2006/10/14 samedi : LIMPARTIAL : LIMPARTIALLIMPARTIAL
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15<br />
CULTURE & SOCIÉTÉ<br />
Par<br />
Sophie Bourquin<br />
Sil’art neuchâtelois a une<br />
particularité, c’est sa<br />
multiplicité, le nombre<br />
de ses influences. Existe-t-il,<br />
cet art neuchâtelois? Rend-il<br />
compte des liens entre une<br />
région et ses habitants? La<br />
nouvelle exposition du Musée<br />
des beaux-arts du Locle s’attache<br />
à répondre à ces questions,<br />
à bien d’autres encore,<br />
suscitant hésitation et réflexion<br />
autour du thème de<br />
l’identité, sous le titre «Je NE<br />
suis». Imaginée dans le cadre<br />
des manifestations Neuchàtoi,<br />
elle réunit des œuvres<br />
puisées dans les collections<br />
des trois musées d’art du canton.<br />
Un habile réseau de correspondances,<br />
d’échos, de<br />
pièges aussi...<br />
«Nous avons travaillé autour<br />
duthèmedel’identiténeuchâteloise,<br />
passée, présente et future. Il<br />
est décliné dans deux salles, autour<br />
du portrait et du paysage», explique<br />
la conservatrice, Stépha-<br />
nie Guex. L’exposition offre<br />
unemiseenperspectived’artistes<br />
qui ont contribué à créer<br />
une image multiforme du canton,<br />
à travers deux siècles de<br />
peinture, de Maximilien de<br />
Meuron à Olivier Mosset.<br />
C’est d’ailleurs un tableau<br />
d’Olivier Mosset qui pose d’entrée<br />
l’ambiguïté de la question<br />
identitaire: «Sylvette», une œuvre<br />
géométrique – un losange<br />
incomplet – est proposé<br />
comme portrait, mettant en<br />
doute notre perception de<br />
l’identité. En face, un autoportrait<br />
tout aussi déconcertant de<br />
François Barraud en «Palette<br />
et pinceaux», ou l’identification<br />
du peintre à ses attributs.<br />
Lumières d’ici et d’ailleurs<br />
«Le«GrandEiger»deMaximilien<br />
de Meuron a contribué à la<br />
création d’une image identitaire de<br />
la Suisse, à travers les paysages alpestres».<br />
D’autres ont suivi,<br />
comme Charles-Edouard<br />
DuBois ou Aurèle Robert, mais<br />
c’est en Italie, en Provence ou<br />
en Orient que ces artistes sont<br />
allés chercher la lumière qui<br />
baigne montagnes et lacs patriotiques.<br />
Ainsi, cette vue<br />
d’Auvernier de Charles-<br />
Edouard DuBois, toute en lumière<br />
dorée...<br />
Contrastant avec les représentations<br />
chaleureuses du bas<br />
du canton, les paysages plus<br />
sombres du Jura, vus par Charles<br />
L’Eplattenier et Lermite,<br />
entre autres. «Lermite est considéré<br />
comme «le» peintre du Jura, il<br />
ainfluencé toute une génération<br />
d’artistes et notamment Claudévard,<br />
qui disait qu’il était difficile<br />
après lui de peindre le Jura autre-<br />
ment», illustre Stéphanie<br />
Guex.<br />
Vues nocturnes et urbaines<br />
de La Chaux-de-Fonds, dépouillées<br />
de toute présence<br />
humaine et vibrantes de lumière<br />
froide: les photos de<br />
Thomas Flechtner apportent<br />
un regard contemporain sur<br />
la représentation des Montagnes.<br />
«Flechtner ne s’intéresse<br />
pas à l’identité, ses images ne sont<br />
pas identitaires en elles-mêmes,<br />
mais elles le deviennent par le discours<br />
que l’on va construire autour».<br />
Du portrait à la caricature<br />
La salle des portraits confronte<br />
des artistes très différents.<br />
L’identité horlogère du<br />
Haut, représentée par Aimé<br />
Barraud et Edouard Kaiser, en<br />
regard de l’alignement de portraits<br />
stéréotypés de Grégoire<br />
Müller, calqués sur notre so-<br />
ciété mondialisée et multiculturelle,<br />
fait émerger la caricature<br />
