L'Agence Européenne pour la Sécurité Maritime - EM Normandie

1. Trois paradigmes pour analyser les politiques publiques du
transport maritime
La question de l’approche pertinente pour analyser l’élaboration des politiques publiques du
transport maritime peut sembler évidente, toutefois elle trouve sa justification dans la sousconceptualisation
des travaux en recherche maritime.
A l’inverse, les approches contemporaines d’analyses des politiques publiques sont plurielles,
selon l’objet d’analyse et l’angle d’approche choisi. L’analyse de l’Etat a pourtant longtemps
été centrée sur deux approches, celle étatique et celle pluraliste, avec chacune leurs méthodes
et leurs outils, en fonction de leur conception respective de l’Etat. Depuis, l’analyse des
politiques publiques s’est enrichie, entre autres par ses rapports complexes avec la théorie et
la sociologie de l’Etat, qui a fait naître de nouvelles questions (Badie, Birnbaum, 1979). Nous
présentons ici l’analyse contemporaine des politiques publiques influencée par différents
courants. Notre objectif est de situer notre démarche d’analyse par rapport à celle-ci.
1.1. Le paradigme pluraliste
En matière d’études maritimes, les recherches de Sophia Everett constituent une des
approches les plus abouties en matière de théorisation de l’élaboration des politiques
publiques, ces dernières ayant été relativement peu conceptualisées dans le domaine maritime.
Cette approche se focalise sur les jeux de pouvoir entre les acteurs et rejoint donc directement
le paradigme pluraliste incarné en sciences politiques par Charles Lindblom, Robert A. Dahl,
etc. La saisir permet d’en cerner les limites et incite à s’intéresser aux travaux menés en
sciences politiques sur la création des politiques publiques.
L’approche pluraliste considère que l’Etat résulte de processus sociaux, l’Etat est donc produit
par la société, à l’inverse de l’approche étatique. Dans un tel système, la notion d’intérêt
général a peu de sens puisque l’action de l’Etat n’est qu’un résultat aléatoire des jeux de
pouvoir en présence (Müller et Surel, 1998 : 39).
Dans son analyse de l’aménagement territorial et de l’élaboration des politiques dans le
domaine du secteur portuaire, Everett critique le paradigme rationnel. Celui-ci considère une
conduite cohérente, voire optimale, par rapport aux buts de l'individu. Toute réalité sociale, en
dépit de son côté collectif, pourrait s’expliquer par des calculs rationnels des individus
impliqués. Selon Everett (2003), le débat actuel sur la compréhension de l’élaboration de
politiques efficaces et des mécanismes de décision politique semble revenir à une certaine
forme de rationalité dans la mesure où un processus politique est perçu comme « bon » si ses
résultats sont efficaces. La thèse d’Everett consiste alors à démontrer qu’il y a peu de raison
de douter que l’efficacité d’une politique requière un processus rigoureux mais il est erroné et
simpliste de penser que le contenu de la politique est dérivé d’un modèle théorique de cycle
politique 1 . Ce dernier n’est pas un substitut à la prise de décision mais un mécanisme
administratif et bureaucratique pour mettre en œuvre les processus, une fois les décisions
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1 Il existe plusieurs modèles de cycle politique, tous se fondent sur le même processus qui décompose l’analyse
d’une politique en un certain nombre d’étapes systématiques : la définition des problèmes, l'analyse des
politiques, et des instruments de politique, la consultation, la coordination, la décision, la mise en œuvre et
l'évaluation (Bridgman et Davis 1998 : 24, dans Edwards, 2003 : 67). Son caractère logique et décomposable se
rapproche des théories rationnelles.