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Mise en page 1 - Algérie news quotidien national d'information

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6 > A C T U<br />

Abdelmadjid Merdaci<br />

«L’<strong>Algérie</strong> a perdu un ami»<br />

Le célèbre avocat français, Jacques Vergès, est<br />

décédé jeudi dernier à l’âge de 88 ans à Paris.<br />

Cet homme qui a toujours sout<strong>en</strong>u la cause<br />

algéri<strong>en</strong>ne, <strong>en</strong> déf<strong>en</strong>dant les militants du Front de<br />

Libération <strong>national</strong>e (FLN) qui se prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t<br />

devant la justice française. l’histori<strong>en</strong> Abdelmadjid<br />

Merdaci a affirmé que Vergès est un avocat attitré<br />

du FLN durant la guerre de libération <strong>national</strong>e,<br />

notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre 1956 et 1975 où il a marqué un<br />

grand tournant pour déf<strong>en</strong>dre les militants algéri<strong>en</strong>s<br />

du FLN. Selon l’histori<strong>en</strong> Abdelmadjid<br />

Merdaci, l’<strong>Algérie</strong> vi<strong>en</strong>t de perdre un autre ami qui<br />

a oeuvré pour son indép<strong>en</strong>dance. Pour plus de<br />

précision sur l’avis de cet histori<strong>en</strong> sur la disparition<br />

de M e. Vergès. Entreti<strong>en</strong>.<br />

<strong>Algérie</strong> News : M e Jacques Vergès n’est plus. En<br />

tant qu’histori<strong>en</strong>, comm<strong>en</strong>t avez-vous ress<strong>en</strong>ti<br />

son décès ?<br />

A. Merdaci : Tout d’abord, je ti<strong>en</strong>s à dire : Que<br />

Dieu ait son âme. Ensuite, je dirais que l’<strong>Algérie</strong> a<br />

<strong>en</strong>core perdu un autre combattant qui a sout<strong>en</strong>u la<br />

guerre de Libération <strong>national</strong>e. Nous avons appris<br />

la mort de M e Vergès avec beaucoup de regret et de<br />

chagrin. Nous sommes très peinés par la disparition<br />

de ce grand maître qui a toujours milité pour<br />

que les peuples ai<strong>en</strong>t leur droit à l’indép<strong>en</strong>dance. Il<br />

faut savoir que cet hommeavait acquis une certaine<br />

notoriété durant la Révolution armée, après<br />

avoir déf<strong>en</strong>du les combattants du FLN. M e Vergès<br />

Jacques Vergès<br />

La noblesse <strong>en</strong><br />

résistance<br />

S’il fallait sculpter le physique de cet homme, la première image qui<br />

vi<strong>en</strong>t à l’esprit est celle du Sphinx.<br />

Par Djoghlal Djemaâ<br />

fallait rédiger sa biographie,<br />

il faudrait plusieurs<br />

mains et plusieurs<br />

mémoires pour S’il<br />

arriver à un texte qui demeurerait<br />

incomplet vu la complexité de sa<br />

vie et le nombre de ses <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts.<br />

Sa naissance dans une<br />

famille pluriculturelle et son <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t,<br />

à l’âge de 17 ans, dans la<br />

Résistance française à Londres<br />

seront les marqueurs indélébiles de<br />

sa vie jusqu’à son dernier souffle,<br />

jamais il ne r<strong>en</strong>iera son milieu ni ses<br />

convictions quelles que soi<strong>en</strong>t les<br />

époques et quel que soit le nombre<br />

des aboyeurs. En 1957, l’année qui<br />

comptabilisa le plus grand nombre<br />

de guillotinés algéri<strong>en</strong>s, les responsables<br />

du FLN proposèr<strong>en</strong>t à<br />

Jacques Vergès de déf<strong>en</strong>dre Djamila<br />

Bouhired qui <strong>en</strong>courait la peine de<br />

mort, suite aux att<strong>en</strong>tats du Milk<br />

Bar et du Coq Hardi. Présid<strong>en</strong>t des<br />

étudiants coloniaux, très tôt, il<br />

comprit qu’il fallait inv<strong>en</strong>ter une<br />

autre forme de déf<strong>en</strong>se face à la justice<br />

coloniale dont l’ess<strong>en</strong>ce même<br />

était le traitem<strong>en</strong>t de l’inégalité des<br />

populations, cette justice coloniale<br />

fut dictée et décidée par l’oppresseur<br />

pour empêcher le dominé de<br />

relever la tête. Maître Vergès inv<strong>en</strong>ta<br />

la rupture dans sa plaidoirie et il<br />

s’<strong>en</strong> servit pour se déf<strong>en</strong>dre face au<br />

lynchage physique qu’il évita plusieurs<br />

fois et au lynchage médiatique<br />

qui ne l’épargne même pas le<br />

jour de son décès.<br />

En 2007, il écrivait [1] : « En juillet<br />

1957, je décidais de faire cavalier<br />

a beaucoup sout<strong>en</strong>u la cause algéri<strong>en</strong>ne. La<br />

