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Numéro 69 - Le libraire

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<strong>Le</strong> rapport tantôt ludique et jubilatoire, tantôt dramatique<br />

et désespéré avec la langue, qui a tant touché Lorraine<br />

Pintal chez Prévert ou Beckett, elle le retrouve chez un<br />

écrivain d’ici, dont l’œuvre est associée au Théâtre du<br />

Nouveau Monde. « J’ai choisi de parler de Ducharme, mais<br />

ça n’a rien à voir avec la production de HA ha!... qu’on a<br />

présenté cet automne au TNM, de souligner la <strong>libraire</strong><br />

d’un jour en riant. J’ai une passion pour les auteurs qui<br />

déconstruisent la langue, lui font dire autre chose.<br />

Ducharme sait se jouer des accents et des niveaux du<br />

français québécois, qui emprunte tantôt à l’anglais, tantôt<br />

au français de France, tantôt à l’Amérique du Sud.<br />

L’avalée des avalés était une lecture obligatoire du temps<br />

de mes études secondaires; et avec son amour suicidaire<br />

pour sa mère trop belle et omniprésente, je m’identifiais<br />

corps et âme à l’héroïne du roman au point où on me<br />

surnommait Bérénice à l’école! »<br />

Pourtant, parmi les romans de Ducharme, c’est L’hiver de<br />

force que Lorraine Pintal recommande encore plus<br />

chaleureusement. L’adaptation théâtrale qu’elle en a faite<br />

il y a quelques années témoignait d’une époque particulière<br />

dans l’histoire du Québec. « Ducharme esquisse le portrait<br />

d’une société qui se donne dans les années 70 les moyens<br />

de bâtir un pays mais qui, une fois que c’est fait, hésite,<br />

tergiverse, s’enferme dans un lieu clos. Dans le cas d’André<br />

et Nicole, les héros emblématiques, c’est leur appartement<br />

qui devient le coffre-fort de leurs amours, dont ils ne sortent<br />

que la nuit comme des vampires. Bien qu’il ne soit pas un<br />

écrivain à thèse, Ducharme s’en donne à cœur joie et utilise<br />

la faune bigarrée qui peuple ce roman pour décrire un<br />

Québec qui hésite entre l’affirmation de soi et la servilité. »<br />

La comédienne attire également notre attention sur <strong>Le</strong><br />

procès de Franz Kafka, ce cauchemar éveillé<br />

paradoxalement empreint de lucidité glaciale dont elle a<br />

trouvé des échos dans <strong>Le</strong>s Bienveillantes de Jonathan<br />

Littell, un pavé qu’elle n’hésite pas à qualifier de génial<br />

et qui, selon elle, jette une lumière sur ces parts d’ombre<br />

et de mystère que tout humain porte en lui et avec<br />

lesquelles il doit apprendre à vivre. « C’est à mon avis<br />

l’une des fonctions de la littérature, que de nous aider à<br />

apprivoiser cette noirceur de notre âme. » De même, la<br />

comédienne et metteure en scène évoque avec beaucoup<br />

d’émotion l’admirable Purge de la Finlandaise Sofi<br />

Oksanen, qu’elle place dans la parenté thématique des<br />

œuvres des Autrichiens Thomas Bernhard et Elfriede<br />

Jelinek. « Au fil de ce huis clos entre deux femmes en<br />

apparence tellement différentes – Aliide (un personnage<br />

aussi grandiose que Mère Courage, aussi ignoble<br />

qu’Hitler) et Zara, la prostituée qui échoue chez elle –, il<br />

y a l’expression du poids des horreurs passées, de la<br />

guerre, des crimes inavouables. »<br />

Enfin, il serait impensable de ne pas aborder avec notre<br />

<strong>libraire</strong> d’un jour, ne serait-ce que brièvement, l’œuvre de<br />

Nancy Huston, dont Lorraine Pintal mettra bientôt en<br />

scène la pièce Jocaste reine (à la Bordée, à Québec, en<br />

février 2012; puis au TNM, à Montréal, à l’hiver 2013).<br />

« C’est une écrivaine qui m’accompagne depuis très<br />

longtemps, me confie mon interlocutrice. Je songe à<br />

Cantique des plaines, à L’empreinte de l’ange, mais encore<br />

plus à Infrarouge. Si on parle de complexité féminine, de<br />

l’exploration du fantasme féminin, du rapport avec<br />

l’enfance, la société, la maternité, l’amour, on comprend<br />

que le regard posé par Huston sur ces réalités-là est<br />

absolument unique. »<br />

<strong>Le</strong>s choix de<br />

Lorraine Pintal<br />

HUIS CLOS<br />

Jean-Paul Sartre<br />

Folio<br />

246 p. | 13,95$<br />

PAROLES<br />

Jacques Prévert<br />

Folio<br />

256 p. | 13,95$<br />

EN ATTENDANT GODOT<br />

Samuel Beckett<br />

Minuit<br />

164 p. | 16,95$<br />

L’HIVER DE FORCE<br />

Réjean Ducharme<br />

Folio<br />

276 p. | 15,95$<br />

LE PROCÈS<br />

Franz Kafka<br />

<strong>Le</strong> Livre de Poche<br />

285 p. | 8,95$<br />

LES BIENVEILLANTES<br />

Jonathan Littell<br />

Folio<br />

1404 p. | 22,95$<br />

PURGE<br />

Sofi Oksanen<br />

Stock<br />

402 p. | 34,95$<br />

INFRAROUGE<br />

Nancy Huston<br />

Actes Sud<br />

308 p. | 32,95$<br />

LE LIBRAIRE • FÉVRIER | MARS 2012 • 9

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