Rouquinet, premier héros de Marcel Remacle (Risque-Tout n o 14, 1956) - © Remacle Remacle, Denis et Jamic au studio Dupuis, vers 1956. 24
À 25 ans, Marcel Remacle est toujours coiffeur lorsqu’il rencontre la femme de sa vie. Ça se passe à Namur le 20 janvier 1951, lors d’un bal où il s’est rendu pour fêter son anniversaire. « Elle portait un chignon, dit-il. Et ça, fallait savoir le porter ! » (4) Elle s’appelle Raymonde Vanemberck, elle est jolie, c’est le coup de foudre et la demande en mariage ne tarde pas. Problème : Marcel est toujours installé chez ses parents, et il n’est plus question qu’il continue à y vivre. Au bout d’un an, il trouve une maison à Saint-Servais où il peut inaugurer son nouveau salon de coiffure. Rien ne l’empêche plus alors d’épouser Raymonde, qui lui donnera trois enfants : Francis (1953), Jeannine (1955) et Evelyne (1960). Employé chez Dupuis Pendant trois ans, il exercera son métier sans aucun enthousiasme, préférant de loin se consacrer au dessin humoristique, qui lui confère peu à peu une certaine notoriété. Comme il livre ses dessins au Moustique, Charles Dupuis le remarque et l’encourage : « Quand on dessine comme ça, lui dit-il, on doit pouvoir vivre de sa plume. » Son graphisme est encore hésitant, mais assez prometteur pour lui ouvrir les portes de la Maison marcinelloise. « Si bien qu ‘en 1955, dit-il, Charles Dupuis m’a proposé de venir travailler comme lettreur dans son entreprise. J’avais 29 ans. Et pendant un an, j’ai fait des lettres en flamand… Passionnant ! » (4) Une sorte de stage, de mise à l’épreuve en quelque sorte, qui lui permet de côtoyer plusieurs jeunes auteurs qui, comme lui, attendent patiemment l’opportunité de créer leurs propres bandes dessinées : Marcel Denis, bien sûr, avec qui il se lie d’amitié, Arthur Piroton, Louis Salvérius, Jacques Michel (Jamic), Willy Lambil, Philippe Liégeois (Turk) et Eddy Ryssack, sans oublier Maurice Rosy, qui dirige le studio de dessin et qui lui sera d’une aide considérable par la suite. Adieu la coiffure, adieu le cartoon : Remacle devient un employé qui, comme tant d’autres, fait quotidiennement la navette entre son domicile et son lieu de travail, mais avec la perspective de réaliser à court terme un rêve auquel il s’accroche de toutes ses forces. Les circonstances lui sont favorables : soucieux d’élargir son lectorat, Dupuis décide de lancer un nouvel hebdomadaire appelé Risque-Tout, sorte de « petit frère » du journal Spirou. Marcel Remacle va y publier sa toute première bande dessinée, un récit complet en quatre planches ayant pour titre « Le Mousquetaire » et pour héros Rouquinet, « un jeune garçon qui offrait malheureusement une grande ressemblance avec Dennis la Menace, héros d’une célèbre BD américaine. » (3) Malgré l’accueil mitigé réservé à cette histoire, on imagine très bien la joie qu’il éprouve alors de se voir publié aux côtés de Peyo, Tillieux, Franquin, Hubinon, Will et en particulier Morris qui, pour reprendre ses propres termes, fut pour lui « un très aimable conseiller » (3) Il débarque en plein âge d’or du journal Spirou et la concurrence est plus que rude : pour s’y faire une place, il doit obéir aux consignes paternalistes de la Maison en développant un style graphique tout en rondeur et dynamisme. Comme il aime faire du « gros nez », ça ne lui pose aucun problème, mais il comprend que sa tâche sera ardue s’il veut atteindre le niveau de qualité que l’on attend de lui. 25