La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

demeureront ouvertes que les salles montrant du porno... L’heure des grandes
réformes a sonné... On entend un léger tintement... Satrape s’introduit le bout de
l’index dans l’oreille et l’agite en grimaçant; puis il arpente nerveusement le bord
de la scène. Que fait-il ? Pourquoi ne répond-t-il pas ? Il sait pourtant que j’ai
horreur d’attendre, que plus que celui de quiconque, mon temps est précieux...
Comment le compter à présent quand ma montre, cette montre qui avant de
m’appartenir avait de son tic-tac fidèle et discret, accompagné les battements du
cœur de mon père, souvent précipités, en raison de son rythme de vie... Mais les
affaires exigent un train d’enfer ! Ne souriez pas si je vous dis que c’est dans un
train, un train à grande vitesse, que mon pauvre père s’est éteint. Comme une
bougie, dira sa secrétaire, une femme qui lui était entièrement dévouée. La preuve:
pour ne point salir sa réputation, car ils n’avaient rien à faire ensemble ce jour-là
dans un compartiment de train, elle descendra à la première station, non sans avoir
auparavant remis de l’ordre dans les vêtements du défunt, et lui avoir glissé dans un
dernier geste affectueux, le Financial Times, sous les yeux... grands ouverts me
confiera-t-elle, bien plus tard, sinon je ne me serais pas permis... Elle m’avouera
aussi qu’elle fût tentée de prendre l’oignon, non pas pour le garder, mais pour le
mettre en pièces détachées. Comme il l’avait mis elle-même... Les femmes ont de
ces idées ! ... Allô... qui parle ? ... je me serais trompé de numéro... C’est
impossible ! Le numéro de Bunker, je le connais comme ma date de naissance,
même que souvent je les confonds. J’ai confondu, recommençons... Allô Bubu, c’est
toi... Comment qui parle ! C’est à moi de vous le demander... Madame Rodriguez...
Qui êtes-vous ? D’ailleurs ça n’a pas d’importance. Que faites-vous dans le bureau
du Ministre ? ... Le ménage ! Quelle heure est-il donc ? ... Composant un nouveau
numéro. 21 heures, essayons chez lui... Bonsoir Georgette, Monsieur le ministre,
est-il là ? ... Comment, je ne sais pas, que devrais-je savoir ? Et bien parlez... Plaîtil
? Voulez-vous me répéter ça en détachant bien chaque syllabe... On a retrouvé
Monsieur le ministre dans la rue, nu comme un ver, il n’avait même plus de peau sur
les os... Vous avez bu ! Passez-moi Madame ! ... Pardon ! Redite-moi ça... Madame
est au bordel ! Ah... Ah ! Intéressant et qu’y fait-elle ? Elle cherche dans les cendres
à faire disparaître les traces... Et bien dite-moi Georgette vous en avez de
l’imagination !
PUTAIN Hélas pour toi Satrape, ce que tu viens d’entendre, n’est pas une divagation,
dû à un abus d’alcool, mais bien la vérité.
SATRAPE Putain !
PUTAIN Non ! Désormais tu m’appelleras Notre-Dame-du-Bon-Remède, ce qu’au
fond j’ai toujours été.
SATRAPE Au public. Voyons... M’aurait-on durant mon sommeil fait ingurgiter
quelques drogues ? De celles qui vous font perdre le sens de la réalité ?
PERSONNE Sans se découvrir. Qu’est-ce que la réalité ?
SATRAPE Au public. Parce que par coquetteries je ne porte pas mes lunettes, pensez
j’ai bien assez de ma bosse, je ne sais à qui d’entre vous adresser ma réponse... Mais
cela n’a aucune importance ! Ce qui compte, c’est que je puisse le faire et je le puis !
Pensez, que grâce aux jeux télévisés, je peux chaque soir m’entraîner à cet
30