de la scène réaliste. Plus<br />
exotiques, les portraits d’Italiennes<br />
de Léopold Robert,<br />
d’Edmond de Pury et de Charles-Edouard<br />
DuBois. «Pour<br />
montrerquelesartistespeuventreproduire<br />
certains clichés: le Bas représente<br />
la vie intellectuelle, le<br />
Haut l’horlogerie, le Val-de-Ruz la<br />
campagne».<br />
Très dense, l’exposition se<br />
Samedi <strong>14</strong> octobre <strong>2006</strong><br />
L’art questionne l’identité<br />
L’Express<br />
L’Impartial<br />
EXPOSITION Comment les artistes contribuent-ils à former un sentiment d’appartenance neuchâteloise? Une mise<br />
en perspective de tableaux issus des trois musées du canton apporte son lot de réponses. A découvrir au MBA du Locle<br />
Léopold Robert, «Italienne<br />
et sa fille», 1825.<br />
Décès de Gillo Pontecorvo<br />
CINÉMA Le réalisateur de la «Bataille<br />
d’Alger» laisse une œuvre engagée<br />
Le cinéaste italien Gillo<br />
Pontecorvo, qui réalisa le<br />
grand classique «La Bataille<br />
d’Alger», est mort à Rome<br />
à l’âge de 86 ans, ont annoncé<br />
hier des responsables de la policlinique<br />
Gemelli. La cause de la<br />
mort n’a pas été précisée, mais<br />
Pontecorvo avait eu une crise<br />
cardiaque il y a quelques mois.<br />
Surnommé le «réalisateur<br />
fainéant» en raison du petit<br />
nombre de films à son actif sur<br />
une très longue carrière, Pontecorvo<br />
a réalisé nombre de documentaires<br />
et dirigé la Mostra<br />
de Venise de 1992 à 1994.<br />
Ancien résistant, ses passions<br />
politiques furent au cœur de<br />
son œuvre engagée. En 1959,<br />
«Kapo» racontait l’histoire<br />
d’une petite juive cherchant à<br />
s’évader d’un camp de concentration.<br />
«Qeimada», en 1969,<br />
avec Marlon Brando, était un<br />
conte anticolonialiste. Mais le<br />
film qui lui apporta la gloire fut<br />
«La Bataille d’Alger», en 1966,<br />
film épique sur le soulèvement<br />
algérien contre la France, d’un<br />
réalisme saisissant, à la manière<br />
d’un documentaire, avec des<br />
comédiens amateurs.<br />
Lion d’or à Venise, nominé<br />
aux Oscars, Prix de la critique<br />
au Festival de Cannes, il fut interdit<br />
pendant des années en<br />
France.<br />
Gillo Pontecorvo fut longtemps<br />
interdit en France.<br />
PHOTO KEYSTONE<br />
Né le 19 novembre 1919 à<br />
Pise dans une famille juive aisée,<br />
il s’exila en France pour<br />
échapper aux lois raciales du<br />
régime mussolinien, tout en<br />
restant en contact avec la résistance<br />
antifasciste, avant de regagner<br />
Milan et de prendre la<br />
tête d’un groupe de résistants.<br />
Il étudia la chimie et travailla<br />
comme journaliste avant de se<br />
lancer dans la réalisation.<br />
Son premier film, en 1957,<br />
«La Grande Strada Azzurra»,<br />
avec Yves Montand et Alida<br />
Valli, raconte l’histoire d’une<br />
communauté de pêcheurs. Son<br />
dernier, «Opération Ogre», sortit<br />
en 1980 et se déroulait dans<br />
l’Espagne franquiste. /ap<br />
Regard croisé sur les portraits de Grégoire Müller et les «Polisseuses et guillocheur», d’Edouard Kaiser. PHOTOS SP<br />
Les bêtes dans tous nos états<br />
LAUSANNE Le Mudac sonde les relations entre humains<br />
et animaux. Et pose des questions parfois troublantes<br />
Le Mudac de Lausanne<br />
propose depuis jeudi<br />
un panorama des travauxd’unecentainedecréateursdetouspayssurlesrelations<br />
entre humains et animaux.<br />
«Bêtes de style» illustre<br />
ce thème en sept actes, de la<br />
représentation animale à<br />
l’animal en représentation.<br />
L’exposition veut aussi poser<br />
desquestionsdérangeantessur<br />
