Cancer : épidémiologie, cancérogenèse, développement tumoral ...
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Faculté de Médecine de Marseille<br />
<strong>Cancer</strong> : épidémiologie, cancérogenèse,<br />
développement <strong>tumoral</strong>, classification (138)<br />
Professeurs A. Botta (chapitre I), P. Martin (chapitre II), J.F. Pellissier (chapitre III)<br />
Mai 2005<br />
Objectifs :<br />
Décrire l’épidémiologie des cancers les plus fréquents au plan national chez l’homme et la<br />
femme (incidence, prévalence, mortalité ; expliquer leurs prévention.<br />
Décrire l’histoire naturelle du cancer.<br />
Expliquer les bases des classifications qui ont une incidence pronostique<br />
Résumé :<br />
Toutes les figures référencées dans ce document seront remises aux étudiants lors des E.D.<br />
Semblable à d’autres maladies chroniques, le cancer a plusieurs de ses causes majeures liées<br />
à l’environnement. A la différence des autres pathologies, les altérations des informations<br />
génétiques codées par l’ADN sont fondamentales dans son origine. Ceci ne veut pas dire que le<br />
cancer est une maladie génétiquement transmise, si ce n’est dans un nombre restreint de cas<br />
où une transmission familiale directe de gènes prédisposants a été mise en évidence. Une<br />
grande partie des processus biologiques concourant au développement de la pathologie<br />
<strong>tumoral</strong>e cancéreuse implique cependant des remaniements de l’information génétique<br />
cellulaire. Ces remaniements se cumulent dans le temps et permettent le franchissement des<br />
différentes étapes aboutissant à la transformation cellulaire, puis à la promotion des cellules<br />
transformées ; la croissance <strong>tumoral</strong>e et finalement à l’évolution vers la maladie cancéreuse<br />
disséminée. Si les cancers peuvent être regardés globalement comme une pathologie cellulaire<br />
où la prolifération cellulaire incontrôlée est une caractéristique fondamentale, ils ont des<br />
évolutivités parfois extrêmement différentes, fonction des organes au sein desquels ils vont<br />
émerger.<br />
1. Epidémiologie<br />
1.1. Epidémiologie Clinique<br />
Dans le cadre des cancers, l’observation épidémiologique fait appel a deux grandes modalités : soit<br />
descriptive, soit analytique.<br />
1.2. L’épidémiologie descriptive<br />
Recouvre les relevés de fréquence (taux d’incidence, de mortalité) en fonction des différents types<br />
de cancers, des sites géographiques représentés traduire par des graphiques ou des cartes. Le type en<br />
est le relevé fait par les registres départementaux ou nationaux du cancer et les enquêtes de<br />
corrélations entre la fréquence de certains cancers et les risques environnementaux associés à<br />
certains sites géographiques (de vie).<br />
1.3. L’épidémiologie analytique<br />
recouvre les enquêtes épidémiologiques avec trois approches : études cas-témoin dont le but est<br />
l’étude d’une exposition spécifique par reconstitution historique, l’étude, elle-même, portant sur une<br />
sélection de cas exposés et de témoins ;<br />
études de cohorte historique où l’on choisit une cohorte pour laquelle une reconstitution de<br />
l’histoire clinique est possible à partir de banques de données cliniques à la différence des études de<br />
cohorte prospective où le choix de la cohorte précède le suivi de celle-ci et l’enregistrement<br />
progressif des événements liés à la pathologie au cours du temps.<br />
Les différences entre les taux d’incidence et de mortalité pour différents types de cancers<br />
renseignent sur les caractéristiques spécifiques d’évolution à savoir : cancers fréquents et léthaux<br />
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tel le cancer du poumon, - cancers fréquents et curables (du moins pour un pourcentage non<br />
négligeable de patients) tel le cancer du sein, cancer de la prostate, cancer du côlon, cancer de<br />
l’endomètre- cancers rares et létaux type cancer du pancréas, glioblastome et enfin rares et<br />
curables pour le cancer du testicule. (cf fig.1)<br />
L’étude différentielle des taux de mortalité en fonction du temps, montre que certains cancers<br />
d’incidence plus faible au début du siècle, peuvent devenir prévalent en termes de décès en 1990 tel<br />
le cancer du poumon devenu à l’heure actuelle, le premier cancer en taux de décès que ce soit pour<br />
le sexe masculin (connu depuis les années 60 aux USA) mais également pour le sexe féminin<br />
(depuis le début des années 90 aux USA). (cf. fig. 2AB). La France enregistre les mêmes courbes<br />
avec un décalage de 10 ans pour le sexe féminin – cancer du poumon.<br />
Les études comparatives d’enregistrement et surveillance des taux d’incidence et de mortalité<br />
pour un type donné de cancer permettent de mettre en évidence une variabilité d’incidence et de<br />
mortalité en fonction des régions géographiques étudiées. Ceci est particulièrement vrai pour les<br />
cancers du sein, de la prostate dont les taux d’incidences varient dans le monde, les plus élevés<br />
sont en Amérique du Nord et les taux les plus faibles en extrême orient. A l’inverse, le cancer de<br />
l’estomac fréquent en Asie a les taux les plus faibles en Amérique du Nord et Europe, ceci permet<br />
de suspecter des facteurs de risques liés, entre autres, au mode de vie et alimentation. (cf. fig. 3A).<br />
En France, pour la mortalité globale par cancer, on observe un gradient Nord-Sud. (cf. fig. 3B)<br />
En 1997, 400 à 460 décès par cancer pour 100 000 habitants dans les départements du Nord, 280 à<br />
330 en Languedoc-Roussillon.<br />
En Europe pour le cancer du sein on observe également un gradient Nord-Sud pour les taux<br />
d’incidence, à savoir :<br />
les plus élevés : Ecosse, Danemark, Hollande, Suède,<br />
les plus faibles : Grèce, Portugal, Espagne, Italie du sud.<br />
• Pour un cancer donné, les études longitudinales<br />
L’enregistrement des taux d’incidence et de mortalité étudiées sur une longue durée pour une même<br />
région (dont le type en est les registres du cancer ou les programmes de surveillance et<br />
épidémiologie USA) permettent d’estimer l’efficacité des approches thérapeutiques ou de<br />
dépistage précoce par une dissociation se développant dans le temps entre incidence et mortalité.<br />
(cf. fig. 4).<br />
• Augmentation d’incidence pour un cancer donné :<br />
Une augmentation d’incidence régulière et permanente pourrait être associée à des facteurs<br />
environnementaux. Par contre, des pics d’incidence circonscrits dans le temps doivent faire<br />
suspecter la mise en route de tests de dépistage, tel le pic d’incidence inattendu observé aux USA<br />
(dans les années 85) pour le cancer de la prostate et lié à l’utilisation massive du test sérique PSA.<br />
Ce pic de fréquence a atteint son maximum entre 1985-1987 et a depuis progressivement disparu,<br />
les taux d’incidence sont revenus proches de ceux observés avant l’utilisation du test mais sur le<br />
plan clinique, le taux de mortalité est resté inchangé dû à une précocité du diagnostic grâce au test<br />
PSA et depuis les stades de diagnostic demeurent globalement beaucoup plus précoces.<br />
<strong>Cancer</strong> du sein en France (incidence-mortalité) : les études d’enregistrement montrent que celui-ci<br />
est le plus fréquent des cancers de la femme avec incidence de 34 000 nouveaux cas diagnostiqués<br />
par an et 11 000 décès par an, ce qui représente 20 % des décès globaux par cancer.. Le calcul du<br />
risque actuel montre qu’une femme sur neuf environ, en France, pourra avoir un diagnostic de<br />
cancer du sein avant 90 ans.<br />
Conséquence entre autre, de la mise en route des campagnes de dépistage et du dépistage<br />
individuel en France et en Suède : on a enregistré une augmentation d’incidence de diagnostic<br />
de cancer de sein entre 1975 et 1998 (cumulante : + 60 % environ), mais avec une augmentation<br />
très relative (+ 8 %) de la mortalité durant cette même période.<br />
Les études comparatives de survie relative à 5 ans, après le diagnostic de cancer du sein,<br />
montrent que la France se classe parmi les nations ayant les meilleurs taux de survie (80 %)<br />
comparables à la Suède (81 %) et la Suisse (80 %). Les moins bonnes survies en Europe sont<br />
enregistrées pour la Lestonie (60 %), la Pologne (59 %) et la Slovaquie (58 %), les explications<br />
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probables seraient les pratiques cliniques différentes de mammographie, radiothérapie et traitement<br />
adjuvant.<br />
Les enquêtes épidémiologiques comparatives internationales permettent de discerner clairement<br />
deux types de cancers :<br />
cancers survenant dans les pays industrialisés où les cancers les plus fréquents sont les cancers<br />
du sein, de la prostate, du colon et les cancers du poumon ; des études permettent de dissocier deux<br />
types de risques, les risques individuels endogènes : tels les déséquilibres endocriniens intervenant<br />
dans la pathologie du cancer du sein (hyperoestrogénie relative due à une puberté précoce, première<br />
grossesse tardive et ménopause tardive) les risques environnementaux et de comportement tels :<br />
nutrition (riche en graisse animale, viande rouge), tabac, alcool, intervenant dans un grand nombre<br />
de cancers.<br />
cancers survenant dans le tiers monde et pays en voie de développement où les cancers les plus<br />
fréquents sont les cancers du col, du foie et du naso-pharynx et estomac, qui sont des cancers liés à<br />
une épidémiologie spécifique : virale et/ou infectieuse (papilloma virus HPV16, virus de l’hépatite<br />
C, EBV, Helico Bacter) associés à des modes alimentaires, des comportements et d’hygiène<br />
sexuelle particulière.<br />
1.4. Carcinogènes, co-carcinogènes et facteurs de risque<br />
L’ensemble des études épidémiologiques et des données expérimentales démontre que des<br />
substances, les carcinogènes (tels le benzo-a-pyrène, benzidine), sont susceptibles d’induire à eux<br />
