La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
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L’ÉLOQUENT Je sais qu’elle n’est pas <strong>de</strong>s nôtres et pourtant <strong>la</strong> voyant je me suis<br />
épris d’elle.<br />
On entend <strong>de</strong>s pas.<br />
LA GLOIRE Ouvrant sa cape. Vite, cache-toi !<br />
L’ÉLOQUENT Non ! Quoi qu’il arrive, désormais je resterais sur scène !<br />
LA GLOIRE Mais tu l’es sous ma cape.<br />
L’ÉLOQUENT Je veux que l’on me voit, je veux qu’en s’éveil<strong>la</strong>nt Satrape ouvre les<br />
yeux sur moi. À Putain. Toi, dont on dit que tu as le cœur grand, montre-le en<br />
al<strong>la</strong>nt me chercher Mariée.<br />
PUTAIN Tu dis être épris d’elle, et au bruit <strong>de</strong> son pas tu ne réagis pas...<br />
L’Éloquent se retourne, Mariée entre, sa robe et son voile sont déchirés et tâchés <strong>de</strong><br />
sang. Le bouquet qu’elle tient toujours à <strong>la</strong> main ne compte plus que quelques fleurs.<br />
MARIÉE Je comprends maintenant ce que veut dire défendre sa peau.<br />
PUTAIN Tendant <strong>la</strong> main. Envoie <strong>la</strong> monnaie, tu parleras après.<br />
MARIÉE Tout ce que j’ai gagné est parti en fumée, le bor<strong>de</strong>l a brûlé...<br />
Putain grimaçant <strong>de</strong> douleur mord dans son coup-<strong>de</strong>-poing américain, pendant que<br />
L’Éloquent soutient Mariée qui chancèle. Aussitôt <strong>La</strong> Gloire se met à quatre pattes,<br />
parallèlement à <strong>la</strong> scène, L’Éloquent asseoit Mariée sur son dos et lui sert <strong>de</strong> dossier.<br />
PUTAIN J’avais tout mis <strong>de</strong>dans, jeunesse, beauté et savoir-faire... Pourquoi m’a-t-il<br />
fallu encore y mettre mes économies... J’ai investi jusqu’à mon <strong>de</strong>rnier sou dans <strong>la</strong><br />
literie, <strong>de</strong> sorte que mes futurs pensionnaires auraient eu <strong>de</strong> bons outils <strong>de</strong> travail,<br />
car j’en aurais pris soin comme une mère... Que <strong>de</strong> rêves qui, avec ces murs, partent<br />
en fumée... Entre eux j’avais rêvé couler <strong>de</strong>s jours tranquilles, <strong>de</strong>s jours <strong>de</strong> tricot et<br />
<strong>de</strong> mots croisés, <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> patience... <strong>de</strong>s jours doux, c’est tout... Les premiers...<br />
Personne entre en secouant sa cloche. Tête basse, elle va et vient le long <strong>de</strong>s stores,<br />
bientôt suivit <strong>de</strong> <strong>La</strong> Mort l ’air épuisé.<br />
PUTAIN <strong>La</strong>nçant son fouet vers Personne. Tu jubiles !<br />
PERSONNE Si sonner est jubiler, je jubile.<br />
PUTAIN Bientôt tu sonneras ta <strong>de</strong>rnière heure !<br />
PERSONNE Qui pourrait <strong>la</strong> sonner à part moi ? Et connais-tu son <strong>de</strong> cloche plus c<strong>la</strong>ir<br />
que le mien ? Si tu crois me faire peur, sache que contrairement à toi, je ne me suis<br />
jamais pensée éternelle... Il y a beau temps en effet que je sais que <strong>La</strong> Mort marche<br />
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