La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
La gloire de la poste - Jeanne Cordelier
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L’ÉLOQUENT À <strong>La</strong> Gloire. Pour <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière fois, ressaisie-toi !<br />
LA GLOIRE À m’être trop rendue, je ne puis le faire: les petits chefs m’ont eu...<br />
L’Éloquent et Mariée s’apprêtent à sortir quand Satrape se tourne en grognant.<br />
L’Éloquent et Mariée restent figés sur p<strong>la</strong>ce, dans <strong>la</strong> position où ils furent surpris.<br />
Cependant que Personne un bras levé tourne en sautil<strong>la</strong>nt autour <strong>de</strong> <strong>La</strong> Gloire.<br />
PUTAIN Suffit ! Si tu te prends pour un vautour, sache que ce n’est pas autour d’un<br />
mourant que tu tournes, mais autour d’un nouveau membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Légion <strong>de</strong>s Petites<br />
Âmes.<br />
PERSONNE Se couvrant <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> son suaire. Petites est bien le mot !<br />
LA GLOIRE J’ai froid... comme si <strong>la</strong> fièvre... un mal qui al<strong>la</strong>it m’emporter...<br />
PUTAIN Tu mues...<br />
LA GLOIRE Se serrant le cou. Quelle douleur à le faire...<br />
PUTAIN Approche, à genoux, et répète après moi : Me voici à vos pieds, ô Notre-<br />
Dame-du-Bon-Remè<strong>de</strong>, qui toujours exauce les prières <strong>de</strong> ceux qui ont recours à<br />
vous.<br />
<strong>La</strong> Gloire s’agenouille en c<strong>la</strong>quant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts.<br />
LA GLOIRE Les yeux fixés sur le ventre <strong>de</strong> Putain et plus précisément sur son pubis,<br />
qui figure <strong>la</strong> barbe du Seigneur. Jamais je n’ai été aussi près <strong>de</strong> Dieu.<br />
PUTAIN Posant <strong>la</strong> main sur <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> <strong>La</strong> Gloire. <strong>La</strong>isse-moi agir en toi.<br />
Un temps. Satrape roule plusieurs fois sur lui-même en bail<strong>la</strong>nt et en s’étirant. Il se<br />
retrouve au bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> scène, où, il s’asseoit, baille et c<strong>la</strong>ppe <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue.<br />
SATRAPE J’ai mauvaise bouche... C<strong>la</strong>ppements. Un goût <strong>de</strong> fiente. C’est sûrement<br />
ce rêve, que dis-je, ce cauchemar ! Imaginez, <strong>La</strong> Mort m’avait quitté pour passer<br />
chez les gueux. Jetant un regard inquiet en direction <strong>de</strong> Personne, parfaitement<br />
immobile sous son suaire. Cette statue... elle n’était pas là tout à l’heure... Combien<br />
<strong>de</strong> temps ai-je donc dormi ? Tirant <strong>de</strong> <strong>la</strong> poche <strong>de</strong> son gilet un oignon. Voyons<br />
l’heure... Arrêtée... Ma montre arrêtée. Sautant sur ses pieds. <strong>La</strong> montre <strong>de</strong> mon<br />
père arrêtée... <strong>La</strong> montre <strong>de</strong> mon grand-père arrêtée... <strong>La</strong> montre <strong>de</strong> mon arrièregrand-père<br />
arrêtée... <strong>La</strong> montre <strong>de</strong> mon arrière, arrière, grand-père arrêtée... <strong>La</strong><br />
montre qui sonna, car elle sonnait, les heures glorieuses <strong>de</strong> toute une dynastie <strong>de</strong><br />
financiers, arrêtée ! J’y vois, là, un augure <strong>de</strong>s plus mauvais... Tirant <strong>de</strong> <strong>la</strong> poche<br />
intérieure <strong>de</strong> son par<strong>de</strong>ssus un téléphone. Il me faut sans tar<strong>de</strong>r m’entretenir avec<br />
Bunker, afin qu’il me rassure. Composant le numéro fébrilement. On ne le croirait<br />
pas, à première vue comme ça, mais j’ai aussi une sensibilité... Il n’y a pas que les<br />
artistes ! De beaux parasites ceux-là tiens ! Mais ça va changer ! Finie <strong>la</strong> bambou<strong>la</strong> !<br />
Pour commencer, <strong>de</strong>main on ferme les théâtres pour en faire <strong>de</strong>s lupanars... Vous<br />
vous y amuserez mieux qu’ici... Les cinémas, bouclés, ont en fait <strong>de</strong>s tripots ! Ne<br />
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