsentenl aucun retard, au dire des maîtres ;<br />
mais la rnajoritd est en retard ; de plus, on n'en a noté aucun qui fut en<br />
avance. Par conséquent, B'eoassmbBe accuse un retard léger, d'une valeur<br />
moyenne d'un an 8.. .] I'iPlstabilit& mentale s'accompagne d'ordinaire d'un<br />
retard intellect~del qui est d'environ une annee 139. » Si on ne trouve pas ici<br />
une équivalence entre débilitb et instabilité, Binet et Simon affirment tout<br />
de même b'existence d'un mppori fréquent entre instabilité et retard intellleduel<br />
léger.<br />
Le destin des iiwstebles<br />
La note a Ba commission ne se préoccupe que de diagnostic. On peut<br />
cependant noter que, loin d'orienter systématiquement les instables en<br />
classe spéciale, Binet et Simon proposent au contraire, chaque fois qu'on<br />
le peut, de les laisser & l'école ordinaire. Se référant peut-être aux débats<br />
entre les maîtres, ils indiquent - & Port, en ce qui concerne les aliénistes -<br />
que c'est pour les instables suriout que l'on a demandé des classes spé-<br />
ciales et ils ajoutent que ce sont ces enfants « qui profitent le plus de<br />
l'éducation des anormaux '* ». Mais en même temps, ils notent : « Ce<br />
n'est pas leur indiscipline qui les fait .rebelles à l'abstraction, et on leur<br />
rendrait un bien mauvais service en Bcarîant les plus intelligents d'entre<br />
eux du programme primaire, d'autant plus que la majorité des instables<br />
est destin6e B être grandement améliorée 141. » « Si les faits ne sont pas<br />
graves », l'inspecteur « changera l'enfant de maître ou d'école, plutôt que<br />
de l'admettre dans la classe d'anormaux. » « Pour les instables, les suc-<br />
cks de l'école ordinaire sont beaucoup plus grands [que pour les arrié-<br />
139 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 25-27.<br />
140A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 35.<br />
141 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 50.
és] 14*. » « Les plus instables, ceux dont la présence parmi d'autres en-<br />
fants constitueraient un danger pour ces derniers par la perversion de<br />
leurs tendances ou la brutalite de leurs impulsions » seront éliminés et<br />
envoyés non en classe spéciale, mais - comme le demande Bourneville<br />
pour les pervers - aux hospices 143.<br />
-<br />
142 A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 107 et 200.<br />
143 A. Binet, Th. Simon, 1907. p. 11 0.
Texte 6<br />
Mus6e netional de I'6ducation. Dossier 3.7.01179 (A) HC.<br />
Calligraphie en italiques. Non datQe. 4 pages. Encre violette. Corrections ma-<br />
nuscriies, encre violetîe après reprographie.<br />
Note couunpilémentaire<br />
de DQEmiqu&te sur le nombre<br />
des ennfamits annormaux existant<br />
zlctmœl~ememt en France<br />
Le ministère de l'Instruction publique vient d'adresser à tous les institu-<br />
teurs un questionnaire destiné à établir le recensement du nombre des en-<br />
fants anomaux qui existent actuellement en France. Le problème de l'éduca-<br />
tion des anormaux et de la création d'écoles qui leur seront spécialement<br />
affectées ne peut être abordé avec fruit que si l'on parvient à fixer leur<br />
nombre exact par une statistique soigneuse. Il est donc d'un intérêt général<br />
que les instituteurs soient bien éclairés sur le sens qu'il convient de donner<br />
aux catégories que le questionnaire susdit a établies parmi les enfants anor-<br />
maux.<br />
La définition de quelques-unes de ces catégories, comme celle des<br />
aveugles et des sourds-muets, peut se passer de tout commentaire ; il en est<br />
autrement pour les trois catégories suivantes : les anormaux médicaux, les<br />
arriérés et les instables.<br />
~oraanzlanx wn~dlêaianw .- Il a été convenu de ranger sous ce chef les en-<br />
fants les plus gravement atteints, ceux qui ne peuvent être conservés ni dans<br />
les écoles ordinaires, ni même dans des écoles spéciales, mais doivent être<br />
admis dans des hospices, dans des asdes, car ce dont ils ont besoin avant<br />
tout, ce n'est pas seulement de l'instituteur, c'est du médecin.
Les anormaux médicaux comprennent d'abord les idiots complets et pro-<br />
fonds, ceux qui, par défaut d'intelligence, ne peuvent pas parler ou ne pro-<br />
noncent que des sons inarticulés, ceux qui ne peuvent pas se nourrir seuls,<br />
ceux qui réclament pour vivre l'assistance continue d'autrui.<br />
En second lieu, on placera parmi ces anormaux médicaux, les enfants at-<br />
teints d'une telle altération des sentiments moraux que leur contact avec<br />
d'autres enfants présente pour ceux-ci les plus grands dangers ; (brutalité<br />
excessive, impulsions destructives, tendances vicieuses qui se montrent incor-<br />
rigibles).<br />
En troisième lieu, la catégorie des anormaux médicaux recevra les enfants<br />
atteints de maladies nerveuses et mentales extrêmement graves, comme<br />
l'épilepsie, l'hystérie convulsive, la chorée (danse de Saint-Guy), la paralysie<br />
d'une partie du corps, les idées délirantes ou incohérentes.<br />
Les deux autres catégories, celle des arriérés intellectuels et celle des in-<br />
stables, sont réservées aux enfants qui, ne pouvant être maintenus dans les<br />
écoles ordinaires, seront groupés dans des Écoles spéciales où des instituteurs<br />
leur appliqueront une pédagogie adoptée à leur état. [l.]<br />
Arriérés de l'intelligence .- La détermination précise des arriérés de<br />
l'intelligence ne présente pas de grandes difficultés pour un instituteur habile,<br />
mais exige de sa part un certain soin. Il portera de suite son attention sur les<br />
enfants de son école qui sont manifestement les moins intelligents de tous et<br />
il recherchera si la faiblesse de leur intelligence est suffisante pour en faire des<br />
arriérés. À l'École maternelle, l'institutrice tiendra compte de tous Ies signes<br />
intellectuels que l'enfant manifeste dans ses paroles, dans ses démarches, dans<br />
sa conduite et dans ses jeux. Les Maîtres des Écoles primaires auront un<br />
principe directeur assez sûr en tenant compte du degré de l'instruction des<br />
élèves. Tout enfant doit être soupçonné d'arriération intellectuelle quand son<br />
degré d'instruction est en retard de deux ans ou de trois ans sur celui des<br />
enfants de rnême âge ; (deux ans, s'il a moins de 9 ans, et trois ans s'il est plus<br />
âgé que 9 ans). Ainsi, quand un élève de 8 ans n'en sait pas plus, comme<br />
calcul, lecture, orthographe, que la moyenne des enfants de 6 ans, quand un<br />
autre élève âgé de 13 ans n'est pas plus avancé dans son instruction que la
moyenne de ses camarades de IO ans, on doit se demander de suite pour ces<br />
deux élèves, s'ils ne sont pas des arriérés de l'intelligence. [Z]<br />
Pour le savoir au luste, il est nécessaire de fixer avec précision leur temps<br />
de scolarité et de rechercher si Ieur ignorance ne tient pas dans une certaine<br />
mesure à ce qu'ils n'ont pas fréquenté I'école avec une régularité suffisante ou<br />
n'one pas été envoyés par leurs parents à L'école suffisamment tôt. Si un élève<br />
de 9 ans, retenu loin de I'école 1p;ai- des maladies longues, ou par la négligence<br />
des parents, n'atteint, tout compte fait qu'un an de scolarité ; boint-virgule,<br />
dans le texte] on ne s'étonnera pas qu'il soit plus ignorant que ses camarades<br />
de même âge qui ont trois ans de scolarité, et on ne fera pas de lui un arriéré<br />
de l'intellipnce. L'inseituteur examinera chaque cas avec le plus grand soin,<br />
en tenant compte des influences de milieu et de famille, de la paresse de I'en-<br />
fant, et de toutes les causes qui peuvent expliquer son état d'ignorance, au-<br />
trement que par de la débilité mentale. [35<br />
La règle générale peut se fornulei- ainsi pour savoir si un élève est un ar-<br />
riéré de l'intelligence, on prend d'abord son âge ; ensuite on retranche de cet<br />
âge le nombre exprimant son insuffisance de scolarité (3 mois, 6 mois, etc.) ;<br />
et en troisième lieu, on recherche si l'enfant, avec son âge ainsi corrigé, est en<br />
retard de plus de deux ans ou de trois ans sur l'instruction des enfants de<br />
même âge.<br />
Exemple : voici un ilève de 1 O ans qu'on soupçonne de débilité mentale ;<br />
il lui manque un an de scolarité, car il n'est venu à l'école qu'à 6 ans et demi,<br />
et il a fait six mois d'absence ; donc on le considère comme s'il avait 9 ans ;<br />
on recherche si son degré d'inséniction est inférieur à celui d'un enfant moyen<br />
de sept ans ; si c'est le cas, on décide que c'est un arriéré de l'intelligence.<br />
Les instituteurs ont souvent I'occasion d'observer des enfants dont Ifintel-<br />
Iigence reste comme endormie pendant le premier âge, et s'éveille beaucoup<br />
plus tard, vers 10 ans par exemple ; ces enfants tardifs donnent lieu à bien des<br />
erreurs ; en se développant, ils peuvent devenir des élèves intelligents. Devant<br />
des cas de ce genre, les instituteurs sont pris de sct-upuie et ils hésitent, se<br />
sentant incapables de prévoir l'avenir. If faut les rassurer. Ces enfants Ià,<br />
quelle que soit leur évolution füture, n'en sont pas moins, à un certain mo-<br />
ment, des anormaux, et on ne leur fera aucun tort en les envoyant un jour à<br />
des écoles spéciales, dont l'enseignement sera mieux adapté à leur état tran-
sitoire que l'enseignement de l'école ordinaire ; d'autant plus que leur envoi à<br />
l'École spéciale ne présente pas un caractère définitif; on les rendra à l'École<br />
ordinaire quand leur état d'intelligence se rapprochera de la normale. [4]<br />
Instables .- Cette expression a besoin d'être définie. On appelle instables<br />
les enfants atteints d'une incohérence du caractère, manque de suite dans les<br />
idées, défaut d'attention, mobilité extrême du corps et de l'esprit ; mais le plus<br />
souvent, ce ne sont pas des débiles intellectuels ; quelques-uns uns même ont<br />
une intelligence très bonne et réussissent bien aux examens.<br />
Dans les écoles, les enfants instables sont connus sous le nom d'indisci-<br />
plinés. 11 doit être entendu tout de suite qu'iI s'agit ici seulement des indisci-<br />
plinés du caractère le plus grave, sur lesquels le maître se déclare impuissant,<br />
malgré ses efforts intelligents, ses procédés de tact et de bienveillance, à exer-<br />
cer son autorité, et qui troublent l'ordre des classes auxquelles ils appar-<br />
tiennent.<br />
La détermination de ces instables demande, de la part des Instituteurs, le<br />
plus grand tact. On ne les confondra ni avec les enfants bavards et remuants<br />
qui troublent le silence des études parce qu'ils ont besoin de dépenser un<br />
excès d'activité, ni avec les enfants dont le caractère ne sympathise pas avec<br />
celui du maître. Tout sujet qui donne des difficultés à l'éducateur ne constitue<br />
pas pour ce seul motif un instable. On doit d'abord faire des efforts pour<br />
l'améliorer en employant la patience, la douceur et la fermeté, et ce n'est<br />
qu'en désespoir de cause qu'on doit le considérer comme instable, lorsque<br />
l'instituteur a épuisé tous les moyens éducatifs dont il trouvera l'inspiration<br />
dans son intelligence et dans son cœur.<br />
Dans les écoles où il existe plusieurs maîtres, le Directeur prendra comme<br />
règle de prudence de ne juger indiscipliné et instable que l'enfant au sujet<br />
duquel au moins deux maîtres différents se trouveront d'accord pour le décla-<br />
rer incorrigible. Dans les petites écoles à un seul maître, où on ne pourra pas<br />
employer ce contrôle collectif si précieux, on ne tiendra compte que des ma-<br />
nifestations d'indiscipline et de rébellion qui sont graves, répétées et incu-<br />
rables par les moyens pédagogiques ordinaires.
[Il une pédagogie adoptke d leur 6tat. [Le texte porte nettement la graphie adop-<br />
tée. Faute de copiste pour adaptée ?]<br />
[2l Ainsi, quand un élève de 8 ans n'en e& sait [ajout à I'encre violette, au-dessus<br />
du mot barré] pas plus<br />
[3] par la [ajout d I'encre violette au-dessus du mot suivant] négligence des<br />
parents.<br />
[4] on ne leur fera aucun tort @aa les envoyant [ajout à I'encre violette au-dessus<br />
des deux mots suivants] un jour B des $coles spéciales.<br />
Commentaire<br />
Cette note est r$dig@e alon que le ministère de l'Instruction publique<br />
vient d'adresser » son questionnaire d'enquête aux instituteurs, c'est-à-<br />
dire entre janvier et avnl 1905 '. Elle n'est pas destinée directement aux<br />
maîtres, dont elle parle B la Iroisi8me personne. Devait-elle être envoyée<br />
aux inspecteurs d'Académie ? Aux maires ? A tous les intermédiaires<br />
chargés de !'enquete ?<br />
Rien ne permet de savoir a qui est due la rédaction. On y retrouve peu<br />
de fomulations reprises des anciens textes de Baguer. La classification<br />
de Bournevills n'est guère utilisée. En revanche, si Binet n'est pas entiè-<br />
rement suivi, certains passages reproduisent textuellement sa note à la<br />
commission (texte 5).<br />
Deux hypothèses sont possibles.<br />
Cf. plus haut, p. 52.<br />
157
1. La note complémentaire est le fruit d'un travail collectif, où le débat<br />
entre les différents points de vue a abouti à des compromis.<br />
2. Binet en est le rédacteur. II a alors pu la rédiger, après discussion et<br />
les modifications par rapport à sa note à la commission peuvent traduire<br />
des concessions de sa part. Mais il a pu aussi la rédiger seul : les modifi-<br />
cations par rapport à sa note à la commission peuvent en effet s'interpré-<br />
ter sans difficulté par rapport à l'évolution de sa pensée.<br />
La note complémentaire ne porte aucun en-tête et rien ne permet de<br />
savoir si elle a recueilli l'assentiment final de la commission. On peut se<br />
demander si elle a été effectivement envoyée. Je ne l'ai vue citée dans<br />
aucune publication. En 1906, Vaney évoque « différentes indications »<br />
données aux instituteurs pour qu'ils différencient arriérés et instables des<br />
normaux 2, mais rien ne permet de savoir s'il s'agit de la note complé-<br />
mentaire, ou même de la note de Binet, et si ces indications ont été don-<br />
nées partout, ou seulement dans certaines écoles, par Binet et Simon<br />
notamment 3. Les critiques virulentes adressées par ces derniers aux ré-<br />
sultats de l'enquête sembleraient plutôt montrer que les remarques de<br />
Binet n'ont pas eu d'impact sur les maîtres et que, dans leur ensemble,<br />
ceux-ci n'ont eu pour guide que le questionnaire lui-même.<br />
LES ANORMAUX MÉDICAUX<br />
La note complémentaire garde l'expression, mais précise - comme le<br />
veut Binet - qu'il s'agit d'une convention et en minimise ainsi la portée. La<br />
critique de Binet à la notion d'anormaux médicaux s'affirme dès 1905, au<br />
V. Vaney, 1906, p. 95.<br />
La citation par Bourneville d'indications qui auraient été fournies aux maîtres en plus du<br />
questionnaire, n'appartient à aucune de ces deux notes (Cf. plus haut, texte 3, p. ).<br />
Cf. Plus loin. p. 181.
vu des résultats au ministère A-&il ou non déjà conçu cette critique, au<br />
moment où est r6digée iai note complémentaire ? L'a-t-il exposée, dans<br />
!es d!scussions de la commission ? Si oui, le fait de garder l'expression<br />
pourrait indiquer une position de compromis ou simplement la volonté de<br />
nae pas égarer le Iedeui, en gardant les termes du questionnaire.<br />
Le note compl6mentaire ne s'&tend guère sur les enfants concernes e.<br />
Si elle n'en donne aucune description détaillée, elle ajoute cependant une<br />
précision par fapp0r-i au questionnaire : la notion de gravité des troubles,<br />
notion sur laquelle tous les sp6cialistes sont d'accord. La formulation est<br />
changée et beaucoup plus en accord avec Binet qu'avec Baguer et surtout<br />
Boiaineville. II n'est plus dit que les anormaux médicaux ne peuvent être<br />
« soignés et éduqués colleciivement que sous la responsabilité du méde-<br />
cin », mais que « ce dont ils on9 besoin avant tout, ce n'est pas seulement<br />
de l'instituteur, c'est du médecin ». Binet et Simon écriront, en 1907, à<br />
propos de ces types d'enfants qu'ils « ont plus besoin du médecin que de<br />
l'instituteur ». Le texte précise, en outre, que ces enfants (( doivent être<br />
admis dans les hospices », formulation où l'on retrouve une préoccupation<br />
importante de Binet : distinguer les anormaux, en fonction de la structure à<br />
laquelle ils son% destinés. Pour Bourneville, au contraire, d'une part, les<br />
idiots doivent pou\/oir sorlif de l'asile, dans certaines conditions ; d'autre<br />
part, pouf tous les anormaux, quelle que soit la gravité de leur trouble, le<br />
médecin a un r61e 2i jouer.<br />
La note complémentaire distingue trois catégories. Elle opère ainsi une<br />
mise en ordre relative dans I'énumeration du questionnaire. La première<br />
partie de cette Bnurnération, qui alignait des pathologies extrêmement<br />
variées, est ici divisée en deux el l'idiotie est bien individualisée. Les en-<br />
fants atteints d'une « altération grave des sentiments moraux » étaient<br />
déjA bien distingués, dans le questionnaire. La note complémentaire pré-<br />
cise ce qu'on entend par lh, sans employer les expressions d'imbécillité<br />
Cf. A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 322<br />
Cf. plus haut, p. 4 53-4 54.<br />
' A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 9.
morale ni de perversion des instincts, utilisées par les aliénistes. Elle<br />
donne des indications qui doivent parier aux maîtres : danger représenté<br />
par la brutalité et les impulsions destructives ; emploi du terme incorrigible,<br />
pour indiquer la gravité. En revanche, sont gardés pêle-mêle les autres<br />
troubles : « maladies nerveuses et mentales extrêmement graves ». Ceci<br />
correspond h l'état des nosographies de l'époque, où les infirmes moteurs<br />
se trouvaient amalgamés dans les institutions comme dans les classifica-<br />
tions, aux maladies mentales. Dans le Guide, 3 côté des idiots profonds,<br />
Binet et Simon eux-mêmes parlent des « sujets atteints de désordres<br />
nerveux très graves et très fréquents, d'accidents convulsifs ou d'ab-<br />
sences ». Ici, la paralysie figure à côté de l'épilepsie et de I'hystérie, ou<br />
même des idées délirantes. Alors que le questionnaire distinguait paraly-<br />
sie et hémiplégie, la redondance disparaît et il est question de paralysie<br />
« d'une partie du corps ». Pour l'hystérie, on précise convulsive (de l'avis<br />
général, semble-t-il, les formes non convulsives ne nécessitent pas I'hos-<br />
pice). L'ajout des « idées délirantes ou incohérentes » aux anormaux<br />
médicaux du questionnaire, élargit l'enquête aux maladies mentales.<br />
La main de Binet se montre clairement dans la description des idiots.<br />
Alors que Bourneville distinguait idiotie complète ou absolue et idiotie<br />
profonde comme deux degrés de I'idiotie, les idiots complets et profonds<br />
sont ici évoqués, selon le point de vue du psychologue, comme une seule<br />
catégorie. « On a opposé complet à profond (idiotie compléte, idiotie pro-<br />
fonde, a-t-on dit), ce qui manque de clart6, car on ne voit pas ce qu'il y a<br />
de plus grave pour un idiot, à être complet ou à être profond 9. » La défini-<br />
tion ne reprend pas la symptomatologie clinique des aliénistes. Elle met<br />
en avant l'absence de parole « par défaut d'intelligence », qui définit I'idio-<br />
tie pour Binet et Simon : l'idiot est un enfant qui n'a « aucun usage du<br />
langage », « qui n'arrive pas 3 communiquer par la parole avec ses sem-<br />
blables [...] alors que ni un trouble de l'audition, ni un trouble des organes<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 9.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 301. Le texte définit les sous-catbgories de I'idiotie, non<br />
plus à I'aide d'adjectifs globaux, mais à I'aide de symptômes précis : ex. idiot avec regard<br />
volontaire, idiot avec préhension.
phonateurs n'expliquent cetie pseudo-aphasie, qui est due entièrement à<br />
une déficience intellectuelle 'O B. Cette définition répond aux critiques que<br />
dont Binet et Simon aux nosographies des aliénistes. L'idiotie est un « état<br />
Bwf6'$séeui de I'intelligence B. Binet et Simon reprochent à Esquirol, comme<br />
& l'ensemble des aliénistes, de mettre sur le même plan des symptômes<br />
secondaires et de ne pas donner de véritable définition de l'idiotie. « Les<br />
16dSeu6s font entrer dans Ieua définition un grand nombre de troubles mo-<br />
teurs, et de désordres de toutes sories, intéressant l'appareil digestif, sé-<br />
crhtoire, le croissance, etc. Ceiie énumération serait à sa place dans un<br />
tableau dinique, oia l'on réunit tous les symptômes observables d'une<br />
maladie ; mais elle a l'inconvénient d'égarer l'esprit dans une définition, où<br />
il ne faut dire que I'essenliel ll. » L'idiotie, « comme Esquirol l'avait bien<br />
reconnu le premier, consiste dans une faiblesse de l'intelligence », mais<br />
meme l'état de le parole, 21 partir duquel cet aliéniste la definit, « ne suffit<br />
pas constamment pour caract6rlser un degré d'infériorité mentale ». En<br />
r6aIit6, EsquiroJ ne cherche a aucun moment » à introduire dans ses<br />
obsewalions « sa classification par la parole » ; comme les autres alié-<br />
nistes, il classe ses degrés « tout autrement, par une vue d'ensemble des<br />
symptômes j2 ». La note complhmentaire ajoute à sa définition de l'idiotie<br />
I'imgossibilité de se nourrir seuls et la nécessité de soins incessants : on<br />
peut y voir une concession aux aliénistes, mais aussi une simple précision<br />
symg!omatologiqlae permettant de reconnaître un degré très grave de<br />
déficience nécessitant l'hospitalisation.<br />
Les imbéciles ne figurent plus dans la note complémentaire. S'agit-il<br />
d'un oubli Ii6 A la rapidité du Iravail ou d'une omission volontaire ? Si oui,<br />
ce silence signifie-1-il que le rédacteur estime que ces enfants seront ran-<br />
gés sans problème, par les maîtres, parmi les anormaux médicaux?<br />
Signifie-1-il que leur destination (asile ? enseignement spécial ?) n'est pas<br />
'O A. Binet, Th. Simon, 4905 c, p. 304 et 1907, p. 11 1<br />
" A. Binet, Th. Simon, 4905 a, p. 175.<br />
j2~. Binet, Th. Simon, 1905 a, pp. 169 et476.<br />
4 61
tranchée, y compris pour Binet qui dit tantôt que les classes spéciales ne<br />
sont pas pour eux, tantôt qu'elles peuvent en accueillir l3 ?<br />
LES ARRIÉRÉS<br />
L'expression arriérés de l'intelligence est utilisée dans la note complé-<br />
mentaire, comme dans la note de Binet à la commission. L'ensemble re-<br />
prend celle-ci, avec quelques ajouts et précisions.<br />
La « détermination précise » des arriérés de l'intelligence n'est pas dif-<br />
ficile pour un instituteur habile, mais il y faut du soin. Comme dans la note<br />
de Binet, le critère est un retard scolaire de deux ans chez un enfant de<br />
moins de neuf ans, et de trois ans chez un enfant de plus de neuf ans. Ici,<br />
la notion de retard d'instruction est précisée, de façon quantitative, par<br />
rapport aux différentes matières scolaires, d'une façon qui doit laisser le<br />
moins de place possible à l'appréciation subjective des maîtres. L'appré-<br />
ciation des éventuelles causes extérieures du retard scolaire reprend en<br />
partie les formulations de la note de Binet 74. L'expression « on décide ))<br />
(expression de chercheur et non de clinicien) que c'est un améré de I'in-<br />
telligence marque l'aspect conventionnel de la notion et de ses limites 15.<br />
Une nouveauté apparaît par rapport à la note de Binet : la prise en<br />
compte de l'école maternelle. Le critère du degré d'instruction n'étant va-<br />
lable qu'à l'école primaire et encore pas au début, on en reste pour les<br />
jeunes enfants à I'appréciation des maîtresses.<br />
l3 a On recherchera en fait, pour les imbéciles, si leur place est a I'école, ou à I'asile. R<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p 109.<br />
l4 Cf. ci-dessous, p. 163.<br />
l5 a D'après une convention [...) nous considérons comme arriéré de i'intelligence celui qui<br />
est en retard de trois ans, quand il a lui-même dépassé neuf ans [...] R A. Binet,<br />
Th. Simon, 1907 p. 25.
Le dernier paragraphe de la note complémentaire reprend le texte de<br />
la note de Binet, avec des modifications de forme et quelques transfor-<br />
mations.<br />
Passages repris de la note de Binet, avec leurs transformations<br />
Texte nouveau : en romains simples.<br />
Texte repris de la note de Binet : en gras.<br />
Texte non repris : en romains, entre crochets.<br />
a Si un 6léve de 9 ans, retenu loin de l'école par des maladies<br />
longues ou par la négligence des parents, n'atteint, tout compte fait qu'un<br />
an de scolarité ; on ne s'étonnera pas qu'il soit plus ignorant que ses ca-<br />
marades de même âge qui ont trois ans de scolarité, et on ne fera pas de<br />
lui un arriéré de l'intelligence.<br />
[« Ceux qui sont retenus loin de l'école par des maladies accidentelles,<br />
par l'incurie des parents ou toute autre cause analogue, sont tout simplement<br />
des i~norants et ne doivent pas figurer dans la présente enquête. »]<br />
« L'instituteur examinera chaque cas avec le plus grand soin, en te-<br />
nant compte des influences de milieu et de famille, de la paresse de<br />
l'enfant, et de toutes les causes qui peuvent expliquer son état d'igno-<br />
rance, autrement que par de la débilité mentale. »<br />
[« Quant au retard d'instruction, le maître l'appréciera en tenant compte<br />
des influences de milieu et de famille, de la paresse de l'enfant et autres<br />
causes qui peuvent diminuer la gravité de ce retard. »]<br />
« Les instituteurs ont souvent l'occasion d'observer [observent sou-<br />
vent] des enfants dont l'intelligence reste comme endormie pendant le<br />
premier âge [pendant les premiéres annees de leur scolarité], et s'éveille<br />
beaucoup plias tard, vers 40 ans par exemple ; ces enfants tardifs don-<br />
nent lieu il bien des erreurs ; en se développant, ils peuvent devenir des
élèves intelligents [ils deviennent parfois des élèves intelligents]. Devant<br />
des cas de ce genre, les instituteurs sont pris de scrupule et ils hésitent,<br />
se sentant incapables de prAvoir l'avenir. II faut les rassurer. Ces enfants<br />
là, quelle que soit leur Avolution future, n'en sont pas moins, à un certain<br />
moment [pendant une partie de leur évolution], des anomaux, et on ne<br />
leur fera aucun tort en les envoyant un jour à des écoles spéciales, dont<br />
I'enseignement sera mieux adapté à leur état transitoire que I'enseigne-<br />
ment de l'école ordinaire [auxquels I'enseignement des écoles spéciales<br />
serait fort utile] ; d'autant plus que leur envoi à l'École spéciale ne pré-<br />
sente pas un caractère définitif ; on les rendra à l'École ordinaire [sauf à<br />
les renvoyer à l'école ordinaire] quand leur état d'intelligence se rap-<br />
prochera de la normale. »<br />
On peut analyser ainsi ces modifications au texte de Binet :<br />
1. Les maîtres ont souvent l'occasion d'observer ». Cette modification<br />
ajoute une nuance : les maîtres peuvent observer, mais ne le font pas<br />
nécessairement.<br />
2. «dont l'intelligence reste comme endormie B. Cette modification<br />
ajoute une précision : l'endormissement de l'intelligence n'est qu'apparent,<br />
puisqu'en réalité l'enfant progresse, sans que cela se voie.<br />
3. Les autres ajouts ont pour but de rassurer les maîtres : compter les<br />
enfants tardifs parmi les anormaux ne leur fera pas tort, au contraire. II<br />
s'agit d'éviter que les instituteurs refusent de signaler des enfants, par<br />
peur de les pénaliser. On retrouve ici, exprimée de façon plus affirmative<br />
que dans la note de Binet, l'idée que le retour en classe ordinaire est pos-<br />
sible, après passage en classe spéciale.
Dans la note complémentaire, la logique et le vocabulaire de la note de<br />
Binet à la commission ne sont pas repris. II n'est plus question d'arriérés<br />
moraux et les troubles de la moralité restent intégrés aux anormaux médi-<br />
caux, comme dans Be questionnaire. A l'inverse, c'est Binet qui reprendra<br />
plus tard les idées présentes ici. Rappelons que lui-même parlait déjà<br />
d'instables, en 1904 16.<br />
Les termes utilisés dans Ira description des instables devaient entraîner<br />
un accord général. Ces termes, ou des expressions proches, sont utilisés<br />
par bous les auteurs, alibnistes ou non : manque de suite dans les idées,<br />
défaut d'attention, mobilitc5 du corps et de l'esprit. La notion d'incohérence<br />
de caractère est reprise du questionnaire. Bourneville parlait de mobilité<br />
physique et intellectuelle exubérante et Binet et Simon reprendront sans<br />
grand changement les ternes utilisés ici : « manque d'idées de suite et<br />
probablement de force d'attention », turbulence, bavardage, défaut<br />
d'attention 17...<br />
Comme le veulent aussi bien Binet que Bourneville, la note complémentaire<br />
précise que les instables ne sont pas débiles. Certains ont même<br />
une « intelligence Ir& bonne ». Binet et Simon, plus tard, insisteront plut&,<br />
on l'a vu, sur le fait que nombre d'instables ont une intelligence un peu<br />
en dessous de la moyenne la. ha notion d'instabilité est reprise des médecins,<br />
mais (comme le feront Binet et Simon, en 1907 19) on précise son<br />
&quivalent scolaire. Ce sont les enfants connus dans les écoles « sous le<br />
nom d'indisciplinés ». II s'agit ici seulement des « indisciplinés du caractère<br />
le plus grave ». On retrouve dans l'insistance à marquer cette limite,<br />
les craintes de Binet face aux maîtres qui seraient tentés de considérer<br />
comme instables tous les enfants avec qui ils ne s'entendent pas, craintes<br />
Cf. plus haut, p. 130.<br />
"A. Binet, Th. Simon, 1905 b, p. 1 94 et 1907, p. 24<br />
la Cf. plus haut, p. 151.<br />
l9 Cf. plus haut, p. 144.
qui s'expflmeront avec force en 1907 20. Sur ce dernier point, la note<br />
complémentaire reprend à nouveau largement la note de Binet, où de<br />
telles craintes s'appliquaient aux arriérés moraux,<br />
Passages repris de la note de Binet, avec leurs transfomations<br />
Texte nouveau : en romains simples.<br />
Texte repris de la note de Binet : en gras.<br />
Texte non repris : en romains, entre crochets.<br />
cc La détermination de ces instables demande, de la part des Institu-<br />
teurs, le plus grand tact. [Pour reconnaître tes arriérés moraux] On ne les<br />
confondra ni avec les enfants bavards et remuants qui troublent le<br />
silence des études parce qu'ils ont besoin de dépenser un excès<br />
d'activité, ni avec les enfants dont le caractère ne sympathise pas<br />
avec celui du maître. Tout sujet qui donne des difficultés à l'éducateur ne<br />
constitue pas pour ce seul motif un instable. On doit d'abord faire des<br />
efforts pour l'améliorer en employant la patience, la douceur et la fermeté,<br />
et ce n'est qu'en désespoir de cause qu'on doit le considérer comme in-<br />
stable, lorsque l'instituteur a épuisé tous les moyens éducatifs dont il trou-<br />
vera l'inspiration dans son intelligence et dans son cceur.<br />
(( [Un sujet qui donne des difficultés à l'éducateur ne constitue pas pour<br />
cela un arriéré moral.] Dans les écoles où il existe plusieurs maîtres, Je<br />
Directeur prendra comme règle de prudence [il sera prudent] de ne juger<br />
indiscipliné et instable [de ne considérer comme arriérés moraux f que<br />
l'enfant au sujet duquel au moins deux maîtres différents se trouveront<br />
d'accord pour le déclarer incorrigible [que 3 maîtres différents se seront<br />
montrés impuissants à corriger]. Dans les petites écoles à un seul<br />
maître, où on ne pourra pas employer ce contr6le collectif si précieux, on<br />
ne tiendra compte que des manifestations d'indiscipline et de rébel-<br />
Cf. PIUS haut, p. 113.
lion qui sont graves, répétées [préméditées] et incurables par les<br />
moyens pédagogiques ordinaires. ))<br />
On peut analyser ainsi ces modifications au texte de Binet :<br />
a. Est supprimé, tout ce qui s'exprime en termes d'arriération morale.<br />
2. Est supprimée la notion de préméditation. Peut-être parce que parti-<br />
culiérement difficile ài objectiver ?<br />
3. Alors que la note de Binet souhaitait l'accord de trois maîtres pour<br />
déclarer un enfant instable, deux suffisent. Faut-il voir là l'expression d'une<br />
exigence des représentants de l'institution scolaire dans la commission,<br />
prêts à plus de sévérité pour exdure de l'école ordinaire les enfants indis-<br />
ciplines ? On a vu 21 qu'en 1907, Binet et Simon retiennent tantôt l'accord<br />
entre trois maîtres, tantôt l'accord entre deux maîtres.<br />
21 Cf. plus haut p. 145-4 46
Texte 7<br />
Musée national de l'tducation. Dossier 3.7.01179(B) (1905).<br />
Imprimé. 2 pages. En-tête : a WIINISTE~RE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, COMMISSION<br />
POUR L'ÉDUCATION DES ENFANTS ANORMAUX n. Premiére page, en bas, A droite : 5.<br />
Deuxième page, pagination : 66.<br />
II s'agit de l'extrait d'une brochure (p. 65-66), imprimée à Asnieres, ou sont ras-<br />
sembl6s plusieurs écrits de 116poque sur l'enfance anormale (articles, comptes<br />
rendus de dbbats parlementaires...). Cette brochure est conservée à I'INRP, sous<br />
la cote FB 63. Dew documents portent cette même cote et le même titre : lnsfitu-<br />
fion dhpartementale des sourds-muets d'Asnieres, 1894-1899, Institut départe-<br />
mental des sourds-muets et sourdes-muettes dlAsniéres, 1908. Un seul renferme<br />
l'ensemble dUcrits concerné et, notamment, le texte ici presenté. Le deuxième ne<br />
contient que l'article qui donne son titre B la brochure<br />
C~SIFICATION<br />
DES<br />
ENFANTS ANORMAUX<br />
Note accompagnant<br />
les tableaux de statistique dressés en 1905<br />
Voir texte 3.<br />
On retrouve ici, en effet, presque sans changements, le texte du questionnaire<br />
d'enquête.<br />
Les modifications sont les suivantes.<br />
9. Modifications de ponctuation qui n'affectent pas le sens.<br />
. Principalement, deux points remplac6s par .-, aprés chaque nom de catégorie<br />
d'enfants. Ex. « sourds-muets : sujets a remplace par « sourds-muets.- Sujets B<br />
On évite ainsi la répétition de deux points, à chaque paragraphe.<br />
4. Modifications facilitant la lecture : place des virgules.<br />
2. Suppression des fiches A remplir. Elles n'ont plus lieu d'être dans un document<br />
qui doit présenter les r6ponses ces fiches.
3. Rectification de la citation du texte de la loi du 28 mars 1882. Le questionnaire<br />
portait, par erreur : L'instruction primaire est obligatoire pour (( tous )) les enfants.<br />
« Tous )) est supprimé.<br />
4. Dans le questionnaire, le paragraphe traitant des arriérés, évoquait les mé-<br />
thodes (( ordinaires n d'enseignement. Ordinaire est remplacé par primaires. Deux<br />
raisons possibles à cette modification : éviter une répétition (la premiére page<br />
évoque les procédés pédagogiques u ordinairement n employés ; localiser I'en-<br />
quête et le type de population sur qui elle porte (l'enseignement secondaire n'est<br />
pas concerné).<br />
5. Dans le dernier paragraphe, on a inversé italiques et romains. Ce peut être<br />
simplement pour rendre la lecture plus agréable ou pour conserver la logique<br />
d'ensemble du texte qui met en italiques les termes désignant les enfants et non<br />
les explications les concernant.]<br />
Commentaire<br />
II est difficile de savoir quel est le statut du texte publié par l'Institut<br />
dtAsnières. II devait accompagner la présentation des résultats de I'en-<br />
quête. Ceux-ci pourtant ne figurent pas à sa suite. Probablement, parce<br />
qu'à la date de sa publication, les rbsultats définitifs n'étaient pas connus.<br />
A-t-il été adopté par la commission ? Est-il dû à la seule initiative de<br />
Baguer ? Aucune des remarques faites par Binet, à propos du question-<br />
naire d'enquête, n'y est prise en compte. Celui-ci est reproduit tel quel :<br />
notamment, la notion d'anomaux médicaux, peut-être impossible à sup<br />
primer, si les maîtres l'ont utilisée dans leurs réponses, ainsi que la défini-<br />
tion de l'arriéré, sur laquelle Binet ironise l. On peut en déduire que c'est<br />
bien le questionnaire rédigé par Baguer, compte non tenu des proposi-<br />
tions fomulées par Binet dans sa note (texte 5), qui a été envoyé pour<br />
' Cf. cidessous, p. 181.
l'enquête. Le préambule de la loi du 15 avril 1909, créant classes et<br />
6coles de perfectionnement, reprendra de même l'expression anormaux<br />
médicaux, ainsi que I'énumération du questionnaire et, avec de simples<br />
modifications de forme, ses définitions de l'arriéré et de l'instable. Binet n'a<br />
donc pas été entendu, sur les imporiantes questions de classification et de<br />
criteres. Fin 1913, il l'est peut-être davantage lorsque le ministre de I'lns-<br />
Pauction publique demande aux inspecteurs d'académie « de mettre à jour<br />
Ba statistique des enfants anomaux Qtablie il y a 5 ans ». Les précisions<br />
critiquées par lui dans la définition des arriérés sont enlevées, mais la<br />
ddfinilion qui dit simplement, sans autre précision, que ces enfants sont<br />
« en Atat de débilité mentale » ne devait pas davantage le satisfaire. De<br />
plus, contre son avis, la catégorie des anormaux médicaux est conservée<br />
(en sont ôtés les hystériques, les paralytiques et les hémiplégiques).<br />
La Note accompagnanL.. ne figure pas dans la présentation officielle<br />
des r9sultatç de l'enquête qui se contente de rappeler les statistiques pré-<br />
cédentes des sourds et des aveugles et d'indiquer en quelques lignes<br />
l'objet de la Commission Bourgeois qui a « procédé à cette enquête pour<br />
constater le nombre non seulement des aveugles et des sourds-muets,<br />
mais des enfants anormaux de toute espèce ». La commission n'a sans<br />
doute jamais réalisé leur publication. Celle-ci semble avoir été réalisée en<br />
4909 seulement, dans la Statistique de l'enseignement primaire pour I'an-<br />
pl&@ 1906-1907" De 4905 A cette date, des données figurent dans<br />
nombre d'écrits spécialisés (tableaux synthétiques ou résumés), mais<br />
aucun ne fait référence A une publication officielle. En 1905, Binet et<br />
Simon notent : « Les questionnaires remplis par les instituteurs ont été<br />
centralisés à Paris, au Ministère de l'Instruction publique, et sont mis à la<br />
disposition de la commission ministérielle, dont l'un de nous (Binet) fait<br />
partie. » « L'un de nous [Binet] a pris connaissance, au Ministère de I'lns-<br />
* L'Enfance anormale, Octobre 1913. p. 664. 11 n'y a pas eu d'enquête en 1908-1909: le<br />
ministre se réfère B la date de publication de I'enquëte faite en 1905. La guerre a sans<br />
doute empêché la nouvelle enquête d'être effectuée.<br />
MIP, 1909, p. XXV.<br />
MIP, 1909.
truction publique, des réponses que la province a envoyées au question-<br />
naire ministériel 5. » En mars 1906, Vaney indique que les seuls rensei-<br />
gnements mis à sa disposition concernent Paris, pour qui il a pu « jeter un<br />
coup d'œil sur les réponses au questionnaire ministériel m. « Nous ne<br />
pensons pas que les résultats chiffrés de cette grande consultation aient<br />
été publiés et que dès à présent les personnes étrangères à la commis-<br />
sion ministérielle sachent exactement quel est le pourcentage d'anor-<br />
maux 6. » En décembre de la même année, Le docteur Roubinovitch parle<br />
de son étude ((fondée sur les documents officiels : de l'intérieur et de<br />
l'instruction publique )). En 1907 encore, Binet et Simon disent avoir « eu<br />
entre les mains » « les feuilles de la statistique ».<br />
Les résultats officiels font état d'enfants âgés de un à treize ans : il faut<br />
sans doute lire un an révolu (deux à treize ans disait en effet le questionnaire).<br />
Ils indiquent un nombre de 31 81 8 anormaux s. Ces résultats semblent<br />
être restés méconnus à l'époque. En 1910, une note anonyme à<br />
tous les sénateurs, sur les établissements de sourds et d'aveugles affirme<br />
encore : « Du dernier recensement fait en 1905, on n'a pas encore le<br />
résultat, quant au nombre des enfants [sourds et aveugles] en âge de<br />
scolarité l0 ». Ce sont ceux établis en 1906 l1 par le docteur Roubinovitch,<br />
« grâce à l'autorisation de M. Gasquet [...] d'après les données centrali-<br />
sées au ministère de l'Instruction publique '2 » qui sont seuls pris en<br />
compte, tant par la littérature médicale et pédagogique que par la grande<br />
presse, et deviennent la référence admise par tous, y compris après<br />
1909 13. Sur 5 015 416 enfants de moins de 14 ans qui ont fait l'objet de<br />
l'enquête, 31 791 enfants présentant « des anomalies de toute nature ))<br />
A. Binet, Th. Simon, 1905 c, pp. 322-323 et note p. 322.<br />
V. Vaney, 1906, p. 95.<br />
' J. Roubinovitch, 1906 b.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 73.<br />
MIP, pp. XXV-XXVI.<br />
l0 Coll. INRP, dossier 3701170(A)1910.<br />
l' J. Roubinovitch, 1906 a.<br />
J. Roubinovitch, 1906 a, p. 10 ; 191 0, p. 144.<br />
EX. A. Courjon, L. Grandvilliers, 1906 ; E. Chazal, 1907, p. 41-47 ; A. Binet, Th. Simon qui<br />
évoquent u les chiffres bruts B de la statistique, 1907, p. 12, n. 2. ; Dr Granjux, 191 1, p. 3.<br />
l2<br />
l3
(soit Q,63 %) ont ét$ trouv6s j4. En 1910 encore, Roubinovitch reprend<br />
sans aucune modification ses tableaux établis en 1906.<br />
Le total des anormaux dom$ peu Roubinovitch diffère à peine de celui<br />
prQsent6 par la publication offidelle. Sans reprendre les données par dé-<br />
partement, Wou$inovitch indique les résultats globaux pour toute la<br />
France, sw distinguant, comme Ie voulait la grille du questionnaire, écoles<br />
publiques et écoles privées. La statistique officielle prend pour catégories :<br />
bcoles primaires publiques et privées, établissements hospitaliers, enfants<br />
ne fr6quentznl aucune école. Si on compare ligne à ligne (en regroupant<br />
6coles primaires publiques et privAes, chez Roubinovitch) les données<br />
des deux statistiques, on voit que la différence finale observée est le ré-<br />
sultat d'Qcôiris en plus ou en moins qui pratiquement s'annulent : certains<br />
nombres sont plus 6lev6s dans la statistique officielle, d'autres chez<br />
Roubinovitch. 33 sont identiques, pour 17 différents. Les écarls sont sou-<br />
vent minimes (infArieurs s 5, pour 43 d'entre eux). Cependant, quelques<br />
diff6rences sont relativement imporiantes : jusqu'ài 28, voire 40 (246 filles<br />
aveugles de six B treize ans, dans les Acoles publiques et privées, chez<br />
Roubinovitch ; 286 dans la statistique officielle). Une vérification effectuée<br />
i3 pailir de quelques-uns uns des tableaux départementaux de cette der-<br />
nière 15, semble montrer que ses calculs sont exacts. Les écarts observés<br />
chez Woubinovitch peuvent s'expliquer par des erreurs de comptage, ou<br />
parce que, pour une pari probablement minime, ses données de base<br />
n'ont pas QtQ les mêmes. Les erreurs en moins pourraient provenir de<br />
donnUes pawenues au minist&re, apr&s son travail. Les erreurs en plus<br />
pourraient provenir de r6sullats non pris en compte oficiellement, parce<br />
que considérQs comme non valables pour une raison ou pour une autre.<br />
Compte tenu de la faiblesse des Qcarts globaux, je m'en tiendrai aux<br />
l4<br />
J. Roubinovitch, 4906 a, p. 9 ; 4910, p. 147, Roubinovitch écrit par ailleurs, en contradic-<br />
tion avec ses propres tableaux : a Ce qui ressort de tous ces calculs, c'est qu'il existe ac-<br />
tuellement en France 31 794 enfants présentant de graves anomalies intellectuelles et<br />
morales de toute sorte B (1306 a, p. 10 ; 4910, p. 144 ; souligné par moi, M.V.). En 1927,<br />
une nouvelle enquête organisée par Roubinovitch trouvera 45 969 anormaux parmi les<br />
seuls écoliers des écoles élémentaires publiques, soit un pourcentage beaucoup plus im-<br />
poffant de 1,58 Sb (Bull. AsniBres, 1928, no 21, janvier, p. 3).<br />
l5 MIP, pp. 336-351.
nombres admis par les spécialistes, puisque ce sont eux qui font l'objet<br />
d'analyses et de commentaires à l'époque. Je n'ai trouvé dans aucun<br />
fonds d'archives nationales, les documents envoyés par les enquêtés le.<br />
L'enquête organisée par le ministère de I'lntérieur, fin 1905 ou début<br />
1906 17, fait apparaître un nombre de 4 453 enfants anormaux internés<br />
dans les établissements publics d'aliénés de toute la France, dont 1 488<br />
de moins de treize ans. C'est-à-dire en additionnant les résultats des deux<br />
enquêtes un total de 33 279 enfants anormaux de moins de treize ans 18.<br />
Cela n'empêche pas nombre d'auteurs de l'époque lg, à commencer par<br />
Roubinovitch lui-même, gonflant les chiffres, d'additionner purement et<br />
simplement les résultats des deux enquêtes, comme si l'enquête du mi-<br />
nistère de I'lntérieur avaient porté sur les enfants de moins de treize ans :<br />
on aurait ainsi recensé un total de 36 244 enfants anormaux. Ce nombre,<br />
arrondi à 40 000 par Roubinovitch, est ensuite largement repris, en faveur<br />
du développement d'institutions spéciales. Citant Roubinovitch, l'instituteur<br />
E. Glay va jusqu'à « près de 50 000 » et en 1907, Roubinovitch jusqu'à<br />
distinguer des 4453 enfants anormaux internés, les trente-six mille<br />
autres 21 ».<br />
Le nombre de 40 000 « arriéres intellectuels et moraux perfectibles »,<br />
distingués des sourds et des aveugles, figurait déjà dans le rapport Charlot<br />
(texte 1). II semble alors être la traduction arrondie des 36 000 enfants<br />
idiots (au sens le plus large, « distingués des deux autres catégories<br />
Claude Carpentier, professeur en Sciences de l'éducation à Amiens, me signale qu'il a<br />
trouvé de tels documents dans le département de la Somme. Ils pourraient donc avoir été<br />
conservés par les Archives des départements.<br />
l7 Cf. Texte 3, p. 174.<br />
On ne sait pas sur combien d'enfants a porté l'enquête du ministère de I'lntérieur, il est<br />
donc impossible de constituer la population de référence et de calculer des proportions,<br />
en tenant compte du nombre d'anormaux déclarés par les asiles.<br />
Binet et Simon ne commettent pas cet abus. Le quart des 4 453 anormaux recensés par le<br />
l9<br />
ministere de l'Intérieur, a exactement 1 488, sont audessous de treize ans et en âge légal<br />
de scolarité [...] L'addition des deux statistiques a forme donc un total définitif de 33 279 B<br />
enfants anormaux de moins de treize ans (A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 12, note 2).<br />
E. Glay, sans date.<br />
21 J. Roubinovitch, 1907 a (Souligné par moi, M.V.).
d'enfants anormaux, les sourds et les aveugles D), recensés par un rapport<br />
des inspecteurs généraux de !'Assistance publique dont Bourneville<br />
fait état =. C'est sans doute B cette avaluation qu'il se réfère, lorsqu'il écrit<br />
que le nombre des enfants a incurables )) « peut être évalué à environ<br />
40 000 pour toute la France E3. En fait, Bourneville estime ce nombre trop<br />
faible et propose plus de 50 ou 60 O00 enfants (( idiots de tout degré »24.<br />
6. Jacquin lui emprunte cette demi& évaluation, pour les arriérés, comme<br />
étant celle qui [répondrait] le mieux à la réalité des faits 25 ». En 1900, au<br />
congres de la Ligue de l'Enseignement, c'est le nombre de 50 000 qui était<br />
Avoq~A, par référence A Couëtoux et Hamon du Fougeray 26.<br />
La validité des resultats des deux enquêtes ministérielles est contes-<br />
tée, dès qu'ils sont connus. De docteur Abadie écrit mème que jamais n'a<br />
été fait en France de recensement général )) des anormaux des écoles,<br />
avant celui organisé en mai '1906 par le recteur de l'Académie de<br />
Bordeaux, avec la participation de médecins 27. Les auteurs notent I'ex-<br />
trême variabilité des réponses, selon les lieux et les institutions. (( À Paris<br />
même, on vit une ecole qui accusait 25 p. 100 d'anomaux, tandis que<br />
l'école voisine n'en signalait pas un seul », « des villes entières, et aussi<br />
importantes que Fontainebleau, ont répondu : "Néant", alors que nous<br />
savons pertinemment, par enquête personnelle, que cette réponse est<br />
fausse 28 ». « Le pourcentage est fort variable d'une école à l'autre : il va<br />
de 7,s % à O %. Dans un même arrondissement, on trouve des écoles de<br />
600 élèves qui n'auraient pas un seul arriéré, pas même un seul instable,<br />
et d'autres de 300 élèves qui auraient jusqu'à 18 arriérés el 30 in-<br />
22 D.M. Bourneville, 1895 a, p. 150.<br />
23 D.M. Bourneville, 1889 b, p. 31. Différents auteurs attribuent ce nombre de 40 000 à<br />
Bourneville lui-même. Ce serait ainsi l'aliéniste que le rapport Charlot l'aurait emprunté,<br />
sans le dire. Bourneville n'en fait pourtant pas la remarque, dans son commentaire assez<br />
acerbe de ce rapport (Cf. Texte 1).<br />
24 Notamment, 4 895 a, p. 150.<br />
25 G. Jacquin, 1904, pp. 4 8-1 9<br />
26 BLE. 1 9C0, pp. 525 et 794.<br />
27 J. Abadie, 1907, p. 2.<br />
Binet, Th. Simon, 1907, pp. 61 et 73.
