La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
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LA MORT Hautaine. Écourter <strong>la</strong> souffrance <strong>de</strong>s hommes.<br />
L’ÉLOQUENT Noble rôle.<br />
LA MORT Ramassant sa faux. Par Thanatos, il le fût ! Je gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce temps béni une<br />
tenace nostalgie, moi qui suis réduite aujourd’hui à n’être que l’exécutrice <strong>de</strong>s<br />
tyrans, affameurs, mercantis, et autres bandits !<br />
L’ÉLOQUENT S’avançant pru<strong>de</strong>mment vers <strong>La</strong> Mort. Certes, ta besogne est peu<br />
ragoûtante, mais tu en as ! Sais-tu combien comme moi en manque ?<br />
LA MORT Sèchement. Je sais ! Tes pareils ne m’atten<strong>de</strong>nt même pas. Dédaignant<br />
mes offices, ils en finissent seuls. S’essuyant le front dans sa chasuble. Note, que<br />
je ne m’en p<strong>la</strong>ins pas... Car si en plus il fal<strong>la</strong>it être sur tous les fronts à <strong>la</strong> fois, à<br />
court terme j’y <strong>la</strong>isserais ma peau...<br />
L’ÉLOQUENT Recu<strong>la</strong>nt d’une <strong>la</strong>rge enjambée. Qui s’en p<strong>la</strong>indrait...<br />
LA MORT Si tu crois m’insulter ! Aux hommes il y a longtemps j’ai passé le re<strong>la</strong>is...<br />
Je suis un prête-nom, rien d’autre. Et d’ailleurs, te voilà malgré toi témoin <strong>de</strong> ma<br />
disgrâce, puisque au moment où nous <strong>de</strong>visons, <strong>de</strong>rrière ces parois, on crève<br />
allègrement.<br />
L’ÉLOQUENT Un doigt sur les lèvres. Chut... on dirait...<br />
LA GLOIRE Ouvrant sa cape. Des pas... Décidément ! Mon jardin secret serait-il<br />
<strong>de</strong>venu <strong>la</strong> salle <strong>de</strong>s pas perdus !<br />
L’Éloquent décoiffe <strong>La</strong> Gloire et s’enveloppe entièrement dans <strong>la</strong> cape avec lui. De son<br />
côté, <strong>La</strong> Mort se drape dans sa chasuble avec sa faux. Putain sort <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière un store<br />
japonais. Elle porte une combinaison <strong>de</strong> cuir noir, <strong>de</strong>s bottines noires, <strong>de</strong>s gants en<br />
cuir noir. Elle est coiffée d’un casque <strong>de</strong> cuir noir, comme en portaient autrefois les<br />
motocyclistes. Dans <strong>la</strong> main droite elle a un fouet, et sur son gant un coup-<strong>de</strong>-poing<br />
américain. Elle marche vers <strong>La</strong> Mort en faisant c<strong>la</strong>quer son fouet et en renif<strong>la</strong>nt.<br />
PUTAIN Tournant autour <strong>de</strong> <strong>La</strong> Mort. Tu pues toujours autant ma vieille ! <strong>La</strong> Mort<br />
hausse les épaules l’air dédaigneux. Putain s’avance au bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> scène et renifle<br />
le public. À moins que ce ne soit eux... Eux, qui étaient venus pour se distraire un<br />
peu... S’amuser d’une farce ! Et puis on les surprend et les voilà qui suent. Vous<br />
avez raison <strong>de</strong> transpirer, parce que c’est le bor<strong>de</strong>l ! Je suis ici pour vous en avertir,<br />
afin que vous ne soyez pas surpris en sortant... Si vous osez le faire... Tous les lieux<br />
publics ont été pris d’assaut par les gueux, l’Hôtel <strong>de</strong> Ville lui-même est investi !<br />
L’ÉLOQUENT Bondissant <strong>de</strong> sous <strong>la</strong> cape et sautant en l’air. Hippie !<br />
PUTAIN Modère ton enthousiasme L’Éloquent, nombre <strong>de</strong> tes amis sont morts dans<br />
les affrontements. Venant ici, j’en ai enjambé cent... Les trois <strong>de</strong>rniers ressemb<strong>la</strong>ient<br />
fort à tes enfants.<br />
L’ÉLOQUENT Arrachant <strong>la</strong> faux <strong>de</strong>s mains <strong>de</strong> <strong>La</strong> Mort. Je les vengerais !<br />
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