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44<br />

<strong>Palabres</strong> : <strong>Revue</strong> d’études africaines, Vol.IV, n°1, août 2001<br />

chez les autres écrivains antillais, comme Raphaël Confiant qui définit bien la<br />

notion de créolité comme indiquant que l’on passe d’une pratique de la<br />

traduction et de la couleur locale, du folklorisme, etc. à une réflexion et une<br />

recherche sur la créolité, comme exemple même de la culture mixte, métisse 43 .<br />

Cette créolité débouche, dans la démarche définie par Glissant, sur l’antillanité<br />

comme exemple d’une mondialité d’ouverture et de rencontre. Les notions<br />

d’antillanité et de mondialité éveillent en écho la démarche de Frantz Fanon qui<br />

rêvait à l’échelle d’un continent et du monde des « damnés ». Ce qui était un<br />

ensemble d’hypothèses est devenu de l’ordre du vécu et de la pratique courante.<br />

Les écrivains antillais sont, d’abord « spatialement », puis scripturairement, dans<br />

la mondialité, dans l’au-delà des limites nationales. Il n’y a plus un seul lieu, ni<br />

un lieu origine. Les notions d’identité et de nationalité sont remises en cause. On<br />

aboutit à une déterritorialisation, dans la logique de cette poétique de la<br />

Relation, mise en place par Edouard Glissant.<br />

Joël Des Rosiers, écrivain haïtien vivant au Canada, écrit :<br />

C’est une façon de faire du déracinement une valeur positive. Il s’agit de<br />

population que j’appelle « postnationale », c’est à dire qui vit désormais sur<br />

plusieurs espaces culturels à la fois (…) aujourd’hui la politique qu’on appelle<br />

multiculturaliste, permet justement à la fois la revendication des espaces<br />

culturels d’origine et leur intégration dans leurs espaces d’accueil. Il n’est plus<br />

question de vivre dans un espace orthodoxe ou univoque, il est plutôt question<br />

de vivre dans des espaces hétérodoxes, ouverts, pluriels, modifiant la culture<br />

d’origine 44 .<br />

En effet, ces écrivains qui sont sur plusieurs espaces, vont revoir les notions<br />

d’identité et d’appartenance, de point de départ et d’arrivée, et imaginer un autre<br />

rapport à l’écriture. L’insularité – cette précarité de départ – est en train de<br />

permettre ce que Glissant avait esquissé, cet imaginaire de demain. On n’est plus<br />

dans un position d’exil mais de circulation et de positionnement multiple.<br />

Joël Des Rosiers ajoute :<br />

Aujourd’hui la non coïncidence entre langue et identité, entre langue et nation,<br />

est un des produits de la modernité (…) Les communautés excentrées, qui<br />

vivent l’utopie du déracinement, car il s’agit bien d’une utopie, provoquent un<br />

décentrement des coïncidences entre langues et nationalités, entre langues et<br />

cultures. Par exemple, la littérature haïtienne actuelle est produite en plusieurs<br />

langues, donc la fiction narrative de la mondialisation est produite par le peuple<br />

en marche, par le peuple déraciné, par le peuple dépaysé […] La littérature est<br />

un dépaysement.<br />

Ainsi la littérature, et précisément cette littérature née dans un entre-deux<br />

marqué par la violence, devient un lieu d’invention, d’utopie, pour une<br />

43 Raphaël Confiant, Encre noire. La langue en liberté, Op. Cit.<br />

44 Joël Des Rosiers, écrivain haïtien, vit au Canada, a écrit un essai, Théories caraïbes poétique du déracinement<br />

(Ed. Triptyque), in Encre noire. La langue en liberté, Op. Cit., p. 31-39.

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