stables 29. » L'enquête faite à Lyon, en 1907, qui aboutit également à des<br />
résultats moindres que ceux attendus, se voit critiquée de la mgme façon :<br />
notre enquête nous a permis de nous rendre compte du fait suivant, qui<br />
explique bien la faiblesse des chiffres auxquels nous sommes arrivés.<br />
Tandis que certaines écoles ont signalé 10, 12, 15 anormaux et même<br />
davantage, d'autres - c'est m&me le plus grand nombre - n'en ont accusé<br />
que 1 ou 2, bien qu'elles soient aussi peuplées. Ce qui est mieux encore,<br />
c'est que 46 écoles sur 146 ont répondu ne posséder aucun anormal W. ))<br />
Le plus souvent, les réponses ont abouti à minorer la proportion d'anor-<br />
maux3'. « TOUS ces chiffres sont fort au-dessous de la réalité », a les<br />
chiffres fournis par les écoles restent certainement trop faibles 32 ». Le<br />
chiffre de 36 244, rassemblant les deux enquêtes, est « inférieur à la réa-<br />
lité 33 ». Pour la province, « les chiffres indiqués sont plus faibles qu'on<br />
supposait, quelquefois véritablement trop faibles pour être justes ». (( Le<br />
nombre des anormaux [...1 serait à peine de 1 p. 100 pour les garçons, de<br />
0,90 p. 100 pour les filles. Ces proportions sont évidemment beaucoup<br />
trop faibles. )) Les chiffres obtenus sur la province sans Paris a ne<br />
donnent guère que 2 pour 1 000 d'arriérés ».<br />
Ces résultats sont très inférieurs à ceux attendus, à partir d'autres en-<br />
quêtes effectuées par les spécialistes. II n'est pas aisé d'interpréter les<br />
proportions théoriques retenues. En effet, elles sont parfois annoncées<br />
dans des phrases où elles semblent concerner l'ensemble des anormaux.<br />
Mais, si l'on y regarde de plus près, on voit que les auteurs traitent d'une<br />
partie seulement d'entre eux. C'est ainsi notamment pour la proportion<br />
théorique le plus souvent retenue : 5 % environ 35. Elle est reprise des<br />
V. Vaney, 1906, p. 96.<br />
E. Chazal, 1907, p. 47.<br />
31 Sur I'interprétation de ce fait, perçu comme un signe d'incompétence ou d'hostilité, voir<br />
M. Vial, 1990 b, pp. 101 -1 02 et 11 8-1 19.<br />
32 E. Chazal, 1907, p. 42.<br />
33 Granjux citant Roubinovitch, 191 1, p. 3.<br />
34 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 322, note ; 1907, p. 11.<br />
35 Sourds et aveugles ne sont guère en question dans les débats portant sur les deux en-<br />
quêtes. Les handicapés moteurs sont purement et simplement ignorés. u Nous comptons
echerches plus scientifiqueraaent effectuées dans un grand nombre de<br />
vtiies Qtrangères et, chez nous, B Bordeaux ». L'enquête effectuée à<br />
Bordeaux trouve en fait une proportion de 5,48 % d'enfants anormaux<br />
EC atteints d'anomalies mentales ». Le docteur Abadie, relatant cette en-<br />
qugte, indique, sans citer ses sources, que cette proportion « est tout à fait<br />
comparable a la proportion obtenue par des enquêtes individuelles dans<br />
certaines $coles parisiennes [...] 5 Oh au moins % ». « Si l'on admet, ce<br />
rapport, que nous considQrons comme un minimum, il existerait en France,<br />
sur une population de 5 5OQ QQO enfants mineurs de treize ans, 275 000<br />
anormaux 37. » Et le docteur Chazal se désole de la proportion de 1,37 %<br />
d'anormaux psychiques (anormaux médicaux, arriérés et instables) trou-<br />
v6e B Lyon : « nous sommes loin de celle de 5 p. 100 que nous admet-<br />
tons %. » Dans les annees '19Q6-4908, on trouve dans plusieurs publica-<br />
lions un 6Ponnanl calcul : « sur 4 453 anormaux mineurs placés dans les<br />
asiles, il en existe seulement 1 488 au-dessous de treize ans ; soit environ<br />
Oe queri du total. En admettant la mBme proportion pour la généralité des<br />
anormaux, on arriverait a condure qu'il y a en France quatre fois 31 79î<br />
anormaux mineurs ; soit en chiffres ronds 120 000, chiffre que l'on nous<br />
indiquait B Liège, en 4905, comme 6tant à peu près exact 39. » Le raison-<br />
nement paraît bien faible à Binet et A Simon : « on ne voit pas [...] pour<br />
quelle raisoc Ee nombre des anomaux augmenterait au point de quadru-<br />
pler entre 73 et 21 ans. 11 est bien plus simple de supposer que si le contin-<br />
gent des hospitalis$s augmente B partir de 13 ans, c'est parce qu'il est<br />
grossi par l'admission de plusieurs enfants qui ont fini leur scolarité et<br />
quittent I'bcole pour l'hôpital 40. ))<br />
comme quantité négligeable les quelques paralytiques ou hémiplégiques qui ont pu être<br />
compris dans le groupe des anormaux médicaux. B (E. Chazal, 1907, p. 42).<br />
36 J. Abadie, 1907, p. 1 O.<br />
37 E. Chazal, 1907, p. 43.<br />
E. Chazal, 1907, p. 45.<br />
3g A. Courjon, L. Grandvilliers, 1906, p. 7. Calcul repris en 1907, dans ~gducafeur moderne,<br />
p. 140 et, en 1908, par le docteur Ley, L'Assistance, 1908, p. 581). C'est Grandvilliers et<br />
Courjon qui affirmaient B Liège. en 1305 : a d'aucuns vont jusqu'à 120 000 et ils sont pro-<br />
bablement les plus près de la vérité D (4 905, p. 17).<br />
40 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 13, note.
Sur la statistique à retenir, les positions de Binet et Simon semblent<br />
peu arrêtées. A partir de ses propres recherches, leur disciple Vaney<br />
critique les résultats de l'enquête faite dans les écoles. Sur un total de<br />
124 370 inscrits dans les écoles parisiennes qui ont répondu, on trouve<br />
seulement 797 arriérés de l'intelligence (non compris les anormaux médi-<br />
caux), soit 0,64 % et 1361 instables, soit 1 ,O9 %. En tout, 2 158 enfants,<br />
soit 1,70 % 41. Effectuant de savantes péréquations, Vaney retient, pour<br />
les arriérés des écoles primaires publiques parisiennes dans lesquelles il<br />
a effectué une étude, un pourcentage de 1,98 %. C'est trois fois plus<br />
que pour l'enquête ministérielle. )) (( Paris qui a 165 000 enfants dans ses<br />
écoles primaires publiques (maternelles non comprises), compterait ainsi<br />
3 300 arriérés. )) « Pour la France qui a 4 203 700 élèves, dans les écoles<br />
publiques, ce serait 84 000 arriérés. En y ajoutant ceux des écoles pri-<br />
vées, comptant 1 228 690 enfants et 24 000 arriérés, ce serait 108 000<br />
arriérés de l'intelligence 42. » En 1905, Binet et Simon estimaient, comme<br />
lui, à environ 3 000 le nombre total d'anormaux (( se trouvant actuellement<br />
dans les écoles primaires publiques de Paris 43 ». En 1908, les proportions<br />
qu'ils indiquent, pour le Xe arrondissement, sont beaucoup plus faibles :<br />
i( sur 2 300 filles examinées, nous avons reconnu 17 anormales [soit<br />
0,73 %]. Sur un groupe de 1 900 élèves, quinze anormaux purent être<br />
déterminés [soit 0,78 %]. Un calcul rapide put alors nous permettre d'éta-<br />
blir qu'il y a à Pans un minimum d'un millier d'enfants anormaux pouvant<br />
être classés dans la catégorie des arriérés [depuis les idiots jusqu'aux<br />
débiles simples] et des instables 44. » En reprenant les propositions de<br />
Vaney et la proportion de (( 2 p. cent pour les arriérés », les deux auteurs<br />
poursuivent l'extrapolation et indiquent : (( si on tenait compte également<br />
des instables, dont le nombre est probablement analogue à celui des ar-<br />
riérés, la proportion voisinerait 4 % 45. » II est probable », écrivent-ils,<br />
« que la vérité ne doit pas s'éloigner sensiblement de 5 p. 100 B. Mais,<br />
41 V. Vaney, 1906, pp. 95 et 97.<br />
42 V. Vaney, 1906, p. 97.<br />
43 A. Binet, Th. Simon, 1905 c, p. 323, note.<br />
44 Cité par La Petite République, juin 1908, non signé, Coli. INRP, dossier 3703179(C).<br />
45 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 11
deux pages plus loin, ils semblent trés critiques par rapport aux chiffres<br />
imporiants d'anomaux que certains avancent, dont le plus élevé est pré-<br />
ds6ment celui de 27% O00 enfants, épinglé par un point d'exclamation,<br />
que l'on trouverait en suivent de pourcentage avancé par Abadie. Dans le<br />
m6me ouvrage, c'est ài (( environ 2 p. cent )) qu'ils évaluent la proportion<br />
a normale » d'anormaux dans les $coles, c'est-à-dire sans doute - compte<br />
tenu des pages qui précédent - non pas celle de l'ensemble des anor-<br />
maux mais celle des arriérés et des instables ensemble 46. Au total, les<br />
proportions avancees par les uns ou les autres ne leur paraissent pas trés<br />
soiides. (( Tous ces chiffres ne sont pas assez sûrs pour qu'on leur ac-<br />
corde une signification prbcise 47. » De même Marcel Bourneville, tout en<br />
critiquant a les conditions ddfectueuses 1) dans lesquelles ces enquêtes<br />
ont @te faites, conditions qui ~d: enlevent une grande partie de la confiance<br />
qu'on doit avoir ew elle B, estime trop grande la différence des résultats<br />
avec Ees pou:cenlages avancbs A Bordeaux, à Lyon ou à l'étranger, pour<br />
permettre de choisir )) : cela montre une fois de plus que cette question<br />
n'est pas au point 48 ».<br />
SI les résultats obtenus sont contestés, c'est en premier lieu parce que<br />
P'enssmble des deux enquêtes n'a pas réalisé l'approche exhaustive sou-<br />
haitée. D'une part, elles ne se sont pas adressées à toutes les institutions<br />
per2inentes ; d'autre part, nombre d'institutions auxquelles elles se sont<br />
adressées n'ont pas rdpondu. Dans la statistique de l'Instruction publique,<br />
Paris n'a fourni aucun renseignement en ce qui concerne les anormaux<br />
de ses dcoles publiques, et sur 824 écoles privées existant dans la capi-<br />
tale, 235 n'ont envoyb aucune rbponse ; 110 communes de la banlieue<br />
parisienne n'ont bgalement fourni aucune indication, de même que 20<br />
communes du département de la Manche : Bordeaux est resté muet en ce<br />
qui concerne ses $coles priv6es. En outre, dans cette statistique, ne fi-<br />
46 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 73.<br />
47 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 1 4 et p. 13 note.<br />
M. Bourneville, 4908, p. 1 8. Compte tenu de toutes ces critiques, on peut s'étonner de ce<br />
que le nombre de 40 000 soit si ff@uemment repris, au fil des annees, comme une vérite<br />
acquise.
gurent pas les anormaux des lycées et collèges, ceux de l'Assistance<br />
publique et des œuvres privbes, des établissements et colonies péniten-<br />
tiaires, ceux recueillis dans les couvents, dans les maisons d'hydrothé-<br />
rapie, chez des particuliers et ceux enfin qui restent chez leurs parents. ))<br />
Dans I'enquête du ministère de l'Intérieur, les établissements privés n'ont<br />
pas été inventoriés<br />
On peut se demander si certains médecins n'ont pas mis une certaine<br />
mauvaise foi à minimiser la valeur de l'enquête de I'lnstruction publique.<br />
Ainsi l'affirmation ci-dessus citée du docteur Chazal est pour une part<br />
erronée : les établissements hospitaliers auxquels s'adressait I'enquête<br />
dépendaient de l'Assistance publique et le questionnaire demandait éga-<br />
lement le recensement des enfants anomaux restés dans les familles.<br />
Elle est du reste en contradiction avec le texte de Chazal lui-même : « Les<br />
enquêtes [du ministère de I'lnstruction publique] [...] ont porté sur les en-<br />
fants de deux à treize ans fréquentant les écoles publiques ou privées, sur<br />
ceux qui n'allaient dans aucune école et sur ceux enfin qui se trouvaient<br />
dans les établissements hospitaliers, lai'ques ou congréganistes 50. » Se-<br />
lon Roubinovitch, le nombre recensé par la commission « représente le<br />
nombre des enfants anormaux libres, c'est-à-dire de ceux pour lesquels<br />
on n'a rien fait, jusqu'à présent, pour les soigner, les transfomer et les<br />
rendre utilisables 51 ». Là encore, affirmation inexacte : les enfants sourds<br />
et aveugles, notamment, sont recensés par la commission dans les éta-<br />
blissements qui les reçoivent.<br />
Mais la critique mqjeure porte sur les modalités de réalisation des deux<br />
enquêtes et sur les critères utilisés : c'est leur scientificité qui est contes-<br />
tée. La faiblesse des résultats s'explique parce qu'un grand nombre<br />
d'anormaux ne sont pas « avoués » ou « reconnus ». Les critères retenus<br />
manquent de sévérité : « que de subnormaux, en effet, qui ne sont pas<br />
E. Chazal, pp. 42-43. La statistique officielle ne permet aucun contrôle en ce qui concerne<br />
les réponses de Paris et de Bordeaux, puisqu'elle ne sépare pas écoles publiques et<br />
écoles privées. Voir, de même, J. Roubinovitch, 1906 a, pp. 10-1 1 ;1910, pp. 144-1 45.<br />
501907, p. 41.<br />
5' 1910, p. 159.
entrés en ligne de compte 52 ! P) S'il a pu en être ainsi, c'est que les appré-<br />
ciations sont restées subjectives, effectuées avec des critères variables,<br />
non scientifiques, A partir d'une 6valuation au jugé soumise à l'humeur<br />
des maîtres 53 ». Binet et Sirnow sont particulièrement virulents à I'en-<br />
contre de l'Instruction publique. Les distinctions proposées par les feuilles<br />
d'enquête « ont une valeur administrative, c'est-à-dire à peu près aucune<br />
valeur scientifique. On ne sait pas ce que signifie l'anormal médical, qui se<br />
trouve ici distingué de I'arriér6 et de l'instable. II est probable que par<br />
anormal médical, on doit entendre l'idiot, et par les autres on doit entendre<br />
l'imbécile et le débile 54 ». Si tel directeur a mal répondu, c'est qu'il « avait<br />
mal compris ce que les feuilles d'enquête lui avaient expliqué plus mal<br />
encore. » La définition de i1aniér6 comme celui qui ne peut acquérir la<br />
moyenne de l'instruction primaire n'est qu'une « vague formule adminis-<br />
trative B. « Si on prenait B la lettre cette malencontreuse formule, évidem-<br />
ment une bonne moitié des enfants de France serait anormale, puisqu'elle<br />
est forcément au-dessous de lai moyenne 55. » « La définition de l'enfant<br />
arriéré de l'intelligence a 616 le plus souvent, et bien gratuitement, laissée<br />
dans le vague par les enquêteurs. D La définition de l'instable est plus<br />
que toute autre sujette à fausse interprétation 56. » De même, leur élève<br />
Vaney souligne : « Bien que différentes indications aient été données aux<br />
instituteurs pour leur permettre de faire dans les meilleures conditions<br />
possibles la distinction, toujours si difficile, entre l'état normal de I'intelli-<br />
gence et les étals anormaux 57 caractérisés soit par une faiblesse intel-<br />
lectuelle soit par un caractere de déséquilibre ou d'insubordination, il est à<br />
constater que la détermination par les instituteurs s'est faite et ne pouvait<br />
se faire que d'après des appréciations subjectives bien difficiles à démon-<br />
trer. » « Les maîtres ne se sont pas entendus sur le sens du mot arrikr6.<br />
52 E. Chazal, 1907, p. 42.<br />
53 W. Waney, 4 906, p. 96.<br />
54 A. Binet, Th. Simon, 9905 c, p. 323, note et 1907, p. 61 et note.<br />
55 a II n'y a pas lieu d'insister plus longuement sur la critique de cette vague formule administrative,<br />
puisque les spécialistes, nous entendons les aliénistes, n'ont pas mieux réussi à<br />
d@finir les enfants anormaux o.<br />
56~. Binet, Th. Simon, 1907, p. 42.<br />
57 Par une coquille manifeste, le texte porte a les états normaux B.
Comment s'en étonner puisqu'on n'a pas encore bien indiqué où<br />
commence l'arriération, où elle finit et par quoi il faut la mesurer 58. » J'ai<br />
eu l'occasion », dit une diredrice d'école maternelle de Rouen, « de voir<br />
une centaine d'institutrices françaises tout à fait désorientées et hésitantes<br />
lorsqu'il s'agissait de répondre à la circulaire d'enquête envoyée par le<br />
Ministère pour établir la statistique des enfants anormaux 59 ».<br />
Si chacun s'accorde à réclamer des « recherches plus scientifiquement<br />
menées », les positions divergent dès qu'il s'agit de savoir ce qu'on en-<br />
tend par là. Pour la plupart des aliénistes, « aucune statistique sérieuse ne<br />
pourra être établie tant que tous les enfants des écoles publiques et pri-<br />
vées n'auront pas été examinés par des médecins t~ 1). Si l'enquête ef-<br />
fectuée à Bordeaux est communément prise comme référence, c'est<br />
parce qu'elle « n'a été établie qu'après l'examen médical des enfants si-<br />
gnalés comme anormaux par les directeurs d'école 61 ». Par contre, pour<br />
Binet et leurs disciples, cette enquête relève des mêmes critiques que les<br />
autres. Les médecins utilisent des critères tout aussi subjectifs que les<br />
enquêtes ministérielles. « Les aliénistes n'ont pas mieux réussi à définir<br />
les enfants anormaux » et se sont les seules méthodes construites par la<br />
psychologie qui sont valides 62.<br />
Une analyse des tableaux récapitulatifs publiés par Roubinovitch, ainsi<br />
qu'à sa suite par Chazal 63, ne peut prétendre à des conclusions valables<br />
pour l'ensemble des institutions sollicitées, mais elle peut éclairer les ré-<br />
ponses de celles qui ont satisfait aux deux enquêtes. L'enquête de I'lns-<br />
V. Vaney, 1906, pp. 95-96.<br />
59 Mlle Muller, in PF, 1905, p. 290.<br />
E. Chazal, 1907, p. 45.<br />
E. Chazal, 1907, p. 43 note.<br />
62 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 61, note. Sur les propositions de Binet, voir plus haut, texte<br />
5. Sur les conflits de compétence, voir M. Vial, 1990 b, pp. 99-109. Après 1909, de nou-<br />
velles enquêtes seront effectuées (1921, 1927 ...) et donneront lieu aux mêmes critiques.<br />
Les chiffres les plus fantaisistes continueront à etre avancés (des 20 000 ou des 40 000<br />
souvent retenus après 1921, aux 400000 enfants d'âge scolaire considérés par<br />
M. Prudhommeau comme relevant de renseignement spécial (1949, pp. 73-82).<br />
J. Roubinovitch, 1906 a, pp. û-9 ; 1910, p. 139 et 146-147. E. Chazal, 1907, pp. 41 et 43.
tructlow publique porte sur 5 015 416 enfants de moins de quatorze ans,<br />
dont 2 050 566 garçons et 1 924 225 filles de six à treize ans, parmi les-<br />
quels % 793 113 garçons et 1 510 790 filles inscrits dans les écoles pu-<br />
bliques. Bien que le représentativifka des institutions qui ont répondu soit<br />
impossible A évaluer a, l'effectif des 31 791 enfants anormaux recensés<br />
est sufisamment important pour donner des indications interessantes,<br />
portant évidemment non sur !a réalit6 des enfants concernés mais sur les<br />
déclarations contenues dans les rkponseç.<br />
Je ne retiendrai pas les calculs fod discutables proposés par Chazal.<br />
Avec d'autres auteurs, celui-ci considère, par un amalgame très contes-<br />
table, comme anomaux psychiques tous les enfants internés, parmi<br />
(iesquels aveugles et sourds (soit 7223 mineurs de quatorze ans) et tous<br />
les anormaux médicaux recensQs par l'Instruction publique, parmi lesquels<br />
chor$iques, paralytiques, hémiplégiques (soit, avec arriérés et instables,<br />
un total de 25 584 anomaux psychiques). Chazal ajoute les deux<br />
nombres et trouve 26 807 anomaux psychiques de moins de quatorze<br />
ans ce qui ne fait malgr6 tout, sur un ensemble de 5 500 000 enfants,<br />
qu'un pourcentage de 0,48 %.<br />
a. Sus l'ensemble des 5 045 446 enfants concernés par l'enquête de<br />
B'lnstruction publique, arflérbs et instables représentent ensemble 17 600<br />
enfants, soit 0,30 O/O. Cette proportion, arrondie à 20 000, sera en général<br />
retenue : soit que les sauteurs prkacisent arriérés et instables, soit qu'ils<br />
nomment les seuls arriérés Arriérés et instables de six à treize ans<br />
scolarisés clans les 6coles primaires publiques, soit 12 333 enfants, repré-<br />
sentent 0,37 % des 3 279 903 enfants de cet âge scolarisés dans ces<br />
Qcoles. On voit, encore une fois, que les maîtres ne signalent guére d'en-<br />
fants dits anomaux d'école. Aucune limite, aucun critère clinique très<br />
précis ne leur ayant $16 indiques, il peut de plus se trouver, parmi leurs<br />
a Faut-il déjà parler, comme le fafi J. Pd. Luc, de a statistique impossible », à propos de<br />
I'enseignement spécialisk ? (1 985, p. 199).<br />
E. Chamal, 1907, gp. 42-43.<br />
F. Rabier, 4909, p. 3 ; P. Straus, 1938, p. 4. (lm rapport au Sénat), C. Guérin p. 8 (Coll.<br />
IPdWP, dossier 3703137184). A. FaIliBres, 6. Clémenceau, A. Briand, J. Caillaux, 1907, p. 3.
arriérés, des enfants que la commission aurait classés anormaux médi-<br />
caux et parmi leurs instables, des enfants qu'elle aurait classés imbéciles<br />
moraux ou pervers. La proportion trouvée est nettement moins importante<br />
que celles relevées par Bourneville 67. Faut-il penser que l'enquête effec-<br />
tuée dans les Ve et VIe arrondissements de Paris avait été préparée par<br />
l'inspecteur qui l'organise ? Faut-il penser que nombre de maîtres, loin de<br />
se laisser convaincre par l'action des spécialistes, sont devenus au<br />
contraire plus méfiants face A un questionnement sur leurs anormaux ?<br />
Les proportions trouvées sont pourtant dites « considérables D, dans la<br />
plaidoirie en faveur de la création de classes pour ces enfants.<br />
2. 1 807 enfants d'âge préscolaire, soit 0,17 % des 1 040 625 enfants<br />
de cet âge, sont dits arriérés ou instables, pour 12 393, soit 0,31 % des<br />
3 974 791 enfants de six à treize ans. L'augmentation de la fréquence à<br />
I'âge scolaire peut s'expliquer parce que la norme scolaire amène à retenir<br />
plus d'enfants comme anormaux, ce qui ne joue pas pour des déficiences<br />
physiques ou sensorielles ou pour les déficiences très graves, dont les<br />
proportions sont sensiblement identiques aux différents âges (deux à six<br />
ans : 0,03 O/O aveugles, 0,07 % sourds, 0,14 % anormaux médicaux ; six à<br />
treize ans : 0,03 % aveugles. 0,08 % sourds, 0,16 % anormaux médi-<br />
caux). Ce peut être aussi parce qu'à I'âge de l'école maternelle, un plus<br />
grand nombre d'enfants restés chez leurs parents sont restés aussi hors<br />
de I'enquête.<br />
3. Les 14 200 arriérés constituent 44,66 % de l'ensemble des enfants<br />
anormaux et les 3 400 instables seulement 10,69 %. Dès l'époque, on<br />
constate comme aujourd'hui la prégnance parmi les enfants déclarés<br />
anormaux de ceux que l'on dit arriérés. Si les proportions sont moindres<br />
que celles attendues, elles sont cependant plus importantes que celles de<br />
tous les autres anormaux. À tous les âges, les proportions d'arriérés sont<br />
nettement supérieures à celles des instables. Les arriérés représentent<br />
0,28 O/O des enfants étudiés et 0,31 % des enfants d'âge scolaire ; les<br />
67 Cf. plus haut, texte 4, p. 96.
instables ne représentent que 0,06 Oh de l'ensemble et 0,07 des enfants<br />
d'âge scolaire, proportions véritablement infimes. À l'âge préscolaire, 0,17<br />
enfants sont dits arriérés et O,Q4 instables : l'augmentation ne joue guère<br />
que pour les arriérés. Arri6sé.s et instables de six à treize ans, scolarisés<br />
dans les écoles primaires publiques, représentent respectivement 0,30 et<br />
O,Q6 % des enfants de cet &ge scolarisés dans ces écoles. Ainsi, contrai-<br />
rement aux craintes des spAcialistes, les maîtres ne signalent qu'une pro-<br />
portion ntagligeable dléll>ves indisciplinés. L'indiscipline n'est pas facile-<br />
ment interpr@tée, notamment par les maîtres, comme une forme d'anor-<br />
malit@. En revanche, I'Achec scolaire perçu comme une incapacité à<br />
apprendre, une absence de « don », s'il reste également peu interprété<br />
comme anomalité, rentre davantage dans ce cadre que l'instabilité. On<br />
retrouve là des résultats comparables à ceux trouvés par Bourneville, des<br />
annbes auparavant 68.<br />
4. Les anormaux mAdicaux se Prouvent, comme on s'y attend, propor-<br />
tioncellement plus présents dans l'enquête du ministère de l'Intérieur dans<br />
les asiles, oh 3 542 épileptiques, hystériques, idiots, débiles, etc. consti-<br />
tuent 79,54 O/O des 4 453 anormaux mineurs de vingt-et-un ans recensés.<br />
Roubinovitch parle du nombre prédominant des idiots (non isolés cepen-<br />
dant clans le tableau présenté) et s'interroge : « Cela veut-il dire que parmi<br />
les anormaux le plus grand nombre est représenté par les idiots ? Nulle-<br />
ment. Mais comme ce sont eux qui sont les plus gênants, les plus encom-<br />
brants dans une famille, c'est d'eux qu'on cherche à se débarrasser le<br />
plus possible. » « En somme, [...] on n'interne que les sujets les plus<br />
ravem ment atteints, les incurables 69. » Dans l'enquête de l'Instruction<br />
publique, les 7984 anormaux médicaux recensés représentent une faible<br />
proportion de la population dtudiée : 0,15 %. Cette proportion n'est cepen-<br />
dant pas négligeable et représente 25,11 % de l'ensemble des anormaux.<br />
A l'école publique, on trouve 626 anormaux médicaux d'âge préscolaire et<br />
3 490 d'âge scolaire. Si ces nombres sont minimes (mais moins que ceux<br />
Cf. plus haut, texte 4, p. 900, note 92.<br />
69 J. Woubinovitch, 1906 a, p. 4 et 1910, p. 440.
des instables !), ils confirment l'existence dans les écoles d'une frange<br />
d'enfants gravement atteints.<br />
5. Sourds-muets et surtout aveugles sont très peu présents dans les<br />
asiles d'aliénés : 59 aveugles et 451 sourds-muets, soit respectivement<br />
1,32 et 10,12 O/O des anormaux mineurs de vingt-et-un ans internés. Tout<br />
en restant peu nombreux, ils sont plus représentés dans I'enquête de<br />
l'Instruction publique, qui a concerné des établissements spécialisés :<br />
1 858 aveugles et 4 439 sourds, soit respectivement 0,3 et 0,8 % de la<br />
population de référence et 5,8 et 13,96 des anormaux recensés. En 1901<br />
déjà, le nombre des sourds recensés était notablement plus important que<br />
celui des aveugles 70. La différence observée entre sourds et aveugles<br />
est-elle le signe d'une moins grande occurrence de la cécité ou d'attitudes<br />
différentes vis-à-vis de celle-ci et de la surdité ? Le nombre d'aveugles<br />
restant dans les familles et non recensés est-il plus important ?<br />
6. 181 19 soit 0,71 % des 2 547 094 garçons, concernés par l'enquête<br />
et 13 672, soit 0,55 % des 2 468 322 filles, sont jugés anormaux. 8 336,<br />
soit 0,32 % des garçons et 58 640, soit 0,23 % des filles sont dits arriérés.<br />
1 855, soit 0,07 des garçons, et 11 535, soit 0,02 des filles sont dits in-<br />
stables. Cette légère prédominance des garçons parmi les enfants anor-<br />
maux, qui pourrait faire penser à des exigences moindres pour les filles,<br />
est très faible. De plus, elle n'est pas constante. A Lyon, sur le résultat de<br />
trois circonscriptions, c'est 1,25 % des garçons qui sont déclarés anor-<br />
maux psychiques et 1,50 O/O des filles qui sont dans le même cas. En<br />
1907, dans une nouvelle enquête, c'est 1,12 % des garçons et 1,8 % des<br />
filles qui sont dits anormaux psychiques (y compris anormaux médi-<br />
caux) 71. A Bordeaux, I'enquête médicale trouve, parmi les anormaux<br />
mentalement, légèrement plus de filles (5,79 %) que de garçons (5,17 %).<br />
Mais les écoles de filles ont été Atudiées un an après les écoles de gar-<br />
çons, il y a peut-être là un artefact, dû au fait que les spécialistes auraient<br />
mieux préparé cette deuxième enquête. Pour Abadie pourtant, les écoles<br />
70 MIP, 1909, p. XXV.<br />
'' Calculs d'après E. Chazal, pp. 44-45.
de filles se sont montrées trop timides et n'ont pas donné pas toutes leurs<br />
anormales : la moyenne A laquelle elles aboutissent doit être considérée<br />
« comme Iégérement inférieure B la normale 72 ». En 1927, on trouvera de<br />
nouveau plus d'écoliers (1,7Q %) que d'écolières (1,35 %) anormaux, les<br />
garçons étant cependant décrétés plus perfectibles que les filles 73.<br />
7. 2 955 enfants anomaux sont recensés dans les établissements<br />
hospitaliers, soit 'i 4,42 % des 26 561 enfants hospitalisés. Cette propor-<br />
tion peut sembler trés importante, compte tenu des proportions observées<br />
sur l'ensemble de la population. On peut seulement noter la prédominance<br />
parmi ces enfants des aveugles (484), des anormaux médicaux (578) et<br />
surtout des sourds (4 779), polar 409 arriérés et 205 instables. Les propor-<br />
tions sont ici très différentes de celles que l'on observe dans les écoles,<br />
ou les arriérés dominent largement. II faut en conclure que nombre d'en-<br />
fants dgficients sensoriels ou gravement handicapés mentaux non inter-<br />
nés sont placés dans les hôpitaux généraux. Mais on ne peut guère tirer<br />
d'autre enseignement de ce fait, sains savoir de quels hôpitaux ou services<br />
il s'agit, et sans connaître les raisons des hospitalisations.<br />
8. Parmi les enfants ne fréquentant aucune école, le tableau indique<br />
les mêmes nombres d'anormaux que le nombre recouvrant l'ensemble de<br />
cette population. II y a là une erreur manifeste : on ne peut imaginer que<br />
tous les enfants, notamment de moins de six ans, qui ne fréquentent au-<br />
cune école soient anormaux. La statistique officielle indique 581 aveugles,<br />
1 122 sourds-muets, 3 215 anormaux médicaux, 4 370 arriérés et 397<br />
instables ne fréquentant aucune école. LA aussi, on note l'inversion des<br />
proportions par rapport aux écoles. Nombre d'anormaux médicaux, mais<br />
aussi de sourds et d'aveugles, restent en dehors de toute prise en charge<br />
72 J. Abadie, 1908, p. 5.<br />
73 Bull. AsniBres, 1928, no 21, janvier, p. 4.
Institutionnelle et nombre d'enfants qui seraient considérés comme anor-<br />
maux mentaux dans des institutions ne sont peut-être pas recensés.
Contributions institutionnelles<br />
et pédagogiques<br />
Par<br />
Marie-Anne Hugon
Texte 8<br />
Anciennement present dans les Collections historiques de I'INRP (dossier EVll<br />
dtdiv), ce document manque dans le fonds d'archives conserve au Musée natio-<br />
nal de l'Éducation.<br />
Calligraphie, 2 pages. Ni en-thte, ni date, ni titre, ni signature. Document in-<br />
complet. Les deux pages ne se suivent pas. La deuxiéme se termine au milieu<br />
d'une phrase.<br />
Texte reproduit d'aprés une photocopie ancienne. Les mots rétablis à partir<br />
d'un texte plus ou moins efface sont placés entre crochets.<br />
Avant d'entrer dans le détail des faits, je crois opportun d'indiquer avec<br />
précision les questions principales que je me suis proposé d'élucider :<br />
Io En tout premier lieu, il est absolument nécessaire à notre Commission<br />
ministérielle de savoir quel est le pourcentage des enfants qui, après avoir<br />
reçu des soins et de l'instruction dans un sil le-École, sont rendus capables<br />
d'exercer une profession quand ils sortent de l'Asile, et peuvent se suffire à<br />
eux-mêmes, ne retombent pas à la charge de la Société. Il est bien évident<br />
que le chiffre exprime ce pourcentage aura toujours besoin d'être interprété<br />
par un long commentaire ; il n'en a pas moins par lui-même, une valeur<br />
considérable.<br />
2' En second lieu, nous avons besoin de savoir quel est le pourcentage<br />
des sujets qui, après avoir séjouené dans 1'~sile-École, en ont retiré un bénéfice<br />
quelconque et ont été améliorés. Il est possible, il est probable même,<br />
que beaucoup de malades sont trop débiles, trop instables pour devenir capables<br />
d'exercer une profession ; néanmoins le traitement médico-pédagogique<br />
a pu leur procurer une amélioration notable, soit au point de vue intellectuel,<br />
soit au point de vue moral. Cette amélioration notable a son prix pour<br />
les familles et aussi pour la société. L'inférieur de l'intelligence qu'on a réussi à<br />
améliorer a moins besoin de soins, de surveillance, il détruit moins ; d'où<br />
toute une série d'économies pécuniaires.
Seulement ce terme d'améboration est la chose du monde la plus vague, on<br />
peut l'employer, et on l'emploi le plus souvent, sans le justifier. Le médecin<br />
qui accorde un certificat de sortie à un malade est logiquement porté à le<br />
considérer comme amélioré. Cela ne tire pas à conséquence. Amélioré en<br />
quelle mesure ? On ne le dit pas.<br />
Nous serons donc obligés d'examiner avec le plus grand soin le sens qu'il<br />
faut attribuer à certaines améliorations et c'est là surtout que nous rencontrcrons<br />
bien des sujets de doute.<br />
Voilà donc les deux questions principales qui se posent à nous théoriquement<br />
et qu'il est nécessaire de résoudre pour connaître ce que nous avons<br />
appelé K le rendement économique )) d'un sil le-École ; il faut, je le répète,<br />
que nous recherchions quel est le pourcentage de malades qui ont été rendus<br />
capables d'exercer une profession et le pourcentage de malades qui ont été<br />
grandement améliorés.<br />
Mais ce n'est pas tout ; et pour nous faire une idée juste de l'utilité d'un<br />
sil le-École, il ne suffit pas de savoir quels services il rend, il faut aussi<br />
connaître les conditions auxquelles il rend les dits services ; par conséquent<br />
deux nouvelles questions se posent :<br />
1' Quelles sont les catégories de malades qui sont soignés et instruits dans<br />
les dites Écoles ?<br />
2' Quelles sont les dépenses qui sont nécessitées pour leur instruction,<br />
éducation et traitement ?<br />
Évidemment, il importe de savoir quelles sont les catégories de sujets qui<br />
sont reçus par 1'~sile-École dont on cherche à apprécier le rendement.<br />
D'abord, il ne serait pas possible de rendre justice à œuvre d'une école si on<br />
ne savait pas quels sont les élèves qu'elle reçoit. Je suppose que par mesure<br />
administrative on envoie à un sil le-École exclusivement des épileptiques en<br />
voie de déchéance. Le fait s'est présenté, et j'en donnerai plus loin un<br />
exemple. On ne peut pas accuser s si le-École de manquer à son devoir<br />
... .......................................................................... P.1<br />
di1 sort des enfants rendus à leur famille et puissent connaître le nombre<br />
de ceux qui sont utilisés.<br />
En un mot, je demande que la Direction des si les-Écoles à fonder se<br />
préoccupe de se bien rendre compte de toutes choses, introduire partout
l'ordre, la lumière, la précision, une comptabilité non seulement matérielle,<br />
mais morale.<br />
Voilà, je crois, un certain nombre de vœux pour lesquels il ne s'élèvera<br />
aucune contestation. Mais il faut aller plus loin et se demander si, en ce qui<br />
concerne l'opportunité de la création dl~siles-Écoles, nous pouvons tirer de<br />
la présente étude une conclusion précise.<br />
Plusieurs personnes auxquelles j'ai fait part de mes observations ont ex-<br />
primé très franchement le sentiment de ces observations, sont découra-<br />
geantes ; avouent franchement qu'elles le sont un peu. [2]<br />
S'il est vrai, a-t-on dit, qu'un sil le-École ne réussit à rendre utilisables que<br />
12 % d'élèves, et si d'autre paet il est prouvé que ces élèves rendus utilisables,<br />
c'est-à-dire exerçant une profession, sont des débiles, voyez ce qui va se pro-<br />
duire.<br />
état va prochainement, selon toute vraisemblance, créer des Écoles de<br />
perfectionnement ressortissant du Ministère de l'Instruction publique et des-<br />
tinés à recueillir les enfants débiles et instables qui se trouvent actuellement<br />
pour < la plupart > dans les écoles primaires publiques.<br />
Sur < l'intérêt > et la nécessité de ces Écoles, tout le monde est d'accord ;<br />
et < teès probablement > notre Commission ministérielle aura organisé tout<br />
ce qui les concerne. Ces Écoles vont recueillir la fine fleur des anormaux ;<br />
elles vont ouvrir toutes grandes leurs portes aux enfants débiles. C'est en<br />
tenant compte de cette situation nouvelle qu'il faut envisager le fonctionne-<br />
ment des si les-Écoles. Quels sont les sujets qui, après ce prélèvement des<br />
Écoles de perfectionnement, vont rester pour les si les-Écoles ? Des idiots<br />
et des imbéciles, c'est-à-dire des êtres qui ne peuvent être que petitement<br />
améliorés, et qui ne seront jamais rendus à la vie libre, ne pourront jamais se<br />
suffire.<br />
Alors, on a demandé s'il est bien utile de créer exprès et exclusivement<br />
pour eux des sil les-Écoles.<br />
Examinons la question sans parti-pris d'aucune sorte.<br />
On parle de faire < admettre > dans les si les-Écoles les catégories sui-<br />
vantes d'enfant.<br />
1' les idiots et les imbéciles ;<br />
2' les épileptiques ;
3O les malades vicieux ;<br />
4O enfin, ceux qui sont l'objet d'un placement d'office par application<br />
de la loi de 1838.<br />
En ce qui concerne les idiots et les imbéciles, l'utilité d'un enseipement<br />
scolaire nous paraît très contestable. Il semble que les leçons des infirmiers et<br />
des infinnières suffiraient aux idiots, qu'on doit surtout dresser à manger<br />
proprement, à marcher, à ne pas gâter, etc ... Pour les imbéciles, nous ne<br />
voyons pas non plus une grande nécessité de leur inculquer des notions sco-<br />
laires. À quoi bon apprendre à syllaber à des enfants qui ne comprendront<br />
jamais ce qu'ils liront. La question ne peut guère être douteux que poux les<br />
imbéciles supérieurs, voisins des débiles. Aux autres suffirait une éducation<br />
matérielle, comprenant le balayage, le [3]<br />
jl] Ici, manquent une ou plusieurs pages.<br />
f2] le sentiment de ces obsenrations, sont décourageantes [sicl,<br />
[3] Le texte s'interrompt ici.<br />
Commentaire<br />
Dans ce fragment de texte, peut-&tre postérieur à 1905, l'auteur ano-<br />
nyme invite les membres de la commission à s'interroger sur l'avenir des<br />
classes d'asile, dés lors que seront créées des écoles de perfectionne-<br />
ment. L'organisation à venir d'un enseignement pour « la fine fleur des<br />
anomaux » par le ministère de t'Instruction publique doit-elle avoir pour<br />
conséquence la suppression d'un enseignement scalaire pour les enfants<br />
hospitalisés dans les asiles ? Telle est la question à laquelle répond posi-<br />
tivement I'auteur, au terne d'une d&monstration dont malheureusement<br />
-
plusieurs éléments ont disparu. On a là une prise de position nette dans le<br />
débat qui se développe dans les années 1905-191 0 entre partisans et<br />
adversaires des asiles-écoles, notamment entre Binet et Simon et une<br />
partie du corps médical, au premier chef Bourneville l.<br />
Y a-t-il eu parmi les experts de la commission des discussions sur<br />
l'avenir des asiles$coles ? La prQsence de cet écrit dans le dossier le<br />
sugghre. Ce ne serait d'ailleurs gubre atonnant compte tenu de la compo-<br />
sition de la « Sous-Commission chargée des solutions zl proposer en fa-<br />
veur des arriérks et des instables )) (sous-commission pédagogique) et<br />
des enquêtes conduites par plusieurs membres de celle-ci. Dans son rap<br />
port, Binet indique que la sous-commission a visité l'école d'arriérées de la<br />
Salpêtsi&re, !e service de Bicêtre et l'établissement d'Eaubonne. Cepen-<br />
dant, nous ne disposons pas de document permettant de soutenir que des<br />
Qchanges A propos de ces visites aient effectivement eu lieu.<br />
8'6tat du texte (absence de datation, absence de pagination et cou-<br />
pures) ainsi que les lacunes de I'infomation sur ses conditions de produc-<br />
tion et de r6ception et sur ses rQpercussions interdisent qu'on puisse,<br />
dans ce commentaire, aller eu-del& des conjectures. On peut toutefois,<br />
sans grand risque d'erreur, attribuer la paternité de cet écrit à Binet. C'est<br />
pourquoi il a semble justifié pour combler les silences du texte, de prendre<br />
le parti d'une confrontation avec les écrits de Binet et ceux de Binet et de<br />
Simon portant sur les asiles-Qcoles.<br />
l Pour une étude approfondie de cette opposition entre Bourneville et Binet et Simon, on<br />
renverra aux travaux de M. Vial; (4982, pp. 108-109 ; 1990 b, p. 93 sq) et de J. Gateaux-<br />
Mennecier (1 989, p. 235 sq) qui ont en particulier analysé les polémiques suscitées par la<br />
publication clu Guida. Voir cigalement : M. Zafiropoulos,l981, pp. 34-35.<br />
MM. Baguer, Bédorea, Binet, Bourneville, Charlot, Jost, Lacabe, Malaperi et Mlle Stupuy<br />
(tede 9 4).