seuls le développement d’un cancer ; par contre d’autres substances les co-carcinogènes (tels<br />
alcool, traumatisme, déséquilibres hormonaux…) participent à l’induction d’un cancer en synergie<br />
ou en potentialisant un facteur transformant associé<br />
Trois classes de carcinogènes interagissent avec l’ADN et induisent la transformation cellulaire : les<br />
molécules carcinogéniques chimiques, les agents physiques à type de rayonnement énergétique et<br />
ionisant et enfin les agents infectieux viraux.<br />
Un des buts des études épidémiologiques est d’isoler les facteurs de risque de cancer, définissant<br />
de ce fait les caractéristiques individuelles ou d’exposition associée à un risque augmenté. Il est<br />
important de noter que le facteur de risque ainsi défini n’est pas forcément directement causal ni<br />
nécessaire ni suffisant.<br />
Les autres notions que permet d’appréhender l’épidémiologie sont :<br />
le temps de latence entre contact avec un carcinogène et développement d’une pathologie<br />
<strong>tumoral</strong>e, ce temps de latence peut être de plusieurs dizaines d’années voire 50 ans, cette notion est<br />
extrêmement importante à prendre en compte dans les cancers professionnels.<br />
l’accumulation des doses et des expositions : chez l’homme, on peut estimer que les effets de<br />
chaque dose isolée s’ajoutent, sans aucune perte, pendant toute l’existence ; ce qui explique que le<br />
seuil de toxicité ne peut être déterminé avec précision .<br />
1.4.1. Carcinogènes chimiques<br />
Le rôle des carcinogènes chimiques dans la pathologie cancéreuse a été suggéré par les observations<br />
cliniques dès la fin du 18è siècles (C. Pott : cancers du scrotum, ano-rectaux, survenant chez les<br />
jeunes ramoneurs londoniens). Le contact prolongé avec la suie, les goudrons, les huiles dérivés du<br />
pétrole a été associé à l’augmentation de l’incidence des cancers de la peau, des poumons mais<br />
également d’autres tissus. Le dibenz(a, h)anthracène a été le premier carcinogène chimique de<br />
synthèse, suivi de la caractérisation du benzo(a)pyrène comme composant carcinogénique majeur<br />
de la suie. Depuis, de très nombreuses molécules regroupées sous le terme « hydrates de carbone<br />
aromatique polycyclique » ont démontré expérimentalement leur pouvoir carcinogénique. Une autre<br />
classe de composés, les amines aromatiques (colorants, amine aromatique anti-oxydant…) sont des<br />
composants largement présents dans le monde industriel et expérimentalement démontrés comme<br />
cocarcinogéniques. Dès 1895, un clinicien allemand L. Rehn met en évidence l’exposition<br />
professionnelle aux amines aromatiques et son association avec les cancers de vessie.<br />
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On peut classer les carcinogènes chimiques en fonction du mode d’action :<br />
ceux qui agissent par contact direct : telle l’amiante au niveau des poumons, arsenic sur la peau…<br />
ceux qui doivent être métabolisés pour être activés : tels les hydrocarbures aromatiques<br />
polycycliques, les alkylants, les aflatoxines…<br />
ceux qui sont synthétisés in vivo à partir de précurseurs exogènes : telle la formation des<br />
nitrosamines…<br />
Une liste actualisée répertoriant tous les produits ayant été testés et se révélant comme carcinogènes<br />
actifs (plus de 700 à l’heure actuelle) est publiée de façon régulière par le centre international de<br />
recherche sur le cancer (CIRC Lyon, France). Le CIRC classe les produits chimiques et les<br />
procédés de fabrication en cinq catégories internationalement reconnues :<br />
Groupe 1 : l’agent est carcinogène pour l’homme : la cancérogénicité pour l’homme de ces<br />
produits est établie par des indices suffisants, (par exemple l’arsenic et ses composés, les<br />
aflatoxines, le benzène). Dans les procédés industriels classés dans ce groupe, on retrouve la<br />
production d’aluminium, celle de coke, l’industrie du caoutchouc…<br />
Groupe 2 : l’agent est probablement carcinogène pour l’homme : on trouve dans cette catégorie,<br />
les agents pour lesquels les indices d’action cancérogène sur l’homme sont presque suffisants et ce<br />
pour lesquels la cancérogénicité a été établie expérimentalemenent sans que l’on dispose de<br />
données relatives à l’homme. Groupe 2A : on dispose d’indices limités d’une action cancérogène<br />
sur l’homme et d’indices suffisants de cancérogénicité sur l’animal, (exemple l’acrylonitrile,<br />
l’aldéhyde formique, le béryllium). Groupe 2B : on dispose d’indices inadéquats ou indirects d’une<br />
cancérogénicité pour l’homme mais des indices suffisants de cancérogénicité chez l’animal.<br />
Groupe 3 : l’agent ne peut être classé du point de vue de sa cancérogénicité pour l’homme.<br />
Groupe 4 : l’agent est probablement non cancérogène pour l’homme.<br />
Higginson et Muir ont affirmé dès les années 1970 que les carcinogènes chimiques et facteurs<br />
environnementaux seraient directement responsables de 70 à 80 % de tous les cancers<br />
humains. Cette notion tient compte de la pollution générale de l’air, de l’eau, des boissons et des<br />
aliments, des pollutions professionnelles, des auto-pollutions comme le tabac.<br />
Rayonnement physique et cancer<br />
Si l’exposition aux radiations ultraviolettes présentes dans la lumière solaire a été clairement et<br />
depuis longtemps reconnue comme cause majeure des cancers de la peau, l’exposition aux<br />
radiations ionisantes (rayons X, gamma, …) est associée à une grande variété de cancers ; ceux<br />
issus de la lignée hématopoïétique mais également cancers du sein, de la thyroïde et tumeurs<br />
cérébrales.<br />
Sur le plan historique, les premières constatations épidémiologiques sont liées soit à l’utilisation<br />
mal réglementée et maîtrisée des rayons X en milieu médical pour le radiodiagnostic (cancer du<br />
sein après suivi radioscopique pour tuberculose) soit l’utilisation de radioisotopes sans précaution et<br />
contact tissulaire (cancers de la lèvre des ouvrières de l’industrie horlogère qui peignaient les<br />
cadrans en utilisant des isotopes phosphorescents et appointaient leur pinceau avec les lèvres).<br />
Les explosions de Hiroshima et Nagasaki ont pu être malheureusement un exemple pour les<br />
études épidémiologiques des cancers induits par radiation mettant en évidence les susceptibilités<br />
tissulaires différentes, leur expression chronologique et la nécessité pour certains cancers de<br />
facteurs associés. Les cancers du sein ont été induits dans des populations très particulières<br />
présentant lors de l’irradiation un terrain hormonal précis d’hyperoestrogénie relative à savoir :<br />
les adolescentes dans la période post-adrénarche et pré-cycle ovarien ovulatoire ainsi que les<br />
femmes en préménopause présentant une hyperoestrogénie relative par cycles anovulatoires. Suite à<br />
l’explosion de la centrale de Tchernobyl sont réapparus localement l’ensemble des pathologies<br />
déjà observées au Japon mais également pour les pays européens contaminés par voie aérienne, une<br />
progression d’incidence des pathologies thyroïdiennes dans les populations qui n’avaient pas pris<br />
la précaution de bloquer la fonction thyroïdienne par prise d’iode.<br />
Les conséquences d’exposition aux agents physiques irradiant ne représentent cependant que<br />
3% de toutes les causes de décès par cancer.<br />
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1.4.2. Virus et <strong>Cancer</strong><br />
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Comme nous l’avons précédemment dit, les agents viraux sont l’agent essentiel corrélé à certaines<br />
types de cancers dans les pays du tiers monde et en voie de développement. Il s’agit d’adénovirus et<br />
de rétrovirus. Si la tumorogénicité de ces virus est bien établie dans les modèles expérimentaux, en<br />
ce qui concerne la clinique humaine, l’infection virale isolée ne semble pas suffisante pour la<br />
transformation <strong>tumoral</strong>e et demande des effets synergiques additionnels provenant d’autres<br />
événements génomiques dans la cellule touchée ou issue de l’environnement. Trois types de virus<br />
sont essentiellement associés aux tumeurs humaines : virus EBV, de l’hépatite et papilloma virus.<br />
Deux types de pathologie sont clairement liés au virus EBV : les cancers du cavum (naso pharynx)<br />
et le lymphome de Burkitt. Tous deux sont caractérisés par une infection précoce et une association<br />
à des facteurs environnementaux, nutritionnels ainsi que des facteurs de susceptibilité génomique de<br />
l’hôte. Les cancers du cavum touchent en grande majorité des ethnies particulières ayant une<br />
spécificité dans les coutumes alimentaires dont la consommation de thé brûlant (Chine et Maghreb).<br />
Les lymphomes de Burkitt associent une spécificité géographique proche de celle de la malaria et<br />
des facteurs de susceptibilité génomique se traduisant par des translocations chromosomiques t1<br />
(8 ;14) (q24 ;q32), t2 (2 ;8) (p12 ;q24), t3 (8 ;22) (q24 ;q11).<br />
Les virus de l ‘hépatite (C) sont associés au cancer du foie dans les pays en voie de<br />
développement, l’infection est le plus souvent post natale avec une fenêtre de contamination<br />
relativement étroite. Le développement du cancer du foie demande une susceptibilité individuelle<br />
particulière (porteurs actifs du virus) et des facteurs environnementaux et nutritionnels où les<br />
aflatoxines jouent un rôle important comme cofacteur.<br />
Enfin les cancers du col sont associés au papilloma virus (HPV16). Comme pour les autres virus,<br />
les papilloma virus sont essentiels mais non suffisants, ils demandent des facteurs associés liés à<br />
l’activité et à l’hygiène génitale ainsi qu’au cycle reproductif des femmes infectées.<br />
Sur le plan mondial, du fait de la prévalence des populations en zone économiquement sousdéveloppée,<br />
une estimation épidémiologique associe virus et cancers pour une incidence<br />
