Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
ANNIK SCHNITZLER, CLAIRE ARNOLD<br />
18<br />
Discussion<br />
Spécificités taxonomiques des lianes<br />
forestières <strong>méditerranéenne</strong>s<br />
Les forêts <strong>méditerranéenne</strong>s sont plus riches<br />
en lianes que les forêts décidues d’Europe<br />
moyenne, dont la richesse globale moyenne<br />
est de 4,5 ± 1 (données non publiées). Les facteurs<br />
à considérer, en dehors des conditions<br />
climatiques plus favorables en zone <strong>méditerranéenne</strong>,<br />
sont l’histoire paléogéographique<br />
du bassin méditerranéen, en particulier l’héritage<br />
du Tertiaire, préservé dans de nombreuses<br />
zones refuges dans ce biome (Quézel<br />
& Médail 2003), l’hétérogénéité des habitats<br />
(grandes plaines, deltas et ripisylves, montagnes,<br />
îles) qui promeut la microspéciation,<br />
voire de spéciation pour certains genres, et<br />
une influence humaine sur les forêts très<br />
ancienne et très forte.<br />
Les genres lianescents rencontrés dans les<br />
forêts <strong>méditerranéenne</strong>s correspondent à ceux<br />
d’autres forêts du monde dans l’hémisphère<br />
Nord comme Vicia, Lathyrus, Aristolochia,<br />
Convolvulus, Smilax, Hedera (Gentry 1991),<br />
mais certains d’entre eux, comme Hedera,<br />
sont particulièrement aptes à la spéciation et<br />
la microspéciation. Ce genre a ainsi développé<br />
une série polyploïde complexe : Hedera<br />
helix ssp helix L. est diploïde, H. algeriensis<br />
Hibbend est tetraploïde, H. cypria G. Voron<br />
est hexaploïde et Hedera colchica K. Koch est<br />
octoploïde (Vargas et al. 1999 ; Grivet & Petit<br />
2002 ; Ackerfield & Wen 2002). Tous ces taxa<br />
ont des traits de vie similaires (liane ligneuse<br />
malacophylle atteignant la canopée, à feuilles<br />
hétéroblastes et aptitude à la scototropie).<br />
L’aire biogéographique de ce complexe polyploïde<br />
va d’ailleurs bien au-delà de la Méditerranée,<br />
grâce à une dispersion efficace par<br />
les oiseaux migrateurs (Grivet & Petit 2002)<br />
puisqu’il s’étend des Açores (avec Hedera<br />
azorica Carr, diploïde), aux Canaries (Hedera<br />
canariensis Willd, également diploïde), à<br />
Madère (Hedera maderensis Will, hexaploïde),<br />
à l’Asie (Hedera nepalensis K. Koch,<br />
Hedera rhombea Micq Bean). Les facultés<br />
d’adaptation du genre Hedera se révèlent également<br />
à son pouvoir de naturalisation après<br />
introduction volontaire par l’homme. Plusieurs<br />
espèces se sont ainsi répandues dans le<br />
monde, devenant parfois invasives – Amérique<br />
du Nord, Nouvelle-Zélande, Canada,<br />
Australie, Afrique du Sud (Metcalfe, 2005).<br />
Les espèces à gousses en revanche n’ont pu<br />
franchir les barrières naturelles, sauf si<br />
l’homme les a introduites. Comme toute autre<br />
forme de vie, les lianes dépendent dans la<br />
colonisation des îles des distances par rapport<br />
aux continents, des dimensions de l’île et des<br />
habitats qu’elle offre en termes d’hétérogénéité<br />
et de surface, et de variantes dans l’histoire<br />
humaine. Les différences en richesse<br />
végétale globale entre îles et continents s’expliquent<br />
sans doute par certains de ces facteurs.<br />
Spécificités fonctionnelles<br />
des lianes forestières<br />
Groupes fonctionnels de lianes<br />
à l’échelle du bassin méditerranéen :<br />
comparaison avec l’Europe tempérée<br />
Le nombre de lianes ligneuses atteignant la<br />
canopée est aussi significativement (p < 0,05)<br />
plus élevé en milieu méditerranéen qu’en<br />
milieu tempéré froid (2,3 ± 1,4 contre 1,7 ±<br />
1,4) (données non publiées) en raison du climat<br />
plus hospitalier, autorisant la construction<br />
et la survie de troncs ligneux de grande taille.<br />
Les forêts <strong>méditerranéenne</strong>s et tempérées présentent<br />
cependant quelques points communs<br />
concernant d’autres traits, comme la dominance<br />
des espèces décidues sur les sclérophylles,<br />
la rareté des malacophylles (réduites<br />
au lierre), des espèces de sous-bois et des<br />
types biologiques pérennes (hémicryptophytes<br />
pour l’essentiel). Aucune spécificité<br />
parmi les modes de grimpe n’a été trouvée,<br />
sauf éventuellement l’importance des crochets,<br />
liée à l’importance des genres lianescents<br />
Rosa et Rubus en Méditerranée. Ces<br />
points communs sont à lier aux climats tempérés<br />
comprenant une saison de repos hivernal<br />
voire estival pour les plantes, ce qui incite<br />
à l’économie morphologique, en contraste<br />
avec les conditions écologiques des forêts pluviales<br />
tempérées très riches en phanérophytes<br />
sempervirentes de type malacophylle (type<br />
rare en Europe).<br />
Relations entre types fonctionnels<br />
et types forestiers<br />
Sur la base des résultats de l’ACC et les résultats<br />
obtenus par l’analyse des indices de<br />
richesse spécifique et d’abondance, ont été<br />
différenciés deux grands groupes opposant les<br />
forêts alluviales, à dynamique des chablis<br />
accélérée par les inondations, et les forêts de<br />
terre ferme à plus grande stabilité sylvigénétique.<br />
Dans les forêts alluviales, les lianes<br />
contribuent significativement à la diversité<br />
ecologia mediterranea – Vol. 36 (1) – 2010