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Numéro 69 - Le libraire

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place », explique-t-il à l’autre bout du fil. En effet, le bédéiste ne travaille pas<br />

directement sur ses chroniques pendant qu’il est à l’étranger. À tous les<br />

coups, il n’est jamais sûr que son voyage donnera lieu à une histoire. « Jamais<br />

je ne me dis quand je pars : je vais faire un livre pendant que je suis là-bas.<br />

La bande dessinée se fait toujours en revenant. De toute manière, j’ai besoin<br />

de recul ».<br />

Du recul, il lui en a fallu plus que jamais pour raconter Jérusalem. « Quand<br />

je suis revenu du Moyen-Orient, j’avais tout plein d’information et je me disais<br />

que ça serait mission impossible de tout synthétiser », raconte-t-il. Il faut<br />

avouer que le contexte politique de Jérusalem est assez complexe, en plus<br />

de fluctuer constamment. <strong>Le</strong> bédéiste, qui a toujours raconté le quotidien<br />

davantage que l’actualité politique des pays qu’il a visités, a dû relever le<br />

défi consistant à donner suffisamment d’information aux lecteurs, sans<br />

toutefois les bombarder d’explications factuelles. « Ce qui m’a motivé, c’est<br />

que les gens me demandaient : “C’était comment Jérusalem?” Je leur<br />

expliquais donc Jérusalem-Est, Jérusalem-Ouest et ils me répondaient : “Ah,<br />

tu devais traverser le mur!”, alors que ce n’est pas du tout comme ça. Je me<br />

suis rendu compte que les gens avaient une vision compliquée et fausse de<br />

Jérusalem. Ça m’a motivé; je me suis dit qu’en quelques cases je pouvais<br />

arriver à expliquer quelque chose de compliqué en apparence ».<br />

C’est avec talent que Guy Delisle parvient ainsi à expliquer un des conflits les<br />

plus compliqués du monde, sans jamais tomber dans le didactique soporifique<br />

ou l’explication enfantine. « Je reste persuadé que la bande dessinée peut être<br />

condensée et précise et qu’elle a une force pédagogique unique », renchérit-il.<br />

Chroniques de Jérusalem lui donne raison. Ne serait-ce que pour ce tour de force<br />

de synthèse, l’ouvrage mérite qu’on s’y plonge sans plus attendre. Cela dit, le<br />

nouveau roman graphique de l’auteur est beaucoup plus qu’une leçon de<br />

géopolitique. L’exotisme des petites choses, l’humour pragmatique du<br />

narrateur… On y retrouve tout ce qui caractérise d’ordinaire les récits du<br />

Montpelliérain, à la différence que cette fois on a droit à la couleur.<br />

Un récit plus coloré<br />

Alors que ses trois précédentes histoires à l’étranger prennent vie sous un<br />

crayonné un peu charbonneux, Chroniques de Jérusalem se décline sous des tons<br />

bleutés et sépia. Si l’on voit apparaître à quelques endroits quelques couleurs<br />

plus vives, le bédéiste a quand même conservé dans l’ensemble le dessin sobre<br />

de ses autres récits de voyage. « Jérusalem est assez monochrome; la ville au<br />

complet est faite d’une seule et même pierre », précise l’auteur. Il voulait donc<br />

rendre le côté un peu terne de la ville et ne se voyait pas abuser des couleurs<br />

éclatantes. « Autrement, j’ai surtout joué avec les couleurs froides et chaudes<br />

pour différencier les saisons », conclut-il.<br />

Mais pourquoi avoir choisi d’utiliser la couleur pour ce roman graphique et<br />

pas pour les autres? « En fait, c’est la première fois que j’ai la chance de le<br />

faire. Au début, je croyais que Chroniques birmanes allait sortir à l’Association,<br />

comme les deux BD précédentes, mais ils ont refusé le projet », explique<br />

Delisle, qui a finalement publié ses aventures birmanes chez Delcourt. « Avec<br />

un gros éditeur comme Delcourt, ce n’est pas très compliqué de faire de la<br />

couleur. C’était donc possible et j’avais envie de le faire ».<br />

Depuis plusieurs années déjà, le bédéiste originaire de la Vieille Capitale<br />

publie ainsi en Europe. Cela ne l’empêche pas de suivre de près le travail de<br />

ses collègues québécois, qu’il s’agisse de Michel Rabagliati, Jimmy Beaulieu,<br />

Pascal Girard ou de Zviane. Doit-on dire qu’il est lui-même un artiste<br />

québécois ou préfère-t-il qu’on le range dans la catégorie Bédéiste sans<br />

frontières? « Bédéiste sans frontières, j’aime bien! Je me sens<br />

personnellement Québécois, donc ça ne dérange pas qu’on dise que je suis<br />

un bédéiste québécois. En fait, quand les gens de l’Alliance française<br />

m’invitent à représenter la France à l’étranger, je leur dis que je ne suis pas<br />

vraiment Français, mais ils s’en foutent. Je me trouve alors à représenter<br />

la bande dessinée française au Brésil! » Décidément, le sigle BSF lui va<br />

à merveille.<br />

© Olivier Roller<br />

75<br />

CHRONIQUES JERUSALEM_int_cs3.indd 75 21/09/11 16:08:55<br />

112<br />

CHRONIQUES JERUSALEM_int_cs3.indd 112 21/09/11 16:09:51<br />

CHRONIQUES DE<br />

JÉRUSALEM<br />

Delcourt<br />

336 p. | 34,95$<br />

LE LIBRAIRE • FÉVRIER | MARS 2012 • 59

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