d’environ 20% pour la totalité des cancers.<br />
1.5. Epidémiologie clinique et prévention<br />
Dans les années 60, plusieurs enquêtes internationales dirigées par Mac Mahon ont cerné les<br />
facteurs de risques du cancer du sein faisant jouer un rôle extrêmement important au contexte<br />
hormonal et endocrinien. Dans ces études sont retenues comme facteurs de risques, une puberté<br />
précoce, une première grossesse tardive ainsi qu’une ménopause tardive. Ces facteurs définissent<br />
une imprégnation hyperoestrogénique non contrebalancée dans deux périodes critiques,<br />
l’adolescence avec le développement mammaire et la périménopause. D’autres facteurs de risques<br />
étant une hyperoestrogénie accompagnant les périodes de cycles anovulatoires ainsi qu’une obésité<br />
à l’adolescence ou en post-ménopause. La connaissance de ces facteurs de risque a débouché sur<br />
une surveillance accrue des personnes à risques et des conseils de prévention.<br />
En effet, une des finalités des études épidémiologiques est de cerner des cibles potentielles de<br />
prévention. A l’issue des études épidémiologiques, en terme de prévention potentielle, deux<br />
paradoxes sont à prendre en compte concernant les conséquences induites par une meilleure<br />
connaissance du risque.<br />
Ceci concerne deux types de facteurs de risques spécifiques : ceux liés à la consommation d’alcool<br />
et de tabac, et ceux liés au type global d’alimentation. Si l’alcool multiplie par 40 les risques de<br />
cancer de l’œsophage, son incidence globale reste circonscrite (exemple en France la région<br />
Calvados) Par contre, de très nombreux cancers semblent en partie, liés à la consommation d’alcool<br />
(cancer du sein, prostate, côlon).<br />
La consommation régulière de tabac multiplie par 10 le risque de cancer du poumon, pose depuis<br />
les années 50 un réel problème de société dans les pays industrialisés.<br />
Relation cancer poumon/tabac<br />
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Sur le plan de la prévention, un premier paradoxe concerne la relation cancer du poumon et<br />
tabac : En 1912, Y. Adler présentait le cancer du poumon comme un des cancers les plus rares, son<br />
augmentation dans les années 30 et 40 a été suspectée comme une des conséquences possibles d’un<br />
changement d’habitus (tabagisme) ou d’environnement secondaire à la première guerre mondiale.<br />
Dès 1939, les premières études épidémiologiques conduites par Müller montrent une forte<br />
corrélation entre consommation de cigarettes et cancer du poumon. Depuis les années 40, des<br />
travaux expérimentaux montrent et confirment le caractère carcinogène spécifique des nitrosamines<br />
et des goudrons produits par la consumation des cigarettes. Les enquêtes épidémiologiques<br />
publiées dès 1950 par le JAMA et le British médical journal démontrent le lien spécifique entre<br />
consommation de cigarettes et cancer du poumon. Il est à noter qu’une étude prospective<br />
volontaire a été possible avec la participation du corps médical de Grande-Bretagne où la moitié des<br />
participants ont accepté d’arrêter leur consommation de tabac pour permettre la réalisation de cette<br />
étude prospective qui s’est conclue par la démonstration d’un lien hautement significatif entre<br />
consommation de tabac et taux d’incidence des cancers du poumon. En 1962, le « Royal College of<br />
physicians of London » puis en 1964 le « US surgeon general » établissent et déclarent la<br />
consommation de tabac comme cause de cancer du poumon. Cependant, si globalement, dans les<br />
pays industrialisés, la consommation s’est depuis stabilisée, elle a, par contre, augmenté dans la<br />
population féminine anglo-saxonne dans les années 1960-1970, se traduisant 20 ans plus tard par le<br />
fait que le cancer du poumon devienne la première cause de décès par cancer pour la population<br />
féminine de la côte Ouest des USA, ce qui, depuis en dix ans, a été constaté pour l’ensemble des<br />
USA et commence à apparaître en Europe. Par ailleurs, conduit par des campagnes industrielles, le<br />
déplacement de l’habitus de consommation se fait vers deux nouvelles cibles les adolescents et<br />
notamment de sexe féminin et les pays en voie de développement dont nous mesurerons les<br />
conséquences dans les 20 années à venir.<br />
Relation alimentation/cancer<br />
Un second paradoxe concerne les liens possibles entre alimentation et incidence de cancer.<br />
L’épidémiologie descriptive internationale associée à l’étude des populations migrantes pour<br />
des cancers spécifiques tel cancer du sein, de la prostate, de l’estomac, démontre une modification<br />
de l’incidence en fonction de l’habitus, des modes de vie alimentaire.<br />
Le mode alimentaire actuellement courant aux USA avec une balance énergétique surabondante,<br />
une consommation importante de viande rouge, de graisses animales saturées, mais une<br />
consommation minimale de fruits et légumes frais est associée aux taux les plus élevés des cancers<br />
les plus courants : cancer du sein, de la prostate et du colon.<br />
A l’opposé, les populations rurales méditerranéennes et du Japon présentent les taux les plus<br />
faibles de ces mêmes cancers. L’alimentation spécifique de ces deux régions à faible incidence<br />
présente des similitudes notamment l’utilisation d’huiles insaturées (olive, colza), la consommation<br />
faible de viande rouge mais importante de fruits et légumes frais ou dérivés du soja. Plusieurs<br />
études d’observation et surveillance des populations migrantes de ces régions (Japon et Italie du<br />
Sud) vers les USA ou l’Australie montrent qu’en quinze ans, l’incidence des cancers du sein et de la<br />
prostate ont atteint les deux tiers de ceux de la région d’accueil et ce en une génération. Par contre,<br />
le cancer de l’estomac fréquent au Japon et lié au mode traditionnel de conservation des aliments,<br />
disparaît pratiquement totalement avec le changement de régime alimentaire dans ces mêmes<br />
populations migrantes. Ces constatations sont à l’origine de multiples études expérimentales et<br />
de recommandations dont la campagne par l’IARC aux USA, « 5/jour » pour augmenter la<br />
consommation de fruits et légumes frais. Une campagne similaire a été lancée en France<br />
associant APRIFEL (agence pour la recherche et l’information en fruits et légumes frais), la Ligue<br />
contre le <strong>Cancer</strong> et l’Inserm. Cependant, l’exemple du cancer du poumon doit faire réfléchir<br />
quant à l’efficacité ou au mode d’éducation et de transmission du message pour en assurer<br />
l’efficacité.<br />
Epidémiologie moléculaire<br />
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Faisant suite aux données expérimentales et aux données de l’épidémiologie clinique des cancers,<br />
l’épidémiologie moléculaire a connu un développement rapide ces dix dernières années grâce,<br />
entre autres, au progrès des techniques de biologie moléculaire.<br />
L’épidémiologie moléculaire qui vise à identifier les individus à haut risque de cancer a pour<br />
finalité de permettre la mise en place d’une prévention individuelle spécifique. Elle comporte<br />
essentiellement deux volets : (cf. Fig. 5)<br />
- Le premier est l’évaluation de la susceptibilité individuelle par la caractérisation d’une<br />
prédisposition héréditaire liée :<br />
. soit à la transmission héréditaire d’une mutation ou polymorphisme touchant un gène<br />
suppresseur ;<br />
. soit à un polymorphisme génétique individuel concernant des gènes codants pour des<br />
enzymes du métabolisme pouvant jouer un rôle dans la carcinogenèse.<br />
- Le second est l’évaluation des conséquences moléculaires d’une exposition aux carcinogènes<br />
ou dosimétrie moléculaire.<br />
1.6. Transmission héréditaire de mutations germinales/gènes<br />
suppresseurs<br />
La prédisposition héréditaire du cancer a été suspectée dès le début du siècle par la description et<br />
l’isolement de familles présentant une fréquence élevée de cancers spécifiques sur plusieurs<br />
générations qui a débouché sur la notion de formes familiales de certains cancers.<br />
L’étude moléculaire de plus en plus précise ces dix dernières années du génome de ces familles a<br />
mis en évidence la transmission héréditaire d’allèles pathologiques (muté-remanié) concernant des<br />
gènes suppresseurs.<br />
Si ces formes familiales de cancers ne représentent que 6 à 8 % de la totalité des cancers<br />
regroupées en syndrome, elles présentent une grande variabilité en fréquence et pénétrance (cf.<br />
Fig.6)<br />
Formes familiales de très faible fréquence à forte pénétrance<br />
- Schématiquement, le premier ensemble regroupe des formes familiales ayant une fréquence très<br />
faible par rapport au nombre global de naissances (1 à 5 porteurs d’allèles à risque pour 100 000<br />
naissances) mais pour ces enfants, la probabilité de développer un cancer (pénétrance) est 1 000 à<br />
10 000 fois plus grand que celle de la population globale.<br />
Ce sont :<br />
- Les formes familiales de rétinoblastome qui associent retinoblastome et sarcome et dont le gène<br />
mis en cause est Rb (13q14) ;<br />
- Le syndrome de Li Fraumeni qui associe cancer du sein – cortico surrénalome, sarcome,<br />
carcinome et tumeurs cérébrales et dont le gène mis en cause est P53 (17p 13-1) ;<br />
- Les formes familiales de polypose coliques associant cancers du colon, thyroïde, estomac dont le<br />
gène mis en cause est APC (5q21) ;<br />
- Les tumeurs de Wilms (gène WT) (11p13) ; La neurofibromatose gène NF1 (17q11).<br />
Formes familiales fréquence pénétrance moyenne<br />
- Un second ensemble regroupe des formes familiales dont la fréquence est plus élevée (environ 1<br />
pour 1 000 naissances) avec une augmentation de risque de cancer moyenne de 8 à 10.<br />
Ce sont : - Les formes familiales de cancers du sein et ovaire dont les gènes mis en cause sont<br />
BRCA1 (17q21) BRCA2(13q12-13) ;<br />
- Les cancers du colon héréditaires non polyposiques HNPCC dont les gènes mis en<br />
