La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

PUTAIN Tout cela est bien attendrissant... Si j’écoutais mon cœur... Mais j’ai assez
donné. D’ailleurs demain c’est décidé, je prends le voile.
MARIÉE Ôtant son voile. Prenez le mien en attendant.
PUTAIN À Personne. Vas le chercher et coiffe-m’en.
PERSONNE Et que recevrais-je en retour ?
PUTAIN Mon pied au cul si tu insistes. Et même débotté il te fendra la lune.
PERSONNE Se dirigeant vers Mariée. C’est déjà fait.
LA GLOIRE Extatique. Quand je lisais ces lettres d’amour à la flamme de la bougie,
bien enfouie au creux de mon lit, souvent j’ai eu envie de me prendre dans mes
bras... Mais je n’ai jamais osé, de crainte que mes propres membres ne sachent
répondre à l’étreinte que j’attendais. Ou peut-être ai-je eu peur de me broyer... Tant
était immense mon besoin d’être serré. Tendant les bras vers le public. N’y a -t-il
pas une femme dans la salle... Serais-je si gras, si lâche, si répugnant ! Aurais-je, à
force de courber l’échine devant mes petits chefs, perdu jusqu’à l’estime des
créatures divines ?
Pendant que La Gloire soliloque, L’Éloquent descend doucement la fermeture éclair de
la robe de Mariée, tandis que Personne descend celle de la combinaison de cuir de
Putain, qui comme Mariée, a le dos tourné à la salle. La robe de Mariée, la
combinaison de cuir de Putain tombent simultanément à leurs pieds. Mariée, en courte
combinaison de soie blanche, foule sa robe du pied, pendant que Personne retire
quelques épingles de son chignon, pour fixer sur la tête de Putain qui s’est débarrassée
de son casque, le voile de Mariée, de façon à ce que celui-ci, retombe sur son visage.
LA MORT Tendant la main. Si tu viens jusqu’à moi, je serais cette femme. L’étreinte
je connais.
LA GLOIRE Mais tu disais plutôt avoir rendu ton tablier.
LA MORT Doucereuse. Pour un être qui souffre et qui m’est sympathique, je
remplirais encore une fois mon office.
Main tendue, La Gloire fait quelques pas hésitants vers La Mort, puis recule.
LA GLOIRE Je voudrais voir l’aurore dont L’Éloquent parlait.
LA MORT Laissant retomber sa main. Si tu es masochiste !
MARIÉE Se retournant. Je l’ai échappé belle ! N’ayant d’autre métier que celui de
servir, si cela en est un, mariée j’aurais été putain. Mon défunt en effet avait une
bonne situation, puisqu’il occupait chez Toutoumiaou, une usine de nourriture pour
animaux, le poste de goûteur. Grassement rémunéré, jamais il ne m’aurait permis de
travailler... Quand, timidement, je lui parlais de la mercerie que j’aurais aimé tenir,
il disait caressant ma gorge: ”Ma petite chatte a mieux à faire que de vendre du
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