Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Introduction<br />
Les lianes font partie d’un type biologique<br />
particulier, capable de développer des axes<br />
démesurément longs afin d’accéder à la<br />
lumière sans autoportance. Cette particularité<br />
exige ainsi la présence permanente de supports.<br />
Les lianes sont donc particulièrement<br />
adaptées à l’environnement forestier. Grâce à<br />
de multiples modes de grimpe (vrilles, enroulement,<br />
racines adventices, crochets…), et<br />
une grande aptitude au clonage, les lianes<br />
s’installent dans toutes les strates de la forêt,<br />
jusqu’à la canopée, occupant préférentiellement<br />
les chablis, les écotones ou les ruptures<br />
de la canopée. La longueur de leurs axes les<br />
rend cependant vulnérables à l’embolisme<br />
(c’est-à-dire l’interruption des flux de sève)<br />
provoqué par des périodes de gel ou de sécheresse<br />
prolongées, et qui peut leur être fatal.<br />
Les lianes s’en protègent par divers processus<br />
physiologiques comme l’ajustement osmotique<br />
grâce aux réserves en carbohydrates<br />
accumulés dans les racines ou rhizomes (Rundel<br />
& Franklin 1991) ou morphologiques<br />
(racines à enracinement profond destinées à<br />
explorer les horizons) inférieurs du sol et les<br />
fissures, association de petits faisceaux vasculaires<br />
à des faisceaux plus gros afin de<br />
prendre le relais lorsque se produit l’embolisme,<br />
ou la formation de trachéides vasicentriques<br />
(Rundel & Franklin 1991 ; Ewers et<br />
al. 1991 ; Mooney & Gartner 1991 ; Castellanos<br />
1991 ; Cai et al. 2009). Les lianes possèdent<br />
également une formidable capacité à la<br />
réitération (au sens de Oldeman 1990) qui les<br />
rend, d’après cet auteur, presque indestructibles,<br />
et parfois réellement proliférantes.<br />
Les lianes, pour la plupart de tempérament<br />
héliophile, se reproduisent de préférence dans<br />
les chablis, au-dessus de la canopée des forêts<br />
matures. D’autres sont inféodées aux phases<br />
de succession forestières et aux écotones<br />
forêts/milieux plus ouverts. Leur établissement<br />
et leur survie dépendent donc, bien<br />
davantage que les autres types biologiques, de<br />
la dynamique forestière (soit de la fréquence<br />
et des dimensions des chablis), de l’hétérogénéité<br />
architecturale, et du niveau de fragmentation<br />
des écosystèmes forestiers (Caballé<br />
1986 ; Hegarty & Caballé 1991 ; Schnitzer et<br />
al. 2000 ; Schnitzer & Bonger 2002 ; Schnitzer<br />
2005 ; Macia et al. 2007 ; van der Heijden<br />
& Phillips 2008). Toutefois, certaines espèces<br />
se sont parfaitement adaptées aux environnements<br />
de lumière douce des sous-bois : elles<br />
ecologia mediterranea – Vol. 36 (1) – 2010<br />
Contribution des lianes à la biodiversité forestière <strong>méditerranéenne</strong><br />
y adoptent des morphologies d’économie (au<br />
sens de Blanc 2002), avec notamment un<br />
développement foliaire limité, et des morphologies<br />
rampantes ou faiblement ascendantes.<br />
Les forêts tropicales offrent aux lianes de<br />
nombreuses opportunités d’installation et de<br />
reproduction, et elles y sont riches en espèces<br />
et souvent abondantes (Gentry 1991). En forêt<br />
tempérée, les stress sont plus importants,<br />
notamment aux latitudes hautes et en altitude<br />
(périodes de gel ou de sécheresse, raccourcissement<br />
de la saison végétative), mais les<br />
lianes peuvent être localement abondantes et<br />
riches en espèces dans les conditions très particulières<br />
(forêts alluviales, Schnitzler 1995 ;<br />
Schnitzler & Heuzé 2006 ; Allen 2007 ; forêts<br />
pluviales tempérées, Balfour & Bond 1993 ;<br />
Baas et al. 1998 ; Wardle et al. 2001).<br />
À l’échelle du bassin méditerranéen, les lianes<br />
évoluent dans un contexte climatique différent<br />
de celui des zones tempérées d’Europe. Certains<br />
facteurs spécifiques de l’environnement<br />
méditerranéen leur sont favorables (une<br />
période végétative longue, des périodes de gel<br />
courtes ou absentes, des moyennes de température<br />
annuelle élevées), d’autres sont plus<br />
contraignants (longues périodes de sécheresse<br />
estivale, sols peu épais, voire absents, sousbois<br />
perpétuellement sombres si la canopée<br />
est de type sempervirent). Toutefois, les lianes<br />
sont bien présentes dans les forêts <strong>méditerranéenne</strong>s,<br />
suggérant des adaptations aux<br />
contextes écologiques locaux.<br />
La contribution des lianes à la biodiversité des<br />
forêts <strong>méditerranéenne</strong>s n’a guère été étudiée<br />
jusqu’à présent, à la différence d’autres types<br />
forestiers tempérés comme les forêts pluviales<br />
ou les forêts décidues alluviales. Sur la base<br />
d’une méta-analyse rassemblant les données<br />
de richesse spécifique, de fréquence et<br />
d’abondance des lianes forestières disponibles<br />
dans la littérature phytosociologique, l’objectif<br />
de la présente recherche est de combler<br />
cette lacune. Ce n’est en effet qu’à l’échelle<br />
de la méta-analyse qu’il est possible de définir<br />
objectivement les grandes tendances de<br />
dynamique de populations, lorsque les données<br />
choisies sont standardisées et traitées statistiquement<br />
(Arnquist & Wooster 1995). La<br />
recherche s’aidera de l’approche « Traits<br />
fonctionnels » (selon les concepts développés<br />
dans Diaz & Cabido 1997 ; Diaz et al. 2004)<br />
choisis par rapport au contexte forestier méditerranéen.<br />
Certaines convergences de traits<br />
(morphologiques ou physiologiques) reflètent<br />
7