cause seraient, entre autres, le MLH1, le MSH2 ;<br />
Gènes suppresseurs<br />
Les gènes suppresseurs pour lesquels on a mis en évidence des mutations germinales dans les<br />
formes héréditaires familiales, présentent également des mutations somatiques ou secondaires<br />
au cours du développement des tumeurs sporadiques. Une meilleure connaissance de la<br />
carcinogenèse a permis de séparer ces gènes suppresseurs en deux grandes classes :<br />
DCEM 2 – Module 10 7
Faculté de Médecine de Marseille<br />
- Les gènes de contrôle/régulation de la stimulation et du cycle de prolifération cellulaire : « les<br />
Gate keeper genes ». Certains gènes sont prévalents dans un tissu donné tels APC/βcatenine dans<br />
l’épithélium colique, Rb dans l’épithélium rétinien ou plus ubiquitaire tels P53. Ces gènes de<br />
contrôle mutés (ayant perdu leur fonction spécifique) jouent dans la transformation cellulaire, un<br />
rôle direct et majeur car une seule mutation somatique complémentaire est nécessaire<br />
pour l’initialisation du processus <strong>tumoral</strong>.<br />
- Les gènes de réparation ADN et stabilisation du génome : les «Care taker genes » tels MSH2,<br />
MLH1, BRCA1, BRCA2 ne sont qu’indirectement impliqués dans l’initiation du processus <strong>tumoral</strong>,<br />
mutés, ils interviennent en permettant la non réparation des mutations touchant des gènes essentiels<br />
pour la cellule. Leur mutation doit être associée à plus de trois à quatre autres mutations somatiques<br />
pour initialiser le processus <strong>tumoral</strong>.<br />
1.7. Polymorphisme génétique enzymatique/susceptibilité aux<br />
carcinogènes<br />
Un autre type de prédisposition héréditaire peut concerner la transmission d’allèles porteurs de<br />
gènes codant pour des isoformes enzymatiques impliqués dans le métabolisme cellulaire des agents<br />
xénobiotiques : métabolisme type 1 ou type 2. Cette transmission fréquente (cf. Fig. 6) en termes de<br />
naissance (1 sur 10), en cas d’exposition prolongée aux carcinogènes environnementaux, peut<br />
entraîner une faible augmentation du risque de cancer (X 2 à 5). Ce en prenant compte l’efficacité<br />
des mécanismes de réparation de l’ADN.<br />
Ce processus d’activation métabolique est connu sous le terme de métabolisme des<br />
xénobiotiques de type 1. Il englobe les enzymes cytochromes p450 (entre autres CYP1A1,<br />
CYP2D6) dont la fonction physiologique de protection cellulaire est de convertir les agents<br />
chimiques en dérivés plus polaires et hydrosolubles, les rendant de ce fait plus rapidement<br />
excrétables. Leurs activités peuvent cependant être détournées et jouer un rôle capital dans la<br />
transformation de procarcinogènes en carcinogènes polaires actifs, molécules qui peuvent alors<br />
interagir avec l’ADN avec formation d’adduits, sites potentiels de mutation de l’ADN.<br />
L’ensemble des enzymes impliquées dans ce métabolisme de type 1 comporte en fait des isoformes<br />
plus ou moins actives. La transmission héréditaire d’isoformes très actives peut définir un haut<br />
risque individuel de cancer si elle est associée à une exposition prolongée aux procarcinogènes de<br />
l’environnement.<br />
Présent en miroir du métabolisme de type 1, un métabolisme de détoxification joue un rôle capital<br />
dans les processus physiologiques de protection et à contrario de carcinogenèse. Les enzymes de<br />
détoxification ou enzymes de métabolisme de type 2 (entre autres : N acetyl-transférase,<br />
glutathion, S transférase, GST et ses isoformes ) permettent la conjugaison et l’élimination des<br />
molécules toxiques hydrosolubles intracellulaires. Ces enzymes peuvent, de ce fait, prendre en<br />
charge la détoxification des molécules carcinogéniques. La transmission d’isoformes peu actives ou<br />
des mutations inactivantes sur les gènes codant pour les enzymes de détoxification peuvent être une<br />
étape importante dans la transformation cellulaire en potentialisant les effets du métabolisme type1.<br />
La diversité individuelle liée à l’expression de tels ou tels isoformes enzymatiques du métabolisme<br />
de type 1 mais également de type 2 peut se traduire par une plus ou moins grande susceptibilité. En<br />
cas d’exposition prolongée aux carcinogènes, le risque maximum étant associé à des isoformes<br />
enzymatiques codant pour un fort métabolisme type 1, associé à un faible métabolisme de<br />
détoxification type 2. C’est notamment le cas des sujets présentant un cancer du poumon induit par<br />
tabagisme passif.<br />
Les études expérimentales actuelles du rôle potentiel de l’alimentation dans la prévention<br />
montrent que la modulation d’expression des enzymes impliquées dans le métabolisme 1 et 2<br />
semble être une des cibles principales de tous les composants actifs retrouvés dans l’alimentation.<br />
La plupart des composés testés expérimentalement ayant un rôle potentiel dans la prévention des<br />
cancers diminue les voies du stress oxydatif et augmente les métabolismes de protection. Ils jouent,<br />
par ailleurs, des rôles importants dans la modulation des promoteurs cellulaires. Par contre, les<br />
DCEM 2 – Module 10 8
Faculté de Médecine de Marseille<br />
régimes alimentaires surénergétiques associant les graisses animales jouent un rôle opposé en<br />
potentialisant les enzymes impliquées dans la voie du stress oxydatif.<br />
1.8. Dosimétrie moléculaire<br />
Un autre aspect de l’épidémiologie moléculaire est la caractérisation et l’étude des impacts ou<br />
mutations moléculaires des gènes suppresseurs consécutifs à l’exposition prolongée aux<br />
carcinogènes, le but étant d’établir une relation entre un type de mutation et l’exposition à un<br />
carcinogène donné et de pouvoir, dans l’avenir, utiliser cette information dans le cadre du dépistage<br />
et prévention.<br />
L’étude des mutations de P53 dans diverses pathologies où les carcinogènes sont<br />
épidémiologiquement et expérimentalement reconnus est un exemple, l’évaluation des mutations et<br />
de leur contexte faite avec l’utilisation des critères analytiques de Bradford Hill a permis d’établir<br />
un lien de causalité certaine et de ce fait, d’utiliser leur présence dans les tissus non tumoraux<br />
comme marqueur de haut risque ou de susceptibilité.<br />
* Pour les cancers du foie, l’exposition aux Aflatoxines B1 entraîne une mutation P53 du<br />
codon 249 (AGG→AGT) dans les pays à forte incidence d’hépatocarcinome et exposition aux<br />
Aflatoxines. La mutation du codon 249 de P53 peut être observée dans le tissu hépatique non<br />
<strong>tumoral</strong> pouvant de ce fait établir un critère biologique de très haut risque.<br />
* Pour les cancers du poumon, le tabagisme (cigarette) et l’exposition, de ce fait, aux<br />
benzopyrène entraîne des mutations de P53 aux codons 157 – 248 – 273 (G→T entre autres). La<br />
mutation GTC→TTC du codon 157 ne se retrouve dans aucunes autres pathologies, ces mutations<br />
sont observables chez les fumeurs dans les dysplasies de l’épithélium bronchique.<br />
* Pour les cancers cutanés (baso cellulaire, épidermoïde), l ‘exposition aux UV entraîne<br />
des mutations de P53 des tandems pyrimidine (CC→TT), mutation inconnue dans les autres<br />
pathologies et observable dans les tissus normaux post-irradiation et lésions précancéreuses.<br />
Dans les cancers du sein, par contre, l’étude des mutations de P53 montre des pattern de mutations<br />
différents chez les japonaises, les européennes et américaines. En Californie, on observe également<br />
des mutations différentes entre les américaines d’origine anglo-saxonnes et les américaines<br />
d’origine africaine. Ces différences seraient liées à l’environnement (mode de vie, alimentation…)<br />
et au polymorphisme héréditaire des gènes impliqués dans le métabolisme des carcinogènes et<br />
réparation de l’ADN.<br />
Pour ce type d’étude d’épidémiologie moléculaire se développent actuellement des banques<br />
centrales internationales de données qui enregistrent l’ensemble des localisations de mutations<br />
observées dans les gènes suppresseurs et les caractéristiques cliniques environnementales des<br />
populations étudiées..<br />
1.9. Epidémiologie moléculaire et prévention<br />
Famille à risque mutation germinale<br />
Si la mise en évidence d’une prédisposition héréditaire et sa caractérisation moléculaire permet<br />
d’évaluer le risque ou susceptibilité individuelle, cependant celle-ci doit être encadrée pour un<br />
respect des droits individuels ce qui est le cas actuellement sur le plan national avec la mise en<br />
place des règles et lois de bioéthique. Les tests génétiques doivent faire preuve de leur qualité,<br />
sensibilité, spécificité et performance, et leur utilisation doit s’inscrire dans le cadre d’une prise<br />
en charge globale. Ainsi la prise en charge médicale des familles à risque dont le but à terme est<br />
d’obtenir, par une évaluation objective, une harmonisation et un impact réel en termes de<br />
propositions d’interventions pour une prévention efficace. Ces propositions, à l’heure actuelle, sont<br />
extrêmement variables en fonction des formes familiales mises en cause et des pays. La définition<br />
d’un risque individuel et la prise en charge de l’ensemble d’une famille doit se traduire également<br />
par une prise en compte de tous les problèmes psychologiques et affectifs inhérents à ce type<br />
d’information.<br />
Postes de travail à risques<br />
DCEM 2 – Module 10 9
Faculté de Médecine de Marseille<br />
L’étude des patterns de mutation des gènes suppresseurs démontre l’interaction forte entre<br />
génome et environnement (cf. Fig. 8), avec le rôle majeur des gènes suppresseurs : « Gate keepercare<br />
taker » et l’impact de leur mutation dans la carcinogenèse.<br />
Sous le terme environnement sont regroupés non seulement l’exposition aux carcinogènes de<br />
l’environnement externe, mais également l’exposition du génome aux molécules endogènes<br />
