La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

L’ÉLOQUENT Faisant irruption. Avec la nuit la ville tombera ! Tu ne peux pas rater
ça, La Gloire !
LA GLOIRE Tu m’admettrais à tes côtés, gras, lâche, sans képi, sans lauriers ?
L’ÉLOQUENT Plus tôt quand je suis entré ici, poursuivi, tu m’as caché sans hésiter.
Personne fait sonner sa cloche. L’Éloquent s’avisant de sa présence. Personne ! Tu
tombes à pic ! Cours et va sonner bien haut le glas de nos bourreaux !
PERSONNE N’est-il pas un peu tôt ?
L’ÉLOQUENT Jamais trop quand on parle d’espoir !
PERSONNE Espoir d’un côté et désespoir de l’autre...
L’ÉLOQUENT J’avais cru...
PERSONNE Tu te seras trompé ! Je me range aux côtés de qui n’en parle plus... Mais
il n’y a personne que moi, d’un bord ou de l’autre, chacun en est gonflé, pour ne pas
dire bouffi. Le mot est galvaudé ! On l’emploie comme on emploierait une marque
de crème à raser ! Rase-toi avec l’espoir si tu veux L’Éloquent, mais moi, tous vos
discours me barbent. Vous pérorez en groupe, tandis que seule je sonne un glas dont
personne ne veut...
L’ÉLOQUENT Joins-toi à nous pour le combat final.
PERSONNE Si c’était le dernier !
L’ÉLOQUENT Imaginons que ce le soit et, que la chance soit avec toi, avec la main tu
pourrais bien perdre ta cloche !
PERSONNE Et pourquoi pas la tête tant que tu y es ! Ah ! Vous autres insurgés, vous
n’y allez pas par quatre chemins !
L’ÉLOQUENT Difficile en effet, quand il n’y en a qu’un !
PERSONNE Il a réponse à tout, ou du moins le croît-il, voyons un peu plus loin...
Séparée de ma cloche à quoi servirais-je ? Si l’espoir ne meurt plus, comment le
faire renaître ?
L’ÉLOQUENT Elle m’embête !
LA GLOIRE Si elle tient absolument à sonner, elle pourra toujours le faire de l’autre
main, ce ne sont pas les cloches qui manquent...
L’ÉLOQUENT Tu ne crois pas si bien dire.
LA GLOIRE Je parlais, là, des vraies.
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