" Rapt au Far West ". D’après les personnages de Morris - © Remacle / Morris Première apparition de bon-papa, et première baffe d’une longue série : " Les mutinés de la Sémillante " - © Remacle 34
mimétisme est bluffant et le lecteur moyen n’y voit que du feu : on jurerait du Lucky Luke ! Entretemps, les fameux « mini-récits » ont fait leur apparition au sein du journal, permettant surtout aux jeunes auteurs de se faire la main avant de s’atteler à des projets plus ambitieux, mais restant toutefois ouverts aux plus chevronnés. Comme Peyo, Franquin, Paape, MiTacq, Jidéhem, Tillieux et Roba l’ont fait avant lui, Remacle se laisse tenter par l’aventure et nous offre sa première mini-histoire maritime en 32 planches : « L’îlot mouvant ». De 1960 à 1965, il réalisera au total neuf mini-récits, dont quatre seront repris dans le huitième volume de la collection Gag de Poche : « L’humour prend la mer ». Le 5 mai 1960, Marcel Remacle aura même l’honneur de figurer en personne dans un mini-récit faussement didactique dû à la plume facétieuse d’Yvan Delporte : « L’encyclopédie Spirou ». Une année riche en événements, donc, mais ce n’est pas tout : pour clore l’année en beauté, le vieux Nick nous revient à la mi-décembre dans sa cinquième grande aventure, « Les mutinés de la Sémillante ». Tout aussi essentielle que la précédente, cette histoire voit apparaître un personnage appelé à jouer un rôle de tout premier plan dans les épisodes à venir. Il s’agit d’Eustache Tromblon, vieillard irascible, autoritaire et brutal, qui n’est autre que le grand-père de Barbe-Noire : un vieux s’efface, l’autre arrive. Capturé par Nick et enfermé à perpétuité au bagne de New Oldchester, Barbe-Noire, comme Joe Dalton, ne songe qu’à s’évader. Parvenu par ruse jusqu’à sa cellule, son grand-père vient lui ouvrir les portes de la liberté. Heureux comme un gamin qui voit arriver le Père Noël, Barbe-Noire l’accueille à bras ouverts et, pour toute réponse à son affectueuse gratitude, ne reçoit qu’une formidable claque qui l’envoie au tapis pour le punir de s’être laissé emprisonner comme un gamin débutant. Cette gifle est la première d’une longue série, véritable leitmotiv qui ponctuera chaque histoire jusqu’à l’ultime épisode : l’aïeul a la main leste, et le pirate a trouvé son maître. Profondément attaché à son grand-père, Barbe-Noire va désormais le suivre sans jamais remettre en cause son autorité, mais oubliant parfois qu’une baffe monumentale lui remettra illico les idées en place chaque fois qu’il osera lui manquer de respect. Marcel Remacle tient ses personnages : un nouveau duo comique vient de naître, source intarissable de gags procédant de leurs natures antagonistes. Pour l’ancêtre, le pirate redoutable sera toujours le « gamin », et le « gamin » filera doux devant son « bon-papa ». Signalons, pour l’anecdote, qu’en Wallonie « bon-papa » est un vocable affectueux très fréquent, dont sera gratifié Remacle lui-même quand il deviendra grand-père. « Au départ, dira Remacle, je dessinais Barbe-Noire aussi petit que le vieux Nick. Au fil des albums, il est devenu deux têtes plus grand. Mais il y a encore des gens pour me dire qu’ils le préféraient tout petit. » (4) En fait, l’apparition de « bon-papa » va modifier en profondeur le personnage de Barbe-Noire : le terrible écumeur des mers se couvrira désormais de ridicule au point de devenir l’incarnation parfaite du nigaud le plus incurable. Considérant sans doute qu’un dadais ne peut être que grand, Remacle va lui faire subir une métamorphose progressive et spectaculaire dans le sens de la hauteur. Et c’est ainsi que Joe devint Averell. 35