dérivant (radicaux libres) ou activées par le métabolisme cellulaire (type I et II). (Activation<br />
carcinogène entre autres)<br />
Ces notions en termes de prévention se traduisent par la définition du risque individuel (cf. Fig. 5)<br />
à des postes de travail spécifiques. Ceci est possible avec la prise en compte de la susceptibilité<br />
moléculaire héréditaire individuelle et l’identification du danger potentiel, avec évaluation de<br />
l’exposition, durée, évaluation de la dose, estimation du risque. Dans ce cadre, l’étude de mutations<br />
spécifiques de certains gènes suppresseurs pourrait être des marqueurs biologiques de grande utilité<br />
au terme d’une évaluation validation rigoureuse telle celle présentée en prenant en compte les<br />
critères de causalité définis par Bradford Hill.<br />
Une enquête de l’OMS montre que les cancers professionnels semblent représenter 1% de<br />
l’ensemble des cancers. En France, le Ministère du Travail et de la Santé estime ce chiffre à 3%.<br />
Aux Etats-Unis, les experts du National <strong>Cancer</strong> Institute prédisent que dans les années à venir, 30%<br />
des cancers pourraient être dus à une exposition professionnelle, ce chiffre ayant<br />
été avancé uniquement à partir des données concernant l’exposition à six types de matériaux :<br />
l’amiante, l’arsenic, le nickel, le chrome, le benzène, et certains dérivés du pétrole. Sachant<br />
que cobalt et tungstène n’ont été que récemment pris en compte.<br />
Chez l’homme, on peut estimer que les effets de chaque dose isolée s’ajoutent, sans aucune perte,<br />
pendant toute l’existence ; ce qui explique que le seuil de toxicité ne peut être déterminé avec<br />
précision. Pour certains auteurs, la dose totale nécessaire est d’autant plus faible que le facteur<br />
cancérogène est absorbé à petites doses, fractionnées dans le temps, c’est souvent le cas d’une<br />
exposition professionnelle.<br />
Il n’y a pas de caractères médicaux spécifiques aux cancers professionnels : il existe un très<br />
grand temps de latence entre exposition au risque et apparition d’un cancer, ce temps pouvant aller<br />
jusqu’à 50 ans ; il n’y a pas de différence histologique avec les cancers qui ne sont pas d’origine<br />
professionnelle ; il y a une sommation des effets de l’exposition au risque et des facteurs extra<br />
professionnels comme le tabac et l’alcool.<br />
Il n’y a pas de caractères épidémiologiques spécifiques aux cancers professionnels : le<br />
diagnostic clinique est souvent porté après la période d’activité et le diagnostic étiologique n’est pas<br />
fait ; il peut y avoir plusieurs expositions à des cancérogènes simultanées ou successives. A cela<br />
concourt aujourd’hui une grande mobilité géographique de la main d’œuvre, la précarité de<br />
l’emploi ; certaines populations exposées à des risques très spécifiques sont très réduites en nombre.<br />
Il y a peu de registres de cancers en France et il faut tenir compte de facteurs extérieurs tels le tabac,<br />
l’alcool, l’alimentation…Les cancers professionnels par appareils apparaissent dans les tableaux<br />
de maladies professionnelles indemnisables (MPI). Pour chaque appareil, les carcinogènes<br />
potentiels reconnus portent une identification Tn, n étant le numéro du tableau dans le régime<br />
général de la sécurité sociale et également dans le régime agricole. (cf. Fig. 7D classification III-3)<br />
2. Cancérogénèse et développement <strong>tumoral</strong><br />
Plusieurs approches peuvent permettre de cerner les étapes du développement du processus<br />
<strong>tumoral</strong> : (cancérogénèse et tumorogénèse).<br />
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2.1. Approche clinique dont les phases sont :<br />
2.1.1. Phase pré-clinique :<br />
celle-ci prend en compte les données épidémiologiques de susceptibilité et de risque mais<br />
également les pathologies dites bénignes à haut risque ou lésion pré-cancéreuses. C’est durant cette<br />
période que la mise en route d’une prévention a toute sa valeur.<br />
2.1.2. Phase infra-clinique :<br />
c’est durant cette période qu’un certain nombre de pathologies peuvent être diagnostiqué cyto ou<br />
histologiquement). A titre d’exemple, les autopsies et études systématiques de la prostate pratiquées<br />
durant les années 1950 et 1960 (cf Fig.9), entre autres par le service des Armées, ont montré que<br />
chez les hommes de 50 ans entre 1 sur 10 ou 1 sur 3 selon les différents pays du monde, des foyers<br />
microscopiques de cellules transformées <strong>tumoral</strong>es pouvaient être détectés dans la prostate. Au<br />
même âge aucun ou 1 sur 5 000 (dans les pays à très forte incidence) pouvaient avoir un diagnostic<br />
clinique de cancer de prostate.<br />
Ceci attire l’attention sur la variabilité épidémiologique mondiale que nous avons déjà signalée,<br />
le délai et la dissociation d’évolution entre foyer microscopique et pathologie symptomatique<br />
clinique. Ceci soustend qu’au cours de la promotion et progression <strong>tumoral</strong>e, il y a une très forte<br />
interaction entre tumeur et microenvironnement tissulaire, ce dernier pouvant être permissif ou non<br />
permissif pour l’évolution <strong>tumoral</strong>e. C’est durant cette période infraclinique que la mise en route<br />
d’un dépistage a toute sa valeur ainsi que l’utilisation de marqueur moléculaire de haut risque.<br />
2.1.3. Phase clinique :<br />
cette phase débute par le diagnostic clinique et anatomopathologique qui peut être fait plus ou<br />
moins tôt selon les moyens diagnostic et de dépistage. Elle évolue en phase locale, locorégionale<br />
puis disséminée et à cette dernière étape, la sensibilité ou résistance thérapeutique permet des délais<br />
de survie plus ou moins longs.<br />
2.2. Approche cyto-anatomopathologique<br />
Cette approche supporte, à l’heure actuelle, le diagnostic et peut débuter par la mise en évidence<br />
de pathologies précancéreuses (dysplasie …). Elle permet de caractériser le type histologique<br />
<strong>tumoral</strong> comme nous le verrons rapporter dans le chapître classification, en plus du diagnostic,<br />
cette approche analytique descriptive permet d’obtenir des indications pronostiques telles que le<br />
stade d’invasivité, l’embolisation vasculaire, les métastases locorégionales ganglionnaires ou à<br />
distance. Les progrès d’immunohistochimie permettent la caractérisation in situ de certaines<br />
structures macromoléculaires spécifiques rendant plus performant le diagnostic ou le typage<br />
morphologique des tumeurs et de dépistage de foyers microscopiques métastatiques.<br />
2.3. Approche moléculaire<br />
Cette approche, comme nous l’avons déjà développée dans l’épidémiologie moléculaire, montre en<br />
fait un continuum évolutif depuis la prise en compte d’une transmission héréditaire d’un haut<br />
risque ou susceptibilité individuelle, la mise en évidence dans les tissus sains ou dysplasiques<br />
d’anomalies somatiques moléculaires secondaires à l’interaction génome environnement (avec<br />
l’exposition aux carcinogènes de l’environnement), et l’évolution même du processus <strong>tumoral</strong>.<br />
De façon schématique, on peut résumer le développement <strong>tumoral</strong> comme suit :<br />
* Les premières étapes concernent la cancérogenèse : à savoir action directe des carcinogènes sur<br />
l’homéostasie cellulaire. Ceci recouvre les stades de l’initiation ou transformation cellulaire et de la<br />
promotion cellulaire <strong>tumoral</strong>e.<br />
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* Les étapes suivantes concernent la tumorogénèse à savoir l’évolution du processus <strong>tumoral</strong> vis à<br />
vis de l’organisme : ceci recouvre les stades de progression et développement <strong>tumoral</strong>. Durant ces<br />
stades s’établit une prolifération cellulaire incontrôlée, une néoangiogénèse <strong>tumoral</strong>e et une<br />
invasivité locale avec dissémination hématogène et lymphatique.<br />
* La dernière étape concerne la thérapeutique de la maladie disséminée métastatique avec<br />
développement progressif plus ou moins rapide d’une résistance aux agents thérapeutiques.<br />
2.4. Cancérogenèse :<br />
2.4.1. L’initiation ou transformation cellulaire <strong>tumoral</strong>e :<br />
Les mécanismes moléculaires mis en jeu lors de l’étape de cancérogenèse font appel à l’ensemble<br />
des facteurs déjà décrits, de susceptibilité individuelle et d’interaction entre génome et<br />
environnement. Ils aboutissent à des gains ou pertes de fonction cellulaire qui bouleversent<br />
l’homéostasie cellulaire, ceci par l’activation ou dérépression d’un oncogène (mutation d’un allèle<br />
ou activation d’un allèle silencieux) ou par une perte de fonction d’un gène suppresseur (ce par<br />
mutation des deux allèles). Ces modifications et mutations génomiques étant associées ou non à des<br />
réarrangements chromosomiques se traduisent à terme par l’initiation ou la transformation<br />
cellulaire.<br />
Bien que les mécanismes moléculaires ne soient pas, à ce jour, éclaircis dans leur globalité, la très<br />
grande variété de causes et d’interactions peuvent être regroupées globalement comme causes<br />
génétiques ou épigénétiques (directes ou indirectes). Les anomalies et dysfonctions génomiques<br />
induites ont comme conséquence la transformation cellulaire en cellules <strong>tumoral</strong>es<br />
immortalisées avec perte des régulations d’apoptose et d’homéostasie.<br />
2.4.1.1. Causes génétiques<br />
- une transmission héréditaire d’un allèle muté (ou d’une perte d’allèle) pour un gène suppresseur<br />
codant pour une fonction précise. De telles transmissions de mutation germinale de gènes<br />
suppresseurs sont certes rares, environ 6 à 8 % des cancers totaux, mais paraissent être présentes<br />
dans un plus grand nombre de cancers de l’enfant ou de l’adulte jeune comme nous l’avons déjà<br />
précisé (Epidémiologie moléculaire).<br />
- une mutation non réparée de l’ADN : l’exposition prolongée aux agents mutagènes<br />
