La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

PUTAIN Au contraire elle commence ! Tu voulais sortir, et bien viens, je connais le
chemin...
L’ÉLOQUENT Tu l’emmènes ?
PUTAIN C’est son souhait.
L’ÉLOQUENT Lequel... De finir au bordel ? À Mariée. Plutôt que d’aller te souiller,
bats-toi à nos côtés.
LA GLOIRE Je vais m’y battre moi, il faut mériter ses lauriers.
MARIÉE Mais me battre pourquoi ?
L’ÉLOQUENT Pour la cause des gueux ! Un temps. N’as-tu donc jamais entendu
parler d’eux ?
MARIÉE Secouant la tête. Jamais, sont-ils nombreux ?
L’ÉLOQUENT Ils sont des milliers ! Et c’est nous faire insulte que de l’ignorer !
Agitant sa main devant le visage de Mariée. Tu n’es pas aveugle pourtant... Ni
sourde... Ne les entends-tu pas hurler ? Mariée secoue la tête en signe de négation.
L’Éloquent la regardant sous le nez et se tapant le front. Alors tu es...
MARIÉE Je suis veuve.
LA MORT À mon tour de remettre ton titre en question. Comment croire à une veuve
habillée en mariée ?
PUTAIN Tirant Mariée par le bras. Assez bavardé, viens !
L’ÉLOQUENT Tirant Mariée par l’autre bras. Reste ! C’est en enfer qu’elle va
t’emmener.
MARIÉE N’y suis-je point déjà ?
PUTAIN À L’Éloquent. Laisse-moi l’emmener et de gueux que tu es, je te ferais
proxo ! Demain tu marcheras du crocodile aux pieds et de l’hermine au cou... Tu
porteras chapeau, gants et canne à pommeau. La moustache ! Des liquettes sur
mesure... Au petit doigt un diam qui fera cligner les yeux de toutes les femmes !
L’ÉLOQUENT Je ne mange pas de ce pain-là !
PUTAIN Ni de celui-là, ni d’autre, est-ce là ton indigence !
L’ÉLOQUENT Il n’y a pas de honte à être pauvre, il y en a, à se vendre !
LA MORT Dans les dents !
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