S'agissant d'un travail de copiste, le document n'apporte aucun élé-<br />
ment matériel permettant une identification de son auteur. Cependant,<br />
dans le contenu du texte, plusieurs indices plaident en faveur d'une attri-<br />
bution à Binet.<br />
L'auteur appartient à la commission et l'indique à plusieurs reprises<br />
(cc Notre Commission » écrit-il). Le texte est rédigé à la première per-<br />
sonne, signe de l'implication forte de l'auteur dans la thèse qu'il soutient :<br />
(( Je crois opportun d'indiquer », (( Les questions que je me suis proposé<br />
d'élucider », cc II faut, je le répéte que nous recherchions », c En un mot, je<br />
demande que », (( J'ai fait part de mes observations ». Ces injonctions et<br />
ces prescriptions sont des indices de la passion mais aussi de l'autorité<br />
intellectuelle de l'auteur. Celui-ci doit se savoir suffisamment écouté pour<br />
indiquer de façon pressante ses préoccupations, proposer des directions<br />
de travail et ne pas craindre de susciter une controverse avec d'autres<br />
membres de la commission. C'est le cas de Binet dont on connaît l'activité<br />
et qui affirme dans ses écrits, sans aucune précaution oratoire, ses oppo-<br />
sitions à ses contradicteurs. Surtout, on trouve dans ce document une<br />
analyse du rendement des asilesécoles et une charge contre Bourneville<br />
très semblables à la critique des asiles-écoles de Bicêtre et de la Salpê-<br />
triére formulée par Binet et Simon dans les articles de 1905 de I'Ann6e<br />
psychologique et dans le chapitre V du Guide 3.<br />
On peut faire l'hypothèse qu'il s'agit d'une version provisoire et tron-<br />
quée d'une communication de Binet A la sous-commission ou à la<br />
commission. L'absence de certains mots dans le texte (cf. en particulier, la<br />
note 2), les rapidités et les implicites dans les formulations, le manque de<br />
référence précise et de justification donnent à penser que ce document,<br />
même ronéotypé, était destiné à une communication orale ou à une diffu-<br />
sion restreinte.<br />
A. Binet, Th. Sirnon,l905 a, pp. 162-190; 1905 e, pp. 137-145 ; 1907, chapitre V: u Le<br />
rendement scolaire et social des écoles et classes d'anormaux. B
LES BMPLlClTES BU. TEXf E<br />
Le texte est rédigé selon De procédé rhétorique bien connu qui consiste<br />
B viser sans nommer. L'auteur met en scène etlou en cause des individus<br />
et des institutions sans jamais les nommer explicitement mais en recou-<br />
rant B des fownulations vagues telles que « plusieurs personnes », « tout<br />
Be monde » et a des ind6temin6s (par exemple « on », employé à plu-<br />
sieurs reprises pour désigner des personnes différentes). C'est ainsi que<br />
dans son plaidoyer pour une approche comptable du rendement des<br />
asiles-écoles, l'auteur en vient critiquer l'imprécision du diagnostic médi-<br />
cal sans indiquer qui est désigné par ce « on » auquel il fait allusion. « Le<br />
m6decin qui o7ccorde un ceflifical de sortie à un malade est logiquement<br />
porté ai le considérer comme amélioré. Amélioré dans quelle mesure ? On<br />
ne le dit pas. )) Plus loin, il illustre la démarche qu'il préconise par<br />
i'exemple d'un asile-6cole qu'il ne désigne pas explicitement. La faible<br />
rentabilité de cette institution est affirmée mais sans aucune précision sur<br />
Be mode de calcul du pourcentage cité (« s'il est vrai qu'un asile-école ne<br />
réussit ài rendre utilisables que 12 % des élèves »). Ce résultat s'explique-<br />
mit par les modes de recrutement de cet asile. II recevrait des « épilep<br />
tiques era voie de déch6ance [...] le fait s'est présenté et j'en donnerai plus<br />
loin un exemple ». L'exemple annoncé ne sera pas développ6, peut être<br />
en raison de l'interruption du texte. De façon tout aussi allusive, l'auteur<br />
6voque le commentaire d'interiocuteurs qu'il ne nomme pas non plus<br />
(« PIasieun personnes auxquelles j'ai fait part de mes observations ont<br />
exprimé très Branchement »).<br />
Dans la dernier@ partie du texle ou du moins dans ce qui en reste,<br />
!'auteur s'engage dans un discours prospectif tout aussi imprécis et met en<br />
question le SOI? des classes d'asiles une fois que seront ouvertes les<br />
écoles de perfectionnement. Les débats contradictoires et les réserves<br />
quant B ces écoles sont ni& : « Sur l'intérêt et la nécessité de ces Écoles-<br />
IB, tout le monde est d'accord. » De quel accord s'agit-il ? Qui sont les<br />
intedocuteurs inclus dans l'expression « tout le monde » ? L'auteur ne le<br />
précise pas, comme si le consensus allait de soi. En revanche, la néces-
sité de maintenir les classes d'asile serait discutée, sans qu'on sache par<br />
qui : Alors on a demandé s'il est bien utile de créer exprés et exclusive-<br />
ment pour eux des asiles-écoles. )) Qui sont les détracteurs des asiles-<br />
écoles désignés par ce (( on )) ? S'agit-il de I'auteur lui-même ? II se garde<br />
bien de le préciser, de même qu'il fait silence sur ceux qui souhaitent faire<br />
admettre dans les asiles-écoles des enfants relevant des catégories<br />
énoncées à la fin du texte (a On parie de faire admettre »).<br />
Un tel texte semble inintelligible pour toute personne non avertie des<br />
enquêtes menées par la sous-commission pédagogique. L'auteur semble<br />
écrire pour un cercle limité d'experts (les autres membres de la commis-<br />
sion ?) capables de mettre des noms sur ces pronoms et d'identifier les<br />
protagonistes du débat, surtout si les personnes mises en cause dans le<br />
texte sont elles-mêmes membres de la commission.<br />
Devant ces silences, reste au lecteur d'aujourd'hui à tenter de lever ces<br />
incertitudes à la lumière des écrits de Binet et de Simon.<br />
Dans un premier temps, I'auteur invite la commission à s'intéresser au<br />
rendement économique des asiles-écoles. II propose une méthode qui<br />
viserait à introduire partout « l'ordre, la lumiére, la précision, une compta-<br />
bilité non seulement matérielle mais morale ». II faut, dit-il, identifier « les<br />
catégories de malades qui sont soignés et instruits dans les dites<br />
écoles », comptabiliser (( les dépenses qui sont nécessitées pour leur ins-<br />
truction, éducation et traitement », recenser le pourcentage de sujets par<br />
ces soins, rendus capables d'exercer une profession )) et le pourcentage<br />
de ceux qui, aprés avoir reçu des soins et de l'instruction dans un asile-<br />
école en ont tiré un bénéfice quelconque et ont été améliorés ». Cela,<br />
après avoir défini (( le sens qu'il faut attribuer à certaines améliorations ».<br />
C'est donc de la mise en relation entre l'état initial des (( sujets )) (le mot
est employé à plusieurs reprises pour désigner les enfants hospitalisés),<br />
les dépenses réalisées et les résultats obtenus qu'on pourra inférer quels<br />
semices les asiles-écoles rendent B la collectivité. Les dépenses éduca-<br />
Cives n'auraient ainsi de sens que si elles sont remboursées ultérieure-<br />
ment par une diminution de la charge que représente le sujet pour la<br />
société.<br />
Celte approche Qconomiste D se manifeste autant par le recours<br />
systématique ài la langue de l'économie et du commerce (I'auteur parie<br />
avec insistance de (( bénéfice », de rendement », de (( pourcentage »,<br />
d' c( Qconornie », de cc comptabiIit$ matérielle et morale ») que par I'ab-<br />
sewcs de toute u6f6rence gui emprunterait au fonds des discours de la<br />
philanthropie et de la présewation sociale En cela, l'auteur s'inscrit dans<br />
une perspective prbsenfle chez d'autres promoteurs de I'éducation des<br />
enfants anomaux. C'est ainsi qu'en 1903, le Dr. Coujon et Louis<br />
Grandvilliers, directeurs de I'btablissement médical de Meyzieux pour<br />
enfants anomaux, plaidant polar le développement de l'éducation de ces<br />
enfaiits, y voient un moyen d'augmenter le capital de la société : II existe<br />
un grand nombre de non-valelacs sociales, d'intelligence en friche pour<br />
lesquelles nous demandons les moyens de se développer et de devenir<br />
des valeurs, des dsaQelligences cultivées, venant augmenter le capital<br />
social 4. »<br />
Dans le Guide, Binet et Simon préconiseront également une approche<br />
$conomiste de l'éducation des enfants arriérés : ils brocardent (( la gén6-<br />
üeuse philanthropie des siécles précédents quelque peu démodée [...]<br />
veriu de luxe » et justifient leur perspective au nom d'une préoccupation<br />
de bonne gestion. cc GrAce A cette organisation de renseignements, on<br />
saurai enfin d'une façon exacte ou même approximative quels sont les<br />
serwices que rend tel asile-école ; on mettra ces se~ices en regard de ce<br />
qu'ils coûtent et on verra si les recettes sont suffisantes pour justifier les<br />
Br Courjon. b. Grandvilliers,i903, p. 4 240.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, page 4.
dépenses, ou si, au contraire, l'argent n'a pas été follement gaspillé,<br />
comme nous avons des raisons de le craindre 6. »<br />
Dans le frqgment de texte étudié ici, I'auteur parle du (( rendement<br />
économique D de l'asile-école ; l'expression est entre guillemets, comme<br />
s'il était conscient de son incongruité dans le domaine de l'éducation des<br />
anormaux, ou plutôt de la rupture intellectuelle qu'elle suppose avec la<br />
tradition philanthropique. La définition de ce qu'il entend par (( rendement<br />
économique D n'est cependant pas formulée expressément. II faut donc à<br />
nouveau se reporter au Guide, dans lequel Binet et Simon opèrent une<br />
distinction entre rendement social » et (( rendement scolaire ». L'analyse<br />
du (( rendement économique n d'un asile-école doit être conduite à deux<br />
niveaux :<br />
1. Le rendement social d'un établissement résulte (( du classement<br />
dans la société )) de ses anciens élèves. Pour Binet et Simon, « toute<br />
classe, toute école d'anormaux doit être orientée vers l'utilisation sociale<br />
de ces enfants. II ne s'agit pas de leur orner l'esprit mais de leur donner<br />
les moyens de gagner leur pain par le travail ».<br />
2. Dans le fragment de texte, I'auteur inclut déjà, dans son andlyse du<br />
rendement économique )) de l'asile-école, une analyse de son rende-<br />
ment social. Les enfants ayant appris un métier peuvent (( se suffire à eux-<br />
mêmes et ne retombent pas à la charge de la société ». Mais dans le<br />
Guide, Binet et Simon ajoutent qu'il ne serait pas équitable de mesurer le<br />
rendement d'un asile-école uniquement il l'aune de son rendement social.<br />
II faut prendre également en considération son a rendement scolaire ou<br />
pédagogique )), c'est-à-dire (( le degré d'instruction que l'établissement<br />
réussit à donner à ses élèves et l'amélioration de l'état de santé. Suppo-<br />
sons un établissement recevant uniquement des idiots. Jugera-t-on de cet<br />
établissement en lui demandant combien de ses malades, il a rendu ca-<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 189-190.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 171.
pables de gagner leur vie ? cvidemment non. On peut rendre des services<br />
rhels eux malades sans les élever & ce niveau B.<br />
Reconnaissant apparemment rutilité d'une action pedagogique auprès<br />
d'enfants qui ne seraient pas rendus utf'jsables socialement, Binet et<br />
Simon semblent donc prendre acte de l'intérêt du traitement médico-<br />
pédagogique.<br />
Dans le fragment de texte, le notion de rendement scolaire 9 n'est<br />
pas fomul&e. Cependant l'auteur reconnaif aussi l'intérêt du traitement<br />
m6dico-pédagogique. i( fi est possible, il est probable même que beaucoup<br />
de malades sont trop dbbiles, trop instables pour devenir capables<br />
d'exercer une profesion ; neanmoins le traitement médico-pedagogique a<br />
pu leur procurer uns amélioration notable, soit au point de vue intellectuel<br />
soit au point de vue moral. r> Les sméliorations qui résulteraient du traitement<br />
m"j7éico-pédagogique ne doivent cependant pas échapper, elles non<br />
plilas, B une approche compfable. a Cette amélioration notable de ces enfa~ts<br />
a son prix pour les familles et aussi pour la société [...] L'inf4rieur de<br />
1'Èotslligence qu'on a r6ussi B améliorer a moins besoin de soins, de surveillance,<br />
il cl4trui9 moins, d'oc toute une série d'économies pécuniaires. »<br />
C'est cette approche comptaette qui, selon Binet manque aux medecins<br />
et particulièrement cl Bourneville, mcSme s'il n'est pas nommé dans le texte.<br />
Dans le Gui*, Binet et Simon associent la défense de cette approche<br />
il une criiique des méthodes de Bourneville : a Cette sorte de comptabilitl!<br />
norn seulement financiére mais médicale ne se trouve nulle part dans les<br />
publications de Bicêtre et ne saurait être remplacée par des observations<br />
isolées de traitement et d'am6lioralion d'enfants idiots g. B II paraît donc<br />
justifie de lire ce document comme une charge B peine voilée contre<br />
l'aliéniste.<br />
A. Binet, Th. Simon, $907, p. 'lm.<br />
A. Binet, Th. Simon, 4 907, p. 1 81.
Pourtant, dans la suite du texte destiné à la commission, la critique de<br />
i'asile-école est étayée par des exemples empruntés non pas à Kremlin-<br />
Bicêtre mais probablement à l'école des petites arriérées de la Salpêtrière.<br />
On sait les liens privilégiés de Binet et Simon avec la Salpêtrière.<br />
Simon y a exercé sous la direction de Voisin. Binet et Simon ont travaillé<br />
sur les dossiers d'élèves scolarisés entre 1900 et 1905. 11s ont pu exami-<br />
ner des élèves entre février et mars 1905 et ont obtenu la collaboration de<br />
la directrice de l'école. Est ce en raison de ces liens ou par crainte d'af-<br />
fronter Bourneville directement que I'auteur opére un tel détour ? On peut<br />
faire I'hypothése que les statistiques annoncées dans ce document<br />
risquent moins d'être démenties s'il s'agit bien de la Salpêtrière, alors que<br />
des chiffres concernant Bicêtre pourraient susciter des discussions au<br />
sein de la commission.<br />
UN EXEMPLE D'ASILE-ÉCOLE : LA SALPÊTRIÈRE<br />
Dans le fragment de texte, I'auteur parle d'un taux de réussite de 12 %<br />
chez les élèves d'un asile-école qui n'est pas nommé. Ce résultat est jugé<br />
insuffisant comme le montre la formulation restrictive (« S'il est vrai [...]<br />
qu'un sil le-École ne réussit à rendre utilisables que 12 % d'élèves ») et<br />
ne concernerait que des enfants débiles. L'auteur évoque par ailleurs la<br />
présence d'enfants épileptiques dans les asiles-écoles. Des échecs au-<br />
près de tels élèves ne mettraient pas en cause le sérieux de l'effort péda-<br />
gogique. « Le fait s'est présenté [...] On ne peut accuser sile- le-École de<br />
manquer à son devoir [...] II ne serait pas possible de rendre justice à<br />
l'œuvre d'une école si on ne savait quels sont les élèves qu'elle reçoit. ))<br />
Plus loin, l'auteur évoque les réactions de personnes, non nommées, avec<br />
qui il se serait entretenu de ces questions. Plusieurs personnes aux-<br />
quelles j'ai fait part de mes observations ont exprimé très franchement le<br />
sentiment de [sic] ces observations sont décourageantes ; avouent fran-<br />
chement qu'elles le sont un peu. 1)
Ces éléments sont à mettre en relation avec les écrits de Binet et<br />
Simon sur la Salpêtrière. On y trouve en effet les mêmes taux de réussite,<br />
des remarques semblables il propos des épileptiques et aussi le même<br />
refus d'imputer au personnel la responsabilité d'un échec pédagogique<br />
aupr&s d'enfants épileptiques ainsi que l'écho de conversations avec la<br />
directrice de I'école des filles de Ba Salpêtrière.<br />
Bans une (( enquête sui Be mode d'existence des sujets sortis d'une<br />
école d'arriérées », publiée en 1905, sur le devenir des anciennes 6léves<br />
de Bai Salpêtrière sorties entre 1900 et 1905, Binet et Simon avancent des<br />
pourcentages, calculés d'après les dossiers fournis par la directrice de<br />
B'6cole, et font des constats analogues à ceux du fragment de texte. « Sur<br />
400 enfants sorties de I'école d'arriérées de la Salpêtrière, 12 exercent<br />
une profession. En d'autres ternes, il n'y a eu de bénéfice certain et tan-<br />
gible que pour 12 sur 108 oui 7/40". Ces élèves d'élite étaient atteintes<br />
seulement de débilité mentale ou d'arriération intellectuelle ou d'épilepsie<br />
simple 1°. » Dans cette étude, Binet et Simon rapportent que, selon la<br />
directrice de l'école, B laquelle ils rendent hommage, l'école recevrait des<br />
enfants épileptiques sur lesquelles « l'influence éducatrice s'exerce moins<br />
bien que sur les autres catégories des malades ». Mais ils disculpent aus-<br />
sitôt Ees pédagogues responsables de ces enfants : « L'échec de I'ensei-<br />
gnement qu'on obsewe dans ceriztins cas ne met nullement en cause<br />
l'habileté des éducatrices mais doit Atre attribuée à l'évolution de la mala-<br />
die dont les enfants sont atteintes ll. ))<br />
Dans le Guide, sont reproduits les mêmes chiffres et les mêmes argu-<br />
ments. 12 % des filles de la âalpêtriére seraient rendues à la vie active.<br />
Selon Binet et Simon, les résultats de Bicêtre seraient encore plus faibles :<br />
3 A 4 % de garçons amélior6s et 2 % de garçons munis d'une profession,<br />
mais on sait la bataille de chiffres que suscitent ces pourcentages. Ainsi,<br />
les chiffres avancks par Binet et par Simon sont contestés par Marcel<br />
Bourneville. a Ce que deviennent les malades de Bicêtre ? II y aurait peut-<br />
l0 A. Binet, Th. Simon,î 905 e, p. 145.<br />
l1<br />
A. Binet, Th. Simon,3905 e, pp. f39-440. (3903, p. 171).
être long à dire à ce sujet. Et plus d'une observation serait un roman.<br />
Disons cependant que 10 à 12 pour cent des enfants sortis de i'asile-école<br />
parviennent à gagner leur vie 12. » En revanche, Roubinovitch juge ainsi<br />
les résultats de Bicêtre : « Quant on réfléchit au nombre total d'enfants<br />
passés à l'asile pendant ce laps de temps et aux sommes considérables<br />
qui ont été dépensées pour cette Acole en vingt-quatre ans, le résultat<br />
apparaît plutôt maigre. II le serait certainement encore davantage si on<br />
voulait se donner la peine de rechercher de très près et sérieusement ce<br />
que sont devenus ces 42 "rescapés" de Bicêtre 13. » Dans le Guide, Binet<br />
et Simon rapportent également « le sentiment pénible l4 » de Mme Meusy<br />
devant les résultats de l'investigation. Les enquêteurs ajoutent : « Et ce-<br />
pendant, ni elle ni son personnel si dévoué de professeurs n'en étaient<br />
responsables 15. » Là encore, on a le sentiment à lire ces lignes que Binet<br />
et Simon réitèrent les remarques de l'auteur du document concernant le<br />
découragement de ses interlocuteurs.<br />
À partir de ces constats, dans les écrits de 1905 et de 1907, Binet et<br />
Simon en viennent à s'interroger sur I'éducabilité des éléves de la Salpê-<br />
trière. L'enquête de 1905 sur leur devenir est conclue par le vœu suivant :<br />
« que les médecins et les pédagogues veuillent bien rechercher si, pour<br />
certaines catégories de malades [...] il ne serait pas utile de substituer à<br />
un enseignement intellectuel proprement dit des travaux manuels de la<br />
nature la plus élémentaire et même dans les cas les plus graves une<br />
simple garderie 16. » Dans le Guide, les auteurs considérent que, pour<br />
toutes les élèves de la Salpêtrière non rendues utilisables, « l'éducation<br />
[serait] une perte inutile d'effort l7 ». Cette position est également défen-<br />
due par Roubinovitch : « À la Salpêtrière, les succès obtenus à l'école<br />
d'épileptiques et d'idiotes sont peu brillants toujours pour la même raison ;<br />
les efforts médico-pédagogiques se concentrent sur une population d'en-<br />
l2 M. Bourneville, 1908, p. 17.<br />
l3 J. Roubinovitch, 191 0, p. 156.<br />
14A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 174.<br />
l5 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 175.<br />
A. Binet, Th. Simon,1905 e, p. 145.<br />
l7 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 176.
fan& dont les trois-quarts sont, de l'avis de tous, irrémédiablement in-<br />
curables 18. ))<br />
Bans le Fragment de texte ici btudié, la question de I'éducabilité des<br />
anormaux est déjA présente mais posée en termes plus généraux et plus<br />
imprécis.<br />
B'EDUCABILI-BE DES ANORMAUX :<br />
QUELS PUBLICS POUR QUELLES lNSTlTUTlONS 'B<br />
Bans un premier temps, l'auteur semble admettre I'éducabilité d'en-<br />
fants trop gravement atteints pour apprendre un métier. « Beaucoup de<br />
malades sont trop débiles, trop instables pour devenir capables d'exercer<br />
une profession. » Mais cette concession est accompagnée de réseives et<br />
de supputations qui en minorent le portée (« II est possible », « il est pro-<br />
bable », « be traitement médico-pédagogique a pu »). Dans un deuxième<br />
temps, ne sont déclarés éducables que les enfants « débiles [...] fine fleur<br />
des anormaux B et peut-être les imbéciles supérieurs, voisins des dé-<br />
biles ». Ni les idiots, ni les imbéciles ni les épileptiques « en voie de dé-<br />
cbaeance » ne sont jugés perfectibles ou ils le sont trop peu. On remar-<br />
quera ici une fluctuation dans le vocabulaire de I'auteur : la notion de débi-<br />
lité est employée de façon extensive au début du document et réservée<br />
ensuite aux seuls arriérés légers. L'emploi de ces sens non concordants<br />
peut être considéré comme un indics supplémentaire du caractère hâtif et<br />
peu travaillé de la rédaction.<br />
Malgré ces imprecisions, les distinctions opérées successivement<br />
aboutissent B déclarer inutile tout effort éducatif auprès des idiots et des<br />
imbéciles et donc A prôner l'abstention pédagogique. C'est là que I'auteur<br />
du texte met le plus fortement en cause Bourneville pour lequel les seuils
d'éducabilité sont plus faibles. On sait que l'aliéniste faisait descendre très<br />
bas le niveau de déficience des enfants susceptibles de bénéficier des<br />
classes spéciales lg.<br />
S'agissant des épileptiques, la question de leur éducabilité est alors<br />
objet de débats importants. Binet, on l'a vu, distingue entre épileptiques<br />
« en voie de déchéance » et épilepsie « simple 1). Dans le Guide, I'admis-<br />
sion en classe d'anormaux est envisagée : « Les épileptiques seront-ils<br />
admis dans les classes spéciales ? Ils sont en principe refusés à l'école<br />
ordinaire. On en trouve cependant, en fait. Ce sont ceux dont les attaques<br />
sont assez rares ou assez pauvres en manifestations pour ne pas faire<br />
scandale [...] II est probable que la même situation se reproduira dans les<br />
classes d'anormaux m. » De façon comparable, Bourneville admet que les<br />
enfants épileptiques peuvent « dans un certain nombre de cas, trouver<br />
place dans les classes spéciales 21 ». En revanche, selon le très radical<br />
J. Demoor, l'épileptique « doit être banni » des « écoles pour anormaux »,<br />
à la fois parce que la vue d'un accès épileptique est préjudiciable à I'en-<br />
fant normal (risque de contagion de la crise épileptique) et parce que ;<br />
« l'épileptique vrai est d'ailleurs un être chez lequel la situation intellec-<br />
tuelle, loin de s'améliorer, subira presque toujours une régression [...] II y a<br />
presque unanimité, parmi les psychiatres, pour exiger la séparation abso-<br />
lue des épileptiques des autres enfants ». Quant à P. Strauss, il se refuse<br />
à « entrer dans un débat technique [...] sur les différents modes de traite-<br />
ment et d'assistance des épileptiques, classes spéciales, consultations<br />
externes, placement familial direct ou indirect, hôpital, hospice, colonies<br />
autonomes, quartiers annexes 22 ».<br />
À partir de ses affirmations, l'auteur du fragment de texte étudié ici in-<br />
vite la commission à tirer les consequences qui s'imposent pour l'avenir<br />
des sil les-Écoles. Les futures écoles de perfectionnement « sont desti-<br />
lg<br />
Cf. plus haut, M.Vial, p. 80.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, pp. 158-1 59<br />
21 in P. Strauss, 1903, pp. 13-14.<br />
P. Strauss, 1903, pp. 16-1 7.
nées A recueillir les enfants débiles et instables » : elles vont vider les<br />
classes d'asiles-écoles des seuls enfants auprés desquels des résultats<br />
auraient ét6 obtenus. Pour tous les autres enfants qui resteront hospitali-<br />
s6s en asiles, le maintien de foui efforI pédagogique serait inutile. II s'agit<br />
d'après I'auteur, d'enfants (( idiots et imbéciles » pour lesquels il émet des<br />
pronostics négatifs B padir des criteres de rendement énoncés au début<br />
du texte : édlucabilit6 et uPiIif6. a Des êtres qui ne peuvent être que petite-<br />
ment améliorés et qui ne seront jamais rendus à la vie libre, ne pourront<br />
jamais se suffire. » II faut donc s'interroger SUT l'opportunité de maintenir<br />
un enseignement scolaire dans ces institutions. Le texte se poursuit par<br />
un@ Eiste des cst&gories d'enfants susceptibles d'être hospitalisés en<br />
asilesécoles : « On parle de faire admettre dans les asiles-écoles les<br />
cat6gjories suivantes d'enfant : 7 " Les idiots et les imbéciles, 2" les épilep-<br />
tiques, 3" les malades vicieux, 4" enfin ceux qui sont l'objet d'un place-<br />
men8 d'o%ce par application de la loi de 1838. ))<br />
Pour les enfants de la premi$re catégorie (imbéciles et idiots), l'auteur<br />
conseille de supprimer tout essai d'enseignement et de réduire les ambi-<br />
tions 6ciucalives : « En ce qui concerne les idiots et les imbéciles, l'utilité<br />
d'ban enseignernent scolaire nous parait très contestable [...] Les leçons<br />
des infimien [...$ suffiraient eux idiots qu'on doit surtout dresser à manger<br />
proprement, A marcher, h ne pas gâiler. Pour les imbéciles [...] à quoi bon<br />
apprendre A syllaber ài des enfants qui ne comprendront jamais ce qu'ils<br />
Diront [...] Suffirait une éducation matérielle comprenant le balayage, le n...<br />
Le texte s'interrompt ici de sorie que nous ne savons pas ce qui est envi-<br />
sag6 pour les autres catégories d'enfants.<br />
En tout cas, il apparaît clairement que I'auteur demande à la commis-<br />
sion qui doit organiser les $coles de perfectionnement de prononcer un<br />
désaveu de l'oeuvre accomplie par Bourneville et d'envisager la suppres-<br />
sion des asiles-$coles.
Le document a-t-il effectivement été présenté aux membres de la<br />
commission ? A-t-il suscité un debat ? A-t-il eu des retombées ?<br />
Compte tenu du propos de l'auteur, on s'attendrait à ce que les docu-<br />
ments de la commission contiennent une réponse signée par Bourneville<br />
ou par d'autres partisans des asiles-écoles qui y siégeaient. On ne connaît<br />
pas le travail de la sous-commission pédagogique. Les documents retrou-<br />
vés ne montrent pas que ce texte ait eu un effet quelconque. Bourneville<br />
a-t-il jugé inutile de répondre à un texte qui concerne autant la Salpêtrière<br />
que Bicêtre ? En a-t-il seulement eu connaissance ? L'absence de ré-<br />
ponse à ces questions rend très aléatoire toute évaluation de la portée<br />
réelle du document, très intéressant néanmoins par ce qu'il révèle de<br />
l'ampleur des divergences au sein de la commission et par ce qu'il préfi-<br />
gure clairement et succinctement de la logique à l'œuvre dans le Guide.<br />
Soulignons que dès 1905, Bourneville et ses alliés publient des réponses<br />
à la thèse utilitariste défendue dans ce document comme dans les écrits<br />
signés par Binet et Simon 24.<br />
Quant à la fermeture des asiles-écoles appelée de ses vœux par I'au-<br />
teur, selon E. Baumfelder, elle sera réalisée progressivement au lende-<br />
main de la première guerre mondiale. D'après les travaux de cet auteur2=,<br />
la suppression des sections d'enfants s'iriscrit dans les réorientations de la<br />
politique des aliénés dans le département de la Seine, à partir de 1918.<br />
Pour des raisons budgétaires et parce qu'à la suite de la guerre, les soins<br />
aux tuberculeux étaient prioritaires. Malgré les protestations de médecins-<br />
aliénistes et en particulier celle de Chaslin, l'Assistance publique prend la<br />
décision d'évacuer l'ensemble des quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière<br />
et d'envoyer les aliénés chroniques dans les hôpitaux de province (pen-<br />
Cf. plus haut, M. Vial, p. 17.<br />
24 On se reportera en particulier aux auteurs suivants :<br />
M. Bourneville, 1908, pp. 1-22 ; G. Mesureur, 1908, pp. 232-240 ; M. Royer, 1907 a, pp. 1-19<br />
25 E. Baumfelder, 1983, p. 360 sq.
dant le conflit, bon nombre d'entre eux avaient déjà été déplacés en pro-<br />
vince, pour laisser la place eux blesst5s et aliénés de guerre). Face à cette<br />
nouvelle politique, quel sort rQsewer aux sections d'enfants arriérés ?<br />
E. Baumfelder note que, pa6allAlernent à l'évacuation du setvice des en-<br />
fants arriérés et idiots, les effectifs de la Fondation Vallée sont multipliés<br />
par quatre. Pr$vue initialement pour 40Q enfants, elle en accueille 389 à la<br />
fin de l'année 4 924. En 4925, une trentaine d'enfants se trouvent encore à<br />
Bai SalpBtPière. D'aprbs E. Baumfelder, dorénavant « on n'admet plus de<br />
nouveaux enfants et B mesure que les anciens peuvent passer dans les<br />
sections eduites, on les difige vers Ses autres asiles de la Seine 26 ». Les<br />
diVArents traités et histoires de Ia psychiatrie consultQs ài ce propos 27,<br />
n'apportent pas d'explication plus précise B cette fin. Si I'on en croit<br />
M. Zafiropoulos, le dAcision de fermer Bicêtre, décision « malheureuse »<br />
selon Heuyer 28, consacrerait la victoire des psychopédagogues et la dé-<br />
faite des alignistes 29. Si I'on suit cette hypothése, l'auteur (si peu ano-<br />
nyme) de ce document aurait fini par avoir gain de cause. En fait, il<br />
semble que ce soit des consid$rations financières et de politique générale<br />
des Asiles de la Seine, qui sont B l'origine de la suppression des asiles-<br />
Qcoles.<br />
26 E. Baumfelder, 9 983, p. 370.<br />
27 Notamment, G. Heuyer, 4952 ; J. Postel, CI. Quetel et al., 1983 ; N. Simon, 1986 ;<br />
D.J. Duché, 1990.<br />
28 6. Heuyer, 4952, p. 34.<br />
M. Zafiropoulos,l989, p. 38.
Texte 9<br />
Musée national de l'Éducation. Dossier 3.7.03/79(A).<br />
TAPUSCRIT. 3 pages. Sans en-tête.<br />
Quelques fautes de frappe manifestes ont été corrigees.<br />
ÉTUDE SUR<br />
I'ÉDUCATION MANUELLE et l'ENSEIGNEMENT<br />
PROFESSIONNEL<br />
des FILLES ARRIERÉEs ou INSTABLES<br />
présentée par<br />
~~~l~ STUPUY<br />
Directrice d'hcole publique à Paris<br />
& %a Commission Ministérielle pour<br />
l e É ~ des ENFANTS u ~ ~ ANORMAUX ~ ~ ~<br />
Vous avez bien voulu me charger de préparer une étude sommaire pou-<br />
vant servir de base à vos discussions sur l'Éducation manuelle, l'Enseigne-<br />
ment professionnel et ménager, des ales qui seront élevées dans les écoles de<br />
perfectionnement spécialement réservées aux ARRIEREES et aux<br />
INSTABLES.<br />
La rapidité avec laquelle j'ai dû préparer ce travail ne m'a pas permis de<br />
réunir tous les documents nécessaires. Je dois me borner : Io à examiner ce<br />
qui se passe dans les écoles d'enfants normaux ; 2' à rechercher dans quelles<br />
limites ces pratiques sont applicables aux sujets qui nous occupent.<br />
Dans les écoles primaires publiques, les filles peuvent recevoir une cer-<br />
taine éducation manuelle :
(a) dans les écoles maternelles, jusqu'à 6 ou 7 ans, (pliage, tissage, tressage,<br />
piquage, combinaisons en laines de couleur sur le canevas et le papier ; petits<br />
ouvrages de tricot ...)<br />
@) dans les écoles primaires, de 6 à 13 ans, (travaux à l'aiguille, coupe et<br />
assemblage des vêtements)<br />
(c) dans les écoles professionnelles, après 13 ans, (modes, couture,<br />
confection des robes et manteaux, lingerie, fleurs et parfois éducation ména-<br />
gère).<br />
Dans la plupart des écoles primaires, faute de temps, de tissu ou de four-<br />
nitures, l'enseignement de la couture se borne à la démonstration des d~ffé-<br />
rents points sur de petites pièces d'étoffe sans utilisation ultérieure.<br />
Dans les écoles professionnelles, la spécialisation se fait dès l'entrée, ou<br />
tout au moins dès la seconde année, vers l'une des industries généralement<br />
enseignées, (couture, modes, fleurs, dessin industriel ...)<br />
Cette organisation n'est pas à imiter tout entière dans les écoles d'anor-<br />
maux.<br />
II n'est guère possible de fixer dès maintenant les limites de programmes<br />
qui, du reste, devront varier, sinon en doctrine, du moins en étendue, suivant<br />
qu'ils seront appliqués à des élèves se rapprochant plus ou moins, soit des<br />
sujets normaux, soit des anormaux-médicaux. [l]<br />
Néanmoins, le caractère des procédés et la nature des exercices devront,<br />
croyons-nous, être fixés suivant les principes suivants :<br />
Les fdles arriérées ou instables doivent acquérir à l'école spéciale non pas<br />
seulement l'instruction primaire, mais surtout l'équilibre physique et l'habileté<br />
manuelle qui seront les meilleurs éléments de leur moralisation.<br />
En ce qui concerne la reconstitution physique, nous nous bornons à<br />
énumérer comme moyens : la propreté minutieuse des vêtements et du corps,<br />
la nutrition rationnelle, les exercices gymnastiques, les marches rythmiques,<br />
les danses et les jeux de plein air, les promenades régulières, l'accoutumance<br />
progressive aux intempéries, à la Fatigue, la natation, etc ...<br />
Le but à atteindre sera de rapprocher autant que possible de la santé nor-<br />
male des élèves arriérées ou instables, afin de leur assurer plus de bien-être et<br />
de dignité ; et aussi afin de réduire au minimum les effets de leur hérédité
morbide. La société sera ainsi récompensée de ses sacrifices quand on lui<br />
rendra des sujets sains, capables de travailler vaillamment à œuvre commune.<br />
Or, en immense majorité, les fillettes des écoles de Perfectionnement<br />
seront destinées aux travaux manuels de la femme : ménage et couture, elles<br />
devront compenser par une plus grande habileté leur primitive infériorité<br />
intellectuelle.<br />
Le temps dont on disposera dans les écoles de Perfectionnement, la né-<br />
cessité d'occuper utilement les élèves tout en réduisant les exercices abstraits<br />
d'instpuction, permettront de donner au travail manuel tout le temps<br />
désirable.<br />
Pendant la période légale d'obligation scolaire, de 6 à 13 ans, les filles se-<br />
raient exercées à tous les menus travaux manuels qui ont une si grande in-<br />
fluence sur l'éducation de I'aeil, de la main et sur la formation du goût : pliage,<br />
découpage, tissage, piquage, tressage, vannerie, cartonnage, modelage, avec,<br />
bien entendu, le dessin correspondant au travail conçu ou exécuté.<br />
En même temps elles apprendraient le tricot, le crochet, la tapisserie et<br />
surtout les différents points de couture avec leurs applications immédiates sur<br />
des objets utiles d'un usage courant.<br />
Quand les fillettes arriérées ou instables ont atteint 13 ou 14 ans, on doit<br />
se demander s'il convient de les répartir dans l'une des quatre ou cinq profes-<br />
sions qu'il est possible d'enseigner à l'école : lingerie, fleurs et plumes ... Nous<br />
ne le croyons pas.<br />
La spécialisation hâtive de la femme nous semble contraire au rôle que lui<br />
impose sa constitution physique. La place naturelle de la femme est au foyer<br />
familial et non pas à la fabrique ou à l'atelier. Nous savons bien que certaines<br />
conditions économiques la contraignent trop souvent à chercher des moyens<br />
personnels d'existence ; on doit, tout en en déplorant la nécessité, penser<br />
sérieusement à cette réduction de sa fonction, on doit même préparer les<br />
élèves à faire rapidement face au travail qui se présente ; mais vouloir ne<br />
donner aux jeunes filles qu'un métier unique qui, du reste, peut devenir insuf-<br />
fisant dans un temps donné, ce serait renoncer à l'éducation rationnelle et<br />
intégraie qui convient à celle qui doit être l'âme de la maison, l'ordonnatrice<br />
courageuse et habile du ménage.
Surtout pour les arriérées et les instables qui, par suite de leurs tares origt-<br />
nelles, ne peuvent devenir qu'exceptionnellement des intellectuelles de l'in-<br />
dustrie, des maîtresses ou des contre-maîtresses d'atelier, le développement<br />
harmonieux en vue de la meilleure utilisation sociale ne peut être obtenu que<br />
par une culture générale ayant pour but de préparer des femmes qui aient au<br />
moins autant de bon sens que d'instruction et qui soient aussi complètement<br />
initiées aux travaux du ménage qu'au maniement habile de l'aiguille.<br />
Quand, en raison des industries locales ou de la situation familiale, la spé-<br />
cialisation de la jeune fille semblera indispensable, cette spécialisation devien-<br />
dra d'autant plus rapide et facile que la préparation générale aura été plus<br />
complète ; elle pourra être entreprise à la sortie de l'école, vers 16 ou 17 ans.<br />
Ce sera surtout le moment de faire intervenir le Patronage de placement,<br />
dont l'existence est indispensable auprès de chaque école d'anormaux.<br />
Nous le répétons, les programmes détaillés et les horaires à établir dépen-<br />
dent de la région dans laquelle on opère, de la mentalité moyenne des habi-<br />
tants, de l'intelligence des sujets, du régime interne ou externe de l'école, de<br />
l'aménagement de l'immeuble, de la durée de la scolarité, etc. .. ; c'est une<br />
question d'espèce, mais on pourrait arrêter une règle générale qui prendrait<br />
place dans les conclusions que vous discutez en ce moment, et pour laquelle<br />
j'ai l'honneur de vous soumettre le texte suivant.<br />
........................................................................<br />
De 6 à 13 ans, les filles admises dans les écoles de perfectionnement se-<br />
ront exercées aux travaux manuels connus dans les écoles sous les noms de<br />
pliage, découpage, tissage, piquage, tressage, vannerie, cartonnage, modelage,<br />
ainsi qu'aux différents points de couture, de tricot, de crochet, de tapisserie.<br />
À partir de 13 ou 14 ans, la moitié de la journée sera réservée à l'éducation<br />
ménagère (nettoyage des appartements, savonnage, repassage, cuisine ...) à des<br />
travaux à l'aiguille sur les différentes sortes de tissus usuels, NEUFS ET VIEUX,<br />
à la coupe et à l'assemblage des vêtements, de la lingerie et même dans une<br />
limite raisonnable, à des ouvrages d'agrément, tapisserie, broderie, dentelle,<br />
etc ...<br />
Toujours on s'efforcera de confectionner des objets pratiques et utili-<br />
sables, de manière à obtenir un effort sérieux et à donner aux élèves le goût<br />
et le respect du travail.
I<br />
Dans l'enseignement du dessin on recherchera les combinaisons ornementales<br />
qui trouveront une application pratique, soit pour les travaux à I'aiguiiie,<br />
soit pour la décoration des surfaces murales et des meubles. [2]<br />
.......................................................................<br />
22 juin 1905.<br />
[Il anormaux-médicaux [trait d'union dans le texte].<br />
[2] qui trouveront une application pratique ... [Le texte porte trouver ; à l'évidence<br />
faute de frappe pour : trouveront ou pourront trouver].<br />
Commentaire<br />
Ce court texte signe par Mlle Stupuy concerne la formation des filles<br />
dans les classes et écoles d'anomaux. Après une brève revue des visées<br />
et de l'organisation de l'éducation manuelle et de la formation profession-<br />
nelle des filles dans les écoles tout-venant, l'auteur plaide en faveur d'une<br />
organisation spécifique de l'enseignement des filles anormales et défend<br />
Be principe d'une éducation onentee vers la préparation à la tenue du foyer<br />
et la vie domestique. Cette argumentation conduit à l'énoncé d'une pro-<br />
position de texte réglementant les contenus d'enseignement dans les<br />
classes de filles des $coles de perfectionnement, proposition soumise à la<br />
discussion de la sous-commission.
MLLE STLIPUY : UNE MODESTE INSTITUTRICE<br />
L'auteur du document est membre de la commission comme l'atteste<br />
l'arrêté du 4.10.1904, signé Chaumié nommant, pami ses membres,<br />
« Mlle Stupuy, directrice d'ewle enfantine ». Pourtant à lire ce texte, on a<br />
le sentiment que la signataire est etrangère à cette assemblée, qu'elle se<br />
contente de présenter une simple contribution à un débat auquel elle ne<br />
participerait pas. Plusieurs indices vont dans ce sens : « Vous avez bien<br />
voulu me charger », « Vos discussions », « Les conclusions que vous<br />
discutez en ce moment », « j'ai l'honneur de vous soumettre le texte sui-<br />
vant ... n D'autres précautions d'usage témoignent de la meme modestie.<br />
Ainsi, I'auteur souligne le caractère lacunaire et incomplet de son travail : il<br />
s'agit d'une « étude sommaire », « préparée avec rapidité ».<br />
Ces réserves témoignent de la place mineure que I'auteur de cette<br />
contribution s'attribue (ou qu'on lui attribue) dans la commission. En tant<br />
que femme et institutrice, Mlle Stupuy est probablement « en position<br />
basse » vis-à-vis des experts, hommes, médecins et universitaires qui<br />
composent majoritairement commission et sous-commission.<br />
QUELLES FILLES POUR QUEL ENSEIGNEMENT<br />
DE PERFECTIONNEMENT ?<br />
Le titre mentionne les filles « arriérées et instables ». Dans le cours du<br />
texte, les mêmes caractéristiques sont répétées à cinq reprises. Ces caté-<br />
gories sont définies de façon relativement extensive : I'auteur, empruntant<br />
au vocabulaire de la psychologie (pour faire montre d'une compétence<br />
supposée scientifique ?), précise en effet que ces élèves se rapprochent<br />
t< plus ou moins soit des sujets normaux, soit des anormaux-médicaux B.<br />
Au fil du texte, il apparaît que Mlle Stupuy s'intéresse essentiellement aux<br />
filles arriérées. L'auteur évoque une « primitive infériorité intellectuelle » et
déclare que « par suite de leurs tares originelles [elles] ne peuvent devenir<br />
qu'exceptionnellement des intellectuelles de l'industrie ».<br />
Ba réduction opérée implicitement aux seules arriérées peut exprimer<br />
!'identification que l'on rencontre assez souvent à l'époque, entre instabi-<br />
lité et arriération : pour certains auteurs, les instables ont des facultés<br />
intellectuelles moindres et les arriér6s sont souvent instables. Mais cette<br />
identification pose aussi - et peut-Alre surtout - la question du rapport<br />
entre sexe et catégorisation des enfants : de fait, l'auteur suggére que<br />
l'instabilité concernerait moins les filles.<br />
D'aprQs les statistiques du ministére de I'lntérieur, dans les asiles<br />
d'aliQnés, au-dessous de vingt-et-un ans les garçons seraient au nombre<br />
de ô 494 et les filles au nombre de 4 962 l. Les statistiques établies par le<br />
mi~isl6re de B'lnstruction publique concernant les enfants anomaux de<br />
deux A treize ans font, elles, $tait de 8 336 garçons et de 5 864 filles arriée6s.<br />
Mais ces chiffres sont B manier avec précaution : Monique Vial a<br />
analys$ les distorsions dans Ieç repenses d'une region à l'autre, distorsions<br />
telles que l'asymétrie entre garcjons et filles suggérée par ces<br />
chiffres, reste B confimer 2.<br />
Dans leur analyse des chiffres du ministére de I'lntérieur, Courjon et<br />
Gsaadvilliers commentent ainsi cette supposée différence entre les sexes :<br />
« Serait ce donc que Ie sexe masculin est plus touché par les anomalies<br />
que la sexe féminin ? c'est possible ; mais cependant nous serions portés<br />
21 croire que les enfants internés dans les asiles ne l'étant le plus souvent<br />
que lorsqu'ils sont dangereux pour leur entourage, il est naturel que les<br />
enfants plus robustes, plus enclins la brutalité et aussi moins suiveillés<br />
que les filles aient plus d'occasions qu'elles de se signaler à l'attention des<br />
autori%$s par des actes r$pr$hensibles ; d'autre part, en ce qui concerne<br />
les placements volontaires, dans la classe pauvre qui fournit aux asiles la<br />
majeure pariie de leun pensionnaires, on se sépare beaucoup plus faci-<br />
' J. Woubinovitch, 1910, p. 439.e2 sq.<br />
Cf. supra, p. 186-1 87.
lement d'un garçon "qui n'est bon à rien" que d'une fillette qui, à moins<br />
d'être impotente ou complètement idiote, peut toujours rendre de menus<br />
services dans le ménage 3. B<br />
C'est à peu près dans les mêmes termes que s'expriment divers au-<br />
teurs actuels, étudiant - A partir de données plus récentes - la fréquenta-<br />
tion des classes spéciales. Ainsi, selon Gilly, les garçons, majoritaires<br />
dans les classes de perfectionnement, seraient plus souvent que les filles,<br />
repérés comme manifestant des troubles du comportement 4. D'après<br />
Zafiropoulos, la moindre fréquentation par les filles des instituts médico-<br />
pédagogiques (IMP) et des instituts médico-professionnels (IMPRO) s'ex-<br />
pliquerait par la possibilité de les maintenir en famille et de leur trouver<br />
une place dans l'économie ménagère domestique<br />
Est-il pour autant légitime d'interpréter le texte de Mlle Stupuy comme<br />
une des premières approches différenciant les catégories d'enfants anor-<br />
maux selon le sexe? On dispose de trop peu d'informations, d'ailleurs<br />
contradictoires, pour aller au-delà des conjectures.<br />
UNE APPROCHE MORAI-ISATRICE DE L'ENSEIGNEMENT<br />
EN CLASSE DE PERFECTIONNEMENT<br />
C'est dans une perspective avant tout morale que l'auteur envisage<br />
l'éducation et la formation des filles en classe de perfectionnement.<br />
« L'équilibre physique et l'habileté manuelle [qui] seront les meilleurs été-<br />
ments de leur moralisation. » Plus loin, « le but à atteindre 1) est défini<br />
ainsi : « assurer plus de bien-être et de dignité », « rendre des sujets<br />
sains, capables de travailler vaillamment à l'œuvre commune ». Dans<br />
cette logique, la réinsertion des filles dans la société ne passe pas par<br />
A. Coujon, L. Grandvilliers,l906, p. 4.<br />
M. Gilly, 1969, p. 230, sq.<br />
M. Zafiropoulos, 1981, p. 152.
l'acquisition d'une formation professionnelle leur permettant de se pré-<br />
senter sur le marché du travail, mais par l'acquisition des habitudes do-<br />
mestiques supposées nécessaires gour tenir un foyer.<br />
Selon Mlle Stupuy, la formation des filles anormales doit viser d'abord<br />
la vie domestique. La place secondaire accordée à la formation profes-<br />
sionnelle est justifiée par l'idée d'une nature féminine. Le destin de la<br />
femme est au foyer, I'identite ferninine passe par le travail domestique,<br />
l'activité A la fabrique ou B l'atelier serait « une réduction de sa fonction »,<br />
a le spécialisation hAtive de la femme [...] semble contraire au r61e que lui<br />
impose sa constitution physique PP, E( la place naturelle de la femme est au<br />
foyer familial et non pas 8 la fabrique ou à l'atelier [...] [elle] doit être l'âme<br />
de la maison, l'ordonnatrice courageuse et habile du ménage. »<br />
Cette position n'a fier? d'étonnant : elle est dans le droit fil des discours<br />
alors prévalanls sur l'éducation des filles en général. Au début du siècle,<br />
tous les niveaux d'études auxquels accèdent les filles sont investis par<br />
l'enseignement ménager et par l'économie domestique et cela quelle que<br />
soit la population concernbe. Ces enseignements sont même dispensés<br />
dans les lycées. Pour ce qui est des enseignements élémentaires, on peut<br />
lire dans le Manuel Gén6ra1, un article non signé intitulé (( Pour faire de<br />
nos $lèves de bonnes rnénagdres a qui commence par la déclaration<br />
suivante : (( Nous voulons qu'8 lai sortie de l'école, la jeune fille connaisse<br />
tout ce qui se rapporte au r6le qu'elle doit jouer, qu'elle soit préparée Ce<br />
bien remplir sa fonction de menagere, de maîtresse de maison, d'épouse<br />
et de mère 8. »<br />
Curieusement, malgr6 la rkfkrence à l'idée de nature féminine, on ne<br />
Prouve rien dans les propositions de Mlle Stupuy concernant la fonction<br />
maternelle. Ni le programme qu'elle propose, ni les conclusions de la<br />
sous-commission et de la ~~rnrnis~i~n, ni les textes officiels de 1909 ne<br />
parlent de notions de pu6ricuRure d inculquer aux jeunes arriérées. Peut-<br />
' MG, 1908, p. 232 (Revue des Bulletins d6partementaux de l'enseignement primaire,<br />
Haute-Loire).<br />
21 9
on expliquer cette omission par un refus ou une méconnaissance de la<br />
sexualité de ces jeunes filles ? Cette « lacune » sera critiquée par Courjon<br />
et Grandvilliers pour qui u la fillette est une élève-femme et par consé-<br />
quent une éléve-mère », « il faut aussi lui apprendre à soigner un enfant, à<br />
le tenir propre, à l'habiller, à le guider ». Comme « nous ne disposons pas<br />
de nourrissons », pour permettre cet apprentissage, il faudra « donner aux<br />
(éléves de la division enfantine] des "grandes" pour maman [...] sous sur-<br />
veillance, bien entendu ». On apprendra ainsi « à nos jeunes filles<br />
comment on élève un enfant » et on développera chez elles « l'esprit<br />
d'affection et de dévouement aux petits » 7.<br />
Binet et Simon sont, eux aussi, silencieux sur ce point. En revanche,<br />
pour ce qui est de la vie professionnelle, les positions qu'ils défendront<br />
dans le Guide semblent, à première vue, plus modernes que celles de<br />
Mlle Stupuy. En effet, ils s'intbressent au rendement social des classes<br />
spéciales autant pour les filles que pour les garçons. Quel que soit le sexe<br />
des enfants, leur pr6occupation est de former à une activité profession-<br />
nelle. « Toute classe, toute école d'anormaux doit être orientée vers I'utili-<br />
sation sociale de ces enfants ; il ne s'agit pas de leur orner l'esprit mais de<br />
leur donner les moyens de gagner leur pain par le travail 8. » Dans ses<br />
enquêtes sur les asiles-écoles, Binet s'intéresse autant au devenir profes-<br />
sionnel des filles qu'à celui des garçons. C'est ainsi qu'il interroge les sta-<br />
tistiques de Mme Meusy concernant le devenir professionnel des filles de<br />
la Salpêtrière. Parmi celles dites « améliorées » (dont il a déjà été ques-<br />
tion dans le texte 8), Binet évoque les professions de couturières, repas-<br />
seuses, blanchisseuses, domestiques et même infirmières 9. Plus loin, à<br />
propos des anormaux d'école, Binet souligne à nouveau que tout I'ensei-<br />
gnement doit être orienté vers la formation à des professions accessibles<br />
aux enfants anormaux.<br />
A. Courjon, L. Grandvilliers, 1908, p. 598.<br />
* A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 171.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 175.
