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CATHOLIQUES ET PROTESTANTS SUR LA RIVE GAUCHE DU ...

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d’Empire : les protestants, s’ils n’obtiennent pas la reconnaissance de la paix de 1648 comme<br />

fondement immuable au traité, préfèrent poursuivre la guerre alors que les catholiques sont<br />

dorénavant favorables à la paix. Le fruit est bien mûr : dans la nuit du 20 au 21 septembre<br />

1697, les Provinces-Unies, l’Espagne, l’Angleterre ainsi que le Brandebourg (sur la base de la<br />

paix de Saint-Germain) signent le traité de paix.<br />

La situation de l’empereur et de l’Empire se dégrade alors un peu plus. Les voilà seuls face à<br />

la France, sans le soutien financier des Provinces-Unies. Le délai fixé par le roi de France<br />

prend fin le 30 octobre. Sans autre porte de sortie, Kaunitz, au nom de Leopold, signe la paix<br />

au terme du délai. La France est alors parvenue à imposer de nouveaux droits pour les<br />

catholiques.<br />

Le jugement de certains sujets éminents du Roi-Soleil à l’égard de la paix est pourtant sévère.<br />

Voltaire ne glisse-t-il pas dans son Siècle de Louis XIV que l’ « on fut surpris en Europe, et<br />

mécontent en France, que Louis XIV eût fait la paix comme s’il eût été vaincu » 1411 ?<br />

Madame de Maintenon fait également part de sa déception de voir le catholique Jacques II<br />

délaissé par Louis XIV au profit de Guillaume III d’Orange. Le marquis de Torcy évoque<br />

bien dans ses mémoires la raison de cette paix - « paix précipitée pour le seul motif de<br />

soulager le royaume » 1412 - cela n’empêche pas d’aucuns de juger assez durement la<br />

diplomatie du Bourbon alors qu’il est en position de force. Vauban, n’admet point la<br />

restitution de certaines places fortes – dont Luxembourg – et, dans une lettre à Racine, juge<br />

sévèrement les bruits issus des négociations de paix en cours : « je la tiens pour plus infâme<br />

que celle du Cateau-Cambrésis qui déshonora Henri second […]. Nous sommes en bien<br />

meilleur état qu’au commencement de la guerre et, au bout de cela, nous faisons une paix qui<br />

déshonore le roi et la nation » 1413 . Cependant, pour reprendre le mot de François Bluche, la<br />

paix de Ryswick, « c’est le triomphe du raisonnable » 1414 . En effet, la raison diplomatique<br />

ainsi que des vues à plus long terme l’emportent sur la gloire du moment. Louis XIV,<br />

conseillé par Pomponne et Torcy, cède nombre de ces acquis territoriaux mais il place des<br />

pions pour l’avenir car il reste le maître du jeu 1415 . Malgré ces critiques, le Roi Très-Chrétien<br />

sait l’importance de cet article. Peut-être le considère-t-il comme une réelle victoire. N’écrit-il<br />

pas à l’archevêque de Paris que parmi les avantages issus du traité : « ce qui me touche encore<br />

plus, le culte de la véritable religion autorisée par un traité solennel chez des souverains d’une<br />

religion différente » 1416 ? L’insertion de cette clause religieuse dans l’article IV du traité de<br />

paix avec l’Empire s’est effectuée après bien des détours et montre une fois de plus la finesse<br />

du jeu de la diplomatie française.<br />

Les négociations ont en effet débuté après un accord de principe sur le fait que la future paix<br />

doit reposer sur l’entier rétablissement des précédents traités « sans exception ni réserve » 1417 .<br />

1411 VOLTAIRE, op. cit., p. 790. Voltaire précise que « Harlain Créci et Callières, qui avaient signé cette paix,<br />

n’osaient se montrer ni à la cour, ni à la ville ; on les accablait de reproches et de ridicules, comme s’ils avaient<br />

fait un seul pas qui n’eût été ordonné par le ministère ».<br />

1412 Mémoires de Torcy, La Haye, tome 1, 1756, p. 50.<br />

1413 B<strong>LA</strong>NCHARD, Vauban, op. cit., p. 354. Dans une lettre autographe, le roi lui « répond » le 22 août 1697<br />

que « si la paix se fait, elle sera honorable pour la nation » (p. 355).<br />

1414 BLUCHE, Louis XIV, op. cit., p. 651. L’auteur ajoute avec pertinence qu’il « est plus difficile à un monarque<br />

de satisfaire les auteurs futurs que de gouverner, lutter et vaincre » (p. 651-652).<br />

1415 « Le Roi donne la paix à l’Europe aux conditions qu’il a voulu leur imposer ; il était le maître […] »<br />

(marquis de Dangeau cité d’après BLUCHE, Ibid, p. 656).<br />

1416 BLUCHE, Ibid. p. 653.<br />

1417 Mémoire présenté au roi de Suède par Messieurs les Envoyez de l’Empereur & des Etats Généraux, qui<br />

demandoient à la France une déclaration plus précise sur le rétablissement des Traitez de Westphalie et de<br />

Nimègue, 1696, dans Actes et Mémoires des négociations de la paix de Ryswick, 4 volumes, 1699, La Haye,<br />

Adrian Moejtens, ici vol. 1 p. 89-91. L’empereur accepte ces traités comme fondement à condition qu’ils soient<br />

compris « dans le sens naturel et véritable » (cité d’après <strong>LA</strong>VISSE, Louis XIV, op. cit., p. 773).<br />

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