preuve: Il était un des avocats attrités du FLN. Je<br />

dirais aussi qu’il a pris un grand risque lorsqu’il a<br />

procédé à la création d’un collectif des avocats du<br />

FLN afin de sout<strong>en</strong>ir les militants de cette fédération.<br />

D’ailleurs, le mois d'avril 1957 était un tournant<br />

décisif dans son exist<strong>en</strong>ce. M e Vergès,n'a que<br />

dix-huit mois d'expéri<strong>en</strong>ce lorsqu'il est appelé <strong>en</strong><br />

<strong>Algérie</strong> pour déf<strong>en</strong>dre une jeune militante du<br />

FLN, Djamila Bouhired, qui a été condamnée à<br />

mort pour avoir déposé une bombe dans un restaurant<br />

de la communauté française, ce qui a causé<br />

la mort de plusieurs français. Mais son exécution<br />

est stoppée par une campagne médiatique m<strong>en</strong>ée<br />

par M e Vergès intitulée « déf<strong>en</strong>se de rupture ». Il<br />

faut savoir aussi qu’<strong>en</strong> 1957, cet avocat a écrit un<br />

ouvrage dans lequel il a r<strong>en</strong>du un vibrant hommage<br />

à Djamila Bouhired, publié aux Editions de<br />

Minuit. Et après l’indép<strong>en</strong>dance de l’<strong>Algérie</strong>,<br />

Vergès a épousé cette militante.<br />

Qu’<strong>en</strong> est-il des relations des autorités algéri<strong>en</strong>nes<br />

avec Me Vergès durant la période post-indép<strong>en</strong>dance<br />

?<br />

Pour l’<strong>Algérie</strong>, Vergès est un héros à tel point<br />

que le FLN l’avait baptisé El-Mansour (le victorieux).<br />

Vergès l’a toujours déclaré aux médias<br />

étrangers qu’<strong>en</strong>tre lui et les Algéri<strong>en</strong>s, ce fut le<br />

coup de foudre". Alors cela prouve l’attachem<strong>en</strong>t<br />

de cet intellectuel vis-à-vis de la cause algéri<strong>en</strong>ne.<br />

ALGERIE NEWS Samedi 17 août 2013<br />

seul, et publiais aux Editions de<br />

Minuit, avec l’écrivain Georges<br />

Arnaud, un texte [2] sur l’affaire,<br />

débarrassé des scories du procès. Il<br />

n’était plus question d’att<strong>en</strong>tat,<br />

mais de torture. L’effet combla mes<br />

vœux. Dans L’Aurore, le quotidi<strong>en</strong><br />

partisan de l’<strong>Algérie</strong> française,<br />

André Frossard exprime sa réprobation<br />

de la torture. Le général de<br />

Gaulle, à qui nous avions adressé le<br />

livre, nous remercie de n’avoir ri<strong>en</strong><br />

caché du drame humain et, <strong>en</strong><br />

m’assurant de son fidèle souv<strong>en</strong>ir,<br />

rappelait aux tortionnaires qui prét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />

