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La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

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LA GLOIRE Je ne suis plus si sûr <strong>de</strong> vouloir m’en coiffer...<br />

L’ÉLOQUENT Lâche !<br />

LA GLOIRE Il y a si longtemps, qu’à force, on s’y fait.<br />

L’ÉLOQUENT Crève !<br />

LA GLOIRE À <strong>La</strong> Mort. Je suis prêt.<br />

LA MORT Excuse-moi, mais j’ai mieux à faire...<br />

L’ÉLOQUENT À <strong>La</strong> Mort. Tu me suis ?<br />

LA MORT Pour fuir l’ennui.<br />

L’Éloquent et <strong>La</strong> Mort sortent.<br />

LA GLOIRE Je me suis séparé trop tôt <strong>de</strong> mon képi... Par ce geste une fois <strong>de</strong> plus j’ai<br />

failli... S’il ne m’élevait pas, encore qu’il me grandissait <strong>de</strong> quelques centimètres, il<br />

me protégeait <strong>de</strong>s maux <strong>de</strong> tête... Sans lui je souffre, vous ne pouvez imaginer<br />

combien ! C’est à vomir ! Et comme j’ai le ventre vi<strong>de</strong>, c’est bile, amertume et<br />

chagrin que j’éructe... Toutes mes eaux usées y passent ! S’enveloppant <strong>de</strong> sa cape.<br />

Plutôt que <strong>La</strong> Gloire, il m’eût fallut me baptiser: L’Égout... or ce<strong>la</strong> suppose un<br />

courage que je n’ai point... Amorphe, comme vous, j’attends... Je ne sais quoi, ma<br />

<strong>de</strong>rnière heure peut-être ? Tandis que L’Éloquent monte à l’assaut <strong>de</strong> mille ! Je n’en<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas autant. Une heure me suffirait. Une heure <strong>de</strong> <strong>gloire</strong> qui, à elle seule,<br />

ba<strong>la</strong>yerait toute <strong>la</strong> médiocrité d’une vie... Je ne le dirais pas <strong>de</strong>vant elle, car ça <strong>la</strong><br />

vexerait, mais ce n’est pas <strong>de</strong> <strong>La</strong> Mort dont j’ai peur. J’ai peur que l’on me mette en<br />

terre avec ma lâcheté... Que je sois contraint à cohabiter avec elle dans un espace<br />

aussi réduit que celui d’une bière m’horrifie ! Chez moi, même si ce n’est pas bien<br />

grand, un petit <strong>de</strong>ux pièces, propre et coquet, qui aurait volontiers accueilli une<br />

femme, mais elle n’est pas venue... Un temps. Moi-même où vou<strong>la</strong>is-je en venir...<br />

Ah oui ! Chez moi, nous pouvons encore nous éviter, mais dans <strong>la</strong> tombe, imaginez,<br />

je l’aurais sur le dos comme cette cape ! Elle m’étouffera, peuplera mon <strong>de</strong>rnier<br />

sommeil <strong>de</strong> cauchemars... Il me faut agir sans tar<strong>de</strong>r... Une cloche sonne. Serait-ce<br />

mon g<strong>la</strong>s que l’on sonne ?<br />

Personne entre avec une cloche à <strong>la</strong> main.<br />

PERSONNE Le veinard !<br />

LA GLOIRE Moi veinard !<br />

PERSONNE Toi ! Puisque tu as encore l’espoir que l’on puisse sonner le g<strong>la</strong>s pour toi.<br />

LA GLOIRE C’est peut-être bien mon <strong>de</strong>rnier...<br />

PERSONNE Qu’importe, accroche-toi, sans espoir... Regar<strong>de</strong>-moi.<br />

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