Dans les textes officiels instituant les classes de perfectionnement pré-<br />
vaut l'approche de la formation défendue par Binet et par Simon : « Le but<br />
des écoles de perfectionnement est [...] d'éviter qu'ils [les enfants] ne<br />
tombent à la charge de la sociétb. Ainsi l'enseignement du travail manuel<br />
qui Beur sera donné devra nettement être orienté vers l'apprentissage et<br />
les applications concrétes 1°. D<br />
01 serait inexact, même si Be lexie de Mlle Stupuy nous y invite, de for-<br />
cer l'opposition entre ses positions et celles des tenants d'une vraie for-<br />
mation professionnelle pour les enfants anormaux. En effet, se focaliser<br />
sur l'éducation ménagére et domestique des filles, comme elle le propose,<br />
n'est pas sans intkrêt ài une époque où la domesticité est nombreuse et<br />
majoritairement féminine ll. Binet et Simon, eux aussi, envisagent la do-<br />
mesticité comme le principal débouché professionnel pour les filles. Ainsi<br />
$crivent-ils dans le Guide : « Be domesticité de province par exemple, à<br />
qui on laisse si pela d'initiative paraît être un excellent refuge pour les filles<br />
débiles ayant de bons instincts '2. » Former à la vie domestique, comme le<br />
souhaite Mlle Stuguy, c'est en même temps former à l'emploi de domes-<br />
tique.<br />
LES ENSElCàNEWlENBS POUR LE8 FOLLES DANS LES CLASSES ET ÉCOLES<br />
DE PERFECUIONNEMENa<br />
Inspirés de cette conception de la formation, le programme et I'organi-<br />
satiow des enseignements proposés par l'auteur sont trés succincts. Ils<br />
doivent être souples et ajust6s eux populations scolarisées. « II n'est<br />
guere possible de fixer dès maintenant les limites de programmes qui, du<br />
'O Instructions génbrales -Annexe de I'arr0té du 18 août 1909.<br />
l1 En France, entre 4896 et 4904, le nombre de domestiques varie entre 900 000 et<br />
1 000 000. Par ailleurs. la profession se fbrninise : en 1851, pour 100 domestiques, on<br />
compte 63 femmes. En 4 904, on en compte 83. (D'aprés A. Martin-Fugier, 1979, p. 34 sq.)<br />
l2 A. Binet, Th. Simon. 1907, p. 194.
este, devront varier, sinon en doctrine, du moins en étendue, suivant<br />
qu'ils seront appliqués à des éléves se rapprochant plus ou moins soit des<br />
sujets normaux, soit des anormaux médicaux. » La référence explicite de<br />
ces programmes réside dans les programmes ordinaires d'éducation ma-<br />
nuelle, à la fois amputés de leur vocation professionnelle l3 et augmentés<br />
en volume au détriment des enseignements généraux. « Le temps dont on<br />
disposera dans les écoles de perfectionnement, la nécessité d'occuper<br />
utilement les élèves tout en réduisant les exercices abstraits d'instruction<br />
permettront de donner au travail manuel tout le temps désirable. » Cette<br />
idée d'une répartition différente entre activités intellectuelles et activités<br />
manuelles sera aussi défendue par Binet qui proposera que soit changée<br />
la répartition entre activités manuelles et activités intellectuelles. « II faut<br />
changer les proportions des diverses parties du programme et orienter<br />
autrement l'ensemble 14. » Rappelons que dans les instructions officielles<br />
de 1882, pour les garçons comme pour les filles, deux à trois heures par<br />
semaine seulement sont dévolues aux travaux manuels 15.<br />
Dans les instructions officielles de 1909, pour les plus jeunes, garçons<br />
et filles, on ne donne pas de consignes sur le temps à consacrer à chaque<br />
discipline. En revanche, au-delà de treize ans, le travail manuel devient la<br />
principale activité : « Dans les écoles de perfectionnement, la moitié du<br />
temps et quelquefois davantage sera occupée par le travail manuel 18. ))<br />
Dans la liste des « métiers simples » auxquels le travail manuel en école<br />
de perfectionnement doit préparer, sont cités : le travail du bois, le travail<br />
du fer, la confection des habits, la cordonnerie, la vannerie ... Aucune indi-<br />
cation n'est donnée concernant spécifiquement la formation profession-<br />
nelle des filles.<br />
l3<br />
l4<br />
Cf. plus haut, p. 219.<br />
A. Binet, 191 1 a, p. 48.<br />
l5 Article 15 de l'arrêté réglant i'organisation pédagogique et le plan d'études des écoles<br />
primaires publiques, 27 juillet 1882.<br />
l8 Instructions générales -Annexe de I'arrêté du 18 août 1909.
Du point de vue des contenus, les propositions de Mlle Stupuy<br />
s'inspirent des instructions pour l'école maternelle et pour l'école primaire ;<br />
elles préfigurent aussi « les le~ons de vie pratique » préconisées par les<br />
instructions de 1909.<br />
Dans les programmes de 1882 se manifestait déjà la volonté d'inculque6<br />
aux fil!es, par l'intermédiaire du travail manuel, des valeurs domestiques<br />
el un style de vie jugé souhaitable par le législateur. C'est ainsi qu'il<br />
Qtait stipulé que « le travail manuel des filles, outre les ouvrages de couture<br />
et de coupe, comporte un ceriain nombre de leçons, de conseils,<br />
d'exercices au moyen desquels le maîtresse se proposera [...] d'inspirer<br />
eux jeunes filles, par un grand nombre d'exemples pratiques l'amour de<br />
l'ordre, de leur faire acquérir les qualités sérieuses de la femme de ménage<br />
et de les mettre en garde contre les goûts frivoles ou dangereux l7 ».<br />
En cela, les propositions de Mlle Stupuy se distinguent assez peu des<br />
programmes de D'6cole primaire. Elle évoque I'éducation à « la propreté<br />
minutieuse de ~Qternenfs et du corps, la nourriture rationnelle, les exercices<br />
gymnas8iques P. Elle propose Qgalement : « à partir de 13-44 ans, la<br />
moiPi6 de Ba journ6e sera p.$sem$e Q l'éducation ménagère (nettoyage des<br />
appartements, savonnage, repassage, cuisine ...) B.<br />
Dans les instructions de 4909, ces leçons d'éducation domestique et<br />
oa@aiag@i-e sont reprises sous le teme générique de « leçons de vie pratique<br />
», lecons qui visent en quelque sorte à civiliser les élèves, à leur<br />
iwculqusi Ie style de vie et les maeun juges souhaitables. « Aux enfants<br />
les plus petits, on apprendra Q se laver, ài s'habiller A manger proprement.<br />
Aux plus Agés, on apprendra B se présenter, ài écrire une lettre, à compter<br />
Eeuû argent, B B'$conomiser, 81 voyager [...] on enseignera des notions d'hygi&ne.<br />
» Mention es9 faite de l'enseignement des « règles de morale, particu8ièrement<br />
pr6deuses B des jeunes filles d'intelligence débile, partant<br />
plus exposées 18. » Celte approche connaîtra une fortune certaine puisque<br />
l7 Programmes annex@ç su rciglement d'organisation pédagogique des écoles primaires<br />
publiques, 27 juillet 1882.<br />
le Arrêt@ du 4 8 août 4 909.
plus de soixante ans aprés la loi de 1909, on justifie encore la place de<br />
l'éducation ménagére dans les classes de perfectionnement par I'affirma-<br />
tion suivante : « Bien souvent, les éléves inadaptés appartiennent à un<br />
milieu où tout est à apprendre sur l'alimentation, I'hygiéne et la<br />
couture 19. »<br />
EN CONCLUSION, ce document retient l'intérêt à plusieurs titres : il<br />
atteste de la continuité entre les programmes pédagogiques pour les éco-<br />
liers et écoliéres du tout-venant et ceux à venir pour les enfants anor-<br />
maux. II montre aussi la persistance, au sein même de la commission,<br />
d'une approche moralisatrice de I'anormalité, moins éloignée dans les faits<br />
de l'approche techniciste de Binet et de Simon - non exempte, elle aussi,<br />
de moralisme - que ne le donnent à croire les rhétoriques des uns et des<br />
autres. Enfin, ce document donne des indications sur les positions et in-<br />
fluences respectives des membres de la sous-commission. Mlle Stupuy,<br />
on l'a vu, se présente avec une grande modestie devant la commission.<br />
Pour autant, on ne peut en déduire que son influence serait insignifiante<br />
mais elle est difficile à apprécier. Dans les documents de la sous-commis-<br />
sion, on trouve chez Baguer seul une bréve allusion à sa communica-<br />
tion ", mais aucune trace d'une discussion quelconque à propos de ses<br />
propositions pourtant B premiere vue, si différentes des perspectives dé-<br />
fendues par Binet. Le rapport signé par Binet au nom de la sous-commis-<br />
sion pédagogique (texte 11) passe d'ailleurs sous silence la contribution<br />
de l'auteur et ne retient pas ses conc0usions. Pourtant celles-ci seront<br />
reprises dans les conclusions adoptées par la commission plénière<br />
(texte 12). Que signifient la disparition et la réappariiion de ces proposi-<br />
tions au gr6 des textes ? Comment évaluer la portée des propositions de<br />
Mlle Stupuy ?<br />
Les rares informations dont on dispose sur sa carriére ne permettent<br />
pas d'apprécier l'importance de son action, dans le secteur de l'enfance<br />
l9 G. Mathiot, 1972, p. 253.<br />
G. Baguer, texte 10 : a L'ensemble de ces menus travaux manuels que Mlle Stupuy a si<br />
heureusement évoqués. B
anormale 21. En 1906-1 907, elle participe à l'enquête sur l'éducation des<br />
enfants anormaux confiée Baguerz avec qui elle signe le rapport de<br />
mission, son nom étant suivi de la mention : « directrice d'école publique à<br />
Paris 23 ». On la retrouve B Ba fin de 191 1 dans le Comité de protection des<br />
anormaux créé par le Patronage de l'Enfance et de l'Adolescence (fondé<br />
par l'avocat H. Rollet) et pr6sid6 par Baguer. En 1912, elle figure, toujours<br />
avec Baguer, dans le cornifé de rédaction de la revue Enfance anormale<br />
cr46e en 1905. Dans la même revue, en 1913, est annoncée la publication<br />
proci-caine d'un article signe Mlle Filoleau-Stupuy. Cet article apparemment<br />
n'a jamais paru 24. Dans le numéro de février 1914 de la revue, son nom<br />
figure toujours dans le comitc! de rddaction de la revue, accompagné de la<br />
mention « déléguAe B l'inspection des écoles pour anormaux ». Nous<br />
savons finalement peu de choses sur le rôle joué par la seule femme de la<br />
commission.<br />
" Les documents évoquent Mlle Stupuy et Mlle Filoleau-Stupuy. II est vraisemblable que la<br />
m6me personne est désignée sous ces deux noms. Mais la raison de ces variations n'est<br />
pas élucidée. Aucun dossier ne figure i ces deux noms, dans les archives versées par le<br />
Rectorat de Paris aux Archives de la Ville de Paris.<br />
z ~ m l é du 12 novembre 4906 du ministre de I'lnstruction publique. (Pour une analyse<br />
détaillée de cet arr6té, cf. M. Wel, 4982, p. 135.)<br />
23 Mlle Filoleau-Stupuy, G. Baguer, 1909.<br />
24 D'apres le dépouillement de la revue ?balisé par bionique Vial.
Texte 10<br />
Musée national de l'Éducation, dossier 3701179 (A)11905.<br />
Calligraphie. 4 pages. En-tbte : Ministere de l'Instruction publique, des Beaux<br />
Arts et des Cultes, Commission pour l'Éducation des Enfants Anormaux. Date<br />
rajoutée au crayon bleu, juin 4905.<br />
&mde sur<br />
l'Éducation manuelle et l'Enseignement professionnel<br />
des haiéa6a et des Instables<br />
pr&entée par<br />
M. G. Baguer<br />
Messieurs,<br />
Vous avez bien voulu me charger d'étudier les conditions dans lesquelles<br />
pourraient être établis, pour les garpns, dm.r h Écohs de petfectionnement l'enseignement<br />
du Trava? manuel et l'enseignement pm~ssionneL.<br />
Sous le nom de TmvailmtantleL, on comprend dans les écoles primaires publiques<br />
deux séries d'exercices : le travail sans atelier, le travail à l'atelier<br />
scolaire.<br />
Le premier est l'ensemble de ces menus travaux manuels que<br />
M~~~~ Stupuy a si heureusement énumérés : pliage, découpage, tissage, piquage,<br />
tressage, vannerie, cartonnage, modelage ; il se fait en classe.<br />
I-e second se fait dans un atelier spécial ; il comporte l'exécution en bois,<br />
en fil de fer, ou en tôle, d'une série de petits modèles destinés surtout à<br />
rendre plus concrets les principes de la géométrie et du dessin industriel, tout<br />
en accoutumant l'élève au maniement des principaux outils.<br />
Cet ensemble, qui n'est guère complet qu'à Paris, est dû à l'initiative de<br />
M. René Leblanc, Inspecteur général de l'Instruction publique ; l'installation<br />
matérielle et l'organisation administrative ont été faites par les Inspecteurs du<br />
travail manuel à Paris, M.M. Jully et Rocheron, qui ont également publié<br />
d'excellents livres pour guider maîtres et élèves.<br />
*<br />
6 *
Dans les É mb de Petjectionnement, on pourra, on devra faire beaucoup plus,<br />
beaucoup mieux, en fait de travail manuel, que dans les écoles ordinaires.<br />
D'abord, on aura beaucoup plus de temps, puisque les écoles seront ou-<br />
vertes de 8 heures du matin à 6 heures du soir, même le jeudi ; ensuite, on<br />
donnera moins de place aux recommencements, si souvent fastidieux, des<br />
exercices dits intellectuels ; enfin chaque classe, ne comportant qu'une quin-<br />
zaine d'élèves, pourra être conduite tout entière, sans morcellement, à<br />
l'atelier.<br />
Vous avez déjà discuté la valeur de ce mot ateher. Je crois que, dans les<br />
Écoles de Perfectionnement, l'atelier doit avoir une importance spéciale, qu'il doit<br />
être aménagé pour que tout le travail manuel, même préparatoire, en papier,<br />
carton, raphia, alfa, paille, carton, pâte plastique, etc., puisse être fait, non pas<br />
en classe sur des tables combinées pour l'écriture, mais à l'atelier sur des sur-<br />
faces horizontales à hauteur calculée pour le travail debout. [l]<br />
Bien entendu, les petits établis et les étaux scolaires auraient leur place ha-<br />
bituelle, soit dans la même salle, soit dans une salle voisine.<br />
L'atelier ne serait pas seulement un accessoire obligé de l'École de Perfec-<br />
tionnement, ce serait un but et un moyen.<br />
Comme le dit M. Binet : « Le but des Écoles de Perfectionnement n'est<br />
pas seulement d'assurer aux enfants arriérés l'instruction primaire à laquelle<br />
ils ont droit, mais encore d'éviter qu'ils ne restent à la charge de la société, ou<br />
même qu'ils ne prennent rang dans la catégorie des nuisibles et des criminels.<br />
L'idéal serait qu'on les rendit tous capables de gagner leur vie. Aussi l'ensei-<br />
gnement du travail manuel qui leur sera donné devra-t-il être plus nettement<br />
orienté les l'apprentissage et ses applications concrètes que cela n'est néces-<br />
saire pour les enfants normaux. ))<br />
Donc, pour les Émhs de Petfectionnement, on s'appliquera à faire plus de tra-<br />
vail pratique que de théorie. 1:l faudra fixer l'attention de l'enfant, provoquer et<br />
perfectionner ses facultés d'imitatron, puis par I'obsematrtron, par l'analyse raison-<br />
née de ses propres mouvements ou de ceux du maître, par l'examen de ses<br />
outils, de leurs rapports et de leurs proportions avec la matière d'oeuvre, dé-<br />
velopper son jugement, pour que, en présence d'un nouvel effort, d'un nou-<br />
veau travail, on puisse faire appel à la mémoirio et au rahonnement du sujet.
Sms négliger le côté géométrique qui doit avoir une influence considé-<br />
rable sur la rectitude du jugement et sur l'ordre des pensées, il conviendra de<br />
multiplier les applications purement manuelles qui séduiront davantage<br />
l'élève, lui donneront la satisfaction d'avoir copié ou créé un modèle, lui ins-<br />
pireront le goût et l'amour du travail.<br />
Plus tard, les observations géométriques et techniques pourront être<br />
conduites avec toute la rigueur désirable quand l'élève, intéressé, verra nette-<br />
ment le but poursuivi.<br />
Là surtout, l'enseignement se fera du concret à l'abstrait, de la chose au<br />
mot, du fait Q ridée.<br />
Les internats de perfectionnement devront avoir en plus de cet atelier sco-<br />
laire éducatif un ou plusieurs ateliers d'apprentissage où les enfants seront<br />
admis vers 13 ou 14 ans.<br />
Bien que ne recevant pas d'enfants normaux, ces ateliers, aménagés pour<br />
un apprentissage rationnel et complet, rendront de véritables services à l'in-<br />
dustrie. Les écoles primaires supérieures et les écoles dites professionnelles<br />
ne détournent que trop de l'apprentissage vrai les jeunes gens biens doués ;<br />
les autres, voulant gagner de suite, sont de suite spécialisés par leurs patrons,<br />
au gmd préjudice de l'industrie nationale. La main se perd, le manœuvre<br />
remplace de plus en plus l'artisan.- Les petits compagnons sortant des inter-<br />
nats de perfectionnement auront certainement une valeur professionnelle que<br />
les industriels sauront apprécier.<br />
En principe, on ne pourra pas enseigner des métiers peu connus, offrant<br />
peu de débouchés à ceux qui les exercent ; on ne pourra pas non plus choisir<br />
des professions exigeant de coûteux sacrifices de matière d'œuvre ; mais,<br />
quand on sera certain d'écouler les produits fabriqués et de placer les appren-<br />
tis formés, on devra diriger prudemment quelques enfants vers certaines<br />
industries de tout repos particulières à la région. Néanmoins, pour la grande<br />
majorité, ce qui convient le mieux, ce sont les métiers pouvant s'exercer par-
tout, tels que le travail du bois, du fer, la confection des habits d'homme, la<br />
cordonnerie, etc., à condition d'apprendre entièrement la profession choisie,<br />
c'est-à-dire le tracé et l'exécution, la coupe et l'assemblage, le détail et<br />
l'ensemble.<br />
Le dessin d'art offre également un excellent procédé pour l'éducation de<br />
l'œil et de la main. Basé sur l'observation, sur l'analyse des formes et des pro-<br />
portions, il habitue l'enfant à fixer son attention, à voir, à comparer ; il l'ac-<br />
coutume aussi à donner à sa manière de voir une forme écrite susceptible de<br />
correction, surtout si, au lieu de s'éterniser dans la reproduction des trop<br />
conventionnels modèles en plâtre, le maître fait dessiner de nombreux objets<br />
usuels, des plantes, des animaux, etc.<br />
Mais ce qui est surtout utile aux garçons, parce que cela se rattache plus<br />
directement au travail professionnel, c'est le dessin industriel, I'esquisse rapide<br />
et sûre, le tracé à main levée du croquis coté, l'exécution consciencieuse et la<br />
lecture facile du plan à des échelles différentes.<br />
On ne manquera pas d'accoutumer les enfants à suivre les travaux des<br />
champs, à observer les phénomènes de la germination et de la croissance des<br />
plantes ; ils seront chargés d'assurer autant que possible l'entretien des cours<br />
et des jardins. En tous cas il est indispensable d'avoir au moins un jardin<br />
scolaire réunissant les types des plantes les plus usuelles et permettant des<br />
démonstrations élémentaires sur la valeur des différents engrais.<br />
Les internats de perfectionnement établis en province devront se préoccuper<br />
en outre de pousser assez loin les travaux agricoles, suivant les besoins de<br />
la région ; il serait déplorable que les Arriérés et les Instables, même très<br />
améliorés, fussent détournés des travaux de la terre ; c'est au contraire de ce<br />
côté qu'il conviendrait d'orienter l'éducation professionnelle des jeunes paysans<br />
qui, en très petit nombre il est vrai, seront placés dans les Émh~ dde<br />
Petfectronnement.
Après cet exposé, trop long pour nos brèves séances, mais trop court à<br />
mon gré pour l'importance de In question, j'ai l'honneur, Messieurs, de sou-<br />
mettre à vos délibérations les conclusions suivantes :<br />
Les Émhs de Pepfecttbnnemend q" recevront des garçons auront un atelier<br />
scolaire aménagé, non seulement pour le travail du bois et du fer, mais aussi<br />
pour les exercices préparatoires du cours élémentaire et du cours moyen.<br />
En outre, dans les internats, un ou plusieurs ateliers d'apprentissage seront<br />
ouverts au ha et à mesure des besoins.<br />
Le travail manuel élémentaire, l'enseignement professionnel et l'enseigne-<br />
ment du dessin devront être dirigés vers le même but : l'utilisation sociale des<br />
anormaux.<br />
Il est désirable qu'un jardin scolaire d'enseignement fasse partie de chaque<br />
École de Petfeconnement.<br />
Les Internats placés dans des régions agricoles devront comprendre dans<br />
leur programme professionnel les cultures qui offriront le plus d'avantages<br />
pour le placement ultérieur des élèves.<br />
Internats de Perfectionnement<br />
- - - - - - - -<br />
Les Internats de Perfectionnement recevront :<br />
les amërés et les instabhs trop gravement atteints pour que leur éducation<br />
puisse être obtenue dans la famille ;<br />
les arn2réx et les inst~bh qui, dans leur milieu familid, se trouvent en danger<br />
physique ou moral ;<br />
les éhves des externats depePpectiomement qui, vers 13 ans seront reconnus incapables<br />
d'apprendre une profession en dehors des écoles spéciales.<br />
['il en papier, cadsw, raphia, alfa, paille, carton, pâte plastique, etc. [sic].
Commentaire<br />
Ce document, signé Baguer, fait pendant aux propositions pédago-<br />
giques de Mlle Stupuy pour la formation des filles arriérées et instables.<br />
En effet, l'auteur expose un plan de formation manuelle et professionnelle<br />
pour les garçons arriérés et instables. Mais il présente aussi les principes<br />
pédagogiques inspirant toute formation qui serait dispensée dans les<br />
écoles et internats de perfectionnement. C'est une vision d'ensemble de<br />
I'enseignement spécialisé qui est proposée dans ce texte, associant à une<br />
réflexion sur les contenus et sur les styles pédagogiques, une conception<br />
des finalités de I'enseignement spécial.<br />
BAGUER : UN HOMME UTILE » ET UN SPECIALISTE<br />
A lire ce document, on relève à premiére vue de grandes similitudes<br />
avec le texte de Mlle Stupuy. Tout comme cette derniére, dont il men-<br />
tionne l'étude, Baguer, cet « homme utile )) pour reprendre l'expression de<br />
Binet et de Simon l, adopte un profil bas. II se situe vis-à-vis des membres<br />
de la sous-commission pédagogique à laquelle il présente ce rapport,<br />
comme un technicien et non comme un participant à part entière au débat.<br />
Cette modestie est repérable à plusieurs indices : (( Vous avez bien voulu<br />
me charger d'étudier les conditions [...] Vous avez déjà discuté la valeur<br />
de ce mot atelier, j'ai l'honneur de soumettre à vos délibérations, les<br />
conclusions suivantes. )) On remarquera aussi que pour définir les finalités<br />
des écoles de perfectionnement, l'auteur s'appuie sur (ou s'abrite sous)<br />
une très longue citation de Binet.<br />
Malgré ces précautions d'usage, l'exposé est ambitieux et très<br />
complet : après un bref rappel critique de l'organisation en vigueur dans<br />
les écoles ordinaires, il présente un plan argumenté pour I'enseignement<br />
' A. Binet, Th. Simon. 1907, p. 13.<br />
232
du travail manuel dans les écoles de perfectionnement et pour I'ensei-<br />
gnement professionnel en internats de perfectionnement. La présentation<br />
de ce plan est accompagnée de considérations sur les pédagogies à dé-<br />
ployer dans le cadre de ces enseignements. Dans la derniére partie du<br />
texte, prenant appui sur son exposé des motifs, Baguer soumet à la déli-<br />
bération des membres de Ba sous-commission, des propositions d'organi-<br />
sation de I'enseignement manuel et professionnel en écoles et internats<br />
de peufectionnement.<br />
UNE OMISSION DE BAILLE<br />
Si complet soit-il, l'exposé frappe cependant par une omission de<br />
taille : rien n'est dit sur ce que devrait être I'enseignement du travail ma-<br />
nuel en classe de perfectionnement annexée à une école primaire.<br />
Que signifie ce silence 7 S'agit-il d'un oubli ? Ou bien Baguer<br />
emploierait-il le mot (( école s de façon extensive incluant ainsi dans sa<br />
démonstration les classes annexees ?<br />
Ces hypothèses sont peu envisageables sous la plume de Baguer, lui-<br />
meme directeur d'un internat (l'Institut des sourds-muets et sourdes-<br />
muettes d'Asnières) el qui A maintes reprises, a manifesté dans ses écrits<br />
sa préférence pour l'internat.<br />
Des le début de son combat en faveur d'un enseignement spécial pour<br />
les arriérés et les instables, Baguer milite pour la création d'internats de<br />
perfectionnement et se montre hostile à celle de (( classes » et d'écoles<br />
spéciales sans internat ». Ainsi, En 4 898-1 899, distinguant entre la classe<br />
speciale en 6cole primaire dite (( classe de discipline », les écoles spécia-<br />
les dites cc 6coles de r6fome B et les internats dits « de peifectionne-<br />
ment », 1 voit dans la classe spkciale, un lieu de relégation : (( la classe
annexée sera la classe sacrifiée, la classe de débarras 2. » De même,<br />
L'école de réforme n'est, comme la classe de discipline, qu'un palliatif<br />
trompeur et coûteuxg ». En 1900, au Congrès international d'Assistance<br />
publique, tout en rendant hommage à Bourneville, il justifie I'internat par le<br />
fait que « les enfants arriérés ne peuvent recevoir ni dans leurs familles ni<br />
dans les écoles ordinaires les soins que nécessite leur redressement phy-<br />
sique, intellectuel et moral B. Dans plusieurs écrits ultérieurs, la même<br />
argumentation est développée de façon moins virulente, avec en outre<br />
l'idée qu'une organisation sérieuse d'ateliers de travail manuel et de for-<br />
mation professionnelle ne peut être réalisée que dans le cadre d'écoles<br />
spécialisées et d'internats.<br />
Ces arguments sont discutés avec d'autres promoteurs de I'enseigne-<br />
ment spécial 5. Suivant Bourneville, le Dr Manheimer-Gommès, médecin-<br />
adjoint des Asiles, prône en 1904 les classes annexées : l'internat pour<br />
enfants instables évoquerait facheusement la maison de correction.<br />
« Pour les enfants simplement dégénérés ou débiles présentant des défi-<br />
ciences mentales faciles à corriger par l'éducation [...] avec M. Bourne-<br />
ville, nous demandons pour eux le maintien dans leur propre famille sous<br />
une seule condition qu'ils seront envoyés à l'école comme les autres en-<br />
fants. II est vrai que ce n'est pas dans les classes ordinaires qu'on pourra<br />
les mettre mais bien dans des classes spéciales, classes annexées aux<br />
écoles ordinaires. Ces classes spéciales qui existent depuis des années<br />
dans la majorité des pays civilisés doivent réaliser certaines conditions :<br />
maîtres ayant une éducation appropriée, nombre d'élèves très restreint<br />
par classe, heures de travail réduites au minimum, récréations fréquentes,<br />
programmes comprenant surtout l'enseignement par les sens, des leçons<br />
de choses de toute espèce, des cours professionnels [...]. A ce propos on<br />
a parlé dans ces derniers temps d'internats spéciaux de perfectionne-<br />
ment ; c'est seulement dans des groupements que pourrait se donner I'en-<br />
G. Baguer, 1898-1899, p. 5.<br />
G. Baguer, 1898-99, p. 6. Sur ce point, cf. J.Gateaux-Mennecier, 1990 a, p. 103.<br />
Congres international d'Assistance publique, 1900, p. 301.<br />
Dr Manheimer-Gommes, 1904 ; L. Grandvilliers,l903 ; Dr. Dupuy, 191 2, pp. 271 -272.
seignement spécial avec des moyens de coercition. Nous ne voyons pas<br />
pour notre part, l'utilité de ces internats qui ne s'adresseraient d'ailleurs,<br />
dans la pensée de leurs défenseurs qu'aux instables [...] Tous ces établis-<br />
sements ont I'inconvénient d'exiger des frais énormes [...] de plus un des<br />
graves inconvénients de l'internat est de rappeler encore quelque chose<br />
de Ba maison de correction. » Girandvilliers commente de façon plus nuan-<br />
ê6e Ees théses de Bagues: a Quoique partqgeant les préventions de M.<br />
Bagues contre les classes et 6coles spéciales [...] je serais presque tenté<br />
d'admettre dans les grands centres, l'existence d'établissements de ce<br />
genre. J'estime en effet qu'un certain nombre d'enfants sortis améliorés<br />
des instituts médico-pedagogiques pourraient avec avantage, avant de re-<br />
prendre place 4 l'école ordinaire, faire un stage dans un milieu intermé-<br />
diaire, sorte d'asile de convalescence, de maison de transition, qui serait<br />
B'écolle spéciale pouu anomaux améliorés. )) Quant à Binet, il considère<br />
que 01exp6rience des prsmiéres classes de perfectionnement a permis de<br />
Bsveu Bss pr6ventions contre les ciasses annexées et que la création d'in-<br />
ternats peut susciter convoitises et fraudes 0.<br />
Son opposition de principe aux classes annexées n'empêche pas<br />
Baguer de s'intéresser au fondionnement des premiéres classes de per-<br />
BecSionnement et mpiêmie d8s 4903, de demander, pour des raisons tac-<br />
tiques, comme l'ai monPi-6 M.Wal (1986), la création de classes<br />
annexees 7. Bans diffkrents écrits, il cite en exemple la classe de la rue<br />
Lecomte ouverte en fkvi-ier 4907 et ne manque pas de souligner le rôle<br />
qu'il lient dans l'animation pédagogique de cette école (rédaction de direc-<br />
tives pkdagogiques)<br />
"our une analyse des êrgumentalions respectives de Binet et de Baguer à propos de<br />
l'organisation A privilégier (classe annexée, hole autonome ou internat). cf. M. Vial, 1986,<br />
pp. 4 73-1 84.<br />
Le 40142i4903, à la SLEQE, Baguer revient sur son opposition aux classes spéciales<br />
exprimée en P 898. en la justiliant ainsi : a Certain de l'antagonisme des familles, de la dépense<br />
@norme et des résultats impossibles D (SLEPE, 1904, p. 390). En 1903, la situation<br />
oi changé : il faut avant toJ convaincre i'opinion pour faire avancer la cause de l'éducation<br />
des enfants anormaux. D'OU sans doute ce revirement tactique de la part de Baguer.<br />
Cf. 6. Baguer,l907 a et 4 907 b, p. 4 6 q.
Des classes annexées sont ouvertes dans les années précédant et<br />
suivant la loi de 1909. Baguer tout en persistant avec le soutien de méde-<br />
cins Q, dans son plaidoyer en faveur des internats, compose avec les faits.<br />
En 191 3, au 8e Congrès d'hygiène sociale, il considère que la loi de 1909<br />
« permet de mettre certaines classes, certaines écoles à la mesure des<br />
éléves [...] et [que] cette souplesse d'accommodation rend déjà d'appré-<br />
ciables services ». Cependant, il ajoute que les conditions nécessaires<br />
pour l'éducation des « anormaux sensoriels » et des « anormaux psy-<br />
chiques » ne peuvent être remplies que dans un internat 'O.<br />
UNE PEDAGOGIE NOUVELLE ?<br />
Dans son rapport de 1898-1899, Baguer se défend de promouvoir une<br />
pédagogie alternative pour les enfants arriérés et instables. « Le pro-<br />
gramme des études suivra d'aussi près que possible le programme en<br />
usage dans les écoles publiques de la Seine, mais la pédagogie pratique,<br />
la recherche et l'application des meilleurs procédés de développement<br />
intellectuel seront la préoccupation constante du personnel ll. » Dans le<br />
texte ici étudié, ses propositions pédagogiques semblent en rupture avec<br />
les pratiques en usage dans les classes tout-venant. Des critiques sont<br />
lancées contre le formalisme et l'ennui des enseignements classiques.<br />
C'est ainsi qu'on peut lire : « On pourra, on devra faire beaucoup plus<br />
et beaucoup mieux, en fait de travail manuel que dans les écoles ordinai-<br />
res », « On donnera moins de place aux recommencements si souvent<br />
Ainsi, le docteur Dupuy reprend terme à terme les propositions de Baguer : a: Ces classes<br />
(de perfectionnement) sont insuffisantes et à leur sujet nous ne saurions mieux exprimer<br />
notre pensée qu'en répétant le mot de M. Baguer spécialiste en la matière aussi éminent<br />
qu'impartial. Les classes de perfectionnement avec système de l'externat ne sont qu'un<br />
"palliatif trompeur et coûteux'' [...] II est donc nécessaire de créer au plus tôt les écoles<br />
autonomes de perfectionnement avec système de l'internat telles que les prévoit également<br />
la loi de 1909. a (Dr Dupuy, 191 2, pp. 271 -272).<br />
l0 G. Baguer, 1913, p. 107.<br />
l1 G. Baguer, 18981899, p. 11.
fastidieux des exercices dits intelleduels », Au lieu de s'éterniser dans la<br />
reproduction des trop conventionnels modèles en plâtre ». Ces remarques<br />
sont accompagnées d'un expos6 des principes de base de la pédagogie<br />
en Qcole de perfectionnement. 88 s'agit d'une pédagogie reposant sur I'activité<br />
de i'éiè~e et prenant eeppul sur une approche concrète et sensorielle<br />
des apprentissages : de B'obsewation à i'abstraction, du « concret à I'abs-<br />
tirait D, de Ba chose. au mot D, cf du fait à l'idée ». Ces idées ne sont pas<br />
neuves chez Baguer: dans le pr6sent document, les trois paragraphes<br />
consacrés B ce que serait c( une didactique des débiles » (pour reprendre<br />
O'expression qu'emploie Avanzini B propos de Binet 12) reprennent mot à<br />
mot Ees theses déj& présentes dans le rapport de 1898-1899 13. Elles se-<br />
ront égaiement reproduites dans les Directions pedagogiques redigées<br />
par Baguer pour la conduite de la classe de la rue Lecomte 14. En fait, ces<br />
tdQes constituent le fonds commun de la réflexion pédagogique menée par<br />
les promoteurs de I'enseignement speciai. Baguer en est un des artisans.<br />
Binet expose Bes memes principes en 1904-1905 l5 et les développe dans<br />
le Guide (refus du ver$alism@, primauté A I'obsetvation et au tâtonnement,<br />
B un enseignamen8 « concret, sensoriel, intuitif ») 16. Ces principes ins-<br />
pjren9 aussi les m6tRodes ew usage dans l'école pour arriérés de Bruxelles<br />
(6~01s no 9) dirigée par Nyns et par Decroly. D'après le Dr Roubinovitch,<br />
dafis cette $COIS, 18 premiers place est également occupée par le travail<br />
*%anus! et les m6ahodes sont «intuitives [...] expérimentales [...]<br />
joyeuses l7 P). Les instndctions de 'i909 s'inspirent de la même conception<br />
des sppreaitissaigss. Dans les textes officiels sont en effet proscrits le verbalisme,<br />
les abus d'un apjrenlissege reposant sur la mémoire, l'imposition<br />
brutale du savoir 18. La pQdagogie prônée dans les instructions de 1909<br />
'2 G.Avamini, 4 978, p. 20.<br />
l3 6. Baguer, 989û-1899, p. 2.<br />
'4 L'instituteur de le rue Lecomte aurait re~u les instructions de Baguer, de Jeannot, inspecteur<br />
primaire et de Binet. Voir à ce propos : J. Roubinovitch, 1907 b, p. 12.<br />
l5 A. Binet, 1905 a.<br />
l6 A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 49.<br />
l7<br />
J. Roubinovitch, 1907 b, p. 9.<br />
Dans les textes orficiels de 1909, on lit : a Ils [les maîtres] éviteront les définitions, les<br />
régles, les formules [...] Ils n'useront qu'avec discrétion de la récitation littérale [...] Ils<br />
s'attacheront à provoquer et B retenir l'attention par i'attrait de ce qu'ifs montrent. n
trouve un terrain privilégié dans I'enseignement du travail manuel. Dans<br />
cette matière, que différents auteurs, à commencer par Baguer et Binet,<br />
opposent au verbalisme des autres enseignements, les élèves seraient mis<br />
dans des situations proches de la vie quotidienne ; ils seraient confrontés<br />
à la matière et au faire, dans des démarches actives d'apprentissage, et<br />
commenceraient à s'approprier les gestes de l'activité professionnelle.<br />
LlNE FORMATION MANUELLE À VISEE PROFESSIONNELLE<br />
Si une place éminente est résewée à I'enseignement manuel, chez les<br />
promoteurs de I'enseignement spécial comme dans les textes officiels,<br />
c'est aussi parce que cette discipline est entendue comme une discipline à<br />
visée professionnelle. Comme Binet, Baguer souscrit à l'idée que l'atelier<br />
serait le lieu principal et le lieu terminal de la formation des enfants arrié-<br />
rés. Dans le présent document, on lit : « Dans les écoles de perfectionne-<br />
ment, l'atelier doit avoir une importance spéciale » et plus loin « i'atelier ne<br />
serait pas seulement un accessoire obligé de l'école de perfectionnement,<br />
ce serait un but et un moyen 1). Ces affirmations sont étayées par une<br />
citation de Binet, reprise ensuite dans le rapport au nom de la sous-<br />
commission (texte 1 l), qui milite en faveur d'une formation professionnelle<br />
des anormaux afin « d'éviter qu'ils ne restent ti la charge de la société ou<br />
même qu'ils ne prennent rang dans la catégorie des nuisibles ou des cri-<br />
minels », ou de ceux que Binet, s'inscrivant dans le courant rentabiliste,<br />
appelle aussi, après bien d'autres, des « non-valeurs lg ». Cette affirma-<br />
tion sera reprise mais euphémisée dans les instructions officielles 20 ainsi<br />
lg<br />
A. Binet, 1905 a, p. 321.<br />
20 Instructions générales - Annexes de l'arrêté du 18 août 1909. La phrase de Binet y est<br />
reproduite, mais amputée de son dernier segment. Dans les instructions, on lit seulement :<br />
u Le but des écoles de perfectionnement n'est pas seulement d'assurer aux enfants arrié-<br />
rés I'instruction B laquelle ils ont droit mais encore d'éviter qu'ils ne tombent à la charge de<br />
la société. B
que dans Les Idees modernes elle oriente tout l'enseignement manuel<br />
vers la fomation professionnelle.<br />
Les débuts de formation technique donnés en écoles de perfectionne-<br />
ment seront suivis par une foirimation professionnelle en internats de per-<br />
fectionnement. Les formations manuelles en « atelier scolaire éducatif »<br />
condiairont 4 des apprentissages professionnels en internats, à partir de<br />
O'2ge de treize ou quatorze ans. Baguer esquisse donc le plan d'un cursus<br />
complet finalisé par l'intégration professionnelle des élèves dans l'industrie<br />
ou d$ns 8'8grjcullure. Les enseignements professionnels envisagés sont :<br />
Ee bois, le fer, Be cordonnerie, Da confection, le dessin industriel, I'agricul-<br />
thaire. &a préoccupation d'une BomaPion professionnelle n'est pas nouvelle<br />
chez Baguer : les cinq paragraphes consacrés tl la formation profession-<br />
nelEe industrielle en internat de perfectionnement sont une copie littérale<br />
des Qcrils de 'l898-1899 22. ha communication s'achève sur la proposition<br />
d'un texle réglementant l'enseignement manuel et professionnel.<br />
EN COhsCLeBS%OM, 21 la ledure de ce texte, on voit clairement pourquoi<br />
une Uell!s place es9 P-$sewQe au travail manuel par les promoteurs de I'en-<br />
$signement sp6ciell. C'est une discipline reposant sur une approche<br />
CO?ICT&@, active et 81on verbaie des apprentissages ; c'est un moyen d'incwEquei<br />
aux 6Jéves des habitudes techniques les disposant aux apprentisszges<br />
professionnels ; c'est une première préparation à la vie professioncelle,<br />
finalit6 première de l'enseignement spécial. Les propositions de<br />
Bzguer, si elles sont, comme celles de Mlle Stupuy, passées sous silence<br />
par Binet dans son rappori au nom de la sous-commission (texte Il),<br />
seronB reprises dans les conclusions adoptées par la commission plénière<br />
(texle 12).<br />
2' A.Binet, 494 4 a, p. 130. Dans le texte de 191 1, a. les nuisibles et les criminels D ne sont<br />
plus que des a inutiles qui pourront devenir des nuisibles D. Le mot criminel a disparu, le<br />
mot nuisible eçt avanç& comme une hypothPse.<br />
22 G. Baguer, 1898-4899, page 4 4.
Ces orientations seront retenues par les instructions officielles de 1909<br />
qui décrivent un cursus scolaire conduisant l'enfant de l'acquisition d'ha-<br />
bitudes de travail en classe de perfectionnement à l'acquisition de techni-<br />
ques professionnelles en atelier et proposent le même type d'activités<br />
(arrêté du 18 août 1909, annexe, point 6).<br />
Dans les faits, ces instructions connaissent une application limitée pro-<br />
bablement en raison de l'absence d'obligation scolaire au-delà de qua-<br />
torze ans. Contrairement à la politique défendue par Baguer et par Binet<br />
et affichée dans les Instructions de 1909, la formation professionnelle en<br />
classe de perfectionnement est sous-développée au point qu'en 1926, le<br />
Dr Paul-Boncour peut déclarer : « La formation professionnelle est mani-<br />
festement négligée et l'assistance post-scolaire rudimentaire ou nulle ))<br />
II faut attendre la création en 1951 des écoles nationales de perfectionne-<br />
ment (ENP, ex-centres spécialisés) pour que s'ouvrent de réelles perspec-<br />
tives professionnelles pour les enfants des classes de perfectionnement.<br />
Qu'en a-t-il été à l'internat dlAsni&res, dirigé par Baguer, où à pariir de<br />
1914, fonctionne une section d'arrikrés-entendants 24 à côté des sections<br />
accueillant des enfants sourds-muets ? Une véritable filiére de formation<br />
professionnelle a-t-elle pu être construite ? Dans l'entre deux-guerres,<br />
sont organisés pour les enfants arridrés entre 14 et 18 ans des ateliers de<br />
formation professionnelle sous la direction de maitres-ouvriers : les filles<br />
reçoivent des formations de couturiére, giletière, tapissière et rentrayeuse.<br />
Les garçons apprennent les métiers de mécanicien, ajusteur, menuisier,<br />
tailleur, cordonnier et canneur *. Mais une étude partielle portant sur le<br />
devenir de 66 anciens éléves (recensement de 1943) montre que plus de<br />
trente ans après la loi de 1909, les objectifs proposés par Baguer sont loin<br />
d'être atteints : les trois quarts des Blèves ont certes reçu une formation<br />
professionnelle mais un tiers seulement des anciens élèves travaillent (22<br />
Paul-Boncour cité par Lévêque, 1932. p. 58.<br />
24 Cf. Bulletin municipal d'Asnières, f4 juillet 1914, p. 2995 et sq.<br />
25 Bulletin de l'Institut d'Asnières, janvier 1931, p. 1. Pour une analyse plus complète du<br />
fonctionnement de l'internat d'Asnières, cf. M. Hugon, 1981. vol.1, pp. 151 -1 75.
Qleves). Huit seulement ont une activité correspondant à la formation pro-<br />
fessionnelle reçue. Ces chiffres confirment que les projets de Baguer sur<br />
ce point sont fod incompléternent sbalisés.
Ibes eonc%usisns de la Commission *<br />
Pas<br />
Marie-Anne Hugon et Monique Via!<br />
* Les textes 4 4 et 12 sont pr@senl6s a la suite l'un de l'autre et font l'objet<br />
d'un seul commentaire.
Mus6e national de l'Éducation. Dossier 3.7.01/79(A)/1905.<br />
Cwbbc~mexi~. 15 pages. Autographie de l'Institut départemental des Sourds-<br />
Muets d'Asnigres. Avril 4 905. En-@te, page de garde : Ministère de l'Instruction<br />
publique, des Beaux-Arts et des Cultes, Commission pour l'éducation des Enfants<br />
Anomaux. En-tête, page 4 : Commission pour l'Éducation des Enfants anormaux<br />
institu6e par arrêt6e de M. le Ministre de I'lnstrudion publique le 4 octobre 1904.<br />
Toutes les pages portent au haut du verso : « Observations, corrections, additions.<br />
» Aucune correction, aucune observation.<br />
Rapport<br />
ZIM mom de Ela Sous-Commission<br />
cbargCe dPktudéea le5 solu6ons à proposer en faveur des<br />
nrsikrks et des instables<br />
p&senté par<br />
MIiiI. Mffred Binet<br />
Directenna hbosatoire de Psychologie physiologique<br />
A ilzl Sorbonne [l]<br />
------------------<br />
Messieurs,<br />
À votre réunion du 2 Mvrier dernier, vous avez chargé une sous-Commis-<br />
sion, dite Sous-Commission pédagogique des anormaux, d'étudier les mesures à<br />
prendre pour assurer les bénéfices de l'instruction aux enfants ~mërés et<br />
instabhs.<br />
Cette Sous-Commrjsion, composée de M.M. Baguer, Bédorez, Binet, Bour-<br />
neville, Marcel Chadot, Jost, Lacabe, Malapert, et M~~~ Stupuy, après avoir<br />
choisi pour son président M. Jost et pour Secrétaire-rapporteur M. Binet, a<br />
tenu cinq séances au Ministère de l'Instruction publique et au Laboratoire de<br />
Psychologie de la Sorbonne ; entre temps, elle a visité en groupe collective-<br />
ment l'école d'arriérés de la Salpêtrière (service du Dr Voisin), le service de<br />
notce collègue, le Docteur Boueneville, à Bicêtre, l'établissement privé
d'Eaubonne dirigé par M. Langlois. En outre, trois membres de la Commis-<br />
sion, M.M. Jost, Binet et Lacabe, ont étudié spécialement, dans la grande<br />
école de l'Hospice de Bicêtre, les méthodes pédagogiques en usage.<br />
La Sous-Commission vient vous présenter les opinions qu'elle a formulées<br />
sur cinq questions principales, que nous vous signalons ici dans l'ordre même<br />
où elles ont été abordées :<br />
1" Les types d'établissement à établir pour les enfants arriérés;<br />
2" Le personnel enseignant de ces établissements;<br />
3" Les conditions d'admission des élèves ;<br />
4" Les programmes d'enseignement et les méthodes pédagogiques ;<br />
5" Les comités de patronage.<br />
Au cours de ses délibérations, la Sous-Commission a eu souvent le sentiment<br />
que beaucoup de problèmes qui se rattachent à l'éducation des anormaux,<br />
comme par exemple la distinction précise des degrés divers d'arriération<br />
mentale, l'organisation de méthodes pédagogiques nouvelles et spéciales, sont<br />
des questions encore à l'étude, qui demandent des recherches scientifiques<br />
longues, patientes et minutieuses.<br />
La Sous-Commission croit qu'il serait extrêmement utile d'organiser ces re-<br />
cherches complémentaires, et elle vous fera une proposition précise à ce<br />
sujet; mais d'autre part, elle s'est convaincue que les notions que nous<br />
possédons déjà sur les enfants arriérés suffisent pour commencer une<br />
organisation de l'enseignement qui leur est destiné, et, décidée avant tout à<br />
faire une œuvre pratique, elle a voulu définir les mesures qui permettront que<br />
la création des Écoles d'anormaux, réclamée depuis si longtemps avec<br />
insistance, entre le plus tôt possible dans une période de réalisation.<br />
Cette préoccupation d'aboutir a été l'idée directrice de tous les travaux de<br />
la Sous-Commission et il importe de le dire ici bien nettement.<br />
Le rapport que nous vous présentons se compose de deux parties :<br />
Dans la première, qui est un exposé des motifs, vous trouverez un écho<br />
de nos discussions qui vous mettra à même d'apprécier à la fois nos solutions<br />
1 et les raisons qui les justifient à nos yeux.
