La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

PUTAIN Une fois j’ai rêvé de me marier en blanc... c’était il y a longtemps.
LA GLOIRE Ramassant son képi, le caressant. Il va falloir nous séparer, l’ami...
Après trente ans d’union, c’est dur, je le comprends... Mais si je veux durer, être
crédible, dès lors que le temps est aux preuves, il me faut bien coiffer la couronne de
lauriers... Moins enveloppante, certes, moins chaude, moins protectrice que toi, mais
je n’ai pas le choix... C’est cela ou l’oubli... Jetant son képi dans la salle. Adieu et
souviens-toi que tu coiffas un homme, dont le premier souhait était d’apporter de
bonnes nouvelles à ses semblables.
Rideau
La Gloire, par terre, est en boule sous sa cape. Putain et La Mort, dans un coin, jouent
aux cartes. Leurs mains leur servent de support. Mariée arpente la scène en effeuillant
son bouquet.
MARIÉE Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout... Il
m’aime...
L’ÉLOQUENT Surgissant de derrière un store japonais armé de la faux. Il ne t’aime
plus !
MARIÉE Quoi ?
L’ÉLOQUENT Il portait bien un costume blanc... Un œillet rouge à la boutonnière,
vingt ans pas plus, il avait des yeux clairs...
MARIÉE C’est lui !
L’ÉLOQUENT Courant porter secours à l’un des miens, j’ai trébuché, et ma faux a
tranché le cou de ton époux.
Mariée tombe à genoux.
LA MORT Ta faux ! Et quoi encore ?
L’ÉLOQUENT Rendant la faux à La Mort. Reprends-la.
LA MORT Tu me la rends poisseuse.
L’ÉLOQUENT J’ai vengé mes enfants... Disparais maintenant.
LA MORT Si je pouvais... Mais quelle terre me voudrait, moi qui l’ai tant peuplée.
PUTAIN Elle nous ferait pleurer.
L’Éloquent et La Gloire s’entretiennent à voix basse. La Mort avec sa chasuble astique
le manche de sa faux.
MARIÉE Ma vie finie...
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