Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
84<br />
<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong><br />
Dire qu’elle était encore là hier. Je me souviens avoir plongé mon regard<br />
dans le sien. Perdue dans sa tête, elle semblait placide. Comme si elle ne<br />
ressentait <strong>plus</strong> rien de l’extérieur. Elle montrait des signes de fatigue évidents.<br />
Ses yeux cernés comme jamais, la vieillesse assombrissait son visage<br />
qui, autrefois, était si beau à regarder.<br />
Après toutes ces longues années, sa peau était si douce sous la caresse de<br />
mes doigts sur sa main. Le silence s’abattit sur la petite pièce blanche qui<br />
semblait, elle aussi, compatir au combat intérieur qu’elle menait. Seul le<br />
bruit des battements de son cœur nous accompagnait, comme une paisible<br />
litanie.<br />
Elle ne bougeait pas. <strong>Ma</strong>lgré tout son courage, elle savait que ça ne servait<br />
à rien. Elle qui s’était battue pendant des années durant une guerre qu’elle<br />
seule pouvait mener. Elle a cru pouvoir s’en sortir. <strong>Ma</strong>is hélas, c’est écrit que<br />
l’on n’obtient que rarement ce que l’on désire si ardemment. Le résultat fut<br />
négatif. Résignée, elle attendait avec impatience le moment où elle irait<br />
retrouver celui qui lui avait tant manqué.<br />
Une larme s’échappa. Elle venait de moi. Une seule chance de laisser aller<br />
ma détresse. Trop fière, je laisse rarement tomber ce masque que je mets en<br />
permanence sur mon visage. <strong>Ma</strong>is pour elle, c’est si facile. Son regard azur<br />
tombait sur moi, une dernière étincelle au fond des yeux. Elle leva péniblement<br />
le bras, j’avais compris.<br />
Je la pris donc dans mes bras. Je pouvais sentir tous les os de son corps tant<br />
il était maigre. J’avais peur de la briser, de lui faire encore <strong>plus</strong> mal. Elle qui<br />
avait tant vécu. Elle aimait la vie, je me souviens de toutes ces fois où elle<br />
me parlait de sa jeunesse. J’aimais beaucoup l’entendre parler. <strong>Ma</strong>is, point<br />
positif, je pouvais toujours sentir sa chaleur rassurante, apaisante.<br />
Je me rappelle lorsqu’elle nous a annoncé que le cancer lui rongeait le<br />
corps. Elle qui était si pleine de vie, la voilà maintenant qui dépendait de<br />
nous. C’était si dur de se dire qu’une personne comme elle, qui avait tant<br />
donné aux gens, devait s’en aller d’une manière aussi pénible.<br />
Durant des mois, mon petit frère et moi avons fait la navette entre l’école, le<br />
travail et la maison de ma mamie. <strong>Ma</strong> mère dut prendre un autre emploi afin<br />
de pouvoir payer tous ses soins, tandis que mon père nous soutenait du<br />
mieux qu’il pouvait.