La seconde partie du rapport, plus concise, formule les propositions aux-<br />
quelles nous avons abouti, et que nous venons soumettre au jugement de la<br />
Commission tout entière, en lui demandant dans quelle mesure elle consent à<br />
se les approprier.<br />
Première partie<br />
-----<br />
Compte-rendu<br />
des Délibérations de la Sous-Commission<br />
n---c,-m---<br />
I<br />
Nature des Établissements spéciaux devant être créés pour les Enfants<br />
Arriérés et Instables.- Ces établissements recevront le titre générique d'Écoles<br />
de perfectionnement. Il y a lieu de prendre en considération trois types prin-<br />
cipaux d'écoles ; ces types sont :<br />
1 Les Classes spédales annexées am Écoles onlinaires de nonnat»c, ayant un per-<br />
sonnel commun, une porte d'entrée commune, un préau commun ;<br />
2OLes Écoles autonomes, à une ou plusieurs classes, avec externat ou<br />
demi-pension ;<br />
3' Les Écoles autonomes, avec internat.<br />
Chacun de ces types d'établissement a des avantages et des inconvénients,<br />
et aucun ne doit être écarté pour des raisons à priori.<br />
Classes spéciales<br />
Les Classes spéciales one pour principaux avantages de demander un mi-<br />
nimum de frais d'organisation, et de pouvoir être multipliées dans tous les<br />
centres de population où elles sont jugées nécessaires, de manière à ne pas<br />
être éloignées du domicile des enfants.<br />
Cependant l'expérience a démontré, tant en France qu'à l'Étranger, que<br />
ces Classes spéciales adjointes aux écoles ordinaires présentent les inconvé-<br />
nients suivants :<br />
1" Elles réunissent dans le même local, sous la direction d'un seul maître,<br />
tous les anormaux de l'École, enfants qui n'ont ni le même âge ni le même
degré d'instruction ; ce rapprochement est regrettable au point de vue de la<br />
pédagogie, il rend l'enseignement collectif très difficile ;<br />
2' Elles signaient les anormaux à l'attention et à l'hostilité des enfants<br />
normaux de la même École, et même des parents de ces derniers ;<br />
3O Le matériel scolaire spécial et les cours spéciaux, tels que ceux d'ortho-<br />
phonie, ne peuvent pas être organisés avec autant de facilité et d'économie<br />
dans des classes spéciales, nécessairement nombreuses, que dans des Écoles<br />
autonomes, qui seront en nombre plus restreint et disposeront de ressources<br />
plus grandes. Dans certains cas, l'éparpillement coûte plus cher que la centra-<br />
lisation.<br />
4O Les instituteurs chargés des cours d'anormaux se trouveront isolés et<br />
comme perdus dans les Écoles ordinaires, et privés d'échanger leurs vues et<br />
de collaborer avec d'autres éducateurs d'anormaux, pour établir des méthodes<br />
pédagogiques communes, qui profiteraient de l'expérience de tous.<br />
5" Les Classes spéciales, si on leur applique rigoureusement le système de<br />
l'externat, mettent quatre fois par jour l'enfant dans la rue, en lui laissant une<br />
liberté que son état de débilité et d'instabilité rend dangereuse pour certains<br />
sujets et dans certaines régions.<br />
Écoles autonomes avec internats<br />
En établissant des Écoles de ce type, l'État assume des charges qui dé-<br />
passent les obligations que la loi scolaire lui impose, et qui dérivent d'une idée<br />
d'assistance ; il est donc juste de n'admettre le système de l'internat qu'à titre<br />
exceptionnel et pour une catégorie restreinte d'enfants anormaux ; ce sont<br />
d'une part, ceux qui sont si gravement atteints dans leurs fonctions intellec-<br />
tuelles et morales qu'ils ont besoin d'une éducation et d'un dressage continués<br />
sans aucune interruption, et tels que l'internat peut seul les assurer ; ce sont<br />
d'autre part les enfants qu'il est utile d'enlever à un milieu familiai dangereux<br />
(absence complète de surveillance, mauvais exemples, indignité des parents,<br />
familles névropathiques, etc.)<br />
Écoles autonomes avec demi-pensionnats<br />
Ce troisième type d'Établissement présente sur les précédents des avan-<br />
tages sérieux ; il est moins coûteux que l'internat ; il permet de profiter de la
collaboration de la famille à l'aeuvre éducauice, dans les cas où la famille est<br />
saine et recommandable, il épargne aux enfants anormaux et à leurs parents<br />
l'hostilité des enfants normaux ; il facilite la création de cours spéciaux, et<br />
l'achat de matériels scolaires hpomts ; il établit un rapprochement tout<br />
naturel entre les Instituteurs d'anomaux, et leur permet de s'entraider ; il<br />
évite à l'enfant arriéré d'être trop souvent abandonné à lui-même dans la rue.<br />
Conclusion<br />
La Commission ne condamne aucun type d'établissement scolaire pour<br />
anormaux ;<br />
Elle estime que chacun des trois types signalés plus haut répond à un<br />
besoin spécid, et trouvera son application dans des cas particuliers.<br />
D'une manière générale, elle accorde ses préférences à l'école autonome<br />
avec ciemi-pensionnat.<br />
II<br />
Co~8ditioims d'admission<br />
dams les &eao~es de Perfectionnement.<br />
----------<br />
Commission d'examen. Composition.- Les enfants arriérés et instables ne<br />
seront éliminés en aucun cas des Écoles publiques ordinaires qu'après avoir<br />
subi un examen constatant qu'ils sont incapables de profiter, dans la mesure<br />
moyenne, de l'enseignement donné dans les dites Écoles, ou de se conformer<br />
à la discipline commune.<br />
Cet examen de l'enfant sera fait par une Commission composée de trois<br />
membres : un inspecteur de l'enseignement primaire, un directeur d'École de<br />
perfectionnement et un médecin. La collaboration de ces diverses personna-<br />
lités donnera la garantie que l'enfant sera examiné au double point de vue<br />
médical et pédagogique.<br />
On s'est demandé s'il n'y avait pas lieu d'ajouter aux trois personnes<br />
nommées, un délégué du maire ou du conseil municipal, un représentant du<br />
suffrage universel qui serait là pour surveiller et au besoin pour défendre les
intérêts des familles. À la réflexion, il a paru que cette adjonction n'était point<br />
nécessaire, et que les droits des parents n'avaient pas besoin d'être défendus,<br />
puisqu'en aucun cas, il ne sera fait de placernent d'office dans les Éco~es de<br />
perfectionnement. C'est ce qu'on expliquera ci-après.<br />
On s'est préoccupé d'entourer des garanties les plus sérieuses la Comrnission<br />
d'examen ; on désire qu'elle soit, par sa composition au-dessus de tout<br />
soupçon de partialité ; par conséquent, elle ne doit comprendre qu'une seule<br />
personne attachée à l'École spéciale, le Directeur de cette École. On évitera<br />
autant que possible que le médecin qui fait partie de la Commission cumule<br />
les fonctions de médecin-inspecteur de l'École, afin que la Commission<br />
d'examen ne puisse pas être soupçonnée d'avoir un intérêt direct au recmtement<br />
de l'École de perfectionnement.<br />
Une autre question importante est celle des aptitudes qu'il faut exiger du<br />
médecin examinateur. On émet le vœu que ce médecin ait une compétence<br />
spéciale en ce qui concerne les maladies des enfants, les maladies nerveuses et<br />
mentales, les maladies des organes des sens, et qu'il ait quelques connaissances<br />
générales en psychologie et en pédagogie.<br />
Procédure. Rôle de l'instituteur, de l'inspecteur primaire. Droits de la fa-<br />
mille. - La commission d'examen sera saisie soit par les instituteurs, soit par<br />
les familles.<br />
Lorsqu'un instituteur jugera utile qu'un de ses élèves soit examiné par la<br />
Commission, il commencera par en parler aux parents de l'élève, afin de leur<br />
montrer qu'il y aurait intérêt à ce que celui-ci profitât d'une éducation spé-<br />
ciale. Il est toujours à désirer que la présentation de l'enfant soit faite après un<br />
accord intervenu entre l'instituteur et la famille. Mais on ne peut poser à cet<br />
égard aucun principe absolu et la conduite de l'instituteur variera nécessaire-<br />
ment avec les circonstances. Il faut reconnaître aussi à l'inspecteur primaire le<br />
droit de faire appeler un enfant devant la Commission d'examen, soit que<br />
l'inspecteur ait effectivement remarqué que cet enfant n'est pas à sa place<br />
dans l'École ordinaire, soit qu'il juge utile d'assumer cette initiative, pour<br />
couvrir l'instituteur vis-à-vis des parents. Dans un certain nombre de cas, les<br />
médecins et les inspecteurs des si les-Écoles pourront proposer à la Com-
mission d'admettre à l'École de perfectionnement des élèves de 1'~sile-École<br />
qui se trouveront suffisamment améliorés pour mériter ce transfert.<br />
Lorsque c'est la famille elle-même qui désire soumettre l'enfant à la<br />
Commission, une simple demande de sa part suffira. Dans les cas où la de-<br />
mande émanera de l'instituteur, celui ci sera tenu de rédiger un rapport rela-<br />
tant les faits qui semblent démontrer la nécessité d'éliminer l'enfant de l'École<br />
publique.<br />
Deux hypothèses sont à envisager ici : la première est celle où la famille<br />
donne son assentiment à l'examen de l'enfant ; la seconde est celle ou la fa-<br />
mille y fait opposition.<br />
Dans la première hypothèse, l'enfant sera appelé en personne devant la<br />
Commission et examiné avec le plus grand soin, tant au point de vue médical<br />
qu'au point de vue psychologique et pédagogique.<br />
Une décision sera prise à son égard, soit séance tenante, soit après un<br />
certain délai, si on juge nécessaire de le mettre en observation. La Comrnis-<br />
sion fera appeler les parents ; le médecin leur demandera d'une manière géné-<br />
de tous les renseignements qu'il jugera utiles pour son diagnostic. De son<br />
côté, l'inspecteur primaire convoquera les instituteurs et directeurs d'école qui<br />
ont eu l'enfant sous leur direction ; il recueillera leur témoignage verbal, il le<br />
discutera avec eux et surtout il l'interprétera ; la connaissance qu'il a de son<br />
personnel lui permettra de mettre au point les taia articuiés, et de se rendre<br />
compte s'ils ont été exagérés dans un sens ou dans un autre : ses fonctions<br />
ordinaires d'éducateur le préparent tout naturellement à ce rôle.<br />
D'après le résultat de l'examen médical et pédagogique, la Commission<br />
aura le choix entre deux solutions préliminaires : le renvoi de l'enfant à<br />
l'École publique ou son élimination de l'École. Si cette dernière solution pré-<br />
vaut, la Commission proposera à la famille de placer l'enfant dans une école<br />
de perfectionnement ou même, suivant les cas, dans un si le-École.<br />
Envisageons maintenant l'hypothèse où la famille fera opposition à l'en-<br />
quête. La Cornmjssion avertie de cette résistance, se fera un devoir de s'en-<br />
eretenir avec les parents pour dissiper leurs préventions, leur montrer<br />
combien l'enfant profite peu de l'enseignement ordinaire, leur citer les<br />
exemples qui prouvent que certaines catégories d'élèves sont grandement<br />
améliorées dans les Écoles de perfectionnement, les assurer que l'admission
dans ces écoles est essentiellement transitoire et que, dès que leur enfant sera<br />
suffisamment amélioré, il pourra retourner à l'École ordinaire.<br />
En aucun cas, on ne cherchera à porter atteinte aux droits des parents, on<br />
agira sur eux uniquement par la persuasion et la douceur. Si l'entente ne se<br />
fait pas, la Commission se borne à éliminer l'enfant de l'École ordinaire,<br />
quand elle juge cette décision nécessaire, et les parents de l'enfant restent les<br />
maîtres de lui donner l'instruction, soit chez eux, soit dans un établissement<br />
privé.<br />
III<br />
Le personnel<br />
des Écoles de Perfectionnement<br />
----------<br />
Les Maîtres des Écoles de Perfectionnement feront partie du personnel de<br />
l'enseignement primaire public.<br />
Il est désirable que ces Maîtres subissent une préparation spéciale, qui leur<br />
donne les connaissances nécessaires pour bien s'acquitter de leurs fonctions.<br />
Des conférences ou des cours seront organisés dans les Écoles normales<br />
d'instituteurs et d'institutrices ; on y exposera des notions de physiologie et<br />
d'hygiène scolaire, de psychologie et de pédagogie spéciales, des indications<br />
sur les principaux défauts de prononciation et les moyens de les corriger, une<br />
description des types principaux d'arriération intellectuelle et de leurs symp-<br />
tômes, etc.<br />
La durée, les dates et les heures de ces conférences seront fixées de ma-<br />
nière à les rendre accessibles à des instituteurs déjà en exercice, qui désire-<br />
raient devenir des éducateurs d'anormaux.<br />
À cette préparation théorique, par la conférence et le cours, s'ajoutera<br />
comme préparation pratique, un stage dans des établissements spéciaux, afin<br />
que le futur instituteur puisse étudier sur place les arriérés, leur attitude, leur<br />
caractère, les moyens qui réussissent le mieux à fixer leur attention et à solli-<br />
citer leur intelligence. Ces établissements sont d'abord et en premier lieu les
Écoles de perfectionnement, (classes spéciales, demi-pensionnats, internats)<br />
quand elles seront en exercice ; ensuite, les sil les-Écoles, les Écoles<br />
d'Aveugles, les Écoles de Sourds-Muets.<br />
Le stage comprendra un certain nombre de jours de présence, et dans<br />
certains c;ns le stagiaire sera invité à prendre une part active au travail de<br />
l'école en quaiité de moniteur.<br />
Les candidats ne seront nommés professeurs dans les Écoles de perfec-<br />
tionnement qu'après avoir été sélectionnés par un examen ou un concours<br />
attestant qu'ils ont acquis des connaissances suffisantes relativement aux<br />
matières qui leur seront enseignées.<br />
Il est indispensable que tous les professeurs de l'enseignement spécial re-<br />
çoivent, outre le traitement de leur classe, une indemnité motivée à la fois par<br />
la difficulté de leur tâche et par l'abnégation dont ils auront à faire preuve.<br />
Cette indemnité est de règle en tous pays ; elle a pour avantage de créer une<br />
élite, i la condition que la nécessité de l'examen ou du concours soit mainte-<br />
nue avec fermeté pour tous.<br />
Bien qu'il paraisse utile que le personnel enseignant des établissements<br />
spéciaux présente une certaine stabilité, on se gardera de poser en principe<br />
que tout professeur nommé est affecté perpétuellement aux anormaux ; il<br />
conserve le droit de demander son retour dans les écoles ordinaires.<br />
En prévision des absences du personnel, l'administration organisera un<br />
personnel de remplacement qui présentera les mêmes garanties de compé-<br />
tence et dans lequel se recruteront de préférence les instituteurs de ces<br />
classes.<br />
Le système de la coéducation des sexes est une question que la Commis-<br />
sion désire ne pas trancher en principe.<br />
Sans doute des essais encouragants ont été déià faits dans plusieurs<br />
Écoles de l'étranger, et différents Congrès ont émis l'avis que, sauf des cas<br />
assez exceptionnels, il n'est pas nécessaire de séparer les enfants par sexe<br />
dans les écoles d'anormaux. Cependant, malgré le grand intérêt de ces tenta-<br />
tives, la Commission pense qu'il faudrait tenir compte de beaucoup de<br />
conditions, dans lesquelles la coéducation des sexes peut avoir, tantôt de<br />
grands avantages, tantôt au contraire certains inconvénients ; ces conditions<br />
importantes sont principalement la nature des exercices scolaires, l'âge des
enfants, les catégories mentales auxquelles ils appartiennent. L'administration<br />
académique locale doit rester libre de décider dans chaque circonstance quel<br />
est le système préférable.<br />
C'est le même esprit d'éclectisme qu'il faut apporter dans la solution d'une<br />
autre question : la proportion des professeurs femmes dans les Écoles<br />
d'anormaux garçons. Dans quelques pays voisins du nôtre, le personnel en-<br />
seignant de toutes les écoles d'anormaux est exclusivement féminin ; en<br />
outre, les aliénistes sont généralement d'avis qu'on doit faire une place très<br />
grande à la femme dans l'éducation des anormaux, comme dans le traitement<br />
des malades et des infirmes, en un mot de tous ceux qui souffrent, et qui ont<br />
besoin de dévouement, de douceur et de bonté. Mais la question se<br />
complique ici de difficultés spéciales, car il ne s'agit pas seulement de donner,<br />
des soins aux enfants et de les instruire, il faut encore savoir maintenir parmi<br />
des groupes d'enfants valides une discipline. On peut donc se demander jus-<br />
qu'à quel âge il est possible d'obtenir d'enfants anormaux, dont quelques-uns<br />
sont des indisciplinés et des instables, qu'ils se soumettent à la discipline<br />
exercée exclusivement par une femme. Quelques membres de la Commission<br />
ont fixé 9 ans comme âge extrême ; d'autres voudraient reculer cette limite<br />
jusqu'à 12 ou 14 ans. La Commission estime que là encore on doit laisser<br />
toute liberté aux administrations scolaires locales de faire des essais prudents,<br />
et de se décider d'après les résultats acquis.<br />
IV<br />
Organisation intérieure des Écoles.<br />
Méthodes pédagogiques<br />
Situation des classes .- Elles seront toutes au rez-de-chaussée, et sépa-<br />
rées les unes des autres par des cloisons opaques, les isolant bien au point de<br />
vue du bruit.<br />
Nombre de classes, et nombre d'enfants par classe.- 11 est impossible<br />
de fixer en principe, et d'une manière uniforme, le nombre de classes que doit
comprendre toute École de perfectionnement ; ce nombre essentiellement<br />
variable, doit être subordonné à l'importance de l'École et au nombre des<br />
élèves qui la fréquentent. Beaucoup de raisons cependant font souhaiter que<br />
chaque classe contienne peu d'élèves, a h que ceux-ci puissent être connus et<br />
suivis personnellement par le MGtre, et que l'enseignement individuel puisse<br />
être associé à l'enseignement collectif; on s'est arrêté aux deux formules<br />
suivantes : si les élèves de l'École n'atteignent pas le nombre de douze, on<br />
pourra ne former qu'une seule classe ; les élèves pouvant être réunis dans une<br />
même classe ne dépasseront pas le nombre de quinze.<br />
Jours des classes.- En dehors du dimanche, il y aura classe tous les jours<br />
sans exception. Le service du personnel sera l'objet d'une régiementation<br />
spéciaie.<br />
Nombre des heures de pr6senêe à l'école. - L'école sera ouverte de 8<br />
heures du matin jusqu'à 6 heures du soir, avec une interruption de<br />
11 heures 1/2 du matin jusqu'à 1 heure de l'après-midi pour les enfants qui<br />
déjeunent chez eux ; le nombre d'heures de présence par jour est donc de dix<br />
heures.<br />
DurCe des exercLes.- Les heures de classe seront coupées par une récréation<br />
d'une demi-heure le matin, et par deux récréations d'une demi-heure<br />
chacune l'après-midi ; soit, avec la suspension des exercices pour le déjeuner,<br />
3 heures de repos pour la journée entière. Le tableau horaire d'une journée<br />
d'école se présente en conséquence de la manière suivante :<br />
De 8 heures à 9 heures 1/2 du matin, classe<br />
De 9 heures P/2 à 10 heures, récréation<br />
De 10 heures à 11 heures 1/2, classe<br />
De 11 h. 1/2 à 1 heure de l'après-midi, déjeuner et récréation<br />
De 1 heure à 2 h. 1/2, classe<br />
De 2 h. 1/2 à 3 heures, récréation<br />
De 3 heures à 4 heures, classe<br />
De 4 heures à 4 h 1/2, récréation<br />
De 4 heures P/2 à 6 heures, classe.<br />
Durant la récréation de 9 h.1/2 à 10 heures, le matin, on servira aux<br />
élèves une collation légère, de préférence du lait (un quart de litre par élève).
Les heures de classe seront remplies par des exercices de travail intellec-<br />
tuel et par des travaux manuels. On s'appliquera à prévenir la fatigue intel-<br />
lectuelle, toujours à craindre chez les anormaux, en alternant un exercice<br />
demandant un effort sérieux d'attention avec un exercice libérant l'attention,<br />
(chant, dessin, gymnastique, travail manuel, etc.). De plus toute étude exi-<br />
geant une application de l'intelligence ne se prolongera pas au-delà d'une<br />
demi-heure.<br />
Durée de la scolarité.- Il est inutile de créer des Écoles maternelles spé-<br />
ciales pour les anormaux ; ceux-ci seront conservés jusqu'à l'âge de six ans<br />
dans les Écoles maternelles ordinaires, dont les méthodes d'enseignement<br />
sont appropriées aux premiers développements de l'intelligence chez les en-<br />
fants. Les anormaux pourront être retenus dans les Écoles de perfectionne-<br />
ment jusqu'à l'âge de 16 ans, dans tous les cas du moins où l'intérêt de leur<br />
instruction demandera cette prolongation de scolarité.<br />
Matières de l'Enseignement.- On suivra le programme des écoles pri-<br />
maires dans la mesure où le comporteront les aptitudes et le développement<br />
intellectuel des élèves. L'instituteur s'attachera à provoquer et à retenir l'at-<br />
tention par l'attrait de ce qu'il montre et de ce qu'il dit, par la variété et l'irn-<br />
prévu des exercices. Il fortifiera la mémoire par une répétition sobre et intel-<br />
ligente qui donnera peu au mécanisme ; il n'usera qu'avec discrétion de la<br />
récitation littérale, qui donne l'illusion trompeuse de la connaissance ; il évi-<br />
tera les définitions, les règles, les formules qu'on apprend sans les compren-<br />
dre ; il ne fera réciter et copier, même pour des exercices d'écriture, que des<br />
mots ou des phrases dont les enfants saisissent le sens ; il se rappellera que les<br />
notions du monde sensible, faits particuliers, vérités constatées, réalités véri-<br />
fiées, précèdent dans l'esprit les idées générales et en fournissent les maté-<br />
riaux. Aussi aura-t-il le plus souvent recours à la méthode de la leçon de<br />
choses. Son enseignement sera concret et sensoriel ; il sera donné par la vue<br />
directe des objets et des êtres, par des images, par des causeries, par des récits<br />
familiers dirigeant l'attention de l'enfant vers l'observation de l'action et de la<br />
vie.<br />
En outre, on donnera un développement particulier aux exercices sui-<br />
vants :
Io Le chant et la musique, le plus souvent très goûtés par les enfants<br />
anomaux, car ceux-ci ont la voix remarquablement juste, dans la plupart des<br />
cas. (80 % d'anormaux ont la voix juste ; la proportion des normaux est de<br />
85 '/O).<br />
2O Les exercices de langage et d'articulation, pour corriger le bégaiement<br />
et Ia blésité et autres vices de prononciation, qui sont extrêmement fréquents<br />
chez cette catégorie d'enfants.<br />
3O La gymnastique simple, eationnelle, expurgée des exercices d'athlétisme<br />
aussi inudes que dangereux ; les exercices d'ensemble seront faits avec ac-<br />
compagnement de musique pour rythmer les mouvements.<br />
4O Les jeux scolaires de course et d'adresse qui ont un si grand pouvoir<br />
éducatif; ces jeux seront proposés, organisés et dirigés avec tact par les<br />
maîtres qui veilleront à ce que les élèves apathiques ou rétifs ne s'isolent pas<br />
de leurs camamdes pendant les récréations ; il faut que tous les valides<br />
prennent part au jeu. Les préaux seront sains et assez spacieux pour que tous<br />
les enfants puissent courir et se donner du mouvement sans risquer de se<br />
blesser.<br />
5O Le travail manuel ; il sera développé sur une très large échelle lorsque<br />
les ressources de l'École le permettront, et avec assez de variété pour que le<br />
maître puisse spécialiser les élèves d'après leurs aptitudes particulières. Il im-<br />
porte de ne pas oublier que beaucoup d'anormaux, dont l'esprit est fermé à<br />
l'abstraction réussissent assez bien dans les travaux qui demandent surtout du<br />
coup d'ail, de l'adresse mécanique et du goût. C'est chez eux surtout que,<br />
corne on le sait depuis Seguin, on arrive par I'éducation de la main à faire<br />
l'éducation de l'intelligence.<br />
6O Enfin des leçons de vie pratique, par lesquelles on mettra les anormaux<br />
en mesure de se suffire et de s'adapter à leur milieu. Ces leçons de vie pra-<br />
tique, quand elles s'adresseront aux enfants les plus petits, consistent à leur<br />
apprendre à se laver, à s'habiller seuls, à manger proprement ; l'enfant plus<br />
âgé apprendra comment il doit se présenter, écrire une lettre, voyager,<br />
compter son argent, l'économiser ; il sera bon d'enseigner aux plus intelli-<br />
gents les premières notions d'hygiène, parfois aussi des notions de droit usuel<br />
et surtout des règles de morale, s'adressant spécialement aux jeunes filles qu'il<br />
faut, par des explications feanches et sans fausse hypocrisie, prémunir contre
le danger des mauvaises fréquentations, si redoutables pour les jeunes filles<br />
d'intelligence débile ; en un mot, par la causerie, par l'observation, par le jeu,<br />
on s'efforcera d'inculquer dans l'esprit des arriérés ces notions d'un intérêt<br />
quotidien que les enfants normaux acquièrent spontanément et facilement en<br />
dehors de l'école, et qui manqueront le plus souvent si on<br />
ne les leur apprend pas avec un soin tout spécial. [2]<br />
Enseignement professionnel.- Le but des Écoles de perfectionnement<br />
n'est pas seulement d'assurer aux enfants arriérés l'instruction à laquelle ils<br />
ont droit, mais encore d'éviter qu'ils ne deviennent à charge à la société, ou<br />
même qu'ils ne prennent rang dans la catégorie des nuisibles et des criminels.<br />
L'idéal serait qu'on rendit le plus grand nombre d'entre eux capables de<br />
gagner leur vie. Aussi l'enseignement du travail manuel qui leur sera donné<br />
devra-t-il être plus nettement orienté vers l'apprentissage et ses applications<br />
concrètes que cela n'est nécessaire pour les enfants normaux. De plus lorsque<br />
les élèves des Écoles de perfectionnement auront atteint 13 ans, on les exa-<br />
minera individuellement, afin de rechercher quels sont ceux qui, par faiblesse<br />
intellectuelle ou par manque d'initiative, ne sont pas jugés aptes à être repla-<br />
cés dans un milieu ordinaire pour y trouver une position quelconque, si mo-<br />
deste qu'elle soit, et pour apprendre un métier. Ces enfants là seront dirigés<br />
vers les internats de perfectionnement où on organisera autant que possible<br />
des écoles professionnelles pour soumettre les enfants à un véritable travail<br />
d'apprentissage jusqu'à l'âge de 16 ans. Le choix des professions vers les-<br />
quelles on orientera cet apprentissage sera déterminé dans chaque internat<br />
par une étude des besoins locaux ou régionaux. Le directeur de l'internat<br />
s'appliquera à ce que le travail des ateliers produise des recettes qui seront<br />
appliquées à l'entretien des enfants, ce qui se fait actuellement dans les Asiles<br />
de Bicêtre et de Vaucluse ; il est salutaire que les enfants aient conscience que<br />
leur travail est productif, et qu'il contribue à leur bien-être et à leur enseigne-<br />
ment. Mais on ne tombera pas dans l'exagération qui consiste à croire que ces<br />
arriérés sont des apprentis ordinaires, que les ateliers sont des entreprises<br />
industrielles devant produire tous les ans une somme de travail fixe, et dont<br />
les bénéfices sont la seule raison d'être.
Cmspection des Écoles.- L'inspection des Écoles sera médicale et péda-<br />
P€7que.<br />
L'inspection médicale sera confiée ài un médecin versé dans la psychiatrie.<br />
Chaque élève sera examiné individuellement au moins une fois par semestre.<br />
L'examen portera sur son état de santé, sa croissance, et spécialement sa pro-<br />
preté corporelle. Une mensuration des enfants sera faite régulièrement<br />
chaque trimestre sous la responsabilité des médecins. Les mesures prises<br />
seront les suivantes : la taille, le poids, la capacité vitale, la force musculaire.<br />
Le médecin aura de fréquents entretiens avec les maîtres de l'École de per-<br />
fectionnement, et attirera leur attention sur les états pathologiques et sur les<br />
anomalies de croissance qui présentent un intérêt au point de vue éducatif. Il<br />
se préoccupera d'organiser un service de bains et de douches dans l'école ou à<br />
proximité.<br />
L'inspection pédagogique aura pour but général d'étudier les méthodes<br />
pédagogiques en usage, et de les perfectionner au besoin. De plus, l'inspec-<br />
teur interrogera chacun des enfants, se rendra compte de leur progrès, et de<br />
leurs aptitudes particulières ; il veillera à ce que ceux qui sont redevenus nor-<br />
maux fassent retour aux Écoles ordinaires ; il calmera le zèle intempestif de<br />
quelques instituteurs, qui voudraient s'occuper exclusivement des candidats<br />
au certificat d'études et négiigeraient les autres enfants.<br />
Dans les Écoles les plus impoetantes, un laboratoire d'études médico-<br />
pédagogiques sera aménagé pour l'usage du médecin et de l'inspecteur.<br />
Livret scolaire BndividueB.- Chaque enfant aura son histoire scolaire ins-<br />
crite sur un livret individuel, qui sera tenu par les maîtres avec le plus grand<br />
soin. Ce livret portera d'abord un résumé de l'examen à la suite duquel l'en-<br />
fant a été admis à l'École de perfectionnement ; un tableau contenant l'ex-<br />
posé des connaissances de l'enfant à ce moment. On portera aussi sur le livret<br />
les mensurations anthropologiques dont l'enfant sera l'objet chaque trimestre,<br />
les appréciations de ses maîtres sur ses aptitudes, son travail, ses progrès ; les<br />
incidents divers auxquels il aura été mêlé. Quant à l'appréciation médicale de<br />
son état de santé, de ses antécédents, de ses maladies diverses, elle figurera<br />
sur un livret spécial, qui sera tenu par le médecin. Les maîtres et les divers<br />
inspecteurs de l'École se feront un devoir de veiller avec la plus grande solli-
citude à la bonne tenue des livrets scolaires. Ces livrets seront, il faut le décla-<br />
rer catégoriquement, le meilleur moyen de juger en connaissance de cause<br />
l'œuvre éducatrice de l'École, puisque le certificat d'entrée et le certificat de<br />
sortie établiront ce que l'École aura appris à l'élève ; de plus, ils seront une<br />
source de renseignements sûrs auxquels les Comités de patronage viendront<br />
puiser pour diriger plus tard l'enfant dans le choix d'une profession.<br />
v<br />
Comités de Patronage.<br />
Malgré la brièveté des indications auxquelles nous nous limitons, il doit<br />
être entendu que la création des Comités de Patronage, et leur bon fonction-<br />
nement sont parmi les questions les plus importantes de l'organisation nou-<br />
velle. On pourrait presque poser en principe qu'une École spéciale dépour-<br />
vue de Comité de patronage manquera une partie du but pour lequel on<br />
l'aura créée.<br />
L'aeuvre des Comités de patronage continue et achève l'oeuvre de l'École ;<br />
elle permet de surveiller les anormaux dans leur existence post-scolaire et<br />
favorise leur utilisation.<br />
Les Comités de patronage seront composés par des professeurs des<br />
Écoles spéciales, des médecins, des philanthropes, des industriels, des<br />
commerçants, des artisans. Ces Comités s'efforceront de :<br />
1' Entretenir des relations suivies avec les familles des anormaux, afin<br />
d'exercer sur ces familles une bonne influence morale.<br />
2' Chercher avec le plus grand soin les métiers qui conviennent le mieux<br />
par leur nature aux anormaux, et présentent le plus d'avantages pour eux.<br />
3O Établir des relations nombreuses dans le monde de l'industrie et de<br />
l'agriculture, afin de connaître les débouchés pour les anormaux et de faciliter<br />
leur placement dans la société.<br />
4' Continuer une surveillance et une protection discrètes sur les arriérés<br />
qui exercent une profession, afin de pouvoir intervenir en leur faveur toutes
les fois que le besoin s'en fera sentir, et de les empêcher de prendre rang<br />
parmi les inutiles et les nuisibles.<br />
En s'intéressant à tous ces enfants qui portent le plus souvent, par leur<br />
hérédité,'la peine de fautes qu'ils n'ont pas commises, les Comités de patro-<br />
nage, ainsi du reste que les instituteurs des Écoles spéciales, se dévoueront à<br />
une aeuÿre qui est à la fais de préservation sociale et de justice.<br />
--------------<br />
----------wu--<br />
Deaiixù2me partie<br />
---------------<br />
Io Ii sera établi pour l'éducation des enfants arriérés et instables, des<br />
Classes spéciales annexées aux Écoles ordinaires, des Écoles autonomes avec<br />
demi-pensionnat, des Écoles autonomes avec internat. Ces établissements<br />
porteront le titre générique d'Écob deperpèctionnemenf.<br />
2O Chacun des trois types d'établissement signalés ci-dessus répond à un<br />
besoin spécial, et trouvera son application dans des cas particuliers ; d'une<br />
manière générale, l'Émbe autonome mec demi-pensionnat est le type d'établissement<br />
qui réunie le plus gand nombre d'avantages.<br />
3O L'élimination d'un enfant de l'école ordinaire et son admissibilité dans<br />
une École de perfectionnement seront prononcées par une Commission<br />
composée d'un inspecteur primaire, d'un médecin et d'un directeur dYEcole<br />
spéciale, qui procéderont à l'examen médical et pédagogique de chaque en-<br />
fané, sur la demande des fimilles, des instituteurs, des inspecteurs ou des<br />
médecins d'~sile-École.<br />
4O Les parents et l'instituteur de l'enfant seront convoqués devant la<br />
Commission afin de lui fournir tous renseignements utiles.<br />
5O Dans les cas où les parents feraient opposition à ce qu'un enfant, que la<br />
Commission élimine de l'École ordinaire, fût placé dans une École de per-<br />
fectionnement, ils resteront libres de lui faire donner l'instruction, soit chez<br />
eux, soit dans un établissement privé.
6" Les maîtres des Écoles de perfectionnement feront partie du personnel<br />
de l'enseignement, primaire public.<br />
7" Ils seront nommés comme titulaires et suppléants après une prépara-<br />
tion spéciale (comprenant l'assiduité à des cours, un stage dans les Écoles de<br />
perfectionnement, et un examen).<br />
8O Ils recevront outre le traitement de leur classe, une indemnité qui ne<br />
leur sera due que pendant le temps où ils exerceront leurs fonctions dans les<br />
Écoles spéciales. Ils conserveront le droit de demander leur retour dans les<br />
Écoles ordinaires.<br />
9" Les autorités scolaires locales décideront dans quelle mesure il faut<br />
adopter dans les Écoles d'anomaux la coéducation des sexes et dans quelle<br />
proportion le personnel enseignant doit être féminin.<br />
10" Si les élèves d'une école n'atteignent pas le nombre de douze, on<br />
pourra ne former qu'une seule classe ;les élèves pouvant être réunis dans une<br />
même classe ne dépasseront pas le nombre de quinze.<br />
11" En dehors des dimanches, il y aura classe tous les jours sans excep-<br />
tion.<br />
12" école sera ouverte de 8 heures du matin à 6 heures du soir.<br />
L'horaire d'une journée comprend trois récréations d'une demi-heure cha-<br />
cune, à 9 heures et demie, à 2 heures et demie, à 4 heures, plus une internip-<br />
tion de classe de 11 heures et demie à 1 heure de l'après-midi.<br />
13' Une collation légère sera servie aux enfants à 9 heures et demie.<br />
14O Dans les classes, toute étude exigeant une application de l'intelligence<br />
ne se prolongera pas au-delà d'une demi-heure.<br />
15" Les enfants arriérés seront admis dans les Écoles de perfectionnement<br />
à partir de 6 ans ; ils pourront y être retenus jusqu'à 16 ans.<br />
16" La matière de l'enseignement sera celle de l'École ordinaire, avec les<br />
simplifications qui seront jugées nécessaires ; on fera l'emploi le plus large des<br />
exercices concrets qui parlent aux sens, qui éveillent le jugement. On insistera<br />
spécialement sur les exercices suivants : le chant et la musique, les cours<br />
d'orthophonie, la gymnastique expurgée des exercices d'athlétisme, les jeux<br />
scolaires, le travail manuel, les leçons de vie pratique.<br />
17" À 13 ans, les enfants qui, après examen individuel, seront jugés inca-<br />
pables d'être rendus au milieu ordinaire pour y apprendre un métier, seront
dirigés vers les Internats depeIfectionnement, pour y faire, dans la mesure du pos-<br />
sible, un travail d'apprentissage jusqu'à l'âge de 16 ans.<br />
18O Un examen médical de chaque élève sera fait tous les six mois.<br />
Chaque enfmt sera mesuré (tdle, poids, capacité vitale, force musculaire)<br />
régulièrement tous les trois mois, et le médecin attirera l'attention des insti-<br />
tuteurs sur ses défauts physiques, ses anomalies de développement.<br />
19O Le médecin surveillera avec soin la propreté corporelle des enfants ; il<br />
se préoccupera d'organiser un service de bains et de douches.<br />
20' Un inspecteur de l'instruction publique se rendra compte des progrès<br />
scolaires de chaque enfant. Il veillera à ce que ceux qui sont suffisamment<br />
améliorés soient rendus à l'École ordinaire.<br />
21° Chaque enfant sera muni d'un livret scolaire individuel qui contiendra<br />
le tableau de ses connaissances ii son entrée à l'École et au moment des di-<br />
verses inspections : ce livret renfermera en outre des notes pédagogiques sur<br />
le caractère de l'enfant, ses aptitudes et son histoire à I'école.<br />
22' Des Comités de patronage, formés par des instituteurs, des médecins,<br />
des industriels, des commerçants, des artisans aideront au classement des<br />
arriérés dans la société et exerceront sur eux, pendant leur existence post-<br />
scolaire, une tutelle discrète et amicale.<br />
23O La Commission ministérielle nommera une Sous-Commission char-<br />
gée d'étudier les meilleures méthodes pratiques pour reconn5tre les enfants<br />
anomaux des écoles et établir p mi eux des catégories. Cette Sous-Commis-<br />
sion rédigera un guide scientifique destiné à faciliter ultérieurement le travail<br />
des Commissions d'examen.<br />
14% Le Pitre repris ici est celui qui figure sur la page de garde. La première page<br />
porte : Rappofi au nom de lai Sous-Commission pédagogique des Anormaux. En<br />
note de bas de page : presenté par M. A. Binet -Avril 1905.<br />
[2] qui manqueront le plus souvent aux anormaux. [Texte effacé].
Ces conclusions ont été publiées par le Bulletin de la SLEPE, en 1906, no 28,<br />
p. 57-61. Elles sont reprises ici, dans 161 présentation qu'en fait cette revue, avec<br />
l'autorisation du professeur Guy Avanzini, pour la Société Alfred Binet-Théodore<br />
Simon, héritiere de I SLEQE.<br />
Autres publications connues :<br />
- E. Chamal, 1907 (p. 64-69). Aucune majuscule pour les noms des institutions<br />
(bcoles ou classes), dans ce texte.<br />
- A. Courjon et L. Grandvilliers, 1908 (p. 590-601). Les conclusions sont ici entre-<br />
coupées de longs commentaires des auteurs.<br />
TRAVAUX DE LA COMMISSION MINISTERIELLE<br />
POUR LES ENFANTS ANORMAUX<br />
Cette Cornmission, qui a siégé un grand nombre de fois pendant l'année<br />
1904-1905 sous la présidence de M. Léon Bourgeois, a adopté les conclusions<br />
suivantes que nous sommes heureux de porter à la connaissance de nos<br />
collègues.<br />
CONCLUSIONS AQOPTÉES PAR LA COMMISSION PLÉNIÈRE<br />
EN VUE D'ASSURER L'INSTRUCTION DES<br />
ARRIÉRÉS ET DES INSTABLES<br />
Io II sera établi pour l'éducation des enfants arriérés et instables : des<br />
ckasses qe'nkles annexées aux écoles ordinaires, des Écoles atltonomes avec demi-<br />
pensionnat, des Écob atltonomes auec internat. Ces établissements porteront le<br />
titre générique d'Écoles de pePpectionnement.<br />
2O Chacun des trois types d'établissement signalés ci-dessus répond à un<br />
besoin spécial et trouvera son application dans des cas particuliers ; d'une<br />
manière générale, l'École autonome avec demi-pensionnat est le type d'éta-<br />
blissement qui réunit le plus grand nombre d'avantages. En tout cas, il est
désirable que si l'on crée des dasses spéciales annexées à des Écoles ordi-<br />
naires, on établisse une séparation matérielle et complète entre les enfants du<br />
groupe normal et ceux du groupe des anormaux.<br />
3' L'élimination d'un enfant des Écoles ordinaires et son admissibilité<br />
dans une École de perfectionnement seront prononcées après avis d'une<br />
commission composée d'un inspecteur primaire, d'un médecin et d'un direc-<br />
teur d'École spéciale qui procéderont à l'examen médical et pédagogique de<br />
chaque enfant, sur la demande des Familles, des instituteurs, des inspecteurs<br />
primaires ou des médecins et directeurs des asiles-écoles ; (ces derniers éta-<br />
blissements sont réservés aux anormaux médicaux, c'est-à-dire aux anormaux<br />
qui sont le plus gravement atteints).<br />
4OLes parents et l'instituteur de l'enfant seront convoqués devant la<br />
commission afm de lui fournir tous renseignements utiles ; la famille pourra,<br />
si elle le désire, se faire accompagner d'un médecin choisi par elle. L'avis<br />
d'élimination qui sera prononcé par la Commission sera toujours une mesure<br />
transitoire et ne produira d'effet que pour une durée d'un an ; à l'expiration<br />
de ce délai, la Commission sera consultée de nouveau.<br />
5' Dans le cas où les parents feraient opposition à ce qu'un enfant que la<br />
Commission propose d'éliminer de l'École ordinaire fût placé dans une École<br />
de perfectionnement, ils resteront libres de lui faire donner l'instniction, soit<br />
chez eux, soit dans un établissement privé.<br />
6' Les Écoles de perfectionnement sont rangées parmi les écoles pri-<br />
maires publiques.<br />
7" Les instituteurs n'y seront nommés que lorsqu'ils seront pourvus d'un<br />
certificat d'aptitude spécial ; ce certificat sera délivré après un stage et à la<br />
suite d'un examen dont les conditions seront déterminées par un règlement<br />
ministériel.<br />
8' Ils recevront, outre le traitement de leur classe, une indemnité qui ne<br />
leur sera due que pendant le temps qu'ils exerceront leur fonction dans les<br />
Écoles spéciales. Ils pourront être rappelés dans les Écoles ordinaires, soit sur<br />
leur demande, soit d'office.<br />
9' Ces Écoles pourront être mixtes. Dans les Écoles spéciales aux gar-<br />
çons, l'enseignement pourra être confié à des institutrices.
%O0 Si les élèves d'une école n'atteignent pas le nombre de douze, on<br />
pourra ne former qu'une seule classe ; les élèves pouvant être réunis dans une<br />
même classe ne dépasseront pas le nombre de quinze.<br />
11" L'École sera ouverte tous les jours de la semaine, excepté le di-<br />
manche, de 8 heures du math i 6 heures du soir.<br />
%2O L'ensemble des exercices scolaires de la journée ne devra pas dépasser<br />
une durée de sept heures : ils seront coupés par trois récréations d'une demi-<br />
heure chacune et une interruption d'une heure et demie pour le déjeuner.<br />
13O En dehors du déjeuner et du goûter habituels qui seront pris par les<br />
externes et demi-pensionnaires dans les conditions ordinaires, il est désirable<br />
qu'une collation légère soit servie aux enfants pendant la première récréation<br />
du matin.<br />
14' Toute étude exigeant une application soutenue de l'intelligence ne se<br />
prolongera, pas au-delà d'une demi-heure. Cl]<br />
15O Les enfants arriérés et instables seront admis dans les Écoles de per-<br />
fectionnement à partir de six ans, ils pourront y rester jusqu'à seize ans.<br />
16O La matière de l'enseignement sera celle de l'École ordinaire, avec les<br />
simplifications qui seront jugées nécessaires, on fera l'emploi le plus large des<br />
exercices concrets qui parlent aux sens et éveillent le jugement. On insistera<br />
spécidement aux exercices suivants ; le chant, la musique, la danse, l'ortho-<br />
phonie, la gymnastique sans appareii, les jeux scolaires, le travail manuel. [2]<br />
17' De 6 à 13 ans, les files admises dans les écoles de perfectionnement<br />
seront exercées aux travaux manuels connus dans les écoles sous les noms de<br />
pliage, découpage, tissage, piquage, tressage, vannerie, cartonnage, modelage,<br />
ainsi qu'aux différents points de couture, de tricot, de crochet, de tapisserie.<br />
Elles seront de même, dans la mesure de leur intelligence et de leurs forces,<br />
exercées aux travaux les plus simples du ménage.<br />
à partir de 13 ou 14 ans, la moitié de la journée sera réservée à l'éducation<br />
ménagère (nettoyage des appartements, savonnage, repassage, cuisineJ à des<br />
travaux à l'aiguille sur les différentes sortes de tissus usuels, neufs et vieux, à<br />
la coupe et à l'assemblage des vêtements, de la lingerie, et même dans une<br />
limite raisonnable à des ouvrages d'agrément, tapisserie, broderie, dentelle,<br />
etc. [3]
À tous les degrés de l'enseignement, on s'efforcera de confectionner des<br />
objets pratiques et utilisables, de manière à obtenir un effort sérieux et à<br />
donner aux élèves'le goût et le respect du travail.<br />
Dans l'enseignement du dessin, on recherchera les exercices qui peuvent à<br />
la fois trouver une application pratique et développer le goût de l'enfant.<br />
18O Les Émhx de Pe@td~ntft~cnt qui recevront des garçons auront un atelier<br />
scolaire aménagé, non seulement pour le travail du bois et du fer, mais<br />
aussi pour les exercices préparatoires du cours élémentaire et du cours<br />
moyen.<br />
En outre, dans les internats, un ou plusieurs ateliers d'apprentissage seront<br />
ouverts au fur et à mesure des besoins.<br />
Le travail manuel élémentaire, l'enseignement professionnel et l'enseignement<br />
du dessin devront être dirigés vers le même but : l'utilisation sociale des<br />
anomaux.<br />
Il est désirable qu'un jardin scolaire d'enseignement fasse partie de chaque<br />
École de Perfectionnement.<br />
Les interna0 placés dans les régions agricoles devront comprendre dans<br />
leur programme professionnel, les cultures qui offriront le plus d'avantages<br />
pour le placement ultérieur des élèves.<br />
lgO Un examen médical de chaque élève sera fait tous les six mois. L'enfant<br />
sera mensuré régulièrement tous les trois mois (taille, poids, force musculaire,<br />
capacité vitale) ; le médecin attirera l'attention des instituteurs sur les<br />
défauts physiques et les anomalies de développement.<br />
20° Il sera organisé un service de bains-douches : la propreté corporelle<br />
des enfants sera l'objet d'une surveillance constante.<br />
21° Pour chaque enfant il sera tenu un livret médical et un livret scolaire.<br />
Le premier renfermera toutes les indications sur la constitution de l'enfant,<br />
sur ses antécédents, sur les maladies dont il pourra être atteint; ce livret,<br />
confié au médecin qui le tiendra régulièrement à jour, sera remis à la familie<br />
lorsque l'enfant quittera l'école.<br />
Sur le livret scolaire seront portés tous les renseignements sur les connaissances,<br />
les aptitudes et le caractère de l'enfant à son entrée dans l'école ; le<br />
médecin y donnera à la même époque les indications sur sa santé et sa<br />
constitution qu'il jugera de nature à intéresser les éducateurs. Tous les trois
mois, l'instituteur y notera les progrès de l'enfant et les modifications de son<br />
caractère, et le médecin le résésdtat des mensurations périodiques et les autres<br />
renseignements qu'il croira udes de fiire connaître. L'inspecteur y consignera<br />
chaque année ses observations personnelles sur l'enfant.<br />
22' L'inspecteur veillera 21 ce que les enfants qui seront suffisamment<br />
améliorés fassent retour à l'&ole ordinaire.<br />
23" Il sera institué des Comités de patronage qui aideront au classement<br />
des uriérés, dans la sociétéy et exerceront sur eux, pendant leur existence<br />
post-scolaire, une tutelle discrète et micale.<br />
24O- La Commission ministérielle émet le vaeu que le Ministre charge une<br />
personne compétente de rédiger un guide scientifique destiné à faciliter ulté-<br />
rieurement le travail des Commissions d'examen qui auront à se prononcer<br />
sur la débilité mentale des enfants.<br />
(41 Le texte publie par la SLEQE porte, par coquille manifeste : u prolongera, pas<br />
au-del& d'une demi-heure B. On a repris le texte de Chazal, sans virgule.<br />
[2] Le texte publié par Chazal porte exercices concrets, sans trait d'union.<br />
131 Le texte publie par CRazal porte treize et quatorze ans, en lettres.
Commentaire<br />
Le texte "i signé Binet, présente les vingt-trois conclusions (précédées<br />
d'un exposé des motifs) auxquelles ont abouti les travaux de la sous-<br />
commission pédagogique, entre octobre 1904 et avril 1905. Ce document<br />
apparaît comme un document de travail, diffusé en vue de remarques et<br />
de critiques, ài formuler au verso de toutes les pages laissé en blanc pour<br />
« Obseivations, comections, additions m. Le texte 12 a un autre statut : il<br />
prbsente les vingt-quatre condusions adoptées par la commission plé-<br />
nière. ka confrontation des conclusions des deux documents montre des<br />
modifications, dont certaines, comme on le verra plus loin, sont relative-<br />
ment irnpoetantes et témoignent de discussions, sinon de désaccords, au<br />
sein de la commission Bourgeois.<br />
Aucun commentaire ne figurent sur l'exemplaire examiné du document<br />
41, aucun compte-rendu des d6bats ne nous étant paivenu, on ignore<br />
comment les conclusions pr4sentées par Binet ont été reçues par les<br />
membres de la sous-commission. ainsi que les circonstances dans les-<br />
quelies elles ont été modifiées, en sous-commission ou en séance plé-<br />
widre. Cependant, la comparaison de l'ensemble des documents dispo-<br />
nibles permet de repérer comment les contributions signées par Bourne-<br />
ville, Baguer et Mlle Stupuy sont prises en compte dans le rapport de<br />
Binet et dans les conclusions finales. Par ailleurs, on peut s'interroger sur<br />
la portée de ces travaux : que reste-t-il des propositions de la commission<br />
dans !a loi cila 15 avril 1909, créant les classes et les écoles de perfection-<br />
nement ?<br />
Pour tenter de sepondre aux questions posées, on a confronté systé-<br />
matiquement les conclusions du texte 11 avec celles du texte 12, ainsi<br />
qu'avec les instructions officielles de 1909 et on s'est référé aux écrits
signés par les autres membres de la commission et aux débats alors en<br />
cours entre promoteurs des classes spéciales.<br />
LES CONCLUSIONS DE LA SOUS-COMMISSION PÉDAGOGIQEIE<br />
ET DE LA COMMISSION PLÉNIÈRE<br />
1. L'obligaüon scolaire (conclusion i des texfes if et f 2)<br />
Les deux textes disent : il sera établi pour l'éducation des enfants ar-<br />
riérés et instables » des établissements appelés « &coles de perfedion-<br />
nement B.<br />
La formule prescriptive utilisée manifeste un consensus entre les<br />
membres de la commission, à propos de l'obligation d'un enseignement<br />
spécial. Ce n'est pas surprenant : dans les ércrits des promoteurs de I'édu-<br />
cation des anormaux, cette obligation se déduit de l'obligation scolaire,<br />
6noncée dans la loi de 1882. Pourtant, la loi de 1909 ne suivra pas la<br />
commission. Dans son premier article, elle rend facultative I'ouverture des<br />
classes et écoles de perfedionnement et laisse la décision de création 9<br />
l'initiative des autorités communales et départementales. Le rapporteur de<br />
la loi, Strauss, redoutait d'ailleurs que « le caradère de la mesure n'en<br />
restreigne l'application B et espérait que « la période de l'enseignement<br />
facultatif [prépare] les esprits [...] t6t ou tard, après expérience faite, I'obli-<br />
gation s'imposera l B. L'absence d'obligation aura pour conséquence le<br />
faible développement numérique des classes et écoles de perfectionne-<br />
ment jusque dans les années cinquante 2.<br />
Les documents 11 et 12 parient d'arflération et d'instabilité, alors que la<br />
loi de 1909 ne mentionne que les arri6rés. Comment expliquer cette dis-<br />
' P. Strauss, 1908, pp. 7-8.<br />
M. Vial, 1986, p. 159 : cc une victoire en peau de chagrin P.
parition des instables ? C'est A ce propos que J. Gateaux-Mennecier ana-<br />
lyse la loi de 1909 comme a une loi-écran » travestissant la question du<br />
mnts6le de E'tndiscigline, lourde d'enjeux sociaux, « dans l'image plus<br />
neutre du perfectionnement de Onarriéré B.<br />
L Les diffdrents types d"4tablisement<br />
(c~sielusions d et 2 des textes BI ~û 42)<br />
Les deux textes prévotent des classes spéciales annexées aux écoles<br />
ordinaires, des Qcoles autonomes avec demi-pensionnat, des écoles autonomes<br />
avec internat. Mais Oe conclusion 2 du texte 42 ajoute : « En tout<br />
cas, iP est désirabSe que si l'on w6e des classes spéciales annexées des<br />
6cdes ordinaires, on tofablisse une sbparation matérielle et complète entre<br />
!es enfants du groupe nomal et de ceux du groupe des anormaux. » Le<br />
type d'établissement B prbvoir pour les élèves anormaux fait l'objet de<br />
csntrove~es, par rapport auxquelles les textes 14 et 12, comme la loi de<br />
f9Q9, apparaissent comme des texles de compromis qui ne tranchent pas<br />
les questions.<br />
Dans I'expos6 des motifs du texte 17, Binet reprend, dans un premier<br />
temps, les arguments $mis contre les classes annexées, en particulier par<br />
Baguer : ces classes rQunisaiewt tous les enfants anormaux d'une école,<br />
saas s6llediow pr6alable ; l'instituteur isolé et ne disposant pas d'un rnatéwsl<br />
spbcéa!is6 ne pourrait mettre en œuvre des phdagogies spécifiques ;<br />
surbut, les Ql$ves, par ailieurs Civf6s A eux-mêmes apr@s 1'9cole, seraient<br />
sn butte B ['hostilit$ des autres 6colien. Mais il ach$ve son développement<br />
saos les diff6rents types d'btablissements par la remarque suivante :<br />
a 18 C0mmIss30n ne condamne aucun type d'établissement pour les<br />
anormaux. P) Fin8%emen~, dan$ 18s ~~n~lusion~, Binet reconnaît !a Bégitimi?$<br />
des trois Cypvs d'$%abltssemenb et accorde Be prkfbreszce aux 6coles<br />
J. Gsteeux-Meflnecier, 1990 2, p. 4 4 4.<br />
Cf. Commentsire du te~e 40.