présents dans l’environnement peuvent être à l’origine d’une génotoxicité provoquant des points de<br />
mutation secondaire dite somatique pour les différencier des mutations germinales. Il est clair<br />
que pour la plus grande majorité d’individus, les cellules touchées sont capables d’éliminer les<br />
séquences d’ADN endommagées, les réparer et ainsi éviter toutes conséquences. Cependant, deux<br />
types de populations peuvent être à haut risque - celle dont les individus ont de façon héréditaire<br />
ou acquise une capacité et fonctions de réparation d’ADN réduites, et celle dont les individus<br />
exposés de façon constante à des niveaux élevés d’agents mutagènes ont une capacité supérieure<br />
au reste de la population de métabolisation et activation des carcinogènes.<br />
Les cellules(et tissu) sont d’autant plus sensibles aux carcinogènes qu’elles sont stimulées par des<br />
facteurs de croissance et engagées dans le cycle cellulaire.<br />
Comme il l’a été précisé par Epidémiologie moléculaire, les mutations somatiques non réparées<br />
peuvent toucher différents types de gènes dont certains fondamentaux tels les gènes de surveillance<br />
de la stimulation et de la prolifération cellulaire et les gènes de la réparation stabilité génomique. Le<br />
cumul progressif des mutations somatiques joue un rôle fondamental dans la transformation<br />
cellulaire et la perte d’homéostasie.<br />
2.4.1.2. Causes épigénétiques directes : modifications de la<br />
transcription génomique<br />
- dysfonction dans la régulation de la transcription de l’ADN : (hypothèse on/off)<br />
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Les séquences d’ADN codant pour une fonction cellulaire fondamentale mais transitoire peuvent<br />
être rendues silencieuses (off) par hyperméthylation. Toute dysrégulation de ce mécanisme peut<br />
entraîner par hyperméthylation des zones promotrices une perte d’expression d’une protéine<br />
nécessaire à une fonction vitale, ce de façon inappropriée.<br />
A l’inverse, la perte de méthylation de l’ADN hypométhylation sur des séquences particulières,<br />
peut permettre la reexpression inappropriée (on) dans une cellule d’une macromolécule qui viendra<br />
perturber l’homéostasie cellulaire. Cette dysfonction d’expression (hypothèse on/off) peut être<br />
soustendue par des mutations ou dysfonctions intervenant dans les complexes enzymatiques<br />
régulant la méthylation de l’ADN.<br />
- dysrégulation d’expression (hypothèse hyper/hypo) :<br />
D’autres anomalies de transcription de l’ADN peuvent s’observer dans l’hyper ou l’hypoexpression<br />
de facteurs intervenant dans le métabolisme cellulaire, la croissance cellulaire et la<br />
transmission intracellulaire du signal mitogénique. Ces dérégulations permettent l’expression d’un<br />
phénotype cellulaire pathologique échappant au mécanisme d’homéostasie et de régulation<br />
tissulaire.<br />
2.4.1.3. Causes épigénétiques indirectes : Interaction directe le<br />
produit d’un oncovirus et la régulation cellulaire- apoptose<br />
Ce type d’interférences s’observe essentiellement dans les mécanismes d’action des adénovirus. Les<br />
virus à ADN codent pour des protéines uniques interférant spécifiquement avec les molécules de<br />
régulation du cycle cellulaire et de l’apoptose (Rb, p53, bcl2... cf. II.3.D) Ainsi la protéine grand<br />
T du virus SV40, les protéines E6 des papilloma virus 16 et 18, et d’autres protéines E1 B19 et E1<br />
B 55 d’adénovirus inhibent la protéine p53. Par ailleurs, la protéine du virus EBV, LMP1, induit<br />
Bcl2, et BHRF1 qui mime Bcl2 bloquent de ce fait l’induction de l’apoptose cellulaire.<br />
2.4.1.4. Conséquences : Immortalisation/perte de régulation de<br />
l’apoptose et homéostasie<br />
L’impact des carcinogènes que nous avons décrit est en permanence associé à l’action de<br />
promoteurs ou cocarcinogènes qui agissent en synergie ou en potentialisant l’action des agents<br />
transformants. Il est à retenir que les tissus en prolifération ou les cellules en cycle sont les plus<br />
sensibles à l’impact moléculaire des carcinogènes et à termes à la transformation cellulaire.<br />
La transformation cellulaire comporte deux éléments majeurs, l’immortalisation et la perte<br />
d’homéostasie.<br />
L’apoptose ou mort cellulaire programmée, est un équilibre entre gènes inducteurs apoptiques et<br />
antiapoptotiques (cf. Fig. 14). Les gènes apoptotiques tels : bax, ICE… interviennent dans le cadre<br />
d’un programme cellulaire fonctionnel. Les gènes antiapoptotiques tels bcl2, bclxl… sont des<br />
gènes qui physiologiquement permettent à la cellule de traverser des périodes de crises ou de stress.<br />
Le programme apoptique peut se diviser en trois phases :<br />
1/ Phase d’initiation qui correspond à la réponse de la cellule à une modification des paramètres<br />
physiologiques ou biochimiques normaux.<br />
2/ Une phase de décision où la cellule peut enclencher, en parallèle, des programmes du survie et de<br />
mort.<br />
3/ et en cas d’échec de la restauration des fonctions cellulaires, une phase d’exécution qui marque le<br />
début de l’autodestruction cellulaire.<br />
Théoriquement, il peut y avoir autant de phase d’initiation que de situation de stress, (augmentation,<br />
concentration cellulaire de radicaux libres, augmentation de la concentration intracellulaire de<br />
calcium, défaut métabolique…)<br />
Une initiation de l’apoptose particulièrement importante est celle qui suit une modification<br />
génotoxique de l’ADN et qui conduit à l’activation de la protéine P53. La protéine P53 provoque<br />
un arrêt du cycle cellulaire et l’induction de la transcription de protéines proapoptotiques ou<br />
responsables de la réparation de l’ADN. Cette double fonction permet d’empêcher la propagation<br />
DCEM 2 – Module 10 13
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de mutation de l’ADN puisqu’en cas d’échec de la réparation, la cellule mutante est éliminée par<br />
apoptose.<br />
Un autre type d’initiation est celle induite au terme du programme de sénescence cellulaire.<br />
Chaque cellule différenciée a, du fait d’une inactivation de la télomérase en fin de bras long de<br />
chaque chromosome, un capital non renouvelable de séquences répétitives terminales : les<br />
téloméres. Toute division cellulaire diminue le capital télomérique qui au terme de la dernière<br />
division et perte de la dernière unité télomérique enclenche, de façon irréversible, le programme<br />
d’apoptose.<br />
L’immortalisation cellulaire peut être due à la perte du programme apoptotique ou à sa noninduction,<br />
par exemple : une mutation sur le gène P53, la réinduction anormale d’une activité<br />
télomérase cellulaire ou l’interférence d’une protéine oncovirale.<br />
L’homéostasie (ou différenciation cellulaire) est un équilibre entre prolifération et mort<br />
cellulaire(cf. Fig. 10). La prolifération cellulaire est stimulée par des molécules spécifiques :<br />
facteurs de croissance, récepteurs de facteurs de croissance, molécules permettant la transmission<br />
spécifique du signal mitotique intracellulaire et l’activation des gènes nucléaires. Les molécules de<br />
stimulation mutées ou dysrégulées sont de la classe des oncogènes. Par contre, les gènes de<br />
régulation et de contrôle du cycle cellulaire, comme nous l’avons déjà précisé, font partie du groupe<br />
des gènes suppresseurs.<br />
2.4.2. L’étape de promotion<br />
caractérisée par une augmentation de la perte de l’homéostasie associée à une instabilité<br />
génomique.<br />
- L’instabilité génomique liée aux mutations de gènes suppresseurs (associé ou non aux gènes de<br />
régulation de surveillance du cycle cellulaire et stimulations cellulaires appelées « Gate keeper<br />
genes » (Cf. fig 10), ainsi que les gènes de réparation entretien stabilité génomique appelés « Care<br />
taker genes ») se traduit par une accumulation progressive d’anomalies : mutation somatique, perte<br />
d’hétérozygotie, amplification hyper/hypométhylation…(cf. Fig 12 et 13)<br />
Globalement, ceci se traduit par une perte de facteurs de protection (gènes suppresseurs) et<br />
augmentation des facteurs favorisant la progression (oncogènes entre autres). Pour chaque type<br />
<strong>tumoral</strong> et individu, ces modifications sont plus ou moins rapides (cf. Fig. 3)<br />
A partir de la transformation cellulaire, le développement <strong>tumoral</strong> va devenir de plus en plus<br />
dépendant de son microenvironnement <strong>tumoral</strong> et passe par une phase critique avec l’établissement<br />
ou non d’un microenvironnement tissulaire permissif. Les facteurs de progression sont pour leur<br />
grande majorité des gènes intervenant dans l’interaction tumeur-microenvironnement qui se mettent<br />
progressivement en place lors de la phase de promotion:<br />
- Facteurs de croissance dont des facteurs angiogéniques et des protéases<br />
- Récepteurs cellulaires aux facteurs de croissance soit autosecrétés par la cellule <strong>tumoral</strong>e (boucle<br />
autocrine) soit par l’environnement (boucle paracrine).<br />
- Dysrégulation des molécules de transmission du signal mitogénique donnant une autonomie aux<br />
cellules <strong>tumoral</strong>es<br />
- Protéines de surface modifiant la reconnaissance par le système immunitaire<br />
La différence entre cancer dit « héréditaire » et cancer sporadique (cf. Fig. 14) tient au fait que<br />
pour les cancers familiaux, la mutation germinale d’un gène suppresseur transmise héréditairement<br />
sera une première étape qui pourra être associée secondairement à 1 ou plusieurs mutations<br />
somatiques et à des dysrégulations ou susceptibilités liées à des facteurs de risque. L’ensemble<br />
ayant comme conséquence globale la transformation cellulaire, une instabilité génomique induite<br />
qui entraînera secondairement des dysfonctions et remaniements génomiques identiques entre<br />
cancer héréditaire ou sporadique.<br />