la production effrénée d’objets<br />
créés pour les animaux, expliquent<br />
dans un communiqué<br />
Chantal Prod’Hom et Magali<br />
Moulinier, commissaires de<br />
l’exposition. Certaines œuvres<br />
peuvent être dérangeantes, à<br />
l’image d’un profond baiser<br />
homme - chien photographié<br />
par Robert Gligorov.<br />
Le parcours de «Bêtes de<br />
style» s’ouvre sur des œuvres<br />
mettant des animaux en scène.<br />
Le visiteur passe ensuite à un<br />
point de vue plus empathique,<br />
par des travaux d’artistes ou de<br />
designers tentant de s’approcher<br />
au mieux des spécificités<br />
ou des besoins supposés de<br />
l’animal. James Auger a ainsi<br />
fabriqué des lunettes à vision<br />
nocturne pour les mulots.<br />
L’animal est, à des degrés di-<br />
vers, au service de l’humain,<br />
comme l’exposition le montre<br />
dans un troisième temps. L’instrumentalisation<br />
est patente,<br />
dénoncée entre rire et indignation.<br />
La section suivante est<br />
consacrée à la référence animale,<br />
omniprésente dans le design<br />
de mobilier, récipients, luminaires.<br />
L’animalité n’est<br />
alors plus qu’un succédané.<br />
Le public entre ensuite dans<br />
une salle exposant divers trophées<br />
de chasse. Le traitement<br />
réservé à l’animal domestique<br />
est nettement distinct du sort<br />
des animaux sauvages ou d’élevage.<br />
Dans une dernière partie,<br />
l’abondante production humaine<br />
d’objets pour les animaux<br />
domestiques est mise en<br />
scène dans une «boutique». Vêtements,<br />
accessoires, jeux, habitacles<br />
sont créés pour eux<br />
afin qu’ils nous ressemblent.<br />
Après avoir tiré parti des enfants,<br />
le marketing se déplace<br />
vers les bêtes. /ats<br />
Lausanne, Mudac, jusqu’au<br />
11 février<br />
Oleg Kulik, «Family of the Future», 1997. PHOTO SP<br />
lit de nombreuses manières et,<br />
comme la question de l’identité,<br />
ne se laisse pas épuiser en<br />
quelques traits. C’est en tout<br />
cas l’occasion de redécouvrir<br />
plusieurs chefs-d’œuvre d’artistes<br />
d’ici, issus des trois musées<br />
du canton, dans le cadre<br />
d’une réflexion solide. /SAB<br />
Le Locle, Musée des beauxarts,<br />
jusqu’au 8 avril. Vernissage<br />
aujourd’hui à 17 heures<br />
LITTÉRATURE<br />
La France fête<br />
le livre<br />
Quatre mille manifestations<br />
proposées gratuitement<br />
en France et<br />
dans une centaine de<br />
pays: pour sa 18e édition, Lire<br />
en fête va célébrer tout le weekend<br />
le plaisir de la lecture et de<br />
la création littéraire, avec un<br />
coup de projecteur sur les œuvres<br />
étroitement liées à des villes.<br />
Auteurs, traducteurs, éditeurs,<br />
libraires, les acteurs de la<br />
«chaîne du livre» se mobilisent<br />
pour organiser des manifestations<br />
dans des milliers de lieux<br />
comme des cafés, des cinémas,<br />
des théâtres, des places et des<br />
villages, mais aussi des hôpitaux<br />
et des établissements pénitentiaires.<br />
Cette édition <strong>2006</strong> aura pour<br />
thématique nationale «Une<br />
ville, une œuvre», proposée en<br />
partenariat avec l’Association<br />
des maires de France. L’objectif<br />
est de mettre en valeur l’ancrage<br />
du patrimoine littéraire<br />
régional sur l’ensemble du pays.<br />
L’initiative vise à ce que les villes<br />
mettent à l’honneur une œuvre<br />
et son auteur avec laquelle elles<br />
ont un lien, quel qu’il soit. Sera<br />
ainsi salué à Bordeaux Bernard<br />
Delvaille, tandis que Nérac, en<br />
Aquitaine, rendra hommage à<br />
Armand Fallières, Orléans à Michèle<br />
Desbordes ou Grenoble à<br />
Stendhal. /ap