Denis, Remacle et Lambil à Marcinelle, vers 1956. Marcel Denis en 1992 - Photo : Alain Baurin. 18
œuvre, il a dû le faire avec précision. Je me souviens avec nostalgie des longues heures passées côte à côte penchés sur nos planches, unis dans l’effort. Tantôt à son domicile, auprès de sa chère maman, tantôt chez moi, à Haltinne. Et que dire des belles soirées passées au bistrot du village, agrémentées de quelques bonnes chopes de bière. Une exposition d’hommage à ce grand ami est une très heureuse initiative et je voudrais ici féliciter ses promoteurs. Pour conclure, je n’hésiterai pas à dire mon intime conviction que Marcel Denis doit figurer dans le premier chapitre de l’histoire de la bande dessinée belge. » Un dithyrambe très appuyé, exagérément amical, dirait-on presque, mais psychologiquement compréhensible quand on sait que les deux amis venaient de se réconcilier après une interminable bouderie de plus de dix ans. Lors d’une interview réalisée quelques mois avant sa mort, Marcel Denis s’est exprimé sur cette triste mésaventure : « - Après avoir créé votre propre série Les frères Clips, vous travaillez avec Marcel Remacle sur la série « Hultrasson le Viking ». Après trois albums, c’est Vittorio qui reprend le dessin avec Tillieux au scénario. Pourquoi avoir abandonné la série ? « - C’est une longue histoire mais, pour résumer, Remacle avait un caractère épouvantable et nous nous sommes disputés quelques planches avant la fin de l’encrage du troisième album, « Hultrasson perd le nord ». Il a fini l’encrage seul et nous avons arrêté de collaborer. La série a été reprise par Vittorio et Tillieux, puis nous nous sommes réconciliés et j’ai encore réalisé une histoire courte de « Sépadefasson », un personnage de la série « Hultrasson ». Puis, nous avons travaillé ensemble sur deux épisodes de « Le Vieux Nick et Barbe-Noire ». Puis, nous nous sommes définitivement brouillés et perdus de vue. « - Vous ne vous êtes jamais revus ? « - Si, il y a une dizaine d’années, nous nous sommes rencontrés à la messe et il est venu me parler. Nous sommes allés boire un verre et nous nous sommes remémorés le bon vieux temps. S’il n’avait pas fait le premier pas, je ne lui aurais jamais adressé la parole. Il avait du bon quand même, Marcel. Et puis je suis le parrain de sa fille… » (8) Remacle nous a quittés en décembre 1999, neuf ans après avoir publié dans Spirou l’ultime grand épisode du Vieux Nick, toujours inédit en album : « La baleine jaune ». À l’heure où la production de bandes dessinées a quintuplé par rapport aux chiffres de l’année 2000, plus personne – ou presque – ne parle encore de lui. Du reste, en a-t-on jamais réellement parlé ? « Il n’a jamais connu un succès commercial équivalent à celui de ses confrères de la belle époque, nous dit Leonardo. Ça marchait bien pour lui au début, mais assez modestement tout de même. Puis ça a décliné lentement, les ventes et les tirages n’ont fait que décroître, le succès n’était pas au rendez-vous. » (14) 19