Article paru dans Robbedoes (équivalent néerlandais de Spirou) en décembre 1960. - © Dupuis 8
Mais c’est deux ans plus tard qu’il trouvera la consécration avec une série maritime truffée de gags qu’il animera jusqu’à la fin de sa carrière : Les aventures du Vieux Nick, rejoint au bout de trois épisodes par le pirate Barbe-Noire, monument de bêtise, de hargne, de bouffonnerie et d’incompétence, qui deviendra le personnage central de tous les épisodes qui suivront. Malgré l’ampleur de sa production et sa reconnaissance par de nombreux bédéphiles nostalgiques d’une tradition graphique typiquement franco-belge, Remacle restera toujours un marginal, un franc-tireur beaucoup moins inoffensif qu’on ne pourrait le croire. Timide selon les uns, sarcastique et amer selon les autres, il était généralement perçu comme un homme « pas commode au premier abord, parfois bougon, volontiers caustique » (4). Partir à la rencontre de cet homme s’annonce donc difficile a priori, mais les quelques témoignages et articles que nous avons pu glaner çà et là vont nous aider à cerner au plus près sa personnalité, ainsi que la manière dont il était perçu par son entourage professionnel. La première tentative de dresser de lui un portrait fidèle à la réalité date, semble-t-il, de 1960, avec ce texte anonyme publié dans Robbedoes, l’équivalent néerlandais du journal Spirou : « Il sourit parfois, mais pas souvent. Est-il pour autant grincheux ? Ceux qui aiment ses histoires affirmeront le contraire. Marcel Remacle est un homme doté d’un grand sens de l’humour, un humour inoffensif qui se manifeste dans ses dessins et ses scénarios, mais aussi dans son mode de vie. Les gens qui rient beaucoup n’ont pas nécessairement le sens de l’humour, car le rire est une forme de détente, alors que l’humour ne peut se rencontrer que chez les personnes intelligentes. Nous savons que beaucoup de gens souriants n’ont pas le moindre sens de l’humour et que bon nombre de personnes spirituelles ne rient pratiquement jamais. Remacle appartient à cette seconde catégorie, c’est la raison pour laquelle tant de ses collègues le connaissent mal et déclarent : « Remacle, c’est un râleur, un misanthrope souvent de mauvaise humeur et qui a l’air d’avoir avalé son parapluie ! » Mais ils ont tort, car notre ami Remacle est un garçon capable de sourire et qui possède suffisamment d’esprit pour fournir chaque semaine deux pages au journal Robbedoes, preuve d’un sens de l’humour solidement développé. Bien sûr, il lui arrive de se lever du pied gauche, mais à qui cela n’arrive-t-il jamais ? » (1) Un texte résolument optimiste, bien sûr, comme le voulait la ligne éditoriale d’un magazine soucieux de l’image de ses auteurs, mais un texte lucide, dépourvu d’angélisme béat. Un texte qui trahit l’embarras de son auteur, contraint de jouer les avocats de la défense, et qui laisse sous-entendre bien davantage qu’il ne dit. Peu souriant, grincheux, râleur, misanthrope, de mauvais poil : hâtons-nous de réfuter ces accusations injustes, semble nous dire l’auteur de l’article, mais n’oublions surtout pas de les formuler au préalable : la qualité d’une bonne épreuve photo dépend toujours de celle de son négatif ! Quelques années plus tard, lorsque les éditions Dupuis lanceront la fameuse collection Gag de poche, c’est Yvan Delporte qui se chargera de rédiger la notice relative à Remacle. D’emblée, la première phrase le décrit en quelques mots : « Mince et nerveux, l’œil noir et même légèrement satanique… » (2). 9