Numéro 69 - Le libraire

20 • LE LIBRAIRE • FÉVRIER | MARS 2012
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Corruption,
inceste,
meurtres.
Là est le quotidien de la
puissante famille Borgia.
www.lesediteursreunis.com
Une femme de tête.
Une artiste qui dérange.
Un roman savoureux.
LE RABAISSEMENT Le dernier roman de Philip Roth est
une tragédie en trois actes mettant
en scène un acteur de théâtre sexagénaire, Simon Axler,
qui, du jour au lendemain, se retrouve privé de son talent.
Il n’arrive tout simplement plus à jouer. Tout ce qui faisait
de lui quelqu’un a disparu. Il n’est plus rien, il est rabaissé.
La grâce qui l’habitait l’a quitté, sans raison apparente.
Après avoir passé vingt-six jours dans un hôpital
psychiatrique, Axler rencontre Pegeen Mike, 40 ans,
lesbienne, avec laquelle il entreprend
une improbable liaison qui, on s’en
doute, finira mal. Un bon Philip
Roth, peut-être pas son meilleur,
mais dans lequel on se réjouit de
retrouver, dans un style toujours plus
affiné, le sens du tragique et ce
regard lucide jeté sur les travers et
les errances de l’être humain.
Mathieu Croisetière Clément Morin
MILLE JOURS
EN TOSCANE
Philip Roth, Gallimard, 128 p., 22,95$
Dans son premier récit, Mille jours à
Venise, l’auteure rencontre un Vénitien
qu’elle finit par épouser. Dans cette
suite, le couple quitte Venise pour un petit village toscan.
Ça pourrait être du déjà-vu, puisqu’elle nous parle en long
et en large des vins qu’elle goûte et des petits plats
mitonnés les plus savoureux… Or, ce récit de Marlena de
Blasi va plus loin. Dans son village
d’adoption, le couple développe de
nouvelles relations, d’abord autour
d’une belle table, d’une bonne
bouteille, puis durant les moments
plus ou moins difficiles de la vie. C’est
ce qui est touchant et qui nous fait
partir, voyager, loin de notre petit
5 ½… Lorraine Guillet Le Fureteur
Marlena de Blasi, Mercure de France, 230 p., 40,95$
littérature étrangère
LE DOS CRAWLÉ N’avons-nous pas bonheur et plaisir à
nous souvenir parfois des douceurs de L’ENVIE Tout le monde fait l’amour? Eh bien
non! Cesser le sexe, couper la racine du
notre enfance? Et pourtant… Éric Fottorino, ex-directeur
mal-être qui la rongeait, pour respirer, pour remonter à la
en chef du journal Le Monde, réussit ce tour de force en
surface de ce corps qui se laissait tanguer, Sophie Fontanel
se mettant dans la peau du petit Marin, 15 ans, lié par
l’a fait, volontairement. On la suit dans son soliloque
une amitié chaste et pure à Lisa de quelques années sa
d’observatrice mi-privilégiée, mi-piégée, lucide devant ces
cadette. Ils découvriront ensemble, dans la région de
autres qui font partie du tourbillon dont elle s’est retirée
Noyan au cours de l’été 1976, « le plus chaud du siècle »,
et on reçoit une à une les étiquettes que tente de lui
que le monde des adultes est parfois bien laid et que le
apposer son entourage. Une parole personnelle, certes,
leur, avec leurs jeux imprégnés de candeur et d’innocence,
mais que l’auteure a su porter par des
peut rencontrer déceptions et
mots qui résonnent en chacun de
frayeurs. Des événements tout aussi
nous. Une libération à contre-
troublants que tragiques viendront
courant qui purge et qui bientôt
bouleverser leurs rêves ingénus. Je
laisse place à une solitude pesante.
vous défie de ne pas voir de référence
Et puis, tranquillement, l’envie, qui
à votre propre enfance, entre l’ombre
pointe. Plus sereinement. Plus
et la lumière, en lisant ce livre. Marin
gourmande. Plus salutaire. Élaguer
aura-t-il le temps d’apprendre à Lisa
un arbuste n’améliore-t-il pas sa
la nage du dos crawlé?
floraison?
Jocelyne Vachon La Maison de l’Éducation
Guylaine Jacob Pantoute
Éric Fottorino, Gallimard, 208 p., 24,95$
JOURNAL
D’UN RATÉ
L E L I B R A I R E C R A Q U E !
LE LIVRE BLANC DE
RAFAEL HORZON
Le livre blanc de Rafael Horzon est
un ouvrage épatant, « bluffant »
même, nous avise la quatrième de
couverture. Au fil des pages, nous suivons le périple de
ce cher monsieur Horzon, des années 90 jusqu’au début
du troisième millénaire, alors qu’il tente par tous les
moyens de faire de sa vie une réponse à la question de
Marcel Duchamp : « Peut-on faire des œuvres qui ne
soient pas de l’art? » S’ensuit une série d’entreprises aux
multiples rebondissements qui se
verront, pour la plupart, marquées du
sceau cuisant de l’échec. Narré par un
ego dont la démesure n’a d’égale que
le sens de l’autodérision, aussi naïf
qu’arrogant, Le livre blanc est une
fable toute contemporaine aux
accents drôlement picaresques. J’ai
beaucoup ri. Christian Girard Pantoute
Rafael Horzon, Attila, 256 p., 26,95$
Edouard Limonov fut la coqueluche des
intellectuels français dans les années 80.
Depuis, ses choix politiques et son retour
en Russie l’ont plongé plus ou moins dans l’oubli, jusqu’à
ce qu’Emmanuel Carrère lui consacre un roman donnant
envie de le découvrir. Pourtant, rien ne vaut la lecture du
Journal d’un raté, le livre qui l’a fait connaître. Au moment
d’écrire ce bouquin, il était seul et sans le sou. Malgré sa
déchéance, il a un ego démesuré. Il est également obsédé
par le sexe et il en parle avec un
langage cru et direct. Limonov est
tout un personnage et en le lisant,
on comprend qu’il maîtrise très bien
son image. Si Carrère offre une
bonne introduction à cet être
singulier, le lire c’est explorer un
genre littéraire rempli de sexe et de
fureur.
Marie-Hélène Vaugeois Vaugeois
Edouard Limonov, Albin Michel, 288 p., 29,95$
Sophie Fontanel, Robert Laffont, 160 p., 24,95$