L'Agence Européenne pour la Sécurité Maritime - EM Normandie

Comme l’explique Müller, élaborer une politique publique revient d’abord à construire une
représentation, une image de la réalité sur laquelle on souhaite intervenir ; car c’est en
référence à celle-ci que les acteurs construisent leur stratégie, de la définition des problèmes
au plan d’actions (2009 : 60).
Ainsi, l’élaboration d’une politique publique traitant de la sécurité maritime à échelle de
l’Union européenne dépend de la perception du risque et de l’intérêt accordé à
l’environnement et à la sécurité au sein des États membres. L’agence créée se nomme agence
européenne pour la sécurité maritime, la notion de sécurité est transverse à la question des
transports et de l’environnement. Par ailleurs, elle nécessite que les États membres concèdent
une partie de leur suprématie. Parallèlement, les années 2000 sont marquées par une « prise de
conscience environnementale » à échelle globale : l’image du transport maritime souffre des
catastrophes de marée noire successives, il en résulte une pression de l’opinion publique,
perceptible dans le corpus analysé.
De surcroît, le secteur maritime est un secteur industriel en perte de vitesse. L’enjeu de
compétitivité est une des raisons qui fonde l’idée d’une politique maritime commune pour
l’Europe (Aufray, 2004 : 36).
Dans le cas de l’AESM, les 4 niveaux de perceptions du référentiel de cette politique ont été
identifiés :
‐ Les valeurs fondamentales sont la protection de l’environnement et l’amélioration de
la sécurité maritime.
‐ Les normes constituent l’amélioration de la compétitivité de l’industrie maritime (le
réel perçu est la perte de compétitivité, le réel souhaité la reprise de celle-ci).
‐ Les algorithmes renvoient aux échelles d’action : le premier élément est de vouloir
agir à échelle supra nationale, « si les États membres concèdent une partie de leur
compétences en matière de politique maritime à l’UE alors la politique maritime
européenne sera plus intégrée » (Aufray, 2004). Les autres éléments sont à
déterminer : savoir si telle ou telle thématique en matière de sécurité maritime doit être
exécutée à échelle de l’UE ou si les États et la Commission européenne (CE) décident
de s’en remettre à l’OMI. Dans les discussions à la base de la création de l’agence et
depuis sa création, une des représentations majeures est cette détermination de
l’échelle d’action : UE vs OMI.
‐ Les images : les marées noires de l’Erika et du Prestige constituent des raccourcis
cognitifs dont le sens est perçu immédiatement.
Le référentiel de la politique publique que constitue l’AESM est plus complexe à saisir dans
un cadre supranational en raison de la multiplication des acteurs, des enjeux et, de fait, des
représentations. L’adaptation de l’approche cognitive des politiques publiques à l’échelle
d’une politique publique de l’Union européenne souffre de ce point. Il s’agit d’un élément
important à considérer, surtout dans la définition des référentiels global et sectoriel.
2.2.2. Le référentiel global du transport maritime
Le référentiel global est souvent défini dans un cadre d’étude national. Là encore, le
changement d’échelle d’analyse induit un besoin d’adaptation. Dans cette perspective, Müller
explique que le changement d’échelle du cadre strictement national à l’échelle globale
entraîne un découplage entre les formes d’interprétation du monde et les fonctions de
construction du compromis social sur lequel reposent les systèmes politiques modernes
(2009 : 65).
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