Histoire de la Résurrection & Musikalische Exequien - La Chapelle ...

prend une autre saveur « quand on ne voit que l’évangéliste, et que les autres personnages sont
cachés ». On sait que le Sagittarius était un adepte de « la musique invisible » : à Copenhague,
il plaça parfois les musiciens dans une fosse totalement recouverte, mais dans laquelle on avait
ménagé quelques ouvertures. Les sons se répandaient alors dans un espace totalement vide de
musiciens et l’effet acoustique qui en résultait devait être saisissant.
La partie de l’évangéliste de l’Histoire de la Résurrection prend la forme d’une sorte de plainchant
non mesuré, la plupart du temps sur le cinquième degré du mode de Ré - le ton de Pâques.
Accompagné par un quatuor de violes, son discours est ponctué en fin de phrase et enrichi de
véritables figurations baroques, là où le texte permet une illustration musicale (par exemple à
propos de la descente de l’ange du ciel, ou pour illustrer la douleur de Marie).
Cet archaïsme consistant à utiliser le plain-chant ne sera utilisé à nouveau par Schütz que quarante
ans plus tard dans les Passions qu’il composera dans sa retraite. Un deuxième archaïsme tout aussi
fascinant trouve son origine dans l’œuvre de Scandello : chacun des personnages (à l’exception de
celui de Cléophas) est chanté simultanément par deux voix distinctes. Cet étonnant procédé est
d’ailleurs évoqué par le compositeur dans sa préface : Schütz explique qu’il est possible de remplacer
une des deux voix par un instrument, ou encore de la supprimer. Il nous paraît pourtant évident
que cet archaïsme confirme la suprématie du caractère symbolique de l’œuvre, au détriment de
son réalisme : c’est le message spirituel découlant du drame qui constitue ici l’essentiel, et non
l’action elle-même ! Schütz aurait aussi pu préciser : « ceci n’est pas un opéra » ou encore, à la
manière de Paul de Tarse : « la lettre tue, l’esprit vivifie ». Pour le rôle du Christ, les deux voix
symbolisent encore sa double nature, humaine et divine. Par ailleurs la compilation des évangiles
elle-même souffre de répétitions et d’incohérences qui soulignent paradoxalement le sens profond
du message de Pâques : le doute et la foi sont intimement liés, et face au plus grand des miracles,
la victoire du Christ sur la mort, cette tension est à son comble. Ainsi, comme un leit-motiv, le texte
« et ceux-ci crurent » ponctue l’œuvre en alternance avec les paroles « et ceux-ci ne crurent pas ».
La structure de l’Histoire de la Résurrection est symétrique, comme bien souvent dans les œuvres
du Sagittarius. Le chœur d’introduction est un modèle parfait de style antique polyphonique à six
voix ; le double-chœur final est homorythmique, suivant la nouvelle pratique venue d’Italie, encore
enrichi d’une atypique neuvième voix, celle de l’évangéliste, qui répète inlassablement « victoria »
allant jusqu’à irradier de son cri les huit autres qui finissent par reprendre cette incantation
5