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l l l<br />
Notamment depuis l’attentat contre un<br />
mausolée chiite de Samara, au nord de<br />
Baghdad, en février 2006 qui a donné le<br />
coup d’envoi à un conflit confessionnel.<br />
Combats de rue, attentats, assassinats mettent<br />
aux prises chiites et sunnites d’un<br />
côté, forces de la coalition de l’autre. Al-<br />
Qaïda s’implante dans le pays.<br />
L’apocalypse peut commencer et les victimes<br />
se compter par milliers.<br />
Question à un dollar : pourquoi George<br />
W. Bush a-t-il envahi l’Irak ? Pour y chasser<br />
un tyran et y parachuter des valeurs démocratiques,<br />
répondent ses avocats. Pour<br />
influencer les évolutions politiques de la<br />
région et permettre à son pays de reprendre<br />
pied dans un pays stratégique et d’en évincer<br />
la Chine et la Russie. Dans son livre «Le<br />
Temps des turbulences» paru en 2007, Alan<br />
Greenspan, qui dirigea la Réserve fédérale<br />
de 1987 à 2006, n’a pas hésité à dire tout<br />
haut : «Ce que tout le monde sait : l’un des<br />
grands enjeux de la guerre d’Irak était le<br />
pétrole». Et comment ! Les revenus pétroliers<br />
irakiens ont dépassé 100 milliards de<br />
dollars en 2012.<br />
SUNNITES ET CHIITES<br />
FRÈRES ENNEMIS?<br />
Entre la communauté chiite qui gouverne<br />
l’Irak et qui compose la majorité de la<br />
population, et les sunnites, mais aussi entre<br />
les Kurdes et le gouvernement, les tensions<br />
ne manquent pas. Notamment depuis l’intervention<br />
américaine, qui a privé les sunnites<br />
du pouvoir. Ces derniers accusent<br />
Nouri al-Maliki de monopoliser le pouvoir.<br />
Nouri al-Maliki, en poste depuis 2006, est<br />
Premier ministre, ministre de la Défense, de<br />
l’Intérieur et de la Sécurité nationale. Les<br />
Kurdes l’accusent de ne pas appliquer la<br />
Constitution qui prévoit un système fédéral.<br />
Un système que ni les sunnites ni les<br />
chiites ne veulent voir appliqué.<br />
La raison ? Les régions qu’ils occupent<br />
n’ont pas de pétrole. Pour les analystes,<br />
tous les ingrédients d’une guerre civile sont<br />
là. Surtout si ce dialogue de sourds entre les<br />
sunnites qui n’ont pas accepté la perte du<br />
pouvoir et les chiites qui ne sont pas disposés<br />
à partager ce pouvoir, continue. Et la<br />
Constitution, qui prévoit un référendum<br />
sur le sort de Kirkouk, une ville que les<br />
Kurdes considèrent comme leur capitale<br />
historique, n’est pas appliquée. Et comme<br />
un malheur n’arrive jamais seul, les rivalités<br />
politico-religieuses et la situation syrienne<br />
enveniment la crise irakienne et ce, dans<br />
l’indifférence de la communauté internationale,<br />
absorbée par la guerre en Syrie, le<br />
«printemps arabe». Depuis la fin décembre,<br />
les sunnites manifestent. «Si l’opposition<br />
(syrienne) l’emporte, il y aura une guerre<br />
civile au Liban, des tensions en Jordanie et<br />
des violences communautaires en Irak»,<br />
prédit Al-Maliki.<br />
n Djamel Boukrine<br />
idées<br />
HebdoDébats<br />
HORIZONS • Lundi 25 Février 2013<br />
Ce Mardi, la veille du 10 e anniversaire de<br />
l’invasion américaine, la dérive sanglante<br />
d’El Qaïda s’est révélée dans la<br />
vague d’attentats à la bombe qui a fait<br />
au moins 65 morts et plus de 220 blessés.<br />
Plus d’une vingtaine, les attaques<br />
ont visé, à Baghdad et sa périphérie, la communauté<br />
chiite. «Ce que vous avez subi …n’est qu’un avant<br />
goût», proclame l’ISI (Etat islamique d’Irak) regroupant<br />
les groupes sunnites affiliés à El Qaïda. L’Irak à<br />
feu et à sang est l’héritage de la guerre impériale destructrice.<br />
«Vietnam, Irak, Afghanistan : nous avons<br />
beaucoup d’anniversaires à oublier», conclut plein<br />
d’amertume le New Yorker, conforté par le Times évoquant<br />
le coût humain fort élevé<br />
(100 000 victimes irakiennes,<br />
4.485 soldats américains morts)<br />
et financier (4.000 milliards de<br />
dollars). Le New York Times a<br />
stigmatisé la «marche folle»<br />
des néo-conservateurs qui a<br />
tout emporté sur son passage.<br />
Depuis le funeste jour de l’occupation<br />
illégale de l’Irak jusqu'à<br />
la proclamation de la<br />
«mission accomplie», le processus<br />
de balkanisation du<br />
nouvel Irak a mis le feu aux<br />
poudres dans ce Moyen-Orient<br />
des «guerres civiles» à répétition,<br />
dédiées au néo Sykes-<br />
Picot des temps impériaux. Il<br />
se légitime par l’effet de contagion<br />
d’un «Irak libéré» qui,<br />
selon le promoteur du GMO du désastre arabe, peut<br />
«servir d’exemple édifiant…à d’autres pays de la<br />
région». Le feu vert de Bush, explicitant sa vision du<br />
Grand-Moyen-Orient, a été donné, le 26 février 2003,<br />
