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Numéro 69 - Le libraire

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ARTICLE<br />

SEXUALITÉ ET LITTÉRATURE JEUNESSE<br />

Oui, les ados font l’amour<br />

À 15 ans, votre ado pense au sexe, c’est certain.<br />

Il a peut-être même déjà fait l’amour. Une chose<br />

est sûre : les rares scènes érotiques glissées à<br />

travers les romans qu’il a lus ne sont pas<br />

passées inaperçues. Faute d’yeux pour juger,<br />

d’oreilles pour s’insurger ou de bouche pour<br />

divulguer les confidences, le livre est devenu un<br />

intervenant de première ligne dans l’éducation<br />

sexuelle des jeunes, leur permettant de valider<br />

actes et émotions.<br />

Par Josée-Anne Paradis<br />

« On parle très peu de la sexualité des adolescents,<br />

donc je me donne le droit d’en parler, et de le faire<br />

de façon très explicite », explique Marie Gray, aux<br />

sources de la récente série « Oseras-tu ». L’auteure<br />

des Nouvelles à faire rougir, vendues à plus de<br />

900 000 exemplaires à travers le monde, recevait<br />

des lettres d’adolescentes lui demandant conseils<br />

sur leur vie sexuelle. Troublée par ces requêtes, le<br />

porte-étendard de la littérature coquine au Québec<br />

a décidé qu’il était temps d’agir : si ses livres, volés<br />

dans la table de chevet de leurs parents, devenaient<br />

la seule source d’information pour ces jeunes filles,<br />

c’est qu’il y avait des lacunes à combler. Ainsi donc<br />

est née sa série qui présente, sans tabou ni dentelle,<br />

la réalité des ados. « Beaucoup de jeunes qui<br />

n’aimaient pas la lecture se sont mis à lire, parce<br />

qu’ils se sont sentis interpellés par le sujet »,<br />

explique celle qui prend soin d’ajouter que tout ce<br />

qui est vulgaire l’hérisse au plus haut point.<br />

ui, les ados font<br />

Discret dialogue<br />

Depuis la sortie du premier tome (le sixième est en<br />

cours d’écriture), Marie Gray rencontre des jeunes<br />

<strong>Le</strong>ctures suggestives<br />

dans les écoles. Mais bien vite, le roman devient<br />

prétexte pour parler de questionnements plus<br />

intimes. Puis viennent les confidences, dont la<br />

teneur prouve chaque fois que les jeunes ont un<br />

grand besoin de conseils par rapport à leur sexualité.<br />

Par exemple, certaines se demandent si, à 12 ans,<br />

elles doivent offrir une fellation au garçon qui les a<br />

reconduite chez elle pour le remercier. « <strong>Le</strong>s jeunes<br />

sont exposés à beaucoup d’information douteuse,<br />

qu’ils interprètent tout croche. Je veux les aider,<br />

remettre les pendules à l’heure. Je crois que c’est<br />

mon statut d’auteure, neutre et sans jugement, qui<br />

les incite à s’ouvrir à moi », explique celle qui traite<br />

autant de passion amoureuse que de viol ou<br />

d’homosexualité dans ses ouvrages. Sincèrement<br />

touchée par ces témoignages alarmants, Marie Gray<br />

est récemment devenue l’une des Porte-Voix pour<br />

l’Association québécoise de prévention du suicide,<br />

un autre thème abordé dans sa série.<br />

De son côté, Angèle Delaunois, à la fois auteure<br />

(Aimer…, <strong>Le</strong> grand voyage de monsieur Caca) et<br />

éditrice chez l’Isatis, partage l’idée qu’un dialogue<br />

essentiel existe entre l’auteur, par l’intermédiaire de<br />

son livre, et le jeune, qui n’a pas encore l’expérience.<br />

« L’amour, c’est quelque chose de beau, de bon. On<br />

apprend beaucoup de choses aux jeunes sur la<br />

sexualité “mécanique”, mais rien sur le plaisir. On a<br />

tellement peur que les jeunes fassent n’importe quoi<br />

qu’on ne leur dit pas que c’est bon », déplore<br />

madame Delaunois, faisant référence à tous ces<br />

romans où seules sont abordées les conséquences<br />

d’une relation sexuelle non protégée ou non désirée.<br />

Ces auteurs qui osent<br />

Dans les œuvres de ces deux auteures québécoises,<br />

À mi-chemin entre le beau livre et l’essai, l’ouvrage de l’historienne française<br />

