Premier album du Vieux Nick (1960) - © Dupuis / Remacle 28
Mais n’anticipons pas : avec Bobosse, c’est l’échec. Maurice Rosy se souvient : « Charles Dupuis était dubitatif quant à l’avenir de Bobosse. Il était déçu à un point tel qu’il envisageait carrément de se séparer de Remacle. Marcel, qui était un homme ambitieux, l’a très mal vécu, bien sûr. L’affront cinglant qu’on lui infligeait lui a fait l’effet d’un cataclysme, et j’ai alors décidé de m’occuper de lui. Je suis allé trouver Dupuis en lui demandant d’accorder à Remacle une seconde chance et, après quelques hésitations, il a fini par accepter. Au studio, tout le monde était témoin du travail de chacun, et j’avais remarqué que Marcel s’amusait à griffonner un peu partout des personnages de pirates. Je l’ai alors encouragé à en faire une bande dessinée, et hop, c’était reparti ! La suite, on la connaît… » (13) À l’abordage ! Le Vieux Nick fait son entrée dans Spirou au printemps 1958 avec une grande histoire qui comptera 44 planches, soit le format standard exigé pour une éventuelle parution en album. Son titre est éloquent et plonge d’emblée le lecteur dans l’atmosphère du récit : « Pavillons noirs ». L’âge d’or de la marine à voiles est un thème jusque là peu exploité par la bande dessinée franco-belge : Paul Cuvelier, Bob De Moor et Willy Vandersteen envoient leurs héros affronter les dangers de la haute mer, le premier avec Corentin, le deuxième avec Cori le moussaillon et le troisième avec Thyl Ulenspiegel ; Hubinon et Charlier bouclent la biographie de Surcouf en trois grands épisodes et, côté humour, le tandem Uderzo-Goscinny s’efforce en vain d’imposer Jehan Pistolet. Le terrain n’est donc pas vraiment vierge, mais presque, et Le Vieux Nick peut prendre la mer sans trop se soucier de la concurrence. « En fait, dit Remacle, le vieux Nick était au départ un cow-boy. Erreur de ma part car le Lucky Luke de Morris était publié dans Spirou. Naïveté de débutant ! » (4) « Donner le rôle principal à un vieux bonhomme n’avait rien de surprenant à l’époque, précise Henri Filippini, puisqu’une année plus tôt, le concurrent Tintin avait donné l’exemple avec le début de la publication des enquêtes de Prudence Petitpas (…). Coiffé d’un éternel foulard noir, une imposante barbe blanche lui mangeant le visage tout rond, une chemise verte et un short noir, Nick ne changera pas de look tout au long de ses nombreuses aventures maritimes. C’est à l’époque où les mers étaient infestées d’individus sans foi ni loi que se déroulent les aventures du vieux Nick. En ces temps incertains, les habitants des îles Aladouzes, victimes d’attaques répétées des pirates, ont pris la décision de s’unir afin de les combattre. Nick, dont nous ne connaîtrons jamais le patronyme complet, ne supporte pas d’être relégué dans le rôle de vigie alors que les plus jeunes se préparent à de rudes combats. Quelques grosses colères plus tard, mais aussi après avoir démontré sa force, le noble vieillard va pouvoir enfin prendre la mer à bord du « Pacifique » et partir combattre les pirates. Devenu le patron de l’équipage et s’étant choisi le brave Thomas pour premier compagnon, le vieux Nick va pouvoir envisager avec sérénité son avenir de héros de papier. » (11) 29