Par exemple, pour le cancer du sein, sont associés les évènements ou mutations génomiques<br />
héréditaires ou somatiques et des facteurs promoteurs ou cocarcinogènes hormonaux :<br />
DCEM 2 – Module 10 14
Faculté de Médecine de Marseille<br />
* sur le plan héréditaire, deux syndromes familiaux peuvent être associés à une transmission<br />
prédisposante : transmission d’une mutation (ou d’un remaniement) de BRCA1 ou de BRCA2 dans<br />
le syndrome familial sein/ovaires, ou d’une mutation de P53 dans le syndrome Li Fraumeni.<br />
*Les mutations somatiques qui s’accumulent durant la phase de cancérogenèse le développement<br />
<strong>tumoral</strong> peuvent être divisées en phase précoce ou tardive.<br />
Les mutations somatiques précoces semblent être : une surexpression, (avec ou non amplification)<br />
de la cycline D1, une surexpression de coactivateurs des récepteurs des oestrogènes qui est associée<br />
à une perte d’expression des récepteurs des oestrogènes eux-mêmes (RE négatif) ou une perte<br />
d’hétérozygotie pour le chromosome 17p. (LOH17p)<br />
Les événements ou mutations somatiques tardifs sont quant à eux :<br />
- amplifications de myc, de cerbB2 - des pertes d’hétérozygotie sur divers chromosomes : LOH<br />
1p1q 8p11p 13q16q 17q18q (montrant le large spectre possible des remaniements observés) - des<br />
hyperméthylations des gènes : cdK2, E cadhérine, se traduisant par une perte de fonction - des<br />
surexpressions de facteur de croissance ou de protéines dont les mécanismes initiateurs peuvent être<br />
multiples.<br />
*Facteurs hormonaux associés : les données épidémiologiques, expérimentales et cliniques<br />
montrent que les oestrogènes (et l’œstradiol entre autres) jouent un rôle clé dans la cancérogenèse et<br />
les étapes suivantes du développement <strong>tumoral</strong>. Une des actions les plus connue est celle du<br />
cocarcinogène ou promoteur de l’œstradiol lié à son rôle dans le développement de la glande<br />
mammaire et l’induction de la prolifération des cellules hormonosensibles. La très grande<br />
sensibilité aux carcinogènes des tissus en prolifération explique, entre autres, les périodes critiques<br />
ou « à risques » qui correspondent à une hyperstimulation tissulaire de type oestrogénique<br />
secondaire à des cycles anovulatoires (puberté, préménopause) ou à des traitements hormonaux<br />
surdosés (traitement substitutif de la ménopause).<br />
Un autre aspect extrêmement important dans la cancérogenèse mammaire est celui lié au<br />
métabolisme oxydatif des oestrogènes. Ce métabolisme oxydatif permet la production de<br />
catécholoestrogènes, les 4OH-E2 et 16 αOH-E1 molécules qui peuvent interagir directement avec<br />
les bases puriques de l’ADN et former des adduits. De ce fait ces métabolites de l’œstradiol peuvent<br />
être considérés comme de réels carcinogènes rejoignant dans cela la carcinogenèse chimique<br />
expérimentale classique type DMBA. Ces données récentes du métabolisme oxydatif des<br />
oestrogènes ouvrent tout un aspect complémentaire au rôle de promoteur de l’œstradiol, rôle connu<br />
depuis les travaux expérimentaux de Lacassagne au début du siècle.<br />
2.5. Tumorogénèse<br />
Ceci recouvre les étapes concernant l’évolution du processus <strong>tumoral</strong> vis à vis de l’organisme<br />
avec le développement <strong>tumoral</strong> local qui peut être décrit en deux phases, une phase in situ puis<br />
une phase d’invasivité où s’enclenche l’ensemble des phénomènes qui feront toute la gravité des<br />
processus tumoraux avec l’établissement possible de métastases.<br />
Cette étape est possible par la transformation de plusieurs protooncogènes en oncogènes activés. Il<br />
est important de se rappeler que ces différents types de protooncogènes-oncogènes n’actent pas de<br />
façon indépendante les uns des autres que ce soit dans leur fonction normale ou dans la<br />
carcinogénèse-tumorigénèse. Au contraire, il a été démontré dans différents types cellulaires et<br />
tissulaires que l’activation coordonnée ou la surexpression de plusieurs oncogènes sont le plus<br />
souvent nécessaires pour induire le potentiel de croissance <strong>tumoral</strong>e dans sa globalité.<br />
Les dysrégulations d’expression génomique (oncogènes activés) associées ou non à des pertes<br />
d’hétérozygotie, mutations et amplifications de gènes se traduisent par l’établissement de boucles<br />
autocrines, paracrines ou télocrines mettant en jeu des facteurs de croissance, leurs récepteurs<br />
spécifiques, une transmission dysrégulée du signal mitogénique intracellulaire. Ces boucles<br />
d’interaction perturbent l’ensemble de l’homéostasie tissulaire et permettent le développement d’un<br />
microenvironnement tissulaire permissif favorisant la croissance <strong>tumoral</strong>e locale puis<br />
locorégionale et la dissémination métastatique ce par dysrégulation des programmes de prolifération<br />
DCEM 2 – Module 10 15
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cellulaire, d’apoptose, par le développement d’une néoangiogénèse péri<strong>tumoral</strong>e et d’un processus<br />
invasif.<br />
2.5.1. Prolifération cycle cellulaire/apoptose<br />
La dysrégulation de la prolifération se fait progressivement et par accumulation des gains ou perte<br />
de fonction cellulaire secondaire à l’instabilité génomique et au remaniement qui en découlent..<br />
Après l’étape d’initiation, un équilibre relatif s’établit entre activation d’oncogènes et perte<br />
d’activité de certains gènes suppresseurs et il persiste des communications intercellulaires par les<br />
Gap-junction.<br />
Durant la phase de promotion, un échappement de plus en plus important vers la perte du contrôle<br />
de la prolifération survient à la suite de 3 évènements possibles : un majeur qui est la perte des<br />
communications intercellulaires « Gap-junction »due à la modification d’expression des<br />
molécules d’adhésion cellulaire ; les deux autres étant activation de plusieurs oncogènes et/ou<br />
perte d’un gène suppresseur supplémentaire (cf Fig. 16).Dans de multiples cancers (sein, colon,<br />
prostate), on retrouve ce phénomène de surexpression (associé ou non à une amplification) des<br />
cyclines D, cycline E, de l’oncogène nucléaire c myc associé à la perte d’expression de p27, p16,<br />
Rb et de ce fait de leurs fonctions de contrôle du cycle. (cf Fig. 17)<br />
Deux types de croissance <strong>tumoral</strong>e sont possibles avec des implications thérapeutiques majeures<br />
pour la sensibilité aux drogues de chimiothérapie et la radiothérapie.<br />
Les amplifications ou mutations activatrices peuvent toucher des gènes codant pour des récepteurs à<br />
des facteurs de croissance (tels cerbB2/HER2/neu) ou une protéine intermédiaire de transmission<br />
du signal mitogénique, (tels ras,.raf). L’ensemble de ces mutations entraîne une croissance<br />
<strong>tumoral</strong>e par prolifération importante non contrôlée.<br />
Un autre type de croissance <strong>tumoral</strong>e est possible avec une prolifération faible mais perte<br />
d’apoptose due à :<br />
-soit des mutations inactivantes de P53 gène suppresseur contrôlant plusieurs fonctions, cycle<br />
cellulaire, réparation ADN muté et induction apoptose. La mutation-perte de fonction de ce gène est<br />
retrouvée dans globalement plus de la moitié des tumeurs solides humaines. La mutation de P53<br />
entraîne une perte d’induction de l’apoptose, une accumulation des mutations non réparées,<br />
instabilité génomique avec polyploïdie progressive.<br />
- soit une surexpression des molécules antiapoptiques telles bcl2, bcl-xl…(cf. Fig. 19)<br />
2.5.2. Néoangiogénèse.<br />
La néoangiogénèse stromale péri<strong>tumoral</strong>e est un phénomène capital pour permettre la croissance<br />
<strong>tumoral</strong>e au-delà d’une sphéroïde de 2 mm. Le développement de cette néoangiogénèse se fait à<br />
partir des capillaires pré-existant par déstabilisation de ceux-ci sous stimulation par des facteurs de<br />
croissance angiogéniques. Ces facteurs angiogéniques sont sécrétés par les cellules <strong>tumoral</strong>es<br />
mises en hypoxie du fait de leur croissance rapide autonome. Les cellules <strong>tumoral</strong>es sécrètent<br />
également des facteurs activant les macrophages péritumoraux, ceux-ci, en réponse, produisent<br />
d’autres facteurs angiogéniques et attractants pour les cellules endothéliales déstabilisées. Enfin, les<br />
protéases et héparinases secrétées par les cellules <strong>tumoral</strong>es et stromales participent à la<br />
dégradation des glycoaminoglycanes constituant des membranes basales dont la propriété est de<br />
stocker certains facteurs de croissance. La dégradation des glycoaminoglycanes par des<br />
héparinsases spécifiques, permet la libération et l’activation des facteurs de<br />
croissance angiogéniques. Les cellules endothéliales déstabilisées et stimulées par les facteurs de<br />
croissance perdent leur interaction avec les péricytes et sécrètent, elles aussi, des protéases qui en<br />
synergie avec les protéases <strong>tumoral</strong>es complètent la lyse des matrices extracellulaires capillaires et<br />
participent à la migration cellulaire.<br />
DCEM 2 – Module 10 16
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2.5.3. La néoangiogénèse se développe en trois phases (cf. Fig<br />
20B) :<br />
2.5.3.1. Une vascularisation capillaire stable :<br />
est caractérisée par des structures capillaires où les cellules endothéliales interagissent avec les<br />
péricytes pour la synthèse des éléments de la matrice extracellulaire et le maintien d’une structure<br />
fonctionnelle. Les cellules endothéliales expriment le récepteur Tie2 aux angiopoietines et les<br />
récepteurs au VEGF R1, R2. Le facteur stabilisant est l’angiopoietine 1 secrétée par les cellules<br />
endothéliales différenciées stables agissant en boucle autocrine.<br />
2.5.3.2. Une phase de déstabilisation :<br />
induite par l’anoxie <strong>tumoral</strong>e. Les facteurs de croissance libérés par les cellules <strong>tumoral</strong>es<br />