autonomes sans internat, solution qui ne satisfaisait personne mais ne<br />
mécontentait complétement ni les uns les autres Ainsi, Binet, rapporteur,<br />
se fait, sans y souscrire totalement, le porte-parole de théses qui ne sont<br />
pas les siennes (d'où la contradiction entre le développement et la conclu-<br />
sion). Dans d'autres écrits signes en son nom seul, il se montrera favo-<br />
rable aux classes annexées et hostile aux internats.<br />
Dans le texte 12, l'ajout concernant la gestion séparée des classes<br />
normales et des classes annexées, n'est pas une simple mesure techni-<br />
que. On peut le lire comme une concession aux adversaires des classes<br />
annexées pour qui les arriérés risquent de perturber les enfants des<br />
classes ordinaires ou d'être perturbés par eux. Binet s'insurgera contre le<br />
principe d'une ségrégation entre enfants arriérés et enfants normaux, en<br />
considérant que la crainte de a l'hostilité [du reste de l'école] est un épou-<br />
vantail » Bien plus, il ira jusqu'à soutenir le principe d'une solidarité à<br />
développer entre les différents élèves au point de donner en exemple<br />
d'éducation morale des essais de tutorat associant des éléves dites arrié-<br />
rées et des élèves dites normales, mis en œuvre dans une école pari-<br />
sienne 7.<br />
L'exposé des motifs du projet de loi de 1907 demande la création de<br />
classes spéciales annexées, à côte des écoles spéciales de perfection-<br />
nement avec internat, mais reprend les positions défendues par Baguer et<br />
souligne les inconvénients de la classe annexée et les avantages de I'in-<br />
ternat. La loi de 1909 ne prend explicitement aucun parti, puisqu'elle<br />
prône les trois types d'établissement (art. 2) et ne fixe par ailleurs aucune<br />
règle précise quant aux entrées et sorties séparées des élèves (art. 4,<br />
arrêté du 17 août 1909).<br />
M. Vial, 1986, pp. 173-1 84. Faut-il penser que l'hostilité u personnelle B de Binet u à la<br />
création d'internats reflète, semble-t-il, celle des bureaux du ministère w (Y. Pélicier,<br />
G. Thuillier, 1980, p. 176, note) 7 Ces bureaux ont pourtant garde les articles du projet de<br />
loi rendant possible le financement et le fonctionnement d'internats. C'est la Chambre des<br />
Députés qui a supprimé ces articles, finalement rétablis dans le texte final.<br />
A. Binet, 1907 a, p. 182.<br />
A. Binet, 1907 a, p. 172 et 191 1 a, pp. 274277.
UiA Les modalités de recrutement des 4l&ves<br />
m conclusions 3, 5, 23 du texte 8q et 3,4, 5, 24 du texte 12)<br />
Selon le condaasion 3 du BeAe 'i 1, (( l'élimination d'un enfant de l'école<br />
ordinaire et son edmissibilit6 dans une école de perfectionnement seront<br />
prononcées par une commissdow composée d'un inspecteur primaire, du<br />
m$decin et d'un diredelau d'bcole spéciale qui procéderont à l'examen<br />
m6dical et pédagogique de chaque enfant sur la demande des familles,<br />
des instituteurs, des inspecteurs OU des médecins d'asile-école B. La<br />
conclusion 3 du texte 12 dit a apr&s avis )) d'une commission : la commission<br />
n'est plus instance de decision mais seulement de consultation. Cette<br />
conclzsion y inclut K des m6decins et directeurs des asiles-écoles (ces<br />
derniers 6Pablissemenls sont 16se~6s aux anormaux médicaux, c'est-àdire<br />
aux anomaux qui sont le plus gravement atteints ».<br />
!,a quesoion du mode de recrutement des élèves est au m ur du débat<br />
sur Be partage des compétences entre médecins et autres professionnels<br />
(psyc:iologuus, personnels d'6ducation). Dans les deux textes, des points<br />
de vue consensuels sont exposks : le rôle des médecins d'asile-école,<br />
accentue dans le texte 42, semble reconnaître la compétence des alié-<br />
nistes dans le repQrage des enfants destinés aux classes et 6coles de<br />
perfed5onnernen8. Dans I'expos6 des motifs du texte 11, il est admis que<br />
(6 dans un cedain nombre de cas, les médecins et les inspecteurs des<br />
asiles-6coles pourront proposer Ia Commission d'admettre A I'6cole de<br />
perfectionnement des 6léves de it,4sile-École qui se trouveront suffisam-<br />
ment améliorés pour m6riPer ce transfert ». Le texte semble ainsi sous-<br />
crire eux theses de Bouinewille quant Ci la vocation des classes spéciales.<br />
Dans Ba conclusioea 3 même texle, Binet mentionrie (( un examen médical<br />
et pédagogique de chaque enfant » et escamote l'examen psychologique<br />
cite pourtant dans I'expos6 des motifs qui précise que l'enfant doit être<br />
Texte 4 4, p. 250-254.<br />
275
examiné « tant du point de vue médical qu'au point de vue psychologique<br />
et pédagogique ».<br />
On ne dispose pas d'information indiquant la raison de cette disparition.<br />
La notion d'examen psychologique ne semblant retenue par aucun<br />
spécialiste, excepté ceux qui suivent Binet, on peut y voir un recul de<br />
celui-ci. La sous-commission, puis la commission n'ont peut-Atre pas accepté<br />
cette notion. II faut d'ailleurs noter que Binet confie l'examen psychologique<br />
à l'inspecteur primaire l0 et emploie lui-même la notion d'examen<br />
pédagogique pour en parier. Dans le Guide encore, l'examen psychologique<br />
figure comme une sous-rubrique du chapitre intitulé « L'examen<br />
pédagogique des anormaux d'école 1). La notion d'examen médicopédagogique,<br />
notion admise par tous, a pu être acceptée ici par Binet,<br />
parce que son point de vue n'a pas triomphé, ou - de façon non exclusive<br />
d'ailleurs - pour des raisons tactiques, laissant à la pratique le soin de<br />
trancher en faveur des méthodes qu'il préconise. Les conclusions de la<br />
sous-commission et de la commission, pas plus que le texte de la loi de<br />
1909 (qui ne donne pas l'ouvrage de Binet et de Simon, comme guide aux<br />
commissions de recrutement) ne précisent les modalités à employer pour<br />
cet examen médico-pédagogique. Elles laissent donc toute liberté, tant<br />
aux partisans des approches médicales classiques, qu'aux partisans des<br />
méthodes standardisées de Binet et de Simon. Ces dernières ne s'imposeront<br />
vraiment qu'après la seconde guerre mondiale.<br />
L'accord sur les modes de recrutement observé ici semble être un<br />
simple accord de circonstance. En réalité, parmi les promoteurs des<br />
classes spéciales, des divergences importantes existent à propos du re-<br />
crutement des anormaux. Elles se manifesteront de façon polémique, en<br />
1907, dans le Guide, où Binet et Simon soutiennent que le médecin « n'a<br />
pas à choisir les enfants anormaux parmi les enfants normaux ». « II a<br />
chez les normaux préalablement choisis, à différencier certains types et à<br />
prescrire certaines mesures soit d'admission, soit de conduite [...] Le mé-<br />
Texte II, p. 251.<br />
'O Cf. plus haut, texte 5.
decépa n'a pas choisis les enfants anormaux parmi les enfants de<br />
!'6cale 'l ». Le diagnostic médical y est à diverses reprises critique comme<br />
subjectif et arbitraire. La meme année, Royer, élève de Bourneville, sou-<br />
tient le poénl de vue inverse. Selon Oui, c'est au médecin de désigner qui<br />
doit fr6quenter les classes spatiales. « Quelques essais de classes spQ-<br />
céales viennent d'&tre tentes cette année même à Levallois-Perret et A<br />
Asniéres, mais il serait ditsirable que les enfants ne puissent y être admis<br />
qu'apres avoir et6 examines par des médecins désignés à cet effet ; I'ins-<br />
tituteuü, en efiet, peut reconnaître qu'un enfant pritsente un certain degré<br />
d'arri6sation intellectuelle mais il ne peut en déterminer la cause [...] II ne<br />
faut donc pas laisses A B'insiitutelas le soin de faire des diagnostics qu'il ne<br />
Oui est pas possible de faire et n'admettre les enfants arriérés qu'après un<br />
uapponi dûment circonstarcci6 la. 0)<br />
Dâns lai Bo! de 1909 (adide 42), rien n'est tranché sur ces divergences.<br />
En revanche, %a disparition de toute référence aux asiles-écoles peut 6tre<br />
lue comme une cons6cmtiow de l'influence de Binet, à propos de ces ins-<br />
titutions, au détriment de celle de Bourneville. Elle semble traduire la prise<br />
de conscience d'une incoherence dans les conclusions, tant de la sous-<br />
conm~ssion que de la commi~sion. En effet, la conclusion 3 porte sur<br />
l'élimination des enfants de I'6cole ordinaire et non sur le passage de<br />
h'asi!e I l'école. Les m6decins des asiles-écoles n'avaient donc pas à in-<br />
temeria pour le demander (seuls, des médecins-inspecteurs des écoles<br />
auraient pu le faire). Mais le fait qu'aucun article du texte de loi n'envisage<br />
ce passage - souhaité pas Bourneville et mentionné par la commission -<br />
témoigne de ce qu'il $tait loin d'être g6néralement admis.<br />
Notons qu'A propos de la concllasion 3, une critique aux asiles-écoles<br />
qualifiés de « nouveau genre d'6tablissement » est fonulée en 1908, par<br />
Courjon (médecin) et Grandvilliers. « Tous les anormaux d'un départe-<br />
ment ou d'une région devraient &Pie groupés dans un même établissement<br />
[...] de manière A pouvoir former des groupes homogènes pouvant suivre<br />
'' W. Binet, Th. Simon, 4907, pp. 126-4 27.<br />
'* M. Woyer, 4 907 b. p. 84.<br />
277
simultanément le même régime et les mêmes exercices, ce qui ne saurait<br />
se faire dans une école à population restreinte [...] pour les anormaux, il<br />
n'y a pas de milieu, ils doivent être placés, soit dans de très petites institu-<br />
tions comptant une dizaine d'élèves au plus, soit dans de trés grands éta-<br />
blissements 13. ))<br />
La question des asiles-écoles reste en débat, en 1909, et on ne peut<br />
savoir quelles discussions ont eu lieu dans la sous-commission qui<br />
semble avoir fonctionné à leur sujet, mais sans résultat, après 1905 14.<br />
Comme l'indique E. Baumfelder 15, vouloir que tous les anormaux scolari-<br />
sés relèvent de I'lnstruction publique établit de fait un « barrage )) ferme<br />
entre ces anormaux et les anormaux d'hospice, mais il faut noter que<br />
certains non-médecins, dont l'instituteur spécialisé Bqguer et le sénateur<br />
Strauss, souhaitaient, pour ces derniers également, une instruction véri-<br />
table donnée par des maîtres appartenant à I'lnstruction publique. Selon<br />
Y. Pélicier et G. Thuillier, « aux yeux d'un Boumeville, les idiots et les<br />
imbéciles hospitalisés doivent recevoir une éducation spéciale [...] alors<br />
que pour les éducateurs, appuyés par certains médecins, les efforts tentés<br />
en faveur de ces idiots et de ces imbéciles n'avaient aucun résultat ou que<br />
des résultats disproportionnés au coût de cette éducation spéciale l6 )).<br />
Ces auteurs semblent identifier les positions de Binet et de Simon à ce qui<br />
serait une position « utilitaire )) commune à l'ensemble des éducateurs. En<br />
1900, la Ligue de l'Enseignement avait pourtant demandé « l'obligation de<br />
l'assistance et de l'éducation des enfants idiots, arriérés, épileptiques,<br />
etc. » et en 1904, la fondation « d'asiles-écoles-ateliers réservés aux<br />
anormaux l7 ». En ce qui concerne les idiots, la référence de Bourneville<br />
est, on le sait, l'instituteur Séguin. Dès le début du siècle d'dilleurs, des<br />
A. Courjon, L. Grandvilliers, 1908, p. 594.<br />
l3<br />
l4 Cf. plus haut, M. Vial, p. 21.<br />
l5 E. Baumfelder, 1983, pp. 280-281.<br />
l6 Y. Pélicier, G. Thuillier, 1980, pp. 175-176. Le dernier chapitre de cet ouvrage reprend<br />
I'article référence de ces auteurs (1 979).<br />
l7 M. Vial, 1979, pp. 45 et 51. Peut-on dire que, dans cette querelle, Binet semble avoir été<br />
a le porte-parole des bureaux du ministère R (Y. Pélicier, G. Thuillier, 1980, p. 176) ? Nous<br />
n'avons pas trouvé d'éléments de réponse à cette question.
ali6cistes, notamment F. Voisin, avaient proposé d'éduquer les idiots,<br />
dans mais aussi hors l'asile 18. La polémique sur l'éducation de ces enfants,<br />
dont les expressio~s ont PM varier et devraient être analysées dans<br />
la dur& Io, semble davantage d'ordre idéologique que professionnel.<br />
Le recrutement des enfants pose la question des droits des familles.<br />
Ces droits sont reconnus dans 0a mnclusion 5 des deux textes : « Dans<br />
Ces cas où les parents feraient opposition à ce qu'un enfant, que la<br />
Commission élimine de ~'ccole ordinaire, fût placé dans une École de<br />
peofedionnement, ils resteront libres de lui faire donner l'instruction, soit<br />
chez eux, soit dans un 6tablissement privé. B ha conclusion 5 du texte 12<br />
réaffirme le 8-618 consultatif de la commission de recrutement : celle-ci<br />
cc propose d'éllimines N (au lieu de cc 6limine »). Les parents sont 6voqués<br />
dans le Guide, dans les mêmes ternes que dans l'exposé des motifs du<br />
texte II. PIut6t que de contraindre, il convient de convaincre les familles<br />
d'accepter le recrutement de Beurs enfants en classe de perfectionnement.<br />
M Bien que l'instruction des anomaux soit rendue obligatoire par la loi<br />
nouvelle, i! serait imprudent de se prbvaloir uniquement de la force légale<br />
pour peser sur la volonté des parents. On fera bien de recourir d'abord à<br />
le persuasion ". D Mais, l'instruction étant devenue obligatoire, on voit<br />
bien que, si l'école ordinaire rejette leur enfant, les parents des milieux<br />
populaires c'ont gu6re d'autre choix que celui d'accepter le perfectionne-<br />
ment : les autres solutions envisagees par la commission sont le précepto-<br />
rat au les institutions privees : a Si l'entente ne se fait pas, la commission<br />
se borne A éliminer l'enfant de B16cole ordinaire quand elle juge cette déci-<br />
sion nécessaire et les parents de l'enfant restent les maitres de lui donner<br />
B'lwstrudion, soit chez eux, soit dans un etablissement privé » (exposé des<br />
motifs, texte 41). La loi de 9909 reste très vague sur ces questions. La<br />
c~mrnissiot? de recsuternenfl 0 pourra autoriser )) l'admission en perfeo<br />
l8 Voi'r M. f afiropoulon, 4 984, p. 27 sq ; J. Aweiller, 1993, p. 460 sq.<br />
Io Voir le chapitre de Y. Bélicier et 6. Thuillier (p. 163 sq) sur la a doctrine Davenne s,<br />
directeur gbnéral de l'Assistance publique qui, en 1852, souhaitait pour les idiots a un<br />
proiess@ur habile s, les medecins n'ayant i s'occuper que des a maladies incidentes s.<br />
"A. Binet, Th. Simon, 4907, pp. 54-55,
tionnement des enfants dont elle a déterminé qu'ils « ne peuvent être<br />
admis ou maintenus dans les écoles primaires publiques ». « Un repré-<br />
sentant de la famille sera toujours invité à assister à l'examen de l'enfant ))<br />
(art. 12).<br />
Parmi les arguments avancés pour convaincre les familles, celui pré-<br />
senté dans la conclusion 4 du texte 12, (le placement en perfectionnement<br />
est « une mesure transitoire et ne produira d'effet que pour une durée d'un<br />
an ») retient l'attention. On peut le lire comme une indication sur les caté-<br />
gories d'élèves à scolariser en classe de perfectionnement. Pour Binet, les<br />
classes spéciales ne doivent scolariser que « la fine fleur des anor-<br />
maux 21 ». Les remarques sur le caractère transitoire d'une scolarisation<br />
dans ces classes semblent aller dans le même sens. Dans le Guide, Binet<br />
et Simon préciseront le lien entre le type de population à scolariser et la<br />
durée de la scolarisation. «On devra admettre beaucoup de débiles Ié-<br />
gers qui sont destinés à faire retour le plus t6t possible à l'école ordi-<br />
naire 22. » Pourtant, dès 1907, à la lumière des premières expériences des<br />
classes de perfectionnement parisiennes, Binet revient sur cette affirma-<br />
tion et convient « que ce serait une grosse illusion de croire qu'elles [nos<br />
éléves anormales] pourront faire souvent retour à I'école ordinaire quand<br />
elles auront étt! suffisamment améliorées 23 ». Est-ce à dire que, dès cette<br />
date, auraient été scolarisés en perfectionnement des élèves souffrant de<br />
difficultés plus importantes que celles envisagées par Binet, ou bien que le<br />
principe d'une scolarisation limitée dans le temps en classe de perfection-<br />
nement n'était, pour Binet et peut-être pour une majorité des membres de<br />
la sous-commission et de la commission, qu'un argument destiné à faire<br />
taire les inquiétudes éventuelles des familles ? Alors que certains spécia-<br />
listes et certains parlementaires considèrent, comme les conclusions de la<br />
commission, que la situation des élèves des classes et établissements<br />
spéciaux doit être revue régulièrement et que des passages entre ensei-<br />
gnement spécial et enseignement ordinaire doivent être prévus, aucun<br />
21 Cf. Texte 8.<br />
A. Binet, Th. Simon, 1907, p. 49.<br />
A. Binet. 1907 a, p. 176.
artide de lai loi de 1909 ne prévoit ce réexamen régulier. En pratique, la<br />
scolarisation en perfectionnement sera le plus souvent permanente.<br />
Les conc9usior1s 23 et 24 des deux documents demandent que soient<br />
6tudibes cc les meilleures m6thodes pratiques pour reconnaître les enfants<br />
anormaux des $coles et Afabiiu parmi eux des catégories )). Elles confir-<br />
ment que Be débat concernawU les méthodes et critéres d'admission en<br />
classe de psrfectionnemewt est loin d'être dos, comme en témoigne I'ex-<br />
pos6 des motifs du texte 'i 4 : a Au cours de ses délibérations, la Sous-<br />
Commission a eu souvent Ie sentiment que beaucoup de problémes qui<br />
se rattachent A B'bducation des anomaux, comme par exemple la distino<br />
Pion précise des degr& divers d1arri6ration mentale [...] sont des questions<br />
encore à 6'64ude, qui demandent des recherches scientifiques longues,<br />
patientes et minutieuses. )) On obsewe un gauchissement entre les deux<br />
textes : dans le texte 1 'i, le M guide scientifique )) souhaité pour cc faciliter<br />
[...J Ie travail des commissions d'examen )) devrait Qtre l'œuvre d'une<br />
sous-commission ; dans le texte 92, sa rédaction doit etre confiée A une<br />
personne (c cornp6tente ». S'agl-il sans le dire de Binet, qui aurait eu ainsi<br />
gain de muse, tout au moins au moment des conclusions de la commis-<br />
sion ? C'est ce $us laisse supposer la préface de Léon Bourgeois au<br />
Guide : Ca demande [...$ que vous avait adress6e la Commission, de<br />
composer ce petit livre 24. D> Mgis Ie fait que Binet ne soit pas nommé peut<br />
aussi laisser silpposer que Ba demande à son égard n'a pas été si claire et<br />
n'a peut-&tue pas fait I'aansnimit6. Ne tranchant pas quant aux types d'arrié-<br />
u6s ài scolariser en perfec8ionnementI la loi du 15 avril 1909 laissera toute<br />
latitude aux différents courants polar y faire admettre, en employant leurs<br />
wa$!hodes, les enfants plus ou moins gravement atteints qu'ils souhaitent y<br />
voir entrer 25.<br />
24 L. Bourgeois, in A. Binet, Ph. Simon. 1909, p. VIII.<br />
25 M. Vial a indiqué ài tori que les anormaux medicaux étaient a explicitement exclus D de<br />
l'application de la loi (M. Vial, 4990 b, p. 145). Tous les rapports parlementaires s'accor-<br />
dent sur cette exclusion, mais le tede de loi ne fait pas allusion à ces enfants.
IV. Les personnels, recrutement et formation<br />
(conclusions 6, 7 et 8 des textes 11 et 12)<br />
Dans les deux textes, est affirmé le caractère public de I'enseignement<br />
institué. Les maîtres des écoles de perfectionnement feront partie de<br />
I'enseignement primaire public B (conclusion 6, texte 11). (( Les écoles de<br />
perfectionnement sont rangées parmi les écoles primaires publiques. »<br />
(conclusion 6, texte 12). Les enseignants exerçant en classe de perfec-<br />
tionnement sont des fonctionnaires placés, comme les autres ensei-<br />
gnants, sous la tutelle du ministre de l'Instruction publique. La loi de 1909<br />
confirment ce statut (art. 7).<br />
Cependant, la comparaison entre les conclusions des textes 11 et 12<br />
concernant les personnels exerçant en classes de perfectionnement et la<br />
loi de 1909 montre des évolutions notables, quant à la formation des<br />
maîtres. Le texte 11 prévoit l'obligation d'une (( préparation spéciale )) pour<br />
exercer en classe de perfectionnement (conclusion 7). L'exposé des mo-<br />
tifs en précise le contenu : formation théorique suivie d'un stage en écoles<br />
de perfectionnement, en asiles-écoles, en écoles d'aveugles et en écoles<br />
de sourds-muets. Cette obligation est confirmée de façon plus vague dans<br />
la conclusion 7 du texte 12 qui prévoit un stage », mais sans dire où il<br />
doit se faire et qui ne parle pas de formation théorique. Elle disparaît dans<br />
la loi de 1909 (article 7) qui indique seulement : Les instituteurs doivent<br />
être choisis de référence 28 parmi les candidats pourvus du diplôme spé-<br />
cidl pour I'enseignement des arriérés D et prévoit un supplément de 300 F<br />
pour les titulaires du certificat d'aptitude à I'enseignement des enfants<br />
arriérés (CAEEA). Dans le décret du 14 août 1914, est indiquée l'étendue<br />
de la formation demandée pour postuler au CAEEA : un stage d'un an<br />
dans un établissement. Mais aucune disposition ne précise dans quelles<br />
conditions administratives et financières doit être effectué le stage. La loi<br />
de 1909 marque donc un recul important par rapport aux travaux de la<br />
commission de 1904. Celui-ci traduit peut-être des divergences quant aux<br />
28 C'est nous qui soulignons.
énstitmtions et aux professionnels aptes à former des maîtres spécialisés,<br />
mais sans doute aussi la crainte de ne rien pouvoir réaliser à cause des<br />
problèmes de financement.<br />
Dans les faits, avant 4909, diverses initiatives sont lancées pour organiser<br />
une formation professionnelle des instituteurs des classes de perfectionnement.<br />
En 1908, sont annoncés, par le ministère de I'lnstruction<br />
publique, des cours el conférences, sous la direction de G. Baguer, avec<br />
ct démonstrations pratiques par des médecins spécialistes et des maîtres<br />
sp6cialisés qui exposeront I Pour de r61e les doctrines de la médicopédagogie<br />
27 03. ParaSl&lemen%, les instituteurs enseignant dans les premi&ses<br />
classes de perfedionnernent se forment par des visites d'établisserments.<br />
On peut se faire une idée de ces formations autodidactes grAce<br />
aux Qcrits du couple d'instituteurs responsable des deux classes de per-<br />
BecBSouanement ouvertes 21 Tours, en décembre 1908. M. et Mme Berloquin<br />
entreprennent, avant de prendre leur poste, une formation éclectique débutent<br />
par un stage de quinze jours dans deux classes de perfectionnement<br />
parisiennes (rue de Belzuwce et rue des Ecluses-Saint-Martin). Le<br />
stqe est compléte par une visite d'une journée et demie à l'institut des<br />
sourds-muets et sourdes-muettes d'Asnières (ils y sont reçus par Baguer)<br />
et par un entretien avec Binet 41 Ba Sorbonne. Ce dernier leur fait rencon-<br />
Uaeu Vansy qui lies initie I Be mesure de l'intelligence. La formation se termine<br />
par une visite de la classe de la rue Lecomte 28.<br />
Aprks 4909, faute de finencemenP, le décret du 14 août 1909 ne peut<br />
entrer en application. Aussi, en 4943, le ministère doit-il autoriser A se<br />
pr6senPeu au CAEEA des candidats dont I'exp@rience est réduite B un<br />
stage d'une matinée par semaine dans un établissement spécialisé 29.<br />
Jusqad'B I'organisatiow de stages, en 4937, eu Musée pédagogique et I<br />
"Anonyme, 1908. Nous n'avons ProuvB aucun 6lSment permettant d'affirmer, avec E.<br />
Baumfelder (1 983, p. 495), que la commission aurait demandé des éducateurs formés par<br />
Ir! ministhre do I'lnstruction publique a et non par les médecins s.<br />
M et Mme Berloquin, sans date.<br />
Cf. ha lettre autographe du 7 mars 1913 signée Steeg, reproduite in M. Hugon, 1989,<br />
v01.1, p. 91.
l'Institut d'Asnières, la formation est en fait laissée à l'initiative indi-<br />
viduelle 30.<br />
V. La mixit4 des études (conclusion 9 des textes 11 et 12)<br />
Dans les deux textes, la question de la place du personnel enseignant<br />
féminin et celle de la coéducation des élèves sont traitées ensemble, sans<br />
que la liaison entre elles soit argumentée.<br />
L'exposé des motifs du texte 11 fait état des débats en vigueur sur la<br />
coéducation des sexes et sur la place des femmes dans l'enseignement<br />
des arriérés, en particulier dans les écoles de garçons anormaux. La<br />
conclusion 9 de ce document n'adopte pas de position claii-e. u Les auto-<br />
rités scolaires locales décideront dans quelle mesure il faut adopter dans<br />
les Écoles d'anormaux la coéducation des sexes et dans quelle proportion<br />
le personnel enseignant doit être féminin. »<br />
Bourneville, on le sait, souhaitait que dans les asiles-écoles exercent<br />
des infimières institutrices et que les classes spéciales soient tenues par<br />
des institutrices infirmières. Selon lui, dans les écoles spéciales (( Le per-<br />
sonnel enseignant sera composé surtout de femmes. La co6ducation des<br />
sexes est à recommander 31. » Dans son exposé des motifs, Binet reprend<br />
en partie ce point de vue : (( Les aliénistes sont généralement d'avis qu'on<br />
doit faire une place très grande à la femme dans l'éducation des anor-<br />
maux comme dans le traitement des malades et des infimes, en un mot<br />
de tous ceux qui souffrent et qui ont besoin de dévouement, de douceur et<br />
de bonté. )) De même, pour Roubinovitch, les femmes doivent enseigner<br />
dans les classes d'arriérés : (( Cette supériorité pédagogique de la femme<br />
est reconnue )) écrit-il, (( les femmes doivent jouer un rôle majeur dans<br />
l'enseignement des instables et des arriérés, c'est ainsi que sont organi-<br />
Pour une analyse approfondie de la formation des premiers instituteurs spécialisés,<br />
cf. M. Hugon, 1981, 1984, et J. Roca, 1992 b.<br />
31 D.M. Bourneville, RCT, 1905, p. CXXX.<br />
284
sés les enseignements à l'école du docteur Decroly à Bruxelles 32 ». Les<br />
femmes auraient des qualités humaines qui les rendraient particulièrement<br />
aptes à exercer dans les classes d'enfants arriérés. Mais suffisent-elles<br />
pour discipliner des adolescents instables ? Jusqu'à quel âge les garçons<br />
anakmaux peuvent-ils être éduqués par des femmes ? Diverses limites,<br />
allant de 9 A 14 ans, sont proposées au sein de la sous-commission ; ce<br />
qui la conduit, d'après Binet, à ne pas prendre parti mais à prôner I'expé-<br />
rirnentation.<br />
ka conclusion 9 du texte 12 semble témoigner du même attentisme.<br />
a Ces Écoles pourront être mixtes. Dans les Écoles spéciales aux gar-<br />
çons, l'enseignement pourra gtre confié à des institutrices. » Mixité et<br />
présence des femmes sont acceptées, sans toutefois être encouragées.<br />
En revanche, si la loi de 1909 ne dit rien quant à la possibilité pour les<br />
femmes d'enseigner dans des classes de garçons anormaux, elle interdit<br />
nettement la mixité en classe de perfectionnement, puisque l'article 3 in-<br />
dique : « Dans aucune école de perfectionnement ne seront admis des<br />
enfants de sexes différents. » Cette interdiction tient probablement à des<br />
raisons tactiques : crainte de susciter des débats ou des inquiétudes<br />
quant (( la moralité » des Alèves. Avant même le vote de la loi, une note<br />
sur Be projet de loi (texte de Baguer, non signé %) suggérait qu'on renonce<br />
Q Be coéducation des sexes : a il çuffn pour calmer les inquiétudes de<br />
demander la séparation des sexes [...] En raison des habitudes des<br />
mœurs françaises, on aurait trouv6 inquiétant de réunir des garçons et<br />
des filles restant ensemble jusqu'à 76 ans. » Après-coup, présentant la loi<br />
de 1909, b. Gobron, chef de bureau au ministére de l'Instruction publique,<br />
confirme : « il a paru, non sans raison, au législateur que le systéme des<br />
classes mixtes, quant au sexe, pouvait présenter des dangers lorsqu'il<br />
s'agit d'enfants plus ou moins dégénérés ou débiles mentalement 34. »<br />
32 J. Woubinovitch, 1907 b, p. 6 sq<br />
%~nonyme,<br />
1906,s 7.<br />
" L. Gobron, 191 0, p. 7.
VI. La durée des études (conclusion 15 des textes 11 et 12)<br />
Cette durée suscite des discussions, parmi les promoteurs de I'ensei-<br />
gnement spécial. Le texte 11, le texte 12 et la loi de 1909 fixent le seuil<br />
inférieur à six ans, excluant ainsi les écoles maternelles de l'enseignement<br />
spécial. Cette limite minima est contestée par Chazal qui milite pour une<br />
éducation scolaire précoce. a Quant à la limite minima de 6 ans, nous<br />
croyons qu'elle aurait bien besoin d'être abaissée » écrit-il. « Les troubles<br />
psychiques des enfants se révélent assez souvent dés la maternelle. II y<br />
aurait donc lieu de créer dans les établissements spéciaux, une division<br />
enfantine, pour les enfants au-dessous de 6 ans. Ceux-ci ne pourraient<br />
que bénéficier grandement de cette éducation spéciale précoce 35. »<br />
Strauss envisage également une éducation spéciale préscolaire B.<br />
Pour ce qui est de la limite supérieure, les textes 11 et 12 prévoient la<br />
possibilité d'une scolarité au-delà de la durée obligatoire. Les enfants ar-<br />
riérés « pourront y être retenus jusqu'à 16 ans » (texte 11). Le texte 12,<br />
moins comminatoire, dit : « pourront y rester » et ajoute les instables aux<br />
enfants arriérés. La conclusion 17 du texte 11 ajoute que les élèves de<br />
plus de treize ans ((jugés incapables d'être rendus au milieu ordinaire<br />
pour y apprendre un métier, seront dirigés vers les internats de perfec-<br />
tionnement [...] jusqu'à I'dge de 16 ans 1). La loi de 1909 revient aux seuls<br />
arriérés et indique que les classes annexées accueillent les enfants amé-<br />
rés d'âge scolaire entre six et treize ans, mais aussi que la scolarité dans<br />
les écoles autonomes pourra aller jusqu'à seize ans (article 2). L'arrêté du<br />
18 août 1909 ajoute que les internats de perfectionnement gardent les<br />
enfants jusqu'à 16 et même 18 ans » et ne doivent donc pas être assimi-<br />
lés aux écoles primaires publiques, car cela interdirait l'organisation d'une<br />
scolarité plus longue que la scolarité obligatoire.<br />
35 E. Chazal, 1907, p. 130.<br />
P. Strauss, 1908, p. 8.
MI. LES effectifs (conclusion 10 des textes 11 et 12)<br />
« Si les élèves d'une Qcole n'atteignent pas le nombre de douze, on<br />
pourra ne fumer qu'une seule classe, les éléves pouvant être réunis dans<br />
une même classe ne dépasseront pas le nombre de quinze. » En 1909, on<br />
obsewe un recul par rapport au nombre maximum fixé par la commission.<br />
Be loi autorise, bien que a exceptionnellement », le dépassement du<br />
nombre maximum de quinze élèves (art. 1 et art. 2). Ce nombre est justi-<br />
fi$, dans l'exposé des motifs du document 11, par la nécessité de<br />
connaître et de suivre individuellement chaque élève. Avec le même ar-<br />
gument, A. Cou jon et b. Grandvilliers proposaient un effectif maximum de<br />
huit A dix 6lèves pas classe 37. L'effectif de quinze A vingt éléves retenu<br />
par Bs loi de 1909 est néanmoins très réduit par rapport à l'effectif des<br />
classes ordinaires dont la moyenne était alors de cinquante enfants 38.<br />
Avent 9914, les premières classes de perfectionnement semblent avoir<br />
fonctionnt5 avec des effectifs r6duiQs compris entre quinze et vingt éléves.<br />
Après 1914, les informations partielles dont on dispose montrent que les<br />
effectifs vaReri% considérablemenl d'une classe à l'autre, les seuils ne sont<br />
plus respectés 30.<br />
MMg Horaires9 col%ation (csoè~~~sions 11, 12, 13 des textes 11 et 12).<br />
Les ciasses spdciales font I'objeQ de propositions particulières en ce qui<br />
concerne les horaires. Pour les classes ordinaires, il est prescrii que les<br />
6coles doivent vaquer un jour entier en dehors du dimanche (loi du 28<br />
mars 4 882). La commission propose que les enseignements soient assu-<br />
r6s tous les jours, sauf le dimanche (conclusion 11, textes 11 et 12). Cette<br />
proposition est justifibe ainsi dans l'exposé des motifs du texte 1 i : « les<br />
classes spéciales, si on leur applique rigoureusement le système de I'ex-<br />
37 A. Courjon. h. Grandvilliers, 4908, p. 595.<br />
38 Chiffre donné au Sénat par le dmteur Beauvisage, le 14 fbvrier 1909 (J.O., p. 103).<br />
CI. M. Wugon, 1981, vol. 2, p. 253 ~ o l
ternat, mettent quatre fois par jour l'enfant dans la rue en lui laissant une<br />
liberté que son état de débilité et d'instabilité rend dangereuse pour cer-<br />
tains sujets et dans certaines régions. » Cette argumentation est reprise<br />
dans l'exposé des motifs du projet de loi déposé en juin 1907 : « les<br />
éléves, si on leur appliquait le régime commun de l'externat, ne vien-<br />
draient pas en classe le jeudi et ne passeraient que trente heures par<br />
semaine à l'école ; or, une aussi large liberté est dangereuse 40. » Mais,<br />
comme le faisait déjà remarquer Baguer en 1906, la question des horaires<br />
(liée de fait à celle des enseignements religieux) est une question liti-<br />
gieuse : « on ne pourrait que soulever au Parlement des passions poli-<br />
tiques ou religieuses 41. » Finalement, l'arrêté du 17 août 1909 (art. 3)<br />
prévoit qu'une demi-journée sera libérée afin que puisse être assuré un<br />
enseignement religieux. Sur ce point aussi, les textes de 1909 sont rédi-<br />
gés de façon à éviter l'expression de toute objection qui risquerait d'empê-<br />
cher ou de retarder le vote de la loi.<br />
Quant à l'idée de servir une collation, présentée comme une obligation<br />
dans la conclusion 13 du document 11 (« Une collation légére sera servie<br />
aux enfants à 9 heures et demie »), elle est ramenée à un simple vœu<br />
dans la conclusion 13 du document 12 (« il est désirable qu'une collation<br />
légère soit servie aux enfants pendant la première récréation du matin »)<br />
et abandonnée dans les textes de 1909. Sans doute pour éviter tout en-<br />
gaigement financier, toute charge nouvelle qui seraient des obstacles au<br />
vote de la loi.<br />
40 Cite par G. Baguer, 1907 b, p. 9.<br />
41 Lettre non signée à Marcel Charlot, Coll. INRP, dossier 3.7.01/79(A), 9 avril 1906, p. 3.<br />
288
BX. L'organisation des enseignements<br />
[conclusions 14, f6, 77 du texte 1 B et 74, 16, 78 du texte 72)<br />
41 - l'emploi du temps<br />
Suu ce point, on constate uw accord entre les différents textes. Les<br />
Beçons doivent être coudes et ne pas excéder une demi-heure (conclusion<br />
114 des deux textes). On se reporten au « projet d'emploi du temps » de<br />
Baguer 42 qui présente une journke-type en classe de perfectionnement et<br />
propose une série de séquences intitulées « exercices » (le mot « leçons ))<br />
est absent des titres). Classés selon quatre catégories (oraux, graphiques,<br />
manuels et physiques), ces exercices sont prévus pour des durées allant<br />
de quinze 9 trente minutes. Les durées courtes et la diversité des exer-<br />
cices sont justifiées pas le souci d'éviter la « fatigue intellectuelle et I'épui-<br />
sement nerveux a).<br />
2 - les programmes<br />
Dans Ba conclusion 76 des deux textes, les programmes sont définis<br />
par r6férence A ceux des classes ordinaires : « la matière de I'enseigne-<br />
ment sera celle de l'école ordinaire avec les simplifications qui seront ju-<br />
gBes ri4cessaiies. » Mais Be poids respectif des disciplines d'enseigne-<br />
ment est rnodifi6. Les enseignements sont axés sur les activités artis-<br />
tiques, physiques et manuelles et orientés vers la préparation A la vie<br />
professionnelle. Bourneville proposait que le programme des classes spé-<br />
ciales se rapproche de celui de Bicêtre, « les exercices physiques seront<br />
rnultip!i6s, gymnastique de tous genres, des mouvements surtout, danse,<br />
chant, promenades avec leçons de choses 43 ». Dans le document 11,<br />
son0 introduites des « leçons d'oslhophonie » et des (a Beçons de vie pra-<br />
tique >> qui visent à? iwclalqueu aux enfants des habitudes d'hygiène et<br />
42 6. Baguer, 1907 a.<br />
43 WCT, 19W, p. 31.
d'économie domestique jugées souhaitables Dans le document 12, les<br />
leçons de vie pratique ont disparu. Dans aucun des deux documents, ne<br />
sont présents les exercices ac d'orthopédie mentale » qui seront expéri-<br />
mentés dans les premières classes de perfectionnement et décrits par<br />
Binet dans Les idees modernes 45.<br />
La mise en œuvre de tels programmes suppose une conception ou-<br />
verte et libérale du rdle de renseignant, très éloignée des principes en<br />
vigueur dans les classes ordinaires 48. Celui-ci doit être capable d'observer<br />
ses élèves et de développer une pédagogie reposant sur l'activité des<br />
enfants. Les conclusions des textes 11 et 12 ne disent rien de précis à ce<br />
propos, mais une telle conception de I'enseignement est décrite dans I'ex-<br />
posé des motifs du texte 11 (Matières de I'enseignement). On sait que,<br />
comme beaucoup de pédagogues ou de spécialistes de l'époque, Baguer<br />
et Binet ont, chacun à leur manière, défendu les' pédagogies actives, at-<br />
tentives aux besoins des éIèves et centrées sur leurs apprentissages 47.<br />
Malgré cet accord de principe, entre les documents 11 et 12 appa-<br />
raissent des modifications importantes qui concernent les propositions<br />
respectives de Baguer et de Mlle Stupuy. Dans le document 11, rien n'est<br />
dit à propos de la formation des filles, ni dans l'exposé des motifs ni dans<br />
les conclusions. En revanche, la conclusion 17 du document 12 reprend<br />
les conclusions de Mlle Stypuy (texte 9) : les filles seront exercées à des<br />
travaux manuels, à l'éducation ménagère, à des travaux à l'aiguille, etc.<br />
On observe des abandons et des rattrapages analogues, pour les propo-<br />
sitions de Baguer : Binet, dans la conclusion 17 du document 11 passe<br />
entièrement sous silence les conclusions du texte 10, concernant la for-<br />
44 On trouvera chez Vaney, des descriptions des leçons de vie pratique (1 91 1, p. 108 sq).<br />
45 A. Binet, 191 1 a, p. 133 sq.<br />
4e D'aprés les instructions officielles, a l'école primaire doit agir, non sur quelques enfants<br />
pris à part, mais sur la masse de la population enfantine. L'enseignement y est nécessai-<br />
rement collectif et simuKan6 B (Arrêt6 du 27-7-1882).<br />
47 Voir en particulier : G. Baguer, 189899 et 1907 a ; A. Binet, 1904 et 1907, ainsi que la<br />
çection III du chapitre 5 des Iddes modernes (191 1 a) dans laquelle Binet décrit le pro-<br />
gramme et les méthodes d'enseignement dans les premières classes d'anormaux (Cf.<br />
commentaire du texte 10).
metéon professionnelle en classe de perfectionnement. Or, les proposi-<br />
tions de Baguer &apparaissent telles quelles dans la conclusion 18 du<br />
document '81 : les Qcoles de perfectionnement devront avoir « un atelier<br />
scooaire aménage P) et « un jardin scolaire ». Dans les internats devront<br />
figurer des (( ateliers d'apprentissage » et on tiendra compte « dans les<br />
rhgions agricoles [...] [des] cu:arl%ures qui offriront le plus d'avantages pour le<br />
placement ultérieur des AIQves D9.<br />
Comment inferpsQ8eu ces disparitions et ces réapparitions ? Dans le<br />
document "da, Binet semble avoir ignor6 (déliberément ou non ?) les pro-<br />
positions de Mlle Stupuy et de Baguer. A la faveur de quelles discussions<br />
ou de quelles pressions, ces propositions sont-elles reprises dans le do-<br />
cument 12' ? Peut-on lire ces diffQrences entre les deux documents<br />
comme le trace de rivalités entre membres de la commission ? Peut-être,<br />
Binet a-t-il sous-esPim6 le poids de Baguer, dont l'influence est pourtant<br />
comrnentc5e pas Buisson en 49Q6 en ces termes : « la grande Commission<br />
d'éludes presidée par Léon Bourgeois a tracé, principalement en s'inspi-<br />
rant de ce qu'elle e vu dans l'admirable Institut d8Asniéres, les grandes<br />
lignes d'un plan thhorique et pratique pour le service scolaire des anor-<br />
maux 48. P)<br />
On retrouve. dans les Bnstnadions de 1909 49, la référence aux pro-<br />
grammes en usage B l'école primaire mais sur un mode plus restrictif.<br />
aa Les maîtres suivront les programmes des écoles primaires dans la me-<br />
sure OC Oe comporteront les aptitudes des éléves, ils devront le plus sou-<br />
vent se contenter de la lecture, de l'écriture et des éléments de calcul ))<br />
(erreté du 18 aoiil 1909). Le pédagogie en classe de perfectionnement se<br />
bornerait-elle alon B un enseignement allégé, appauvri en raison des<br />
limites inteiiectuelles des 61éves ? D'après Prudhommeau, c'est bien ainsi<br />
a F. Buisson, 1906, p. 302.<br />
49 Les instructions pbdagogiques de 4 909 sont analysees de façon detaillee in M. Hugon,<br />
1984, pp. 21 1 56.<br />
50 C'est nous qui soulignons.
qu'après 1909 furent interprétés souvent les textes officiels 51. Pourtant,<br />
sur d'autres points, les instructions reprennent en partie les ambitions de<br />
la commission. Ainsi, les leçons de vie pratique sont exposées de façon<br />
détaillée (arrêté du 18 août 1909). Surtout, les instructions officielles<br />
laissent à l'enseignant une grande liberté d'initiative quant aux contenus et<br />
aux méthodes, en même temps que sont proscrits le verbalisme, et toute<br />
pédagogie magistrale et impositive (instruction du 18 août 1909). Quant<br />
aux points de désaccord entre les textes 11 et 12, les instructions de 1909<br />
ne reprennent pas les conclusions de Mlle Stupuy. En revanche, les ins-<br />
tructions concernant la formation manuelle et professionnelle reprennent<br />
en partie l'exposé des motifs du texte 11 et en partie les conclusions du<br />
texte 10 de Baguer. En d'autres termes, l'arrêté du 18 août 1909 opère<br />
une sorte de synthèse ou de compromis, entre les contributions de Binet<br />
et celle de Baguer.<br />
X. Surveillance médicale et pédagogique, suivi des élèves (conclu-<br />
sions 18, 19, 20, 21 du texte 11 et 19, 20, 21, 22 du texte 12)<br />
La question de l'organisation de la surveillance médicale et pédago-<br />
gique est un terrain sur lequel s'affrontent les différents promoteurs de<br />
l'enseignement spécial. Bourneville 52 proposait que les enfants atteints<br />
« soit d'imbécillité légère ou arribration intellectuelle soit d'instabilitb men-<br />
tale » soient placés dans des services scolaires spéciaux sous la sur-<br />
veillance de médecins-inspecteurs, responsables des décisions de trans-<br />
fert du service hospitalier au service scolaire et réciproquement. Le docu-<br />
ment 11, préconise une double surveillance, médicale (conclusions 18 et<br />
19) et pédagogique (conclusion 20), qui donne à l'inspecteur un poids<br />
51 D'après M. Prudhommeau, retraçant l'histoire des classes de perfectionnement entre les<br />
deux guerres, ce fut le cas dans bon nombre de classes. a Les uns donnaient ce que l'on<br />
pourrait appeler un enseignement maternel augment&, leç autres [...] appliquaient essen-<br />
tiellement les programmes de l'enseignement ordinaire, en diminuant les prktentions. n<br />
(1949, p. 68).<br />
52 Cf. texte 4.
essentiel, au détriment du médecin. Ce dernier (qui doit être « versé dans<br />
la psychiatrie » précise l'exposé des motifs), doit se contenter d'examiner<br />
les enfants tous les six mois et de veiller à leur hygiène. En revanche,<br />
B'inspecteur primaire joue un rôle essentiel. A lui de contrôler les progrès<br />
des enfants ; Si lui de proposer des retours éventuels dans les classes<br />
normales. Les obsetvations pédagogiiques sont consignées sur un « livret<br />
scolaire individuel » (conclusion ad), dont la tenue, précise l'exposé des<br />
motifs, relève des enseignants sous le contrôle de l'inspecteur. Les obser-<br />
vations des médecins ne concernent que l'état de santé et les maladies<br />
diverses et seraient portées sus un livret séparé qui n'est même pas men-<br />
tionni! dans les conclusions du texte. Les conclusions du texte 12 re-<br />
prennent l'idée de deux livrets, un livret médical et un livret scolaire<br />
(conclusion 21), mais dans ce débat Binet semble avoir eu gain de cause,<br />
au sein de la commission : Iles modifications entre les documents 14 et 12<br />
sont insignifiantes.<br />
Ces propositions, qui limitent singulièrement le champ d'action des<br />
m6decins, sont évidemment contestées par différents auteurs, le plus<br />
souvent médecins. Ainsi Chamal considère que la fréquence envisagée<br />
pour les visites médicales est insuffisante. « Les mensurations doivent<br />
6tre faites mensuellement. B ea Quant aux examens m6dicaux, le médecin<br />
doit être seul juge de leur fréquence, laquelle varie pour chaque en-<br />
fant 53. » De même, Coujon et Grandvilliers (ce dernier, pédagogue non-<br />
médecin) proposent des a visites médicales très fréquentes : 3 par se-<br />
maine au minimum 58 ». propos des livrets, Chamal considére que « l'état<br />
intellectuel et moral de l'enfant est uni trop étroitement à son état physique<br />
pour que les indications fournies sur celui-ci par l'examen médical soient<br />
séparées des renseignements obtenus sur celui-là. Un livret unique, mé-<br />
dico-p6dagogique devra 6tre 6trabli pour chaque élève 55 ». Courjon et<br />
Grandvilliers proposent, quant 21 eux, que le médecin donne sur le livret<br />
53 E. CRazaI, 'i 907, p. 9 22.<br />
54 A. Courjon, L. Grandvilliers, 4908, p. 599. En 1899, un médecin proposait, dans une revue<br />
d'hygiène, une visite mhdicale quotidienne des Bcoles primaires (In MG, 1899, p. 147).<br />
55 E. Chazal, 9 $07, p. 123.
scolaire « les indications sur [la santé de l'enfant] qu'il jugera de nature à<br />
intéresser les éducateurs B.<br />
Derrière cette querelle quant au suivi des enfants, c'est la question du<br />
contrôle de l'enseignement spécialisé qui est à nouveau posée. À I'en-<br />
contre de l'avis de nombre de sphcialistes de l'enfance anormale, méde-<br />
cins ou non, la loi de 1909 s'en tient à un examen médical des élèves,<br />
tous les six mois. Elle ne retient qu'un seul livret appelé « livret scolaire et<br />
sanitaire ». Aprés 1909, I'entrhe des médecins dans le perfectionnement<br />
sera de fait trés difficile. Comme le souligne J. Arveiller, la loi de 1909 est<br />
« un texte ne concernant finalement que l'instruction publique, son appa-<br />
reil et ses agents s ». Pour des raisons de tradition scolaire, mais aussi à<br />
cause de questions de statut (vacations/fonction publique), les psychiatres<br />
ne pourront, pendant longtemps, y intervenir qu'avec l'appui, très minori-<br />
taire, de directeurs d'établissements informés et favorables.<br />
LE RÔLE DES MÉDECINS<br />
Faut-il parler, comme on le fait parfois, d'une perte d'influence des mé-<br />
decins, dés 1909, voire dés 1904-1 905 ?<br />
1. II est clair que la restriction du texte de loi à la création du perfeo<br />
tionnement et l'absence de considération dans ce texte des asiles-écoles<br />
montre que l'action des aliénistes et de leurs alliés en faveur d'une éduca-<br />
tion des enfants gravement arriérks n'a pas abouti au niveau législatif<br />
(dans les faits, quelques enfants gravement arriérés fréquenteront les<br />
classes de perfectionnement). Mais, s'agissant du rôle des médecins dans<br />
l'école, il est difficile d'invoquer une « perte » d'influence, alors que ceux-ci<br />
n'y entraient auparavant que de façon exceptionnelle. Au contraire, la<br />
présence active de médecins est souhaitée par les autorités scolaires et<br />
J. Aweiller, 1993, Tome 1, p. 272.
les gouvernements qui, bien avant la fin du xixe siécle, tentent d'organiser<br />
B'ànspection médicale scolaire ". Si celle-ci progresse peu, cela ne vient<br />
pas d'une opposition des autorités scolaires, mais encore une fois, d'une<br />
question de budget. « Vous voulez des médecins ? Payez-les S. » Quant<br />
aux a!ienistes, apres 1904-1 $05, on les voit, dans certaines grandes villes,<br />
organises avec l'appui des auUorét6s scolaires des enquêtes du type de<br />
celle conçue des années auparavant par Bourneville. On les voit égale-<br />
ment s'exprimer de façon courante sus la question des anormaux et en<br />
devenir les théoriciens, B c0t6 de Binet et de directeurs d'établissements<br />
sp$cialisés, tels Bagues ou 6sandvilliet-s. On les voit enfin contribuer à la<br />
fornetion des Futurs maîtres sp6cielisés, lorsqu'elle existe, ou organiser<br />
eux-mêmes cette formation (c'est le cas, notamment, de J. Philippe et<br />
G. Paul-Boncous). Même discutées par certains enseignants, leurs theses<br />
sont largement reprises pas une partie de la presse d'enseignement ou ils<br />
s'expriment d'ailleurs eux-mêmes.<br />
2. Quel poids prennent les médecins dans l'enseignement de perfectionnement?<br />
Cette question ne nous paraît pas tranchée et l'on court<br />
toujours Be risque d'interpréter les dvdnements du début du siécle au vu de<br />
O1his%oire ultérieure de cet enseignement, histoire dans laquelle les médecins<br />
n'ont de fait guère joué de rôle jusqu'à une période récente.<br />
De médecine, il est question en trois occasions, dans la loi de 1909 :<br />
inspection médicale semestrielle; présence d'un médecin dans la<br />
commission d'orientation et au Conseil d'administration.<br />
e'echec des médecins est patent, en ce qui concerne l'examen médical<br />
des enfants. Cependant, on vient de le voir, il semble s'agir davantage<br />
d'une question budgétaire que de la négation d'un besoin ou de la<br />
contestation des compétences mddicales. Si certains se plaignent de ce<br />
57 Cf. présentation p. 39-40.<br />
MG, 19067, pp. 26-27 (Br Portal, Sa6ne et Loire). Les mkdecins répugnent, écrit un autre<br />
correspondant a di la cr6ation d'un corp de fonctionnaires is (M. Thomas-Matrat, MG,<br />
190.4, p. 27).
