Du dessin animé en images fixes : " La prise de Canapêche " (1971) - © Remacle 46
« Il n’y avait pas de prouesses dans son travail, nous dit Leonardo, son dessin était mécanique, un peu répétitif, sans véritable évolution entre son premier et son dernier album. Remacle était un « ouvrier » au sens le plus positif du terme, c’est-à-dire un gars qui travaillait sans vouloir faire de cinéma ni s’encombrer d’idées fumeuses. Il était simple, sincère et direct, capable de dessiner une image en l’entamant par le coin inférieur gauche, sans aucune construction ni le moindre crayonné, puis d’élaborer progressivement son dessin de manière à remplir le reste de la feuille. Et quand l’image était terminée, tout était parfaitement en place ! Je ne dis pas qu’il a réalisé toutes ses planches comme ça, mais il était capable de le faire. Remacle faisait toujours un peu de cirque quand il voulait montrer son habileté autour de lui. D’après tous les commentaires que j’ai eu l’occasion d’entendre, son dessin suscitait un réel enthousiasme ou un rejet catégorique. Il y a toujours eu des « fous » de Remacle et des gens qui le dénigraient totalement. Mais c’était un gaillard qui dessinait juste et qui maîtrisait parfaitement son trait. » (14) En revanche, lorsqu’il s’agit d’écrire un scénario, Remacle éprouve du mal à le construire dans sa globalité, préférant procéder par de multiples croquis disparates en apparence mais qui, une fois agencés de manière séquentielle, finissent par aboutir à un ensemble cohérent. « Maurice Tillieux faisait la même chose, dira-t-il. Je faisais une esquisse de la planche au point que, parfois, je n’arrivais pas à reproduire une expression que j’avais spontanément jetée sur la feuille. Quelqu’un comme Goscinny, en revanche, vous livrait un véritable roman à mettre en images. » (4) Ce manque de structure dans l’élaboration de ses récits aura une conséquence inattendue au niveau du coloriage, comme nous l’explique Vittorio Leonardo : « Quand je recevais ses planches, je les lisais très attentivement pour faire mes choix de couleurs: il changeait constamment d’atmosphère, de lieu ou de temps. Je devais me concentrer sur le scénario. » (14) Routine et renommée Peut-être faut-il voir, dans cette absence de rigueur narrative, la raison pour laquelle Remacle ne parvient pas à connaître un succès commercial comparable à celui de Franquin, Peyo ou Roba. « Je n’ai jamais cartonné comme Morris ou Astérix, dira-t-il, mais j’avais un bon tirage, 50.000 exemplaires, et j’étais toujours bien placé au referendum de Spirou. Mais Dupuis aurait pu mieux promotionner la série. » (4) De fait, malgré l’avalanche de situations cocasses qui parsèment ses albums, les ventes ne décollent pas, au contraire. Mais nous sommes au début des années 70, soit une période au cours de laquelle la bande dessinée connaît un engouement peu banal et une profonde mutation. Chez Spirou, la concurrence se révèle plus rude encore que quinze ans auparavant : non seulement les grands anciens sont toujours là, mais les « seconds couteaux » relèvent la tête après de longues années de léthargie. Raoul Cauvin d’abord, dont les séries humoristiques commencent à cartonner et qui entraîne dans son sillage des gens comme Berck, Mazel, Salvérius et Lambil. Deliège et Degotte ensuite, deux auteurs 47