Anne-Claire Rebreyend rend hommage à la séduction et à la sexualité, du<br />

début de la Première Guerre mondiale à nos jours. Il va de soi que les choses<br />

ont bien changé depuis 1914, mais c’est sans jugement que<br />

l’auteure nous invite à découvrir les lettres et extraits de<br />

journaux intimes qu’elle a amassés au fil de ses recherches.<br />

Photocopiées ou retranscrites, ces correspondances<br />

entraînent les lecteurs à travers les époques, les mœurs et les<br />

désirs de plusieurs générations d’amants. À la fois<br />

émoustillant et instructif!<br />

DIRE ET FAIRE L’AMOUR. ÉCRITS<br />

INTIMES ET CONFIDENCES DE<br />

1910 À 2010<br />

Anne-Claire Rebreyend<br />

Textuel<br />

194 p. | <strong>69</strong>,95$<br />

le développement psychologique des personnages<br />

permet aux jeunes de cerner leurs hormones en<br />

ébullition, leurs émotions à fleur de peau. Par<br />

ailleurs, le livre devient pour l’adulte une porte vers<br />

une meilleure compréhension du quotidien de leurs<br />

ados, régi par la pression sociale, les tabous de<br />

l’heure, les peurs contemporaines, etc.<br />

Par ailleurs, les auteurs québécois prouvent qu’ils<br />

sont de moins en moins frileux à décrire la sexualité<br />

telle quelle, en utilisant les vrais mots. En<br />

témoignent le besoin d’émancipation du personnage<br />

principal de Cassiopée ou l’été polonais (Michèle<br />

Marineau); la révolte de Léa dans la série entamée<br />

par <strong>Le</strong> cœur en bataille (Marie-Francine Hébert) ou<br />

celle d’Ophélie dans le roman éponyme (Charlotte<br />

Gingras); les questionnements par rapport à<br />

l’orientation sexuelle dans French Kiss ou l’amour<br />

au plurielles (Lyne Vanier) ou dans La fille qui rêvait<br />

d’embrasser Bonnie Parker (Isabelle Gagnon); ou<br />

encore l’éveil de leurs pulsions vécu par les garçons<br />

dans <strong>Le</strong> dernier des raisins (Raymond Plante) et<br />

Deux heures et demie avant Jasmine (François<br />

Gravel). En faisant ainsi place à la sexualité, les<br />

romans-miroirs n’auront jamais été aussi près de la<br />

réalité des jeunes. Et, qui sait, peut-être sont-ils la<br />

seule source d’information crédible qui leur est<br />

accessible, entre des vidéos sur la Toile et les ouïdire<br />

sur les pratiques de leurs comparses d’école…<br />

LA MAIN DE DIEU<br />

YASMINE CHAR (FOLIO)<br />

Dans la scène de la douche, de<br />

La main de Dieu, le journaliste<br />

rejoint l’adolescente, la savonne<br />

langoureusement avant de la porter sur le lit. S’ensuit<br />

une scène d’amour initiée par la jeune fille, qui<br />

découvre la force du plaisir et ramène le lecteur aux<br />

sensations exacerbées de sa propre adolescence. <strong>Le</strong> désir de l’héroïne<br />

est si vibrant qu’il en est contagieux et émouvant. Cet extrait est<br />

d’autant plus fort que, dehors, règnent les combats et la mort,<br />

pendant la guerre au Liban. Manon Trépanier Alire<br />

LE LIBRAIRE • FÉVRIER | MARS 2012 • 39

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