que les médecins ont tendance à considérer les 6coles « comme des<br />
cliniques peuplées d'enfants malades », il ne semble pas que Binet ou<br />
d'autres membres de la commission se soient opposés à un suivi correct<br />
de la santé des élèves de perfectionnement. Au-delà du perfectionnement<br />
lui-même, les médecins sont soutenus, dans leur demande de suivre les<br />
écoliers, par des parents et par des maîtres BO. Mais pour organiser un tel<br />
suivi, que ce soit dans l'enseignement ordinaire ou dans le perfectionne-<br />
ment, il aurait fallu des médecins-inspecteurs en grand nombre et l'on<br />
revient à la question budgétaire. Quant aux prérogatives de ce suivi médi-<br />
cal (uniquement physique ou également psychologique et intellectuel),<br />
rien n'est tranché dans les textes.<br />
En ce qui concerne la commission de recrutement, les médecins y sont<br />
à part entière et ils s'en félicitent. Avec la liberté de procédure que laisse<br />
la loi, c'est un r61e important qu'ils obtiennent là, à l'encontre de ce que<br />
souhaitait Binet. Cependant, ces commissions n'ont guère fonctionné<br />
après 1909. Est-ce du fait des autorités scolaires ou d'un engagement<br />
insuffisant des médecins ? J. Boyer, collaborateur de Bourneville, regrette<br />
« l'indifférence que professent en France, à l'égard des questions d'ensei-<br />
gnement, nombre de médecins 81 ». Bourneville s'était battu pour I'organi-<br />
sation de l'inspection médicale scolaire, mais « Les médecins, dans leur<br />
majorité, ne sont pas prêts à faire rejoindre le discours du pouvoir de la<br />
médecine et ses applications pratiques et institutionnelles : ils n'ont que<br />
dédain pour la clinique "populaire" [...] que Bourneville estimait nécessaire<br />
de mettre en place 62 B.<br />
La présence de médecins au Conseil d'administration des établisse-<br />
ments de perfectionnement les fait entrer dans leurs instances décision-<br />
nelles. Jusqu'ou doit aller leur r61e, c'est une question alors en débat, tant<br />
MG, 1904, (M. Thomas-Matrat, p. 26-27).<br />
80 Cf. prksentation p. 40.<br />
" J. Boyer, 1900, p. 466, note.<br />
E. Baumfelder, 1983, pp. 231-232. Y. Pélicier et G. Thuillier notent, pour leur part, I'indiffé-<br />
rence a du corps medical dans son ensemble D (1980, p. 183).
en France qu'à l'étranger, et c'est sur ce point que l'on trouve les affrontements<br />
les plus nets entre representants de l'école et médecins. Certains<br />
veulent voir les établissements spéciaux dirigés par des médecins ;<br />
d'autres, par des pédagogues. Ew 4900, le congrès de la Ligue de I'Enseignernent<br />
demande que (< la direetion et l'inspection [des écoles spéciales]<br />
soient résew6es au personne! enseignant » : d'où un débat, dans les<br />
Archives: de neurologie. Le dsdeuu Wahl, médecin-adjoint des asiles<br />
d'aliénés, demande que !ai diredion des etablissements pour enfants<br />
anormaux (6tablissements qui, selon lui, doivent être autonomes), ne soit<br />
confiée qu'il (6 un médecin vené dans l'étude des maladies mentales »,<br />
U'EnstiP~teur étant place sous cette direction, au lieu de faire appel « quand<br />
il Be juge utile au médecin B. Bourneville demande, de même, que la<br />
direction des « établissements consacrés aux idiots, imbéciles, etc. » soit<br />
confiBe a ~ médecins. x Bans les classes sp6ciales, le r61e des instituteurs<br />
cc dodi eare plus btendui, mais B& encore l'intervention du médecin est indispensable<br />
B. C'est F. Carnailhasc, maître d'enfants anormaux et collaborateur<br />
de Boerrneville (lequel critique son rapport), qui a entraîné le vote de<br />
le Ligue. Regrettant pour se pari que la commission de la Ligue n'ait<br />
comporté que des enseignants, J. Boyer, autre maître d'enfants anormaux<br />
el autre collaborateur de Bourneville, demande pour tous les idiots jusqu'd<br />
a( celui qui p:ésente une l$g&re différence avec l'enfant normal », I'organisatiow<br />
d'asilesécoles sous Be direction « des médecins seuls ». Ce débat<br />
recouvre peut-etre des conflits de personnes autour de Bourneville. En<br />
tout cas si conflit professionnel il y a, il passe à l'intérieur de la catégorie<br />
des maîtres sp&cizilisés, h Ligue de l'Enseignement prenant ses positions<br />
sur E'ewdance anormale, B partir des avis des spécialistes<br />
La formule d'une collaboration médico-pédagogique semble souvent<br />
souhait&, par des maîtres comme par des médecins. « Nous nous<br />
sommes élevés contre K.] la prAtention de confier à des médecins la ré-<br />
63 BhE, 4 900, p. 526.<br />
64 Dr Wahl, 1800, p. 465.<br />
D.M. Bourneville, 4 300, pp. 471-472.<br />
Ba M. Vial, 1979.
daction des programmes d'enseignement pour les anormaux », écrivent<br />
Courjon et Grandvilliers. « En ce qui regarde le traitement médico-<br />
pédagogique des anormaux, médecins et éducateurs doivent collaborer<br />
étroitement, se renseigner et se conseiller mutuellement, mais nul d'entre<br />
eux ne doit avoir l'ambition de primer l'autre 87. »<br />
Au premier congrès international d'éducation et de protection de i'en-<br />
fant dans la famille, où sont présents des médecins et des enseignants<br />
(Liège, 1905), cette collaboration est largement défendue et certains pro-<br />
posent même une direction de médecins et d'éducateurs. Au cours de ce<br />
congrès, une formation physiologique pour le maître est proposée 88, mais<br />
aussi, comme on s'y attendrait moins, une formation pédagogique pour le<br />
médecin. Pour une bonne collaboration, il faut les « connaissances péda-<br />
gogiques du médecin », « la science physiologique de l'instituteur ». Le<br />
congrès demande : d'une part, que « des cours de physiologie et plus<br />
spécialement de psychophysiologie soient organisés dans les écoles nor-<br />
males, pour les instituteurs en général » et « que, réciproquement, des<br />
cours d'hygiène de l'éducation, accessibles aux médecins, soient institués<br />
dans les universités, de manière à former des spécialistes » ; d'autre part,<br />
la création d'écoles normdles spéciales « pour la formation de spécialistes<br />
en matière d'éducation des enfants anormaux 89 ».<br />
Les aliénistes ont-ils souhaités être responsables à travers toute la<br />
France du recrutement de l'enseignement spécial et du suivi de ses<br />
élèves ? II leur arrive de tenir de tels rôles, mais dans des établissements<br />
particuliers qui leur servent aussi de terrains d'étude. Ceux qui s'expriment<br />
semblent bien davantage se voir dans le r61e de formateurs : formateurs<br />
des maîtres d'abord, mais aussi peut-être formateurs de médecins spécia-<br />
listes. « Quant au personnel spécial, médecins, professeurs, chefs d'ate-<br />
liers, infirmières, qui devra assurer la bonne marche des établissements à<br />
87 A. Courjon, L. Grandvilliers, 1908, p. 99.<br />
Elle est également souhaitée par des membres de i'institution scolaire. Ainsi, dès 1897, un<br />
inspecteur primaire, L. Baron, propose un a instituteur hygiéniste n (MG, 1987, p. 597).<br />
PF, Procès-verbaux des séances de la Troisième Section, Enfants anormaux, Annexe au<br />
volume VI (Rapports de la Troisiéme Section), Namur, A. Godenne,l905.
créer, il est encore B former PP, Acbjvent Courjon et Grandvilliers 70. C'est<br />
probablement tous les professionnels déjà en place, dans le secteur de<br />
l'enfance anomale qui se considéseait comme experts et se voient dans le<br />
&le de formateurs de leurs nouveaux collégues, qu'il s'agisse de méde-<br />
cins, de maîtres ou d1infimi&ses.<br />
Ba loi de ô909 ne donne pas d'indication quant B la qualité des direc-<br />
teurs d'6coles de pe6oectionnemenP. Elle ne dit pas que le directeur d'une<br />
6cole de perfectionnement doit 61re un enseignant. Le l6gislateur a-t-il<br />
eravisag6 Ba possibilitb que ce soit ban médecin fonctionnaire ? Cela paraît<br />
peu probâb!e. De fait, ce seront des enseignants qui dirigeront ces écoles.<br />
08 n'est pas certain que, a dans Des deux camps, on ne parlait pas tout à<br />
fait des mêmes enfants, Bourneville s'intéressant aux cas les plus graves,<br />
et !es partisans de lai direction par les instituteurs aux enfants simplement<br />
"en-ibabs scolaires" 7q P). En effet, cela a été souvent noté, Bourneville - fait<br />
nouveau, semble-ri-il, B son bgioqlae - se préoccupait du traitement et de<br />
B'6ducatiow des enfants les moins atteints 72. Lorsqu'il envisageait des éta-<br />
blissements spécieux dirigés pair les médecins, il ne limite pas leur r61e aux<br />
enfants les plus atteints. Sa position est moins claire, en ce qui concerne<br />
lies cRasses speciales 73. l! est probable que, pour nombre d'enseignants,<br />
comme pour Binet, les classes spbciales et l'enseignement de perfection-<br />
nement ne devaient pas s'adresser B des enfants gravement atteints. Be<br />
lait, ce seront des enseignants qui dirigeront ces écoles, dans lesquelles<br />
seront pendant longtemps scolarisAs des enfants tres handicapés (han-<br />
dicaps physiques el sensoriels comme handicaps mentaux graves) 74.<br />
70 A. Courjon, L. Grandvilliers, 4908, p. 5861.<br />
74 Y. POlicier, 6. Vhuillier, 4 980, p. 175.<br />
72 Bourneville a ne veut pas limiter. l'elifori d'assistance aux enfants idiots et épileptiques : il<br />
SQ préoccupe aussi - idéa fort neuve 3 I'époque - des débiles légers 9 (Y. Pélicier,<br />
Cà. Thuillier, 4980, p. 174). Bourneville a chose nouvelle pour l'époque s'intéresse de plus<br />
en glus aux enfants "les moins malades" D (J. Roca. 1992. p. 68).<br />
73 Cf. plus haut, p. 78.<br />
74 Cf. M.A. Wugon, J. Gateaux-Mennecier, M. Vial, 1984
II reste beaucoup d'interrogations, sur le poids et les souhaits des mé-<br />
decins, par rapport à renseignement spécial. À I'époque, ta rivalité et les<br />
oppositions entre certains membres de l'enseignement et certains méde-<br />
cins prennent parfois un tour très virulent, mais elles sont peut-être ac-<br />
centuées par des schématisations simplifiantes que ron trouve très tôt,<br />
dans la littérature. L'aliéniste A. Laurent, par exemple, décrit « deux cou-<br />
rants » : celui des instituteurs, cc ayant à leur tête M. A. Binet » ; celui des<br />
« medecins des asiles d1ali6n6s 75 B. La réalité montre des alliances plus<br />
complexes (par exemple, l'aliéniste Simon, ou le médecin d'hôpital d'en-<br />
fants Variot '&, s'alliant au psychologue Binet et des instituteurs comme<br />
Baguer ou Boyer s'afliant à Bourneville) 77. Ces alliances peuvent varier<br />
selon les thèmes (par exemple, le docteur Roubinovitch allié B Binet contre<br />
Bourneville, Baguer et Strauss, en ce qui concerne l'éducation des enfants<br />
gravement arriérés ; mais Bourneville proche de Binet, en ce qui concerne<br />
les internats, alors que sur cette question Roubinovitch et d'autres<br />
médecins s'allient à Baguer et à des membres de l'Instruction publique) 78.<br />
Son bien connus les conflits entre le psychologue Binet, et certains<br />
aliénistes, dont au premier chef Bourneville, ainsi que les démêlés du-<br />
rables entre l'administration de l'Assistance publique et nombre de méde-<br />
cins des asiles.<br />
Mais d'autres questions restent encore A analyser en profondeur :<br />
- enjeux de pouvoir et conflits entre ministéres de I'lnstntction publique et<br />
de I'lntêfleur (les
- enjeux de pouvoir et conflits (professionnels eVou idéologiques) entre<br />
une partie du corps médical et une partie des membres de i'institution<br />
scolaire ;<br />
- oppositions de personnes : par exemple entre Bourneville et Camailhac,<br />
ou entre Bourneville et Simon qui avait 6té interne à la colonie d'arriérés<br />
de Pesray-\/aucluse 79 ;<br />
- oppositions politiques : par exemple, Binet proche de courants républi-<br />
cains modérés ; Bolaïneville, homme de gauche.<br />
A notre cornnaissance, les points de vue respectifs des différentes ca-<br />
t6gosies de m6deêins, comme des différentes catégories de personnels de<br />
C'Cnstmc'iion publique (maîtres ordinaires et maîtres « spéciaux », hiérar-<br />
claie) restent encore largement ài $lucider.<br />
S'sgissa~t des enseignants, quelques éléments ont déjA été apportés<br />
par nos propres travaux (indiff6rence de la masse des maîtres) mais il faudrait<br />
analyser de plus pr&s les 6ventuels débats parmi les maîtres spécia-<br />
B/s$s, ainsi que !es divergences B l'intérieur de la hiérarchie scolaire (on<br />
cownaii8, par exemple, les positions différentes des directeurs successifs<br />
de B'ewseignament primaire B Paris, par rapporl aux demandes de<br />
Bourneville).<br />
S'agissant des medecins, on pose souvent les questions, en identifiant<br />
m6éedns et ali&nisPes. En fait, on peut penser que les rnédecins-inspecteun<br />
des $coles $Paient aussi, et peut-être davantage, concernés. En<br />
3907 - aprks avoir soulign6 qu'il a con~u sa méthode « avec la collaboration<br />
de plusieurs compétences indiscutables, un inspecteur primaire,<br />
M. Belot, un diredsur dlQcole, M. Vaney, et suïtout un aliéniste, le Docteur<br />
Simon » .-, Binet pr6cise que a !es instituteurs et les médecins d'bcole ont<br />
Qt6 conviés prendre par2 Ia sélection des anormaux dans les<br />
6c0Bes~~ B. Bo~arweville donnait $galement un grand r61e au médecin-<br />
7g Selon Y. Pklicier et 6. Thuillier, I'inimitiQ do Binet envers Bourneville s'expliquerait plutôt<br />
par a une inimitib de Simon D (1 980, p. 176 note).<br />
A. Binet, 9907, p. 763.<br />
301
inspecteur On trouve des éléments d'analyse chez J. Roca qui parle<br />
d'une « confrontation » entre « médecins psychologues » et « médecins<br />
aliénistes 82 ». Pour cet auteur, u la revendication du secteur [de I'enfance<br />
anormale] par les médecins » serait « la demande d'un segment de la<br />
profession médicale, les médecins des asiles ». Le conflit évoluerait ulté-<br />
rieurement vers un conflit entre « médecins du cadre des asiles » et « mé-<br />
decins du cadre des hôpitauxa3 B. En fait, on obseive, cumulées parfois<br />
par la même personne, une multiplicité de fonctions - qui apparaîtrait<br />
pleinement dans une étude des signatures d'articles - parmi les médecins<br />
engagés sur la question de I'enfance anormale : médecins-inspecteurs<br />
des écoles, tel Régis ; médecins aliénistes ou neurologistes des asiles ;<br />
médecins des maladies neiveuses d'hôpitaux généraux tel R. Cruchet ;<br />
médecins attachés à un établissement, tel G. Paul-Boncour ; médecins-<br />
inspecteurs des classes de perfectionnement, tel E. Audemard ; médecins<br />
d'hygiène mentale, tel E. Chazal et J. Abadie ; médecins des institutions<br />
de justice, tel G. Paul-Boncour ; médecins directeurs d'établissements<br />
spéciaux, tel A. Cou jon ; médecins professeurs d'université, tel J. Abadie,<br />
R. Cruchet, E. Régis ; médecins psychologues, tels J. Philippe ... De plus,<br />
certains médecins se réfèrent à la fois à des autorités bien connues pour-<br />
tant pour leur opposition exacerbée. Dans ces conditions, même si les<br />
oppositions catégorielles sont patentes, il paraît bien difficile, de s'en tenir<br />
à de telles oppositions pour rendre compte des clivages et des alliances<br />
dans le monde médical de l'époque.<br />
II reste que décrire les processus alors en jeu en terme de grandes<br />
catégories (le système scolaire, l'école, les médecins, les maîtres, l'As-<br />
sistance publique, etc.) semble particulièrement inadéquat. Comme I'indi-<br />
quent Y. Pélicier et G. Thuillier, « les divisions entre médecins, les<br />
" Cf. Texte 4.<br />
82 J. Roca, 1990 a, p. 55.<br />
83 J. Roca, 1992 a, pp. 122 et 124.
$uuae!!es en&& éducateus B son? i3 prendre en compte, parmi les obs-<br />
tacies qui expliquent Ies lenteus absentées après 4 909 84.<br />
AR;? DOTAL,<br />
La G@cBur@ eompar&e des docaoments 531 et $2 montre que :<br />
1 -Binet, secr6taire dds 181 sous-commission, a $té essentiellement<br />
U'avamt de sas propres theses p6dagoggiques puisqdil ignore (ou feint<br />
d'ignorer) Ea conlnawbutéow do Mlle SPupuy et celle de G. Baguer, mais if na<br />
semb!e p~s avoir 6% suivi par la commission qui reprend les conclusions<br />
de Mlie Stupkay oi celles de Bagues. Dans tes jeux d'influence obsenrables<br />
s!o~ entr~? B~lguar et Binet, ce dernier ne serait ainsi pas sodi vainguela~<br />
sus tous les points.<br />
2 - Le r8ppofi de Binet au nom de la sous-commission et las conclusjoPis<br />
Ûe ?a commission plenic$ro reconnaisent la compétence des médecins<br />
dans Ie :epV:age des enIatl?s destines aux classes d'airilores. Dans Q<br />
me$zr@ 06 :t'=fi n'@a dit dos méthodes de recrutement de ces classes, on<br />
pe~8 vojs BB 1'expression d'une position de compromis : un silence tactique<br />
pasmeSPawi, tsn9 en sous-commisio3~ qubn commission, de dépaser les<br />
opposia!ons bien conoues et d'aboutir.<br />
3 - Concernant le suivi des $l&ves, sous-commission et commission<br />
s6dsaSsanP B'lnfluewce des m&decins, polarlant represent6s dans Iâ commission.<br />
On $'@& interrogé sui la participation reelle de Baumeville & cette<br />
ass6mk?$l$e IB est difficile d'imagiwer que le docteur Gauraud, son secr&faire,<br />
n'ait pas suivi fes s&u~ion$. Quel a éfd son point ds vue ? On ne<br />
peut Is savoir.<br />
Y. PQicier, G. Tkuillier, '1980,<br />
p. 183.<br />
85 Cf. présentation, p. 4 7-4 B.
La comparaison entre les textes 11 et 12 et le texte de la loi de<br />
1909 suggére les remarques suivantes :<br />
1 -Dès 1907, un certain nombre de propositions présentes dans les<br />
écrits de la commission disparaissent du projet de loi. II s'agit, d'une part,<br />
des conclusions concernant l'organisation pédagogique qui pourraient<br />
susciter des passions idéologiques et donc provoquer des réticences et<br />
peut-être des retards dans le vote de la loi (mixité des enseignements,<br />
présence des femmes auprès des jeunes garçons dits arriérés, emploi du<br />
temps) ; d'autre part, de conclusions qui auraient des incidences finan-<br />
cières : la création de classes de perfectionnement devient facultative, la<br />
possession du CAEEA n'est plus obligatoire, le seuil maximal de 15<br />
élèves est abandonné, les collations sont supprimées. Sur toutes ces<br />
questions, la loi de 1909 maque un recul.<br />
2 - Les questions non résolues en 1904-1905 ne le sont pas davan-<br />
tage dans la loi de 1909. Sur plusieurs points discutés entre les promo-<br />
teurs de l'enseignement spécial, les conclusions de la commission ne<br />
tranchent pas et apparaissent comme des compromis. sur lesquels le<br />
texte de loi ne tranche pas non plus.<br />
- Aucun parti n'est pris concernant le type d'établissement à préconiser. La<br />
campagne en faveur de l'enseignement spécial aboutit sans que soient<br />
éclaircies des ambiguïtés qui pourraient peut-être, si elles étaient levées,<br />
retarder les décisions souhaitées.<br />
- S'agissant du recrutement des classes et des écoles de perfection-<br />
nement, la loi laisse une grande marge de liberté à ceux qui en seront<br />
chargés. D'une part, en ce qui concerne le type d'arriérés à recruter : dé-<br />
biles légers, comme le souhaitent Binet et Simon ? arriérés plus grave-<br />
ment atteints, comme le souhaite Bourneville ? D'autre part, en ce qui<br />
concerne les méthodes de recrutement : procédure en trois temps, avec<br />
examen psychologique standardisé, comme le souhaitent Binet et<br />
Simon ? procédures cliniques classiques ou aidées de questionnaires<br />
médicaux, comme le souhaitent nombre de médecins ?
Lettres aprbs %a Commission<br />
Paf<br />
Manique Vial
Texte 13<br />
Musée national de l'Éducation.<br />
Deux versions calligraphiées à l'encre noire, dont la seconde est une version<br />
corrigée de la première.<br />
Première version. Dossier 3.7.03124855. Gommages et corrections au crayon.<br />
4 pages. Sur la première page : ac Projet corrigé par M. Léon Bourgeois. D Date :<br />
Paris, Décembre 1905. Destinataire barré, au bas de la première page : RAeAMew<br />
Mqu+ Remplacé par : M. le Ministre de I'lnstruction publique.<br />
Deuxiéme version. Dossier 3.7.0411063711906 (Sur le manuscrit, cote<br />
3.7.01137361). Aucune correction. 4 pages. Date : 5 janvier 1906. Destinataire, au<br />
bas de la première page : Monsieur le Ministre de I'lnstruction publique.<br />
Le texte ci-dessous reproduit le texte corrige (deuxième version). Les diffé-<br />
rences avec la premibre version sont indiqubes, après le texte.<br />
Paris, 5 janvier 1906<br />
Monsieur le Ministre, [[Il<br />
Une Commission a été instituée le 4 octobre 1904 par M. le Ministré de f'Instmction<br />
pubbque (( à Pe@ d'étudier les mndiaons dans lesquelles h presmptions de fa hi du 28<br />
mars 1882 sur PobLgai5on de Penseknement primait. paumaient être appiiquées aux<br />
enfants anomam des dem sexes (aveugles, sourds-muets, arriérés, etc.) »<br />
Actuefbment b question a été examinée sous tous ses qects, il sembk que le moment<br />
soit venu de passer à Pexécution. [Z]<br />
If n'estguère possibb, en PrUson de sérieuses dlficukés admitu>tmttttues oujnanaëres, de<br />
k~ser Q fgtat le soin de mnstnuit. et d'organiser en ce moment h étabLssements nécessatks<br />
; mais sans nnonm à des pnyefi qui îre sont pas sans gmndeur [3], ify a Leu de<br />
rechercher dès maintenant .!es myens de donner aux enfants anormaux réquivalent de ce<br />
que &rat donne am autm : des institatetrrs ou des insfi'tutnCespubbc~p@arés à leur<br />
trâche.
Jusqu'à a jour les enfants anomaux se hr,umnt hofs (a hi,puisqu'ilr ne peuvent êrt7o<br />
instmits dans des écoles ohinaires [4] et qslkslcune éco(e* n'est mise à letlr diqosibon.<br />
Pouf. (es soslrds-muets et (es mugles, een dehofs des quatre é&blissements nationam et<br />
dcs étabbsemen~ d"pa&me~tatu: de L Seh q.6 s'od~ssent ma&eummemenf à lnnpetit<br />
nomtire d'enfantsf il n'existe qsle des é&bkssementspn'&s, pour (a $+art cong&anistes<br />
qui ont psl masquer pttiehment n maque d'organisadon [5], mm> (es séc11bn'sadons<br />
qt/i se sontpmduites deptui La hi du 7jm'bt 1304 ne tardemntpas à hisser voir Lfoibhsse<br />
et le danger de ces émfes libre échqpant à tout contdfe.<br />
Pow Les anomam mé&camf qsle&ues essati isofés ont été tentés dans des h@ifam ;<br />
poslr b mërés fiq(es et Ces instables, c'est-à-are pour rem qui poument 2- b ph ufr'(ement rqpmcbés des enfants nomaux, if n'existe absofument n'en en France.<br />
C'estpour tous m e.fants sam$k que, dans tous hs journaux qékmx, dam tuus las<br />
congn?s de pédagogie et d'arsistunce, on réchme des sem'nrs smlai~s*.<br />
Or, Pa& 2 de (a loi dsl 30 octobre 1881 dgnit a qu7l faut entendre par éoh publiqsle<br />
: « LeS étabEssemts d'ense2nement pn'mas'm de fout O& peuvent être publics,<br />
c'est-à-dire fondés et eentttenus par l'Et&, les départements OH les communes, ou pn'vé.î,<br />
c'est-à-&refondis ef entretenuspar despartrrtrmLen ou des asson'a&onss<br />
La loi ne s'oppose pas à E que le Ministè~ de PInsfmction pubkque autorise, een dehoty<br />
des éfablssements dgtat, et en s'entoumnt de toutes les grnanties danrables, Po.wertan<br />
par les d+artemen~ 0% hs communes m de rhxe~ publiqu~f OU d'émhs publiques<br />
spén'ahent résentées aux enfants anomam.<br />
La loi ne s'qpsepar à n que les imtituteun et institutricar cba'gés de m chxexpubliques<br />
soient mmptés, comme (eun m&p atf nombre des ins&ttfte#n et ins&tutn'ces<br />
pubkcs.<br />
LÎ iot^ ne siopposepas ri ce que (es instittlfeurs et institutrias exeqant dans des hopias<br />
muninpam ou d@a@emen&m d'anomaux médicaux, au dans des établissemenfs mtrninpam<br />
ou d&artementatrx d'aveggh otl de soum's-muefi soient chés comme instituteufs<br />
pub fi.<br />
Et ii est éqrriabh qHe le tdement kgai [8] de nos instituteufs et insdtt/tn'ces qékalisis<br />
soit sqpogépar 1&&t, au même &ire qtfe k traftmnt des autres instttuteufs, sur h<br />
btfdget de rInstmcfr8n pubhque : «potlm que b intére~sés remj(issnt hs mnditiom de<br />
cipan'té détemi~éespm les his sm15u're.î" Iful. -37 da (a loi d~ 25 juiilat $893.)<br />
s.s. [M
Déjg bien des Wües ihprtantes, hien des départements auratent pn> l'initiative de<br />
poumir à ka phs grosse part des d@etrsespur Féducation de certat'ns gmzpes d'anormaux<br />
si lgtat n'avaitpm décLné ka chafge, qqe ka hi hi impose apendant, d'assurerpour tous<br />
ies enf~nts, le tmtement kgal du pen-onnel enseignant. [9]<br />
Les Dépardements et les Comm~nes ~ccepteraient certainement b autres charges qui<br />
démtrlentpour eux du $1 de Part. 5 du démt du 5 Novembre 1894. [IO]<br />
Toutes les dépenses qu'entraînent l'installation et le fonctionnement de<br />
l'école incombent à l'État au Département ou à la Commune suivant que<br />
I'école est annexée à un Établissement national, départemental ou communal.<br />
»<br />
Mai> en échange, ilr p.échmeîaient natureIlentent fexonération des dé$enses que &<br />
deuxëme aLnéa du même ar~cle(') met Q &ur charge en ce qui touche iepersonnel mntmirement<br />
auxpnI1n>esgénér~ux que nous ams rzppeh ci-dessus. [l Il<br />
ILy ~urat't donc ce premierpoint Q étabLr que ies Instituteurs et Instituttices chaqés des<br />
sem'ces Id'ranom~~uc mcevrm>nt de l&tcab le trat'tement kgaL quand ilr seraient attîachés à<br />
des chses ou Q des émhspubLques myes dans iesfomes kgalespar ie MrÙ>tère de FInstmctionpub.&que,<br />
toutes les autres d@enses restantjusqu'à nouvel ordre à la charge du<br />
pouvoit- État, D@artemerrd ou Commune qui auraitfondé l?%abLjsement.<br />
Mds il ne suirait Pm de foumir et de pqer un personnel quehnque, il faudrait<br />
rend9.e ce personnel mpétetzt en hi fakant mnnaitre bpédagogie qénaie des anomaux.<br />
Ily aurait donc Leu de débmr, @pès examen sénèux, aux titukzns déjà munzs du<br />
Bnvet de Cqûanté et du Cert$cat ordinark d'aptttude pédagogiqt/e, un certt$îcat mmpkmentaire<br />
d'aptrtude Q renseignemeni des anomaux, ce cert$catpouvant donner droirpar<br />
exemple, tant que son possesseur exemrd dans une classe spéciale, à une indemnité annuelle<br />
&ale d ceLie qtri est amibuée aux mrat"tvës chargej des murs rompiémentaires dle.fants<br />
normaux (2OOj).<br />
En résumé, Monsieur le Ministn, nous ~~bh0n.s que deux mesmspeuvent être dès à<br />
pP.ésentpti>espar votre administralion. [12]<br />
1 O Abmgation du $2 de PQ~. 5 du démt du 5 novembre 1894.<br />
Z0 Instttutton d'uti cet-tr$îcat cmpkmentQire d'apttiude à renseignement des anomaux.<br />
Ce commencement d'oql~anisation, déjà p h en grande punie part Fart. 4 de la hi du<br />
28 man 1882, peut t&s rapidem ment, sans Légiférer, par mie de dé& ou de<br />
PPgiement d'administmbon pubGque.
.apnIF.ylos ap aBuu??ow,éé a? xnu~~~ouu s~u$ua,p sa,a?y@u s~uuJxnu .rauuop ap suahru<br />
sq I ~ sydnu I ~~v~d2a~s~-zndsnon an6 '[CI] ar~s,mqq 7 Jna.zsuom 'mnay s,mJas a[<br />
-smaa&. sqwa,p no sasq ap suqqqau Sap arnsaw ? p ~ gnu 'nad? nadanb<br />
~ua?tu?npcud as au sqa 'sqq.rnJ~uawan,qm IuamJar 1mg1 md sa,éwnsm saajtly~ s q<br />
.sanb!lqnd sasuadap rnod smo3uos ap spuoj<br />
ap an? ansayn anbey2 ap auawasuaunuo3 nie JOS~JJ nie ?sJaA asa sayrqg<br />
-su! Sa s3najtvpsu! xne snp x m sauawaa!en ap s~uaui?[ddns aa suauraJ!w,<br />
Sap amauoui a1 c~ununuo3 no pauawalred?p 1sa auawass!Iqzag,l !S (1)<br />
.[A seide ?ss!el :,uelq al ins )no.] aip!u!N al ina!suo yy [LI<br />
1[zl<br />
.-uo!)sanb [qi~eq a6essed np snssap-ne y~o!e] el ')uawallanp~ . .<br />
.~napueib sues sed [yieq a6essed np snssap-ne )no.] iuos au ~ n[cl b<br />
sai!eu!pJo salos? sa1 suep [pl<br />
[fi/] s!oaJnog u03 : ?&!s<br />
-xnieurrom siquz~ Sap uope~~p?,~ rnod<br />
u o ~ s s el ~ ap o auap!s?rd ~<br />
".)uawa(la!ped ~anbseu [a6iew ua )no.]<br />
nd )uo !nb sa)s!ueB?iBuo3 vednld el ~nod 'spyid s)uawass!lqew Sap anb<br />
qs!xa,u 'sjue~ua,p aiqwou $!)ad un )uawasnainaq(ew guassaipe,s><br />
!nb aulas el ap xne)uawaved?p sjuawass!lqew Sap )a xneuo!$eu s)uawas<br />
sa1 )a<br />
s~anui-spinos sa1 [giieq abessed np snssap-ne )no!e] lnod [ç]<br />
-s!(qe)a p Sap sioqap ua . , 'sal6na~e<br />
« "'aJ!p-p<br />
-)sas '[?u6!lnos] seyrd no 'saunwwo:, sa1 no s)uawaped?p sa1 ')e)y,l ~ ed snualaq<br />
-ua la sgpuoj ai!p-e-pa,s '[guB!lnos] ail3 )ua~nad aipJo )no) ap ai!ew!id<br />
~uawau6!asua,p s)uawass!lqe$? sa1 » : [?u6!(nos] anb!lqnd al039 ied wpw$w<br />
aJPualua )ne4 l!,nb a3 I!u!+?P 988L aJqoP0 O€ nP !ol el aP Z 'Fie,l 'JO 191
[7] En dehors des Établissements d'État [ajout en marge] La loi ne s'oppose pas<br />
2, ce que le Ministère de l'Instruction publique autorise, a+wta& et en s'entou-<br />
rant ale [ajout au-dessus du passage barré] toutes les garanties désirables, I'ou-<br />
verture pa&W par [ajout audessus du passage barré] les départements ou les<br />
communes<br />
[8] Et il est équitable que le traitement Oeg(- [souligné].<br />
[9] w%vaait pas déclin6 la charge c4%Wews que la loi lui cependant<br />
¢dOam des dépenses que le 2"<br />
alinka du même article met A leur charge en contrairement aux principes<br />
generaux que nous avons rappel68 ci-avant . [Ajout en marge]<br />
[42] En résumé, Monsieur le Ministre, nous estimons que 2 < illisible><br />
4" Abrogation du § 2 de l'art. 5 du décret du 5 nov. 1897<br />
2" Institution d'un Certificat complémentaire d'aptitude B l'enseignement des anor-<br />
maux<br />
[Paragraphes ajoutés en marge]<br />
1131 M onsieur le Ministre [ajout sur le blanc laissé après Ml.<br />
(441 Pas de signature.
Texte 14<br />
MusBe national de l'Éducation. Dossier 3.7.01/10637/1906.<br />
Deux versions manuscrites.<br />
Première version. Brouillon à l'encre noire. 1 page. Quelques corrections.<br />
Deuxiéme version. Calligraphie. 2 pages. Pas de corrections.<br />
Les deux versions sont datbes du 26 janvier 1906. Le destinataire, « Monsieur<br />
le Ministre de I'lnstruction publique B, port6 au bas de la première page de la calli-<br />
graphie, n'est pas indique sur le brouillon.<br />
Le texte ci-dessous reproduit le texte corrige (deuxième version). Les diffB-<br />
rences avec la première version sont indiqubes, après le texte.<br />
Paris le 26 janvier 1906<br />
Monsieur le Ministre<br />
M. Dubief [l], Mnistre de l'Intérieur, répondant, le 22 Janvier courant, à<br />
une question de M. Tournade, Député, relative à l'éducation des Sourds-<br />
Muets [2], déclara qu'une Commission siégeant au Minis tète de l'Instruction<br />
publique était saisie de l'affaire, et qu'il prierait son collègue de l'Instruction<br />
publique de vouloir bien l'inviter à hâter ses travaux.<br />
J'ai l'honneur de vous informer, Monsieur le Ministre, que la Commission<br />
des enfants anormaux, ainsi qu'en témoignent les procès verbaux de ses<br />
séances, a pris des résolutions et formulé des vœux pour la réalisation des-<br />
quels elle ne pouvait que s'en remettre à votre administration.<br />
Aucune mesure ne paraissant avoir été prise, je vous ai écrit, le 5 Janvier<br />
courant, pour vous signaler l'intérêt qu'il y aurait, en attendant des réformes<br />
plus complètes, à décider 131 que les instituteurs et les institutrices [4] ensei-<br />
gnant dans des établissements [5] d'anormaux fondés par les départements et<br />
les communes seraient rétribués sur les fonds de l'État. Il suffirait pour cela,<br />
semble-t-il, de modifier le décret du 5 Novembre 1894 [6].
J'appelais en même temps votre attention sur l'utilité que présenterait la<br />
création d'un cehficat complémentaire d'aptitude à l'enseignement des<br />
anomaux.<br />
Je n'ai reçu jusqu'à présent aucune réponse à cette lettre.<br />
Agréez, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.<br />
Texte de la premiére version.<br />
[9] M W Bubief<br />
121 sourds-muets<br />
131 dédaw ider [décider : correction sur la fin de mot barrée].<br />
[4] les instituteurs et institutrices<br />
[5] les $5ablissements<br />
16159 1894<br />
(71 Le PrBsident de la Commission<br />
Commentaire<br />
Le Président de la Commission<br />
Signé : Léon Bourgeois m<br />
Je ne ferai ici qu'un bref commentaire et je renverrai, pour les différents<br />
points soulevés par ces lettres, aux publications où je les ai déjà analysés.<br />
Les deux lettres semblent avoir d'abord été préparées en dehors de<br />
Léon Bourgeois, B qui elles sont ensuite soumises. On ne peut savoir<br />
avec certitude qui a rédigé la premiere. Mais il paraît raisonnable de penser<br />
que Baguer - qui en e consewd les deux versions, dont celle avec les<br />
~0~redions appoflées par Bourgeois - a figuré parmi les rédacteurs : on<br />
peut penser qu'il a 414 cha~6 de mettre au point la version définitive, à
partir de ces corrections. Le brouillon de la seconde est de la main de<br />
Baguer. II pourrait l'avoir préparée seul, ou avec M. Charlot et P. Strauss,<br />
ses alliés.<br />
Ces deux lettres témoignent de la vigilance et mQme de I'impatience<br />
des promoteurs de l'enseignement spécial. Ceux-ci interviennent moins<br />
d'un mois aprés le dép6t des conclusions de la commission, en usant de<br />
la signature prestigieuse de Bourgeois l. Après avoir pensé s'adresser au<br />
directeur de l'Enseignement primaire au ministère de l'Instruction publique,<br />
ils frappent à la plus haute porte, celle du ministre. II n'y a pas eu de ré-<br />
ponse du ministre à la première lettre. A-t-il répondu à la relance que<br />
constitue la seconde ? Je n'ai trouvé aucun document faisant état d'une<br />
telle réponse. A l'époque, l'action gouvernementale est jugée lente par les<br />
défenseurs des enfants anormaux. Elle ne semble pas s'être appuyée sur<br />
un véritable intér6t des gouvernants 2. Malgré l'avancée législative que<br />
représentera la loi du 15 avril 1909, créant les classes et écoles de per-<br />
fectionnement, cet intérêt ne semble pas s'être ensuite développé. En<br />
1912 encore, le Comité d'études pour la protedion des enfants anormaux,<br />
présidé par Baguer, se préoccupera de la non-application de cette loi 3.<br />
Ce n'est pas d'emblée une action globale qui est demandée à l'État,<br />
mais, pour assurer l'application de l'obligation scolaire aux anormaux,<br />
d'une part, I'ouveiture de classes ou d'écoles publiques et, d'autre part,<br />
quelle que soit l'institution où ils exercent, le classement des maîtres qui<br />
s'occupent de ces enfants parmi les instituteurs et institutrices publics. II<br />
s'agit ainsi, selon la stratégie développée alors par Baguer, « d'enseigner<br />
le mouvement en marchant » et de créer une situation qui appellera, par<br />
son existence de fait, une prise en compte au niveau du droit et de la Ié-<br />
' Sur la question de l'enfance anormale, Bourgeois a toujours joue davantage un rôle d'auto-<br />
rité que celui du militant fantassin. Il y a été associe plus tôt que je ne l'ai d'abord pensé<br />
(Cf. M. Vial, 1982, p. 47). D&s 1885, il figure parmi les visiteurs de Bicêtre recenses par<br />
Bourneville (Cf. C. Wacjman, 1987, p. 181). En 1888, il participe à la distribution des prix<br />
de I'lnstitut des sourds-muets d'Asniéres (Revue française d16ducation des sourds-muets,<br />
1888-1 889).<br />
Cf. M. Vial, 1982, pp. 1932 et 1990 b, ch. V.<br />
L'Enfanf, 1912, ne 197, p. 55.
gislaoiora. En mars 1905, Baguer pensait déjà qu'une fois présenté le rap<br />
po3d de la Commission, ce serait u le moment de poursuivre un commencement<br />
d'exécution, n'importe OC D. Parallélement, il s'activait auprés<br />
des déput6s Ferdinand Buisson st Henri Tournade, afin d'obtenir d'eux<br />
une action en faveur des maîtres de sourds-muets et d'aveugles :<br />
Quand on aura oubli6 au Parlement, les arguments fournis par les gens<br />
de I'int&rieur pour rester en repos, il sera peut-être possible d'introduire<br />
sans bruit dans la loi de finances, A l'occasion du budget de I'lnstruction<br />
publique, un article tres bref », faisant état de « l'assimilation » des instituteurs<br />
et institutrices d'anomaux aux autres instituteurs a. L'action<br />
êonjojnte des deux déput&s aboutira, en 1906, à imputer au budget de<br />
B'lnslsbadion publique les créations de postes destinés aux classes recevant<br />
ces enfants, au mgme piire que les créations de postes destinés aux<br />
classes ordinaires. Dès le îer juillet 1906, les traitements légaux et sup<br />
pléments de traitement des maîtres drAsniéres seront mis à la charge de<br />
~'Fiht. (Arrêt6 du ministre de I'lnstruction publique, 31 juillet 1906, remis en<br />
muse pour les maîtres d'internat, le 8 octobre 7.) a<br />
Ces lettres posent également la question de la formation, dans la ligne<br />
des concsusions de la Commission. On en trouvera le commentaire plus<br />
haut O.<br />
Les demandes au ministre potlent sur l'ensemble des anormaux, y<br />
cornph$ les anomaux m&dicaux. Bien loin de la suppression des asiles-<br />
QcoBes que préconise la note incomplète de Binet 'O, elles proposent de<br />
Letire I Tournade, INJS, Dossier a Projet Tournade, 1904 8, chemise a Asnières, Lettres<br />
de 6. Baguer 8,s mars 1905.<br />
6. Baguer, Lettre a Buisson, 25 janvier 4905. Coll. INRP, dossier 3701.02137149.<br />
6. Baguer, Lettre -à Tournade, INJS, Dossier a Projet Tournade, 1904s, chemise<br />
a Asnières, Lettres de G. Baguer D, 25 janvier 1905.<br />
G. Baguer, Lettre Tournade, INJS, Dossier a Projet Tournade, 4904~, chemise<br />
a Asnières, Lettres de G. Baguer D, 6 dkembre 1906.<br />
Pour une analyse detaillhe de cette action (argumentaire, stratégie. rhsultats), voir M. Wial<br />
1979, pp 93-98 et 4 986, pp. 22-27.<br />
Cf. plus haut, p. 282-283.<br />
l0 Texte 8.
faire entrer l'action de ces asiles dans le cadre de l'application de I'obliga-<br />
tion scolaire, en donnant des maîtres publics aux anormaux médicaux,<br />
wmrne aux autres anormaux. C'est ici, encore une fois, le point de vue de<br />
Bourneville, Strauss, Mesureur, Baguer qui est repris et non celui de<br />
Binet. Baguer et Strauss travailleront ensuite, sans succés, A une proposi-<br />
tion législative sur ce point ll.<br />
l1 Cf. M. Vial, 1986, pp. 165-166.
Annexe
L'activité de Bourneville à partir de 1901<br />
par Jacques POIRIER<br />
(Lettre a Manique Vial, 20 juin 1994)<br />
Malheureusement, j'ai, B ce jour, recueilli assez peu d'éléments bio-<br />
graphiques relatifs le p&riode de le vie de Bourneville postérieure à ses<br />
6checs successifs aux 49edions s6natoriales de Da Seine (1 896, 1897,<br />
1899, 19QQ). Les quelques données (fragmentaires) dont je dispose sont<br />
les suivantes :<br />
- 2 aoOt %9Qî : une coupure de presse du xixesiécle signale : Nous<br />
avons le regret d'apprendre que M. Le Docteur Bourneville (...) a ét6<br />
ffrapp6 de congestion, avant-hier, en sortant de la distribution des prix de<br />
l'Hôpital de la Pitié. Hier matin, trois médecins appelés ont été appelés en<br />
rcowsudtation aupres du malade, dont l'état est assez grave pour alamer<br />
vivement ses amis M.<br />
- 20 dbcembre 4905 : Boumeville reçoit une récompense du Préfet de<br />
Be Seine pour les 90 vaccinations opérées gratuitement au cours de<br />
I'aniw6e 1904 (Archives de B'AP, Fonds Fosseyeux, Liasse 64611). Ce<br />
nombe est analogue B celui des annees précédentes.<br />
- le'<br />
janvier 1906 : atteint par l'aga de la retraite, Bourneville cesse ses<br />
fonctions de médecin-alikniste de Bicêtre ; il devient médecin honoraire du<br />
Service des Aliéoe6s des h6pikeux (arrêt6 ministériel du 16 d6vsiier 1906).
