La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
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PERSONNE Moi, danser ! Mais je ne sais pas.<br />
PUTAIN Je te gui<strong>de</strong>rais.<br />
PERSONNE Tu veux me ridiculiser, comme si j’étais pas assez ridicule comme ça.<br />
PUTAIN C<strong>la</strong>quant du fouet. C’est un ordre !<br />
Personne se met dans les bras <strong>de</strong> Putain, et elles commencent à tourner.<br />
PUTAIN C’est vrai que tu es souple comme un verre <strong>de</strong> <strong>la</strong>mpe !<br />
L’ÉLOQUENT Les heures sombres s’achèvent, l’aurore nous rendra tout.<br />
LA GLOIRE Même mon képi ?<br />
L’ÉLOQUENT Ton képi et ta dignité.<br />
PUTAIN Et à moi, que me rendra-t-elle ton aurore mirifique ? Mon bor<strong>de</strong>l peut-être !<br />
Mes illusions perdues...<br />
MARIÉE Et à moi mon époux...<br />
PERSONNE À moi l’espoir... Si c’est ainsi, autant mourir dès ses premières lueurs,<br />
car dans le mon<strong>de</strong> que tu projettes, affublée <strong>de</strong> ma sinistre cloche, je n’aurais pas <strong>de</strong><br />
p<strong>la</strong>ce.<br />
LA MORT J’ai trop vécu pour croire en ce beau et renouveau dont parle L’Éloquent et<br />
pourtant il est vrai que telles qu’elles sont, les choses ne peuvent plus durer... On<br />
affame ici, on massacre là, <strong>de</strong> droite et <strong>de</strong> gauche on viole les droits <strong>de</strong> l’homme. Ne<br />
parlons pas <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme, violée dans son esprit et dans sa chair, <strong>de</strong>puis <strong>la</strong><br />
nuit <strong>de</strong>s temps. Oublions l’enfant mutilé avant même que d’être né. Tirons un trait<br />
sur <strong>la</strong> vieillesse, cette chose sale, bancale, malodorante et si peu productive... Oh, <strong>La</strong><br />
Gloire, je ne sais quel sentiment nouveau m’enivre... Serait-ce celui <strong>de</strong> vivre ?<br />
Arrachant sa chasuble. Quoi qu’il en soit, je rends mon tablier.<br />
<strong>La</strong> Mort en col<strong>la</strong>nt couleur chair, se <strong>la</strong>isse tomber aux pieds <strong>de</strong> <strong>La</strong> Gloire, où elle<br />
<strong>de</strong>meure immobile dans <strong>la</strong> position du fœtus.<br />
L’ÉLOQUENT Arrêtant <strong>de</strong> valser. Je vous le disais bien, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> métamorphose a<br />
commencé... L’aurore <strong>la</strong> signera. Allons, Personne, souris ! Avec le lever du soleil,<br />
ta cloche sonnera cristalline, un hymne à <strong>la</strong> vie retrouvée. Car nous l’avions perdu !<br />
On nous l’avait volé ! Tu le sais bien <strong>La</strong> Gloire, tu le sais bien Putain. Allons<br />
débarrassez-vous tous les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> vos accoutrements grotesques, tout ce<strong>la</strong> à présent<br />
appartient au passé.<br />
LA GLOIRE Mais sans ma cape tous mes défauts vont apparaître ! L’enlever équivaut<br />
mettre à nu mon âme.<br />
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