La gloire de la poste - Jeanne Cordelier

LA GLOIRE Vous n’avez plus d’espoir ?
PERSONNE Aucun. D’ailleurs c’est son glas que je sonne... Ce n’est pas gai, mais je
suis née avec cette cloche au poignet. Inopérable...
LA GLOIRE Tendant un pan de sa cape. Et si vous l’enveloppiez ?
PERSONNE Et qui sonnerait ?
LA GLOIRE Personne !
PERSONNE C’est un cercle vicieux, puisque personne c’est moi !
LA GLOIRE Reculant de quelques pas et considérant Personne en hochant la tête. Je
vois... Et avant d’être Personne, avez-vous été quelqu’un ?
PERSONNE Pas que je sache.
LA GLOIRE Bombant le torse. C’est pire que moi ! Moi, au moins j’ai été facteur !
Un beau métier et surtout très utile... Tandis que votre occupation ne sert à rien
puisque, dit-on, l’espoir ne meurt jamais...
PERSONNE Erreur ! Il meurt, puis il renaît... Si je ne sonnais pas qui s’en
apercevrait ?
LA GLOIRE Hochant la tête. Je n’y avais pas pensé... Mais le vôtre alors, était-il plus
fragile que les autres ?
PERSONNE Secouant le bras. Tout vient de là... Note que je ne m’en plains pas,
quand je porte une cloche, d’autres portent leurs croix.
LA GLOIRE Mais cette cloche est une croix ! Que dis-je, c’est un calvaire !
PERSONNE Doucement... Comme tu le vois mes épaules sont frêles. Et dis-moi
plutôt, toi, à part cette tenture, que portes-tu ?
LA GLOIRE Écartant sa cape. Peu de choses en tout cas de celles qui se voient, ni
cloche, ni croix, ni cicatrice... Soupir. Solitude et honte sont mes fardeaux à moi...
Avant que tu n’arrives j’allais m’en décharger, pour le moins essayer, en me
joignant aux gueux.
PERSONNE Ainsi je t’ai sauvé.
LA GLOIRE Comment cela ?
PERSONNE Mais ils t’auraient mangé, allons, regarde-toi !
LA GLOIRE Je ne peux plus me voir...
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