- 24 janvier 1906 : Bourneville est 6lu Président de la Société interna-<br />
tionale pour l'étude des auestions d'assistance (in La Revue philanthro-<br />
pique, T. XVIII, ge année, 1905-1906, p. 449-457).<br />
- 10 février 1906 : mort de son épouse Marie Bourneville, qui est inci-<br />
nérée au crématorium du Père-Lachaise, le 12 février 1906.<br />
- 11 novembre 1906 : dans une lettre écrite, en son nom, par son fils<br />
Marcel, on apprend que Bourneville est « actuellement souffrant ». (Ar-<br />
chives de la Préfecture de Police).<br />
- En 1906 et en 1907 : Bourneville prononce encore le traditionnel dis-<br />
cours pour la remise des prix aux élèves des écoles d'infitmieres (Ar-<br />
chives de I'AP, Fonds Fosseyeux, Liasse 646134).<br />
- 3-10 août 1908 : au XVllle Con~rès des aliénistes et neuroloaistes de<br />
France et des pays de lanaue française, à Dijon, intervention de Bourneville<br />
(in Journal de neurologie, 1 3e année, no 2, 20 janvier 1908, p. 420).<br />
[L'intervention porte sur les idiots et sur la nécessité d'un patronage qui<br />
les suivrait, après leur sortie de l'asile.]<br />
[À la suite de la discussion,] :... « Le Congrès [...] émet le vœu qu'il<br />
soit créé dans chaque chef-lieu de département une école de perfectionnement<br />
pour enfants anormaux ».<br />
- Le témoignage de ses deux derniers fidèles, Noir et Cornet, laisse<br />
penser que Bourneville était gravement malade depuis au moins un an<br />
avant sa mort survenue le 29 mai 1909 : « (...) celui que la mort étreignait<br />
depuis plus d'un an. Ce fut la fin d'une longue agonie physique et morale,<br />
que Bourneville subit avec un stoïcisme émotionnant : ce fut la déli-<br />
vrance. » (In Cornet, « Échos d'un columbarium », Le Progrés medical,<br />
no 24, 12 juin 1909, p. 308-309).<br />
II est légitime d'affirmer qu'en 1904-1905 Bourneville continuait à avoir<br />
une activité scientifique conséquente dont témoignent des publications,
certes moins abondantes qu'auparavant, mais malgré tout encore assez<br />
nombreuses.<br />
i---%<br />
Malheureusement, je ne dispose d'aucun texte me permettant de<br />
confimer ou d'infirmer le participation effective de Bourneville à la<br />
Commission Bourgeois.<br />
Docteur Jacques POIRIER<br />
Professeur<br />
Hôpital Henri Mondor<br />
Service d'Histologie-Embryologie<br />
ka liste des publications de Bourneville établie par J. Poirier (articles,<br />
communications en congres, rapports et préfaces), de 1904 au décés de<br />
B'ali6niste, fait apparaître un total important de trente-trois textes. La plupart<br />
s'adressent A un public médical et portent sur des problèmes neurologiques<br />
et de traitement m6dicail. Outre les extraits de procés-verbaux de la<br />
Commission de âuiweillance des asiles de la Seine et les comptes rendus<br />
de semice de Bicgtre, six réfbrences portent spécifiquement sur I'assistance<br />
et l'éducation des idiots, anomaux, épileptiques. Quatre datent de<br />
$905 (aucune en 4984), don% trois textes de synthése. Ces derniers reprennent<br />
des Pravaaax anciens, avec une réflexion nouvelle sur les enfants<br />
Bwdisciplinés et instables et se repktent les uns les autres '. Les deux rkférences<br />
postérieures (1906 et 41907) reproduisent de même, avec des modifications<br />
mineures, les ecrits de 9905. II semble ainsi que 1905 marque<br />
O'aboutissement de le r6flexion de Bourneville sur l'enfance anormale en<br />
tana que question sociale. L'ali6niste paraît alors avoir trouvé les formulations<br />
auxquelles il s'arrête. S'Bi continue ensuite à donner des textes<br />
concernant cette question, 91 ne produit plus de nouvelles blaborations.<br />
' Cf. plus haut, p. 4 02-4 04.
Bibliographie
5 - eerits anciens<br />
Anonyme. (1897). Les enfants anomaux, La Science française, pp. 275-<br />
276.<br />
Anonyme. (1906). Note sur le projet de loi, les avant-projets d'arrêtés,<br />
décrets et r&glements concernant les classes spéciales et les écoles au-<br />
tonomes réservées aux enfants Arriérés et Instables, 31 mars 1906, Coll.<br />
INWP, dossier 3786/79 (A).<br />
Anonyme. (1 908). Cours et conferences sur l'Éducation des enfants<br />
anormaux, Paris, manuscrit, 6018. INRP, dossier 3703/79(C), février 1908.<br />
ABADIE J. (19Q7). Recensement des enfants anomaux des écoles pu-<br />
bliques de garçons de la ville de Bordeaux, rapport général de la commis-<br />
sion d'enquête, Alliance dlHygi&ne Sociale, no 6.<br />
ABADIE J. (1908) Recensement des enfants anomales des écoles pu-<br />
bliques de filles de Ba ville de Bordeaux, rapport général de la commission<br />
d'enquête, Bordeaux, Avenir de Be Mutualité.<br />
ANDERSON H.H. (1929). Les cliniques psychologiques pour l'enfance aux<br />
ktats-unis et I'ceuivre du Dr Healy, Paris-Neuchatel, Delachaux-Niestlé.<br />
AUDEMARD E. (1 91 1-1 9'i 2). Les anomaux psychiques des écoles, les<br />
classes de perfectionnement, necessité de la création d'écoles autonomes<br />
avec internat, Revue philanthropique, Tome XXX, pp. 489498.<br />
BAGUER<br />
G. (1898). Internat de pedectionnement pour les arriérés et les<br />
Iwslebies, Rappofl pr6sentQ 81 Monsieur le Directeur de l'Enseignement<br />
Primaire du DApar2ement de Ba Seine, Asniéres, Brochure, 20 juillet 1898<br />
OU juillet $899.
BAGUER G. (1903). Éducation des enfants anormaux, Étude sur les écoles<br />
régionales pour les sourds et les aveugles, Asnières, le' décembre 1903,<br />
manuscrit, Coll. INRP, dossier 3.7.011 3260811905.<br />
BAGUER G. (1907a). Direcfions pédagogiques, Coll. INRP, dossier :<br />
3703179(C)HC, manuscrit, 1-02-1 907.<br />
BAGUER G. (1907 b). Situation scolaire des enfants anonnaux en octobre<br />
1907, Rapport au 2e congrès national d'éducation sociale, Bordeaux, Avenir<br />
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index<br />
des noms de personnes
Compte tenu du grand nombre de noms de personnes figurant dans<br />
&es notes de bas de page, ces notes ont été indexées mais les numéros<br />
de notes n'ont pas été repris, seuls sont indiqués les numéros des pages.<br />
Les noms des personnes n'ont pas été indexés, lorsqu'ils désignent un<br />
collectif, une institution ou un lieu (ex. commission Bourgeois, Cabinet<br />
Combes). Ils ont dt6 index&, loqu'ils sont attachés à une oeuvre (ex.<br />
rrappod Chariot).<br />
Abadie J. 475,177, 479,186,187,302<br />
Aweiller J. 58, 59, 130,279, 294<br />
Anderson H.H. 59<br />
Audernard E. 300,302<br />
Avanzini G. 10, 38, 52, 237, 265<br />
B<br />
Baguer G. 9, 4447, 19-22, 35, 37-39, 49,<br />
50, 52, 56-58, 60-63, 66, 76-79, 88,<br />
115, 116, 118-122, 124, 446, 457,<br />
P59, 470, 495, 224, 225, 227, 232-<br />
244, 245. 271, 273, 274. 278, 283,<br />
285, 288, 289-292, 295, 300, 303.<br />
34 3-34 6<br />
Bddon A. 4 20<br />
Balz A. 95<br />
Baron L. 298<br />
Baudrillard J. 115<br />
Baumfelder E. 10, 15, 47, 49, 38, 60, 75,<br />
89, 90,208,209,278, 283,296<br />
Beauvisage G. 18,287<br />
Bedorez L. 17,35, 104, 125, 4 95, 245<br />
Belot E. 127, 131<br />
Benoit B. 22<br />
Berloquin M. et Mme, 283<br />
Binet A. II, 14-1 7, 9 9, 24, 34,35, 38, 39,<br />
43, 44, 49, 50-52, 56, 59, 61, 62, 78,<br />
92, 400, 111, 113, 114452, 157-467,<br />
470-172, 174-179, 187, 182, 195, 196,<br />
19&2û4,205,208,220-222,224, 228,<br />
232, 235, 237-240, 245, 246, 263,<br />
271, 273-28'1, 283-285, 290-293, 299,<br />
295,299-304,303,304,31 5,34 6<br />
Blin E. 34, 115, 118, 439<br />
Bonzon J. 300<br />
Bourgeois L. 9, 13-16, 35, 37, 87, 88,<br />
265,281, 291, 310,313, 314<br />
Bourneville Desiré Magloire 4 2, 15-1 9,<br />
29, 34, 35, 38, 39, 43, 44, 52-55, 57-<br />
63, 65, 66, 74-109, 115, 128, 142,<br />
144, 145, 152, 157-160, 165, 175,<br />
184, 185, 195, 196, 201, 202, 204,<br />
205-208, 234, 245, 271, 275, 277,<br />
278, 284, 289, 292, 295-297, 299-301,<br />
303,314,316, 31 9-321<br />
Bourneville Marcel 77, 78, 179, 203, 204,<br />
208,320<br />
Bourneville Marie 320<br />
Boyer J. 18,120,296,297,300<br />
Briand A. 9, 20,50,52,183<br />
Brouardel P. 66<br />
Brierre de Boismont 59<br />
Brueyre L. 149<br />
Bruman 35<br />
Buisson F. 146, 291, 31 5<br />
e<br />
Caillaux J. 20, 50, 52, 183<br />
Calmeil 72<br />
Camailhac F., 297, 301<br />
Carpentier CI 174<br />
Carriot 65, 76, 77, 82, 93, 99-99, 101,<br />
107,108,125<br />
Charlot M. 13, 15, 17, 21, 23, 29, 30, 33-<br />
35, 38, 45, 50, 51, 62, 119, 174, 175,<br />
195,245,288,314<br />
Chaslin 208<br />
Chaumie J. 9, 19, 21,30, 33,36,216<br />
Chautard P. 13, 20<br />
Chazal E. 52, 53, 172, 176, 477, 180-<br />
183,186,265,269,286,293,302<br />
Clemenceau G. 20.50,52, 183
Cohen J. 35<br />
Collignon 35<br />
Cornet320<br />
Couëtoux L. 175<br />
Courjon A. 172, 177, 199, 217, 218, 220,<br />
265, 277, 278, 287, 293, 298, 299,<br />
302<br />
Cruchet R. 57,302<br />
D<br />
Daniel G. 60, 1 15<br />
Davenne 279<br />
Decroly 0. 55, 237, 285<br />
Delasiauve L. 74, 89<br />
Demoor J. 54, 55, 60, 61, 87, 88, 102,<br />
11 5,134,135,206<br />
Dubief 312, 313<br />
Duché J. 209<br />
Duplan E. 95<br />
Duprk E. 58<br />
Dupuy Ch. 100<br />
Dupuy Dr 234,236<br />
Esquirol E. 161<br />
E<br />
F<br />
Fallihres A. 20, 50, 52, 183<br />
Fardeau M. 16, 38<br />
Filoleau Mlle ou Filoleau-Stupuy Mlle Voir<br />
Stupuy Mlle<br />
Foubett M. 65,100<br />
Fuster Mme 115<br />
G<br />
Gasquet A. 35,37,52,54, 172,307<br />
Gateaux-Mennecier J. 10, 38, 57, 59. 75,<br />
80-83, 85-87, 91, 94, 96, 97, 99, 100-<br />
102, 107, 108, 195,234,273,299<br />
Gauraud Jean 13, 23, 29, 30, 36, 38, 39,<br />
303<br />
Gauraud Xavier 39<br />
Gilbert A. 66<br />
Gilly M. 21 8<br />
Glay E 174<br />
Gobron L. 285<br />
Gouraud Dr 39<br />
Grandvilliers L. 172, 177, 199, 217, 218,<br />
220, 234, 235, 265, 277, 278, 287,<br />
293,295,298,299<br />
Granier Dr 56<br />
Granjux Dr 172, 176<br />
Guérin C. 183<br />
Guillerrnet Dr 40<br />
Hamon du Fougeray 175<br />
Harburger M. 18,75<br />
Healy W. 59<br />
Herriot E. 16<br />
Heuyer G. 209<br />
Hugentobler M. 20<br />
Hugon M.A. 96, 122, 24,283, 284, 287,<br />
291,299<br />
J<br />
Jacquin G. 56,87,88,92, 119.175<br />
Jeager M. 75<br />
Jeannot M. 237<br />
Jonckheere Th. 55<br />
JOS~ 35, 195,245,246<br />
Jully 227<br />
L<br />
Lacabe 14, 16,35. 195,245,246<br />
Laurent A. 300<br />
Leblanc R. 227<br />
Legrand Dr 300<br />
Levéque 240<br />
Ley Dr 60.177<br />
Louette 1 17, 1 19, 120, 123<br />
LUC J.N. 183<br />
M<br />
Magnan V. 58<br />
Malapert J. 14, 16, 35, 39, 195, 245<br />
Mandelbaum-Reiner F. 13<br />
Manheimer-Gornrnès 234<br />
Martel F. 29<br />
Martin-Fugier A. 221<br />
Mathieu Dr 40<br />
Mathiot G. 224<br />
Maudsley H. 59<br />
Mesureur G. 19,35,208,316<br />
Meusy L. 97,120,204,220
Monod H. 35<br />
Muel-Dreyfus F. 58<br />
Muller Mlle 182<br />
Noir 320<br />
Nyna 237<br />
M<br />
B<br />
Paul-Boncour G. 61. 92, 133. 240, 2%,<br />
300,302<br />
Pélicier Y. 10, 21, 274, 278, 279, 296,<br />
299,301-303<br />
Philippe J. 61, 92, 4 15, 11 6, 295, 300,<br />
302<br />
Philippe J., 53<br />
Pinell P. 58,145<br />
Pissard 36<br />
Poirier J. 18, 19, 75, 319, 321<br />
Portal Dr 295<br />
Postel J. 89, 90. 209<br />
Pritchard 58<br />
Prudhommeau M. 100,182,294,292<br />
Q<br />
Qu6lel CI. 89, 90, 209<br />
R<br />
Wabier F. 20, 38, 183<br />
Ravon B. 10, 16<br />
R6gis E. 302<br />
Robin 36,38<br />
Woca J. 40,17,284,299,302<br />
Rocheron 227<br />
Rollet H. 225<br />
Rotges E. 300<br />
Roubinovitch J. 52, 53, 472-1 74, 176,<br />
180, 182, 185, 204, 205, 237, 284,<br />
285,300<br />
Royer M. 78, 128, 208,277<br />
s<br />
Saint-Sauveur (de) 36<br />
Salle 300<br />
Schreuder 55<br />
Seguin E. 257, 278<br />
Sennelier 11 6<br />
Shuttleworth G.E. 11 5<br />
Signoret J.L. 18, 75<br />
Simon Nina 209<br />
Simon Théodore 11, 15, 16, 17, 19, 21,<br />
34,52,57,61,78,92, 114, 115, 117-<br />
121, 124, 126-1 29, 131 -1 52, 1 581 62,<br />
165, 167, 171, 172, 174179, 181,<br />
182, 195, 196, 198204, 206, 208,<br />
220, 221, 224, 232, 237, 276-281,<br />
300,301,304<br />
Steeg Th. 283<br />
Strauss P. 13, 14, 19, 36, 37, 88, 183,<br />
206,272,278,286,300,314,316<br />
Stupuy Mlle (ou Filoleau, ou Filoleau-<br />
Taverni R. 58<br />
Tharnin 300<br />
Thomas-Matra M. 295,296<br />
Thuillier G. 10, 21, 274, 278, 279, 296,<br />
299,301 -303<br />
Tournade H. 13,19,20,312,315<br />
Vaney V. 14, 52, 62, 117, 126, 127, 129,<br />
132, 133, 158, 172, 176, 178, 181-<br />
283,290,301,<br />
Variot G. 300<br />
Via1 M. 9, 1 O, 12, 22, 36, 57, 63, 65, n,<br />
92, 95, 96, 101, 113, 115, 142, 146,<br />
176, 182, 195, 206, 208, 225, 235,<br />
272, 274, 278, 281, 297, 299, 314<br />
31 6,319,321<br />
Vigouroux Dr 300<br />
Voisin Félix 59. 101, 102, 130, 131, 279<br />
Voisin Jules 88, 189, 202,245<br />
Wacjrnan CI 75, 99,314<br />
Wahl Dr 297<br />
Weygand Z. 16,38<br />
Woodhill G. 9<br />
z<br />
Zafiropoulos M. 58, 195, 209, 218,279
Index thématique
Quand le nombre d'occurrences pour un terme donné est important, on<br />
a distingué usage au singulier et usage au pluriel, lorsqu'ils nous ont paru<br />
pouvoir prendre une valeur sémantique : ex. anormal, anormaux, indexés<br />
séparément. Be inneme, on 81 distingué les emplois substantifs ou similaires<br />
(ex. Il'arri9~6, l'enfant jug6 vuairnent anormal respectivement indexés<br />
sous arri9ré et sous anormal) d'autres emplois dans des expressions qui<br />
ont un sens sp6cifique (ex. enfance anormale, caractère indiscipliné, indexes<br />
en tant que tels).<br />
Les lettres ou mots piac6s entre crochets indiquent plusieurs éventua-<br />
Iit6s indexées sous une seule rubrique. Ex. anormalit6 [s] : sont indexés<br />
sous ce titre, anornalit6 el anomalit6s ; classes d'asile [d'asiles-écoles] :<br />
sont indexés sous ce titre classes d'asile et classes d'asiles-écoles.<br />
Les mots entre pare7ith$sss indiquent des expressions indexées en<br />
tant que telles. Ex. anomaux (enfants) : est indexée sous ce titre, I'expression<br />
enfants anomaux.<br />
~wukkno~Ei: aaii&~eûw&, AM&LCOW$S,<br />
AM&L!ORÉES<br />
am6liorb [ée, &s, &es], 74, 74, 79, 80,<br />
97, 4 51, 492, 193, 197, 498, 203, 207,<br />
220, 230, 235, 254, 252, 269, 275,<br />
280<br />
AXORAMX<br />
amoraux, 4 05<br />
AROMA!LiE, AHOMABOES<br />
anomalie [SI, 47, 43, 472, 247, 259<br />
anomalies da d&veloppement, 268<br />
anornalia ds \a moralith, 405<br />
Enornalie du caractère, 450<br />
anomalies du cornporiement, 406<br />
snomalies intellectuelles, 34, 34<br />
anomalies mentales, 9, 177<br />
anomalies psychiques, 55<br />
ANORMAL, ANORMALE, ANORMAUX<br />
anormal, 112. 120, 121, 137, 176<br />
anormal (caractère), 127<br />
anormal (enfant), 120<br />
anormal médical, 181<br />
anormale Ils] 178. 181, 187<br />
anormale (enfance), 11, 12, 39, 469,<br />
224, 225,294, 297, 299,302,321<br />
anormales (éléves) 280<br />
anormales (filles), 21 5, 24 9<br />
anormaux, 9, 10, 44, 43, 15, 18, 21,<br />
30, 34, 33, 36, 38, 46, 50-53, 56, 60,<br />
74, 78, 81, 84, 87, 88, 94,93, 99, 409,<br />
442-114, 446, 117, 119-427, 129, 140-<br />
443, 449, 151, 153, 155, 159, 164,<br />
172, 473, 175-180, 182, 184189, 193,<br />
494, 200, 205, 225, 231, 235, 238,<br />
245-2a, 252-254, 256-258, 260, 263,<br />
266, 268, 272, 273, 295-284, 284,<br />
295,298,304,309,34 4,343-34 6,324<br />
anormaux (compoflements), 4 01<br />
anormaux (écoliers, &coliéres), 79,<br />
446,187<br />
anormaux (él@ves ). 273<br />
anormaux (enfants), 9, 43, 14, 46, 47,<br />
19, 22, 23, 29, 30, 35, 37, 40, 43-47,
49,51-53,62,65,74, 104, 111, 114,<br />
116-118, 120, 122, 123, 127, 128,<br />
153, 169, 171, 174, 175, 177, 178,<br />
180, 182-184, 186, 187, 199, 211,<br />
217, 218, 220, 221, 224, 225, 227,<br />
245, 248, 249, 254, 257, 263, 265,<br />
273, 276, 277, 281, 297, 298, 307,<br />
308,31 O, 31 2,314,320<br />
anormaux (garçons), 285<br />
anormaux d'asile, 57, 122<br />
anormaux d'école, 57, 122, 139, 183,<br />
220,276<br />
anormaux d'hôpital, 57<br />
anormaux d'hospice, 57,278<br />
anormaux de l'intelligence, 62<br />
anormaux de l'intelligence (états), 181<br />
anormaux des sentiments moraux, 62<br />
anormaux du caractère, 143<br />
anormaux indisciplinés, 121<br />
anormaux intellectuels, 13, 30, 34, 50,<br />
83,86<br />
anormaux légers, 77<br />
anormaux médicaux, 15, 19-22, 43,<br />
46-49, 51, 54, 56, 57, 60, 66, 72, 77,<br />
78, 83, 88, 142, 153, 154, 15ô-161,<br />
165, 170, 171, 177, 178, 183-187,<br />
212, 215, 216, 222, 266, 275, 308,<br />
31 5,316<br />
anormaux mentalement, 186<br />
anormaux mentaux, 188<br />
anormaux moraux, 13, 30, 34, 50, 83,<br />
84,86<br />
anormaux passagers, 141<br />
anormaux pédagogiques, 57,61,77<br />
anormaux physiques, 13, 30, 50<br />
anormaux psychiques, 77, 177, 183,<br />
186,236<br />
anormaux scolaires, 57, 60<br />
anormaux sensoriels, 50, 236<br />
ANORMALISATION<br />
anormalisation, 100<br />
ANORMALITÉ<br />
anormalité [s], 9, 11, 91, 98, 101, 104,<br />
1 25,126,185,224<br />
anormalité intellectuelle, 84<br />
anormalité morale, 84<br />
ARRIÉRATION, ARRIÉRATIONS<br />
arriération [SI, 57, 73, 74, 85-87, 89,<br />
91-93,97, 99, 100, 107-109, 114, 121,<br />
124, 126, 127, 130-136, 144, 145,<br />
147-1 50, 182,217<br />
arriération intellectuelle. 61, 62, 70-72.<br />
arriération intélktuelle simple, 85, 87,<br />
1 O0<br />
arriération légère, 60, 85, 87<br />
arriération mentale, 132,246, 281<br />
arriération morale, 1 12, 130, 142, 167<br />
arriération moyenne, 85<br />
arriération profonde, 85<br />
arriération simple, 75, 85-88, 96<br />
arriération (simple) , 86<br />
arriération intellectuelle (simple), 86<br />
ARRIÉRÉ, ARRIÉRÉE, ARRIÉRÉES,<br />
ARRIÉRÉS<br />
aniéré, 44, 62, 84, 85, 89, 91-93, 96,<br />
97, 107-109, 111. 130, 131, 133, 136-<br />
138, 144, 171, 175, 181,273<br />
arriéré (enfant), 136, 249<br />
arriéré de l'intelligence, 133, 155, 162,<br />
163<br />
arriéré de l'intelligence (enfant), 181<br />
arriéré intellectuel, 62<br />
arriéré moral, 62, 63, 113, 143, 148,<br />
166<br />
améré proprement dit, 151<br />
arriéré scolaire, 96<br />
aniéré simple, 86<br />
arriéré (simple), 86<br />
arriérées, 21 1, 21 4. 21 7, 21 9<br />
arriérées (élèves), 212, 274<br />
arriérées (filles, fillettes), 21 1-21 3,<br />
21 6, 232<br />
arriérés, 9, 16, 19-22, 34, 35, 38, 40,<br />
46-49, 54, 56, 60, 61, 65, 70, 72, 75,<br />
77, 78, 80, 82, 88-92, 9498, 102, 108,<br />
11 6-1 20, 123, 124, 130, 134, 136-1 39,<br />
141, 145, 147, 149, 151. 153. 154.<br />
. ~.<br />
274; 281 ,'282, 284, 286, 304, 307<br />
arriérés (enfants), 13, 20, 23, 30, 43,<br />
45, 55, 65, 80, 84, 90, 93, 95, 120,<br />
122, 199, 209, 228. 234, 236, 238,<br />
240, 245, 246, 247, 249, 258, 261,<br />
262, 265, 267, 272, 274, 277, 278,<br />
286,294,300<br />
arriérés-entendants 240
arriérés (garçons), 232, 304<br />
arriérés au point da vue de I'pntelligence,<br />
11 1<br />
arridrés au point de vue des sentiments<br />
moraux, 11 1<br />
arriérés au point de vue intellectuel, 84<br />
arriéré (s) d'école, 57, 92<br />
arriérés de l'intelligence, 43, 62, 1 30,<br />
442, 1 44, 150, 154, 155, 462, 1 78<br />
arriérés de I'intelligence (enfants), 62<br />
atï'iérés des sentiments moraux, 62<br />
arriérks épileptiques, 60<br />
arriér6~ intellectuels, 32, 109, 1 1 1,<br />
142, 130, 134, 440, 144446, 149,<br />
154,174<br />
arriérés intellectuels simples, 88<br />
arriérés légers, 60, 64, 88, 205<br />
arriérés médicaux, 54-56, 60, 88, 4 4 8<br />
arriérés médicaux simples, 88<br />
arriérés moraux, 32, 142, 143, 424,<br />
4 30. 142, 143-1 45, 4 49, 165, 1 66, 4 74<br />
aniérés pédagogiques, 5856, 60, 61,<br />
118,134<br />
aniérés pédagogiques purs, 55,56, 88<br />
arriérés profonds, 85, 95<br />
arriérés proprement dits, 144, 151<br />
arriérés scolaires, 57,97, 299<br />
arriérhs simples, 60,64, 87, 88, 308<br />
asc~~dco~~, asi~~s-Gcoe~s<br />
ssile [s] - kola [SI, 47, 97-81, 491-<br />
193, 4 95-200. 202, 204, 206-209, 220,<br />
250, 251, 253, 261, 266, 275, 277,<br />
278,282, 284,294,297, 345<br />
zlsiles-écoles-atelierç, 278<br />
AVEUGLES<br />
aveugles, 9, 13, 19-21, 31, 32, 35, 43,<br />
44, 46-49, 54, 60, 84, 95, 4 16, 4 47,<br />
153, 471, 472, 174, 180, 183, 484,<br />
186, 187,253,282,307, 308, 31 5<br />
B&GUES<br />
b&gues, 84,95<br />
B;%&TWE<br />
Bicêtre, 495, 196, 204, 202-204, 208,<br />
209,245,246,298<br />
cEasu-ui<br />
cbcité, 21, 47, 48, 486<br />
CWOW~E<br />
chorée, 67, 85, 4 54<br />
CHORÉIQUES<br />
choréiques, 46, 183<br />
CLASSE. CLASSES<br />
classes d'anormaux, 120, 126, 127,<br />
133,151,200,206,215,220<br />
classes d'arriérés [d'enfants arriérés],<br />
55.284, 285,303<br />
classes d'asile [d'asiles-écoles], 194,<br />
197, 198,207<br />
classe de discipline, 233, 234<br />
classes de garçons anormaux, 285<br />
classe [s] de perfectionnement, 20, 95,<br />
139, 171, 218, 221, 224, 233, 235,<br />
240, 271, 279, 280-283, 285, 287,<br />
289,290,291,294,302,304,314<br />
classe [SI spéciale [SI, 19, 34, 38, 54,<br />
65, 74, 75, 7881, 83, 86-88, 93-99,<br />
102, 406, 108, 109, 118, 149, 121,<br />
122. 428, 134, 140, 141, 151. 152,<br />
162, 164, 206, 218, 220, 233-235,<br />
247, 248, 253, 261, 265, 266, 272-<br />
277, 280, 284, 287, 289, 297, 299,<br />
309,310<br />
COMMISSION<br />
commission [s] d'examen, 132, 249,<br />
250,263,269<br />
commission de recrutement, 276, 279,<br />
296<br />
CRÉTINS<br />
crétins, 31, 34, 46, 55, 60<br />
CURABILITÉ<br />
curabilité, 31<br />
DEBILE, DEBILES<br />
débile [SI, 74, 85, 92, 96, 132, 133,<br />
149, 165, 181, 185, 191, 193, 494,<br />
204,205,237<br />
débiles (enfants), 193, 202, 207, 234<br />
débiles (filles ), 221<br />
débile [SI mental [mentaux], 116, 139,<br />
144<br />
débiles mentalement (enfants). 285<br />
débiles intellectuels, 156<br />
débiles légers, 61, 280, 304<br />
débiles simples, 178<br />
débile (intelligence), 136, 223, 258<br />
o&~iLauE<br />
débilith, 4 54, 205, 248, 288
débilité mentale, 46, 70, 72, 74, 86, ÉCOLE, ÉCOLES<br />
130,155,163,171,203,269 Ecole Braille, 32<br />
débilité mentale simple, 88 école [s] autonome [s], 247-249, 261,<br />
débilité morale, 131 265,273,286<br />
DÉFAUT, DÉFAUTS<br />
défaut d'intelligence, 154, 160<br />
défauts physiques, 268<br />
DEFECTUEUX<br />
défectueux (enfants intellectuelle-<br />
ment), 149<br />
défectueux (enfants moralement) 149<br />
DÉFECTUOSITÉ, DÉFECTUOSITÉS<br />
défectuosité intellectuelle, 69<br />
défectuosités morales, 73<br />
DÉFICIENCE, DÉFICIENCES<br />
déficience [SI, 10, 80, 90, 161, 184,<br />
206<br />
déficience des fonctions intellec-<br />
tuelles, 92<br />
déficience (s) intellectuelle [SI, 59, 161<br />
déficience [SI mentale [SI, 84, 234<br />
déficiences physiques, 184<br />
déficiences sensorielles, 184<br />
DÉFICIENT, DEFICIENTE, DÉFICIENTS<br />
déficiente (enfance), 10<br />
déficients intellectuels, 60<br />
déficients sensoriels, 187<br />
DÉFICIT, DÉFICITS<br />
déficits, 82, 89<br />
déficits intellectuels, 76<br />
DÉGÉNÉRES<br />
dégénérés, 54, 285<br />
dégénérés (enfants), 234<br />
dégénérés simples, 88<br />
DÉGÉNÉRESCENCE<br />
dégénérescence, 69, 70, 86, 89, 102,<br />
119<br />
DÉSÉQUILIBRÉS<br />
déséquilibrés, 62<br />
DÉVIANCE<br />
déviance. 57<br />
DIAGNOSTIC, DIAGNOSTICS<br />
diagnostic [SI, 119, 120, 121, 124127,<br />
129, 132, 145,151,197, 251,277<br />
écoles d'anormaux [pour anormaux].<br />
200, 206, 212, 214, 215, 220, 246,<br />
253,254,262,284<br />
école d'arriérées 195, 203<br />
école d'arriérés [pour arriérés], 237,<br />
245<br />
école d'épileptiques et d'idiotes, 204<br />
écoles d'enseignement spécial. 79<br />
écoles de garçons anormaux 284<br />
école [s] de perfectionnement, 20,<br />
171, 193, 194, 197, 206, 207, 211,<br />
21 3- 215, 221, 222, 227, 228, 230-<br />
233, 237, 238, 239, 247 249-253, 255<br />
bcole [SI de reforme, 4, 81. 146, 233,<br />
234 - -<br />
écoles maternelles spéciales, 256<br />
écoles nationales de perfectionnement,<br />
240<br />
Ecole nationale de sourds-muets de<br />
Bordeaux, 32<br />
Ecole nationale de sourds-muets de<br />
Chambéry, 32<br />
écoles normales spéciales, 298<br />
écoles régionales [de sourds-muets et<br />
d'aveugles], 13, 20, 56<br />
école (sj spéciale [s] 34, 40, 79, 81,<br />
112, 116, 117-119, 121, 122, 141,<br />
153-157, 164, 231, 233, 235, 250,<br />
260-262. 266, 275, 284, 31 O<br />
écoles spéciales aux garçons, 285<br />
écoles spéciales de perfectionnement,<br />
274<br />
écoles spécialisées, 234<br />
ÉDUCABILITÉ<br />
éducabilité, 204, 205, 206, 207<br />
ÉDUCABLE, ÉDUCABLES<br />
éducable [SI, 31, 33, 56, 205<br />
ÉDUCATION<br />
éducation spéciale [s], 10, 33, 250,<br />
278,286<br />
éducation spécialisée, 12
ENQUETE<br />
enquête médicale, 123<br />
enquête médico-psychologique, 'i Z<br />
ENSEIGNEMENT<br />
enseignement de perfectionnement,<br />
21 6, 295,299<br />
enseignement spécial, 36, 79, 93, 944,<br />
161, 232-234, 237, 238, 239, 253,<br />
272,286, 292,298,300,304.31 4<br />
enseignement [SI spécialisé [s], 232,<br />
283,294,295<br />
~PBLEPSIE<br />
Bpilepsie, 65, 67, 70, 73, 83, 85-88,<br />
106,154,160<br />
Bpilepsie simple, 203, 206<br />
EPILEPTIQUE, ÉPILEPTIQUES<br />
épileptique [SI, 19, 46, 82, 84, 91, 97,<br />
99, 107, 185, 192, 193, 497, 202, 203,<br />
205-207, 278, 321<br />
epileptiques (arriéres), 60<br />
Bpileptique vrai, 206<br />
EXAMEN, EXAMENS<br />
examen anthropologique 1 16<br />
examen mental 11 6<br />
examen [s] médical [mBdicaux], 1 16,<br />
119, 121, 123, 182, 251, 261. 263,<br />
266,268,275,293,295<br />
examen médico-pédagogique, 276<br />
examen médico-psychologique, 4 23<br />
examen pédagogique, 123, 137, 138,<br />
145, 148,251, 261,266,275,276<br />
examen physiologique, 148<br />
examen psycholo$ique, 123, 3 37, 1 39,<br />
275,276<br />
EXTERNATS<br />
externats de perfectionnement, 234<br />
FACULT~S<br />
facultés intellectuelles moindres, 21 7<br />
facultes intellectuelles retardées, 70<br />
facultés retardées, 74<br />
FAIBLES D'ESPRIT<br />
faibles d'esprit, 88, 94<br />
faibles d'esprit (enfants), 40<br />
FAIBLESSE<br />
faiblesse d'intelligence, 11 1, 136, 154,<br />
161<br />
faiblesse intellectuelle, 181, 258<br />
FAUX ANORMAUX<br />
faux anormaux, 61<br />
faux anormaux scolaires, 61<br />
FAUX ININTELLIGENTS<br />
faux inintelligents, 138<br />
FOLIE<br />
folie, 59, 70, 73<br />
folie morale, 58, 59, 82, 104, 105<br />
FONDATION VALLÉE<br />
~TABLISSEMENT, ~ ~~B~ISSEMEN~S Fondation Vallée, 18, 209<br />
établissements d'anormaux [pour enfants<br />
anormaux], 15, 297,312<br />
GATEUX<br />
Etablissement d'Eaubonne, 195, 245<br />
gâteux, 60, 82<br />
Btablissements de perfectionnement,<br />
296<br />
HANDICAP, HANDICAPS<br />
établissement [s] spécialisé [SI, 4 5, 20,<br />
handicap, 10,51<br />
9 86<br />
handicaps associes 85<br />
Btablissement [s] spécial [spéciaux],<br />
handicaps mentaux, 299<br />
54, 81, 112, 119, 127, 252, 253, 280,<br />
handicaps physiques. 299<br />
286,297,299,302<br />
handicaps sensoriels, 9, 299<br />
HANDICAPES<br />
handicapés, 95,299<br />
handicapés mentaux, 187<br />
HÉMIPLEGIE<br />
hémiplégie, 85, 160<br />
HÉMIPLEGIQUES<br />
hémiplégiques, 46, 171 , 183<br />
HYSTÉRIE<br />
hystérie, 58,65, 83, 154, 160<br />
HYSTÉRIQUES<br />
hystériques, 46,82, 171, 185<br />
IDIOT. IDIOTE<br />
idiot, 21, 84,85, 160, 181
idiot complet, 84, 86<br />
idiote, 21 8<br />
IDIOTIE, IDIOTIES<br />
idiotie, 47, 48, 59, 65-67, 69, 72, 74,<br />
82, 83,85,86, 89,91, 159, 160, 161<br />
idioties, 66, 108<br />
idiotie absolue, 67,72,160<br />
idiotie complète, 67, 86, 160<br />
idiotie compliquée, 67, 72<br />
idiotie du [au] premier degré, 67, 71,<br />
72,74<br />
idiotie du [au] second degré, 67, 71,<br />
72,74<br />
idiotie incomplète, 67<br />
idiotie intellectuelle, 59<br />
idiotie légère, 58<br />
idiotie morale, 59, 160<br />
idiotie profonde, 67, 72, 86, 160<br />
idiotie simple, 67, 85, 86<br />
idiotie (formes compliquées d'), 85<br />
idiotie (formes simples d'), 85<br />
IDIOTS<br />
idiots, 19, 21, 31, 34, 46, 54-56, 60,<br />
67. 70, 71, 72, 79, 80, 82, 84, 92, 95,<br />
116, 117. 122, 159, 160, 175, 178,<br />
185, 193, 194, 200, 205, 207, 278,<br />
279,297,320,321<br />
idiots complets, 154, 160<br />
idiots du 1 er degré, 55.68, 78<br />
idiots du 2eme degré, 55, 68,78<br />
idiots du 3ème degré, 55<br />
idiots (enfants), 74, 79, 80, 84, 92,<br />
174,201,207,209,278<br />
idiots intellectuels, 87<br />
idiots moraux, 84<br />
idiots profonds. 54. 87, 93, 11 8, 154,<br />
160<br />
idiots proprement dits, 84<br />
idiots simples, 55<br />
IGNORANTS<br />
ignorants, 46, 55, 56, 61, 112, 118,<br />
140. 141, 155, 163<br />
IMBÉCILE, IMBÉCILES<br />
imbécile, 21, 85, 91, 93, 107, 181<br />
imbécile léger, 92, 93<br />
imbécile moral, 58,63, 107, 108, 130<br />
imbécile simple, 92<br />
imbécile [s] proprement dit [s], 78,<br />
107.108<br />
imbéciles. 19, 34. 46. 54, 55, 60, 70,<br />
71, 79, 80, 82, 84, 87, 89, 90, 92-94,<br />
96, 97, 102, 108, 161, 193, 194, 205,<br />
207,278<br />
imbéciles (enfants ), 74, 80, 90, 207<br />
imbéciles intellectuels, 69<br />
imbéciles légers, 77<br />
imbéciles moraux, 46, 77, 78, 81, 84,<br />
90,104,106,107,109,142,184<br />
imbéciles supérieurs, 194, 205<br />
IMBÉCILLITE<br />
imbécillité, 58, 68, 70, 72, 86, 87, 95,<br />
107<br />
imbécillité légère, 61, 70-72, 74, 76,<br />
87, 92, 93,97, 292<br />
imbécillité morale, 57, 59, 62, 69, 70-<br />
74, 77, 82, 83, 85, 98, 104,-107, 1 30,<br />
142,159<br />
imbécillité proprement dite, 68, 71, 72,<br />
74,77,79<br />
imbécillitd simple, 86, 87, 90<br />
IMPERFECTIONS<br />
imperfections intellectuelles, 73<br />
IMPOTENTE<br />
impotente, 218<br />
INADAPTATION<br />
inadaptation, 10<br />
INADAPTÉE, INADAPTÉS<br />
inadaptée (enfance), 10<br />
inadaptés (élèves ), 224<br />
INCAPACITÉ<br />
incapacité caractérielle. 63<br />
INCORRIGIBLE, INCORRIGIBLES<br />
incorrigible [SI, 103, 146, 154, 156,<br />
160, 166<br />
INCURABLE, INCURABLES<br />
incurable [SI, 31, 34, 54, 84, 113, 146,<br />
156,167,175,185,205<br />
INDISCIPLINE<br />
indiscipline, 62, 75, 80, 98-104, 106,<br />
108, 109, 113, 142,145, 147, 151,<br />
156,166,185,273<br />
INDISCIPLINE, INDISCIPLINÉS<br />
indiscipliné, 62, 74, 80-82, 98, 99, 103,<br />
109, 144.156.166
indiscipliné (caractère), 63, '147<br />
indiscipliné (enfant), 63<br />
indisciplinés, 55, 62, 63, 65, 77, 80-82,<br />
86,99, 103, 104, 106, 107,146,144,<br />
156, 4 65,167, 254<br />
indisciplinés (anormaux), 1 21<br />
indisciplinés (arriérés médicaux), 56<br />
indisciplinés (élèves), loi, 185<br />
indisciplinés (enfants), 62, 63, a, 100,<br />
402, 406, 145, 146,321<br />
indisciplinés (enfants anormaux), 123<br />
INEDBDCABLES<br />
inéducables, 4 4,54<br />
CFIIFÉRIEUW, INFERIEURS<br />
inférieur de l'intelligence, 4 91, 204<br />
infbrieur [s] de i'intelligence (élat [s]),<br />
435, 161<br />
SNFÉRIORITÉ<br />
infbriorité de I'intelligence, 449<br />
infbriorité intellectuelle, 21 3, 24 6<br />
infbriorité mentale, 461<br />
ENFSRME, INFIRMES<br />
infirmes, 34, 254, 284<br />
infirmes moteurs, 160<br />
ENFPWMIIT~, EMF~RMPT&$<br />
infirmité [s], 34, 121<br />
infirmité [s] mentale (s], 31, 90<br />
GNINTEBBIGENPS<br />
inintelligents (enfants), 4 49<br />
ERISPECBlo~<br />
inspection médicale, 259, 295, 296<br />
inspection pédagogique, 259<br />
LNSTAB~LIT&<br />
instabillé, 58. 62, 69, 73, 74, 87, 30,<br />
99, 4 044 08, 442-1 44, 446-1 51, 4 65,<br />
1 85,217,248,288<br />
instabilité mentale, 62, 69-72, 74, 77,<br />
82, 85, 98, 99, 102-106, 948, 950,<br />
151,292<br />
instabilité mentale simple, 70, 87<br />
instabillé physique, 402, 103<br />
instabilité proprement dite, 442<br />
CNSTABLE, INSTABLES<br />
instable, 58, 62, 63, 74, 84, 82, 91, 98,<br />
99, 103, 105, 107-109, 142, 444-1 46,<br />
148, 149, 151, 156, 166, 167, 171,<br />
175, 181<br />
instables, 16, 19-22, 34, 38, 43, 46-49,<br />
54, 56, 60, 62, 70-72, n, 78, 80-82,<br />
86, 88-90, 96, 97, 102, 103, 106-1 08,<br />
114, 116, 117, 120, 123, 130, 131,<br />
142-154, 156, 158, 165, 166, 175,<br />
instables (adolescents), 285<br />
instables [fém] 21 1, 21 4<br />
instables (élèves) [fém], 21 2<br />
instables (enfants), 146, 147, 156,<br />
193, 207, 234, 236, 245, 247, 249,<br />
261, 265, 267,272, 321<br />
instables (filles, fillettes), 21 1-21 3,<br />
21 6,232<br />
instables (garçons), 232<br />
INSTITUT, INSTITUTS<br />
Institut départemental des sourd-<br />
muets et sourdes-muettes d'Asnieres,<br />
16, 32, 35, 50, 65, 169, 170, 233, 240,<br />
245, 283,284, 291<br />
Institut médicc-pédagogique de Vitry<br />
sur Seine, 18, 90<br />
instituts médico-pédagogiques, 218,<br />
235<br />
instituts rnédico-professionnels, 21 8<br />
Institut national de jeunes sourds de<br />
Paris, 29, 32, 35<br />
instituts spéciaux, 61<br />
INSTITUTION, INSTlTUTlONS<br />
Institution nationale des jeunes aveu-<br />
gles de Paris, 32, 36<br />
institutions spéciales, 174<br />
lNSUFFlSANCE<br />
insuffisance intellectuelle, 93<br />
insuffisance rnentale, 90<br />
INSUFFISANTS<br />
insuffisants, 74<br />
insuffisants d'esprit, 96<br />
INTELLIGENCE<br />
intelligence faible, 133<br />
INTERNAT, INTERNATS<br />
internat [s] de perfectionnement, 56,<br />
60, 118, 139, 229-233, 239, 258, 263,<br />
286
internats spéciaux de perfectionne-<br />
ment, 234<br />
INVALIDES<br />
invalides, 82<br />
IRRÉGULIERS<br />
irréguliers d'origine médicale, 55<br />
LIVRET, LIVRETS<br />
livret [SI scolaire [SI, 259, 260, 263,<br />
268,293<br />
livret médical, 268, 293<br />
livret médico-pkdagogique, 293<br />
livret scolaire et sanitaire, 294<br />
MAISON DE CORRECTION<br />
maison de correction, 235<br />
MÉDICO-PÉDAGOGIE<br />
médico-pédagogie, 21, 34, 73, 78, 283<br />
MÉDICO-PÉDAGOGIQUE, MÉDICO-<br />
PÉDAGOGIQUES<br />
médico-pédagogique [s], 79, 204, 297<br />
MICROC~PHALES<br />
microcéphales. 95<br />
MONGOLIENS<br />
mongoliens, 96<br />
ORGANISATION<br />
organisation pédagogique spéciale,<br />
117<br />
PARALYSIE<br />
paralysie [SI, 67,72, 85, 86, 154, 160<br />
PARALYTIQUES<br />
paralytiques, 46, 82, 171, 183<br />
PÉDAGOGIE<br />
pédagogie spéciale [s], 21, 252, 309<br />
PERFECTIBLE, PERFECTIBLES<br />
perfectible [s], 22, 32, 88, 118, 119,<br />
174,187,205<br />
PERVERS<br />
pervers, 56, 58, 63, 97, 98, 104, 107,<br />
109,152,184<br />
pervers moral, 107<br />
pervers sexuel, 107<br />
PERVERSION, PERVERSIONS<br />
perversion, 62. 107, 152<br />
perversion des instincts, 46, 57, 58,<br />
63, 68, 69, 71, 74, 81, 82, 86-88, 98,<br />
99,104-108,142,160<br />
perversion des instincts moraux, 11 2,<br />
142,149<br />
perversion des tendances, 152<br />
perversion morale, 58<br />
perversions instinctives, 104<br />
perversion [s] sexuelle [s], 70, 73, 104<br />
PERVERSITÉ<br />
perversité, 107, 109<br />
perversité morale, 106<br />
PROBLÈMES<br />
problèmes de comportement, 76. 1 O1<br />
PSYCHOLOGIE<br />
psychologie spéciale, 252<br />
RETARD, RETARDS<br />
retard [s] 56, 61, 94, 1 12, 124, 131,<br />
133-1 41,144,151, 154,155. 162, 163<br />
RETARDÉ, RETARDES<br />
retardé [s], 46, 51, 55,61,97,92,93. 97,<br />
133,138<br />
SALPÊTRIÈRE<br />
Salpêtrière, 195, 196, 202-204, 208.<br />
209,220,245<br />
SERVICE. SERVICES<br />
service [SI scolaire [s] spécial (ciaux),<br />
71,72,74,78,79,80,292<br />
service scolaire des anormaux, 291<br />
services d'anormaux, 309<br />
SIMPLES<br />
simples, 74<br />
SOURDS<br />
sourds, 9, 13, 19-21, 51. 84, 117, 171,<br />
172, 174, 175, 180, 183, 184, 186,<br />
187<br />
sourds-muets, 9, 31. 32, 35, 43, 44,<br />
46-49, 60, 95, 116, 153, 169, 171,<br />
186, 187, 240, 253, 282, 307, 308,<br />
31 2, 31 3, 31 5<br />
~0urds,9,13,19-21,51,84, 117, 171.<br />
172, 174, 175, 180, 183, 184, 186.<br />
187
STIGMATE, STIGMATES<br />
stigmate [de dégénérescence], 69,<br />
70,86,149, 120<br />
SUBNORMAL, SUBNORMAUX<br />
subnormal, subnormaux, 77, 93,180<br />
SURDITE<br />
surdité, 4 86<br />
surdi-mutité, 24, 47, 48<br />
TARES<br />
tares, 30, 21 4, 21 7<br />
TRAITEMENT<br />
traitement rnedico-pédagogique, 34,<br />
73, 74, 194, 201, 205,298<br />
TROUBLE, TROUBLES<br />
trouble [s] 142-1 44, 14, 149, 4 50,<br />
459,160<br />
troubles associés, 61, 85,86,87, 92<br />
trouble [s] de la moralité, 84, 4 05, 144,<br />
165<br />
trouble [s] de la sphère morale, 59, 62,<br />
106<br />
troubles du comportement, 21 8<br />
troubles mentaux, 121<br />
trouble [s] moral [moraux], 63, 109,<br />
143<br />
troubles moteurs, 164<br />
troubles psychiques, 286<br />
UTILISABLES<br />
utilisables, 60, 180, 4 93, 197, 201 , 204<br />
VAUCLUSE<br />
Vaucluse [colonie d'arriérés de<br />
Perray], 258, 301<br />
VICIEUX<br />
vicieux, 63, 142, 149, 194, 207<br />
VRAIS ANORMAUX<br />
vrais anormaux scolaires, 61
Le Centre Technique National d'Etudes et de Recherches sur les Han-<br />
dicaps et les Inadaptations (CTNERHI), Association Loi 1901, remercie<br />
vivement tous les organismes qui, par leur participation financière,<br />
lui permettent d'accomplir ses missions de documentation, d'études,<br />
de recherches et d'édition, notamment :<br />
- Ministère de l'Emploi et de la Solidarité,<br />
- Caisse Centrale de la Mutualit6 Sociale Agricole (CCMSA)<br />
Imprimé et édité par le CTNERHI<br />
Dépôt légal : Décembre 1998<br />
ISBN : 2-8771 0-1 19-3<br />
ISSN : 0223-4696<br />
CPPAP : 60.11 9<br />
Le Directeur : Marc MAUDINET