lorsque, dans le discours prononcé, à l’American<br />
Enterprise Institute, il a mis en exergue l’exigence de<br />
la démocratisation pour assurer la sécurité dans la<br />
région. «Un Irak libéré peut montrer que la liberté a la<br />
force de transformer cette région vitale», a-t-il alors<br />
déclaré. Son vice-secrétaire à la défense, Paul<br />
Wolfowitz, pouvait donc savourer une telle opportunité,<br />
longtemps rêvée, pour rallumer le grand brasier<br />
«à portée décisive», non seulement pour l’Irak, mais<br />
également pour l’ensemble des pays de la région. Car,<br />
pour lui, «cela (le changement de régime en Irak,<br />
NDLR) aura une très vaste influence, à commencer<br />
par la Syrie et l’Iran, mais aussi dans tout le monde<br />
arabe». Dix ans plus tard, le GMO en lambeaux attes-<br />
13<br />
IL Y A DIX ANS,<br />
LA GUERRE<br />
D’IRAK<br />
L’AUTRE VIETNAM<br />
LE «FREE IRAQ» DE LA MYSTIFICATION<br />
IMPÉRIALE, PROMETTANT MONTS ET<br />
MERVEILLES À UN PEUPLE APPELÉ À SE<br />
DÉFAIRE DE LA TYRANNIE POUR VIVRE<br />
L’ÈRE DE LA LIBERTÉ ET DE LA<br />
DÉMOCRATIE, plonge dans la violence<br />
abyssale le modèle de construction<br />
démocratique laminé par le terrorisme<br />
renaissant et la haine confessionnelle et<br />
communautaire de plus en plus<br />
marquante.<br />
te de la faillite dramatique de la pensée néo conservatrice<br />
qui, pour tout modèle de démocratie, a participé<br />
activement à la destruction d’un Etat millénaire et laïc,<br />
vite remplacé par le confessionnalisme triomphant<br />
aux couleurs chiites en confrontation permanente avec<br />
les Kurdes, tentés de plus en plus par la partition, et la<br />
rébellion sunnite. La théorie du «chaos constructif» a<br />
semé les graines du démembrement de l’Etat national,<br />
de la guerre civile aux conséquences régionales inévitables<br />
et de la résurgence du mouvement insurrectionnel.<br />
La poudrière irakienne a provoqué les dégâts<br />
en Irak et dans toute la région livrée à une instabilité<br />
et à l’insécurité grandissante. Dans une analyse comparative<br />
des changements en Europe et au Moyen-<br />
Orient, le penseur David Fromkin, cité par Fred<br />
Kaplan, écrivait, dans «A peace to end All peace», qu’<br />
«il a fallu à l’Europe un millénaire pour résoudre sa<br />
crise d’identité sociale et politique post-romaine,<br />
presque mille ans pour s’arrêter à la forme d’organisation<br />
de l’Etat- Nation et presque 500 ans de plus pour<br />
déterminer quelles nations auraient le droit d’être des<br />
Etats…La crise actuelle ininterrompue au Moyen<br />
Orient pourra s’avérer n’être ni aussi profonde, ni<br />
aussi durable. Mais, les problèmes sont les mêmes différents<br />
doivent trouver le moyen de se regrouper pour<br />
se créer de nouvelles identités politiques après l’effondrement<br />
d’un ordre impérial immémorial auquel ils<br />
sont habitués». La problématique du nouvel ordre<br />
impérial, prenant le relais d’un Sykes-Picot colonial<br />
largement dépassé, a ainsi imaginé le cheval de Troie<br />
du «printemps arabe» en substitution<br />
à l’effondrement du<br />
modèle irakien de démocratisation<br />
à l’américaine.<br />
Le syndrome du nouveau<br />
Vietnam, enjambant les crimes<br />
de guerre impériaux et les violations<br />
massives des droits de<br />
l’homme révélés par le scandale<br />
d’Abou Ghrib et les pratiques<br />
immorales des G’Is en folie, a<br />
pesé sur la nécessaire réévaluation<br />
de la stratégie américaine<br />
acquise au «soft power», imposé<br />
par la défaite militaire et le<br />
gouffre financier proche du trillion<br />
de dollars que l’Amérique<br />
en crise ne peut plus consentir.<br />
Dans une contribution sur<br />
«l’empire américain ruiné par ses guerres», Eric<br />
Margolis a soutenu, en Février 2010, que «les Etats-<br />
Unis ont clairement atteint le point de rupture de leur<br />
ambition impériale. Les dépenses militaires et le service<br />
de la dette cannibalisent l’économie américaine qui<br />
est la base réelle de leur puissance mondiale.0utre<br />
l’URSS sur le déclin, les Etats-Unis ressemblent également<br />
de plus en plus à l’Empire britannique agonisant<br />
de 1945, écrasé par les dettes immenses souscrites<br />
pour mener la seconde guerre mondiale, devenu incapable<br />
de financer ou à défendre l’Imperium». Les<br />
leçons sur «l’erreur stratégique» commis par son prédécesseur<br />
ont forcément été tirées par Obama qui a<br />
annoncé la «fin de la décennie de guerre» en Irak et le<br />
nécessaire désengagement militaire pour se consacrer<br />
davantage aux impératifs de la guerre impériale par<br />
procuration sublimée par l’intervention de l’Otan en<br />
Libye et les enjeux de la «guerre froide» en Syrie.<br />
n Larbi Chaabouni