me donner des leçons de<br />

patriotisme que j’avais combattu<br />

sous l’uniforme de la France Libre,<br />

ce qu’eux n’avai<strong>en</strong>t pas fait. » S’il<br />

fallait mesurer la stature intellectuelle<br />

de ses détracteurs, il n’y aurait<br />

pas besoin de plusieurs mètres<br />

puisque le m<strong>en</strong>songe, le corporatisme<br />

et le communautarisme sont<br />

les dim<strong>en</strong>sions qui les illustr<strong>en</strong>t<br />

parfaitem<strong>en</strong>t, ces détracteurs qui<br />

manipul<strong>en</strong>t les mots, les concepts et<br />

les peuples dans l’unique but de<br />

voir triompher le règne des bigots<br />

et des banquiers, les premiers étant<br />

les bachagha Boualem, l’intellig<strong>en</strong>ce<br />

vive de Maître Vergès et ses<br />

nombreuses résistances lui évitèr<strong>en</strong>t<br />

de tomber dans le bal des<br />

dupes, le cocu cons<strong>en</strong>tant ne pouvait<br />

être sa nature.<br />

Pour Maître Vergès, le massacré<br />

de Madagascar, de Pretoria, de<br />

Harlem, d’Alger, de Sabra et Chatila<br />

et d’Hanoï n’avait ni couleur ni<br />

classe, il était d’abord un être<br />

humain sans déf<strong>en</strong>se et n’ayant que<br />

le tort de vouloir vivre libre.<br />

Aux plumitifs des droits de<br />

l’homme sélectifs, il leur répondait<br />

soit par un sil<strong>en</strong>ce méprisant soit<br />

par un cinglant rappel des génocides<br />

dont leurs mémoires étai<strong>en</strong>t<br />

défaillantes [3] : « Dans cette<br />

affaire, vous pouvez sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

que je suis la 11 e plaie d’Egypte ou<br />

de Libye, je sais bi<strong>en</strong>, comparaison<br />

provocante pour comparaison provocante,<br />

que je suis plutôt Moïse,<br />

parce que je garde les Tables de la<br />

Loi et que vous ne me ferez pas desc<strong>en</strong>dre<br />

de mon Sinaï pour vous<br />

rejoindre dans la plaine avec vos<br />

publicitaires et vos juristes de<br />

peine.» Donner le nom de Maître<br />

Vergès à un tribunal de la capitale<br />

algéri<strong>en</strong>ne serait une once de<br />

reconnaissance de la part de ses<br />

« frères » algéri<strong>en</strong>s face aux tonnes<br />

d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts offerts par Maître<br />

Vergès à la Révolution algéri<strong>en</strong>ne.<br />

Mettre ses livres dans les bibliothèques<br />

universitaires des facultés de<br />

droit serait un apport vivant à l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />

des futurs juristes algéri<strong>en</strong>s<br />

qui pourrai<strong>en</strong>t ainsi comparer<br />

la déf<strong>en</strong>se des cli<strong>en</strong>ts par un avocat<br />

d’affaires et une déf<strong>en</strong>se de rupture<br />

par un anticolonialiste.<br />

D. D.<br />

Référ<strong>en</strong>ces<br />

[1] Jacques Vergès, Que mes guerres<br />

étai<strong>en</strong>t belles, essai,<br />

Editions du Rocher, 2007<br />

[2] Georges Arnaud Jacques Vergès, Pour<br />

Djamila Bouhired,<br />

Editions de Minuit, 19 octobre 1957<br />

[3] Jacques Vergès, Pour <strong>en</strong> finir avec<br />

Ponce Pilate,<br />

Editions Le Pré aux Clercs, 1983<br />

Ce qu’on peut ret<strong>en</strong>ir de Jacques Vergès, c’est à la<br />

fois le tal<strong>en</strong>t, le courage, l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et le respect<br />

de l’autre. Un avocat n’est pas un merc<strong>en</strong>aire, c’est<br />

un chevalier, et Jacques Vergès <strong>en</strong> était un. C’est un<br />

avocat des luttes anti-colonialistes. Entre 1956 et<br />

1957, la déf<strong>en</strong>se des militants du FLN était l’une de<br />

ses préoccupations. Pour répondre à votre question,<br />

oui, absolum<strong>en</strong>t, les autorités algéri<strong>en</strong>nes ont<br />

gardé un très bon contact avec cet avocat militant<br />

<strong>en</strong>gagé pour l’indép<strong>en</strong>dance de notre pays. La<br />

preuve : lors de son dernier déplacem<strong>en</strong>t de M e<br />

Vergès <strong>en</strong> <strong>Algérie</strong> <strong>en</strong> 2011, un vibrant hommage<br />

lui a été r<strong>en</strong>du au niveau du lycée Malika-Gaïd à<br />

Alger. Et comme il a déf<strong>en</strong>du aussi les militants<br />

algéri<strong>en</strong>s lors des massacres du 8 Mai 1945 prés<strong>en</strong>tés<br />

devant la justice française, alors un autre hommage<br />

lui a été r<strong>en</strong>du dans la wilaya de Sétif <strong>en</strong><br />

2011.<br />

Un dernier mot sur ce militant<br />

Il faut souligner que Maître Vergès a déf<strong>en</strong>du<br />

toutes les causes légales, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce la cause<br />

palestini<strong>en</strong>ne. Il était aux côtés de l'Organisation<br />

de libération de la Palestine (OLP). Ce que je peux<br />

dire, c’est qu’il est vraim<strong>en</strong>t nécessaire à ce que<br />

cette future génération pr<strong>en</strong>ne consci<strong>en</strong>ce du rôle<br />

exemplaire joué par ce grand avocat pour voir<br />

notre <strong>Algérie</strong> indép<strong>en</strong>dante. Que Dieu l’accueille<br />

dans son vaste paradis.<br />

Propos recueillis par Zohra Ch<strong>en</strong>der

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