CATHOLIQUES ET PROTESTANTS SUR LA RIVE GAUCHE DU ...

Après les acteurs, les méthodes. Le premier moyen d’empêcher le culte catholique est tout
simplement de lui clore les portes de l’église, même de manière non définitive 1564 . Les
officiers seigneuriaux – parfois en présence même du seigneur - remplissent cette tâche, sur
ordre de leur maître, comme cela est stipulé plus d’une fois pour le duché de Deux-Ponts ou
dans le comté de Sarrewerden. L’intervention de ces représentants seigneuriaux est
importante afin de donner un caractère officiel à l’action, d’asseoir le droit du seigneur et de
la communauté protestante par une juste restauration. L’utilisation de la violence n’est pas
absente, même s’il ne semble pas être la règle. A Waldalgesheim, le rhingrave de Schomberg
« s’est transporté sur les lieux avec plusieurs hommes armez, par lesquels il a fait chasser le
Curé, & mis quelques catholiques en prison ». Par l’intermédiaire de son prévôt, le comte de
Linange-Heidesheim n’hésite pas à menacer de 50 florins d’amende les catholiques qui
pénétreront à l’avenir dans l’église de Gundersblum. D’autres peuvent s’arroger le
droit d’interdire l’accès de l’église aux catholiques : le pasteur de Pirmasens « a pris
possession entière de ladite Eglise », sûr de l’appui du comte de Hanau ; la population
protestante elle-même s’autorise parfois de reprendre seule l’église. A Kingernheim, « les
luthériens qui sont en plus grand nombre dans ledit lieu, empêchent les Catholiques d’entrer
dans cette Eglise », de même qu’à Eisenberg (seigneurie de Kirchheim). A Wattenheim et à
Quiersheim (comté de Linange-Westerbourg), « ces Eglises ont été fermées aux Catholiques
par les Lutheriens contre les ordres mêmes de leur Seigneur » 1565 . Une population excédée,
menée indirectement par une personnalité locale influente, la quatarcisse du départ des soldats
français, la haine envers un prêtre, peuvent expliquer ces « humeurs populaires ».
Les curés et maîtres d’école peuvent se voir chasser de leurs maisons et même du village 1566 .
Dans le duché bipontin, « à Bergzabern, Roth, Albersweiler et Annsweiler […] la religion
catholique y est exercée mais les Ministres lutheriens se sont mis par force en possession des
maisons curiales ce qui oste aux Curés le moyen de pouvoir résider sur les lieux » 1567 .
Ministres et maîtres d’école protestants les remplacent. En même temps que la population
catholique, le curé se voit interdire l’accès à l’église dont souvent il perd les revenus 1568 .
D’ailleurs, la jouissance – partielle ou exclusive - du lieu de culte n’assure en rien le maintien
des revenus au prêtre : dans le comté de Sarrewerden, malgré le simultaneum, tous les revenus
reviennent aux pasteurs ; dans le comté de Sarrebrück, les catholiques possèdent seuls l’église
de Schwalbach mais la moitié des dîmes jusque là attribuée au curé est saisie par le comte,
ainsi qu’à Entzheim ou à Herbitzheim. A Worms, où les églises sont possédées
séparativement par les catholiques et les protestants, le conseil luthérien de la ville a fait saisir
les revenus des cinq cures catholiques 1569 . La restitution des revenus aux protestants ne se fait
pas sans mal : dans le duché de Deux-Ponts, au cours de l’été 1698, « les curez pour eluder
1564 A Kleeburg, les catholiques ne se voient pas toujours fermer l’accès à l’église ; l’irrégularité crée d’ailleurs
des tensions, comme à Kusel, où les portes de la ville sont closes au cours du service protestant.
1565 MAE C.P. Allemagne 336, p. 42.
1566 Dans le comté de Sarrewerden, les habitants de Kirberg et du voisinage menacent « de chasser leur curé et de
placer un ministre au premier jour en sa place dans la maison curiale » (ADM 29 J 102).
1567 LASp B2 Nr. 166/1 fol. 144.
1568 Dans le comté de Sarrewerden, les curés perdent toutes leurs dîmes, « tant grosses que menues et de leurs
Beuverots [...] Ils [les officiers du comte] ôtèrent en même temps à toutes les églises les biens de leurs fabriques
pour la perception desquels ils établirent un séquestre entre les mains des receveurs préposés à cet effet, et
donnèrent pour tout entretien du service divin, du luminaire, du pain et du vin nécessaire au sacrifice, et
fournitures d’ornements, aux unes 9 livres, aux autres 15, et aux autres 18, se chargeant de la réparation des
églises et des maisons de cure et donnèrent le bois de chauffage aux curés, à qui on ne veut plus l’accorder
aujourd’hui que par grâce, et sur lequel on en a distrait 18 cordes pour les ministres, n’en restant plus que 12 aux
curés », ADMM Ms 149 fol. 65.
1569 Wahrhaffte Vorstellung des Status Religionis im Bisthum Worms … oder Gravamina der Römischen
Catholischen in dioecesi Wormatiensi contra Protestantes, Francfort/Main, 1720, p. 5.
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