anoxiques induisent la secrétion d’Angiopoietine 2 par les cellules endothéliales. Angiopoietine 2<br />
entre en compétition avec l’angiopoietine 1 sur le récepteur endothélial Tie2, ce qui déstabilise les<br />
structures capillaires avec perte des interactions forte cellulaires (endothéliale, péricytes) et<br />
réexpression des récepteurs VEGF de type R1.<br />
2.5.3.3. La croissance et migration :<br />
des cellules endothéliales déstabilisées est secondaire à la stimulation par les facteurs croissance<br />
angiogénique et facteurs attractants (si ceux-ci sont absents, les cellules endothéliales déstabilisées<br />
entrent en apoptose). La migration cellulaire est un phénomène complexe d’attachementdétachement<br />
de la cellule migrante. L’attachement se fait par des lamellipodes en expansion<br />
frontale aux constituants du stroma puis détachement postérieur avec projection de nouveaux<br />
lamellipodes antérieurs. La serine protéase UPA et son récepteur cellulaire spécifique jouent un rôle<br />
dans la migration. L’urokinase liée à son récepteur cellulaire interagit avec la fibronectine dans<br />
l’expansion des lamellipodes. La compétition PAI1 (inhibiteur des activateurs plasminogène type 1)<br />
sur la liaison urokinase/ fibronectine permet le détachement au pôle postérieur de la cellule<br />
<strong>tumoral</strong>e migrante.<br />
Au terme de cette migration, les cellules endothéliales s’associent en néotubule, se stabilisent par<br />
interactions avec des cellules présentant une différenciation en péricyte. L’ensemble cellules<br />
endothéliales/péricytes secrètent les différents constituants de la matrice extracellulaire et<br />
permettent aux néocapillaires stabilisés, d’être fonctionnels. La néoangiogénèse <strong>tumoral</strong>e et<br />
péri<strong>tumoral</strong>e joue, par ailleurs, un rôle capital dans les phénomènes d’invasion et de métastases.<br />
La prise en compte de la néoangiogénèse est la quantification de facteurs spécifiques intervenant<br />
dans celle-ci tels le VEGF, PDECGF (TP) sont des facteurs pronostiques majeurs pour les<br />
tumeurs non métastatiques. L’importance capitale que représente la néoangiogénèse fonctionnelle<br />
pour le développement <strong>tumoral</strong> en font actuellement une cible thérapeutique majeure et un moyen<br />
de ciblage avec concentration et délivrance locale de drogues du fait d’une présence d’intégrines et<br />
glycoprotéines spécifiques à la surface des cellules endothéliales de ces néocapillaires tumoraux<br />
2.5.4. L’invasivité <strong>tumoral</strong>e :<br />
locale met en jeu une coopération entre tumeur et microenvironnement. Les cellules <strong>tumoral</strong>es<br />
secrètent sous stimulation de boucles autocrines paracrines de multiples protéases (cf. Fig. 21).<br />
L’environnement <strong>tumoral</strong> ou stroma interagit avec le processus <strong>tumoral</strong> non seulement par le<br />
développement de la néoangiogénèse mais également avec le déclenchement inapproprié par le<br />
stroma des mécanismes physiologiques de réparation tissulaire. Cette réaction stromale est<br />
caractérisée par l’activation et la synthèse de multiples protéases. Cet ensemble d’activités<br />
enzymatiques protéasiques (<strong>tumoral</strong>e et stromale) permet la dissolution des matrices extracellulaires<br />
DCEM 2 – Module 10 17
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et de la trame stroma le, et la migration des cellules <strong>tumoral</strong>es non seulement à travers le stroma<br />
mais également leur intravasation dans les néocapillaires et lymphatiques péritumoraux.<br />
Les cascades de protéases activées sont spécifiques de chaque type <strong>tumoral</strong> mais globalement deux<br />
classes de protéases prédominent : les sérines protéases avec l’activateur du plasminogène type<br />
urokinase UPA, et les métalloprotéases MMP2 MMP9 (collagénases) ou MMP10 MMP7<br />
(stromélysines). Quelle soit d’origine stromale ou <strong>tumoral</strong>e, la quantification du taux des protéases<br />
libérées et activées au sein du processus <strong>tumoral</strong> et de leurs inhibiteurs spécifiques PAI1 et TIMP1<br />
(Plasminogène activateur inhibiteur et tissu inhibiteur métaloprotéases type 1), est un facteur<br />
pronostique majeur pour les tumeurs invasives non métastatiques. Les protéases représentent, à<br />
l’heure actuelle, une cible potentielle thérapeutique importante et en cours d’évaluation clinique.<br />
2.5.5. L’établissement des métastases (cf Fig. 22) :<br />
débute par la migration des cellules <strong>tumoral</strong>es et leur pénétration dans la lumière des néocapillaires.<br />
Une fois dans la circulation, la plus grande majorité des cellules <strong>tumoral</strong>es migrantes meurent, ce<br />
comme conséquence de multiples stress : frottement et pression mécanique, toxicité de la<br />
concentration en oxygène, agression par les acteurs de la défense immunitaire. Il est à noter que les<br />
cellules cancéreuses circulantes sont accompagnées de plaquettes, de polynucléaires, ce qui entraîne<br />
des réactions inflammatoires et d’éventuelles hypoplaquettoses.<br />
Cependant, certaines cellules <strong>tumoral</strong>es circulantes peuvent survivre à cet ensemble de stress,<br />
s’immobiliser dans des sites spécifiques et entreprendre la colonisation tissulaire après<br />
extravasation. L’arrêt des cellules cancéreuses circulantes fait appel à une interaction<br />
reconnaissance spécifique entre cellules <strong>tumoral</strong>es et épitopes de surface des cellules endothéliales,<br />
via des molécules d’adhésion différentes de celles décrites au moment de la différenciation<br />
tissulaire ou de l’invasion <strong>tumoral</strong>e. Les molécules d’adhésion mises en jeu sont des sélectines,<br />
molécules CD44 et des molécules appartenant à la superfamille des immunoglobulines ou<br />
molécules d’adhésion cellulaire CAMs (L-CAM (Liver) N-CAM (neuronales) I-CAM<br />
(inflammatoire) et V-CAM (vasculaire).<br />
L’antigène carcinoembryonnaire (ou ACE) est un marqueur <strong>tumoral</strong> sérique des plus anciens<br />
connus dans les cancers du colon et du sein. Il s’agit d’une molécule d’adhésion de type<br />
immunoglobuline, proche du N-CAM, retrouvée comme molécule d’adhésion des cellules<br />
intestinales de l’adulte et de l’embryon. Une expression très élevée d’ACE est corrélée avec un<br />
pouvoir métastatique accru au niveau du foie.<br />
L’interaction entre cellules <strong>tumoral</strong>es et cellules endothéliales capillaires spécifiques d’un organe<br />
via la reconnaissance des CAM spécifiques, est à l’origine du développement des métastases dans<br />
un site préférentiel pour un type <strong>tumoral</strong> donné. Ainsi, Les cellules <strong>tumoral</strong>es de cancers de prostate<br />
métastasent préférentiellement dans le tissu osseux, les cancers du colon métastasent<br />
préférentiellement dans le foie, les cancers du poumon (à petites cellules) métastasent dans le foie,<br />
cerveau et moelle osseuse, par contre les cancers du sein ont un tropisme métastatique large avec<br />
localisation osseuse, pulmonaire et hépatique mais également intracérébrale et surrénalienne.<br />
Une fois immobilisées, les cellules <strong>tumoral</strong>es, grâce à la secrétion de protéases/<br />
prostaglandines/protacyclines, provoquent une rétraction des cellules endothéliales, une<br />
fragmentation de la membrane basale des capillaires et l’extravasation migration des cellules<br />
<strong>tumoral</strong>es.<br />
Ce processus biologique de migration colonisation métastatique est de très faible rendement, 1<br />
cellule <strong>tumoral</strong>e sur 10 6 cellules invasives, résistera et réunira la colonisation tissulaire au site<br />
métastatique.<br />
Soumis à un microenvironnement tissulaire dans l’organe colonisé très différent de leur tissu<br />
d’origine les cellules <strong>tumoral</strong>es, par leur instabilité génomique, s’adaptent :<br />
- soit les cellules métastatiques utilisent les facteurs de croissance tissulaire de l’organe colonisé<br />
grâce à la présence ou au développement de récepteurs spécifiques à leur surface, ce qui est le cas<br />
des métastases multiples.<br />
DCEM 2 – Module 10 18
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- soit la cellule métastatique et la colonie qui en dérive, croissent grâce à une boucle autocrine<br />
indépendante du tissu colonisé c’est le cas pour les métastases uniques.<br />
.La quantification intra<strong>tumoral</strong>e des protéases, facteurs angiogéniques, oncogènes ou facteurs de<br />
croissance intervenant dans des boucles autocrines ou dysrégulation de la transmission du signal<br />
mitogénique interacellulaire sont Les facteurs biologiques de risque qui pour un cancer invasif<br />
permettent d’isoler les tumeurs à très haut risque de dissémination microscopique massive.<br />
La recherche et la quantification de cellules <strong>tumoral</strong>es circulantes ou colonisant la moelle osseuse<br />
est une approche également pour mieux appréhender l’importance de la maladie résiduelle et<br />
soustendre des propositions et schémas thérapeutiques.<br />
2.6. Maladie cancéreuse disséminée/thérapeutique pharmacologie<br />
moléculaire<br />
La dernière phase du développement <strong>tumoral</strong>, maladie métastatique disséminée pose le problème<br />
majeur de son contrôle thérapeutique (cf. Fig. 23). L’instabilité génomique et la plasticité<br />
d’adaptation caractéristique des cellules métastatiques soustend une résistance plus ou moins<br />
rapide aux approches thérapeutiques médicales actuelles (chimiothérapie, hormonothérapie)<br />
visant essentiellement des cibles moléculaires (cf. Fig. 24). Le développement de modèles<br />
expérimentaux, les progrès des analyses moléculaires tissulaires ont permis le démembrement des<br />
principaux mécanismes de résistance cellulaire aux drogues thérapeutiques.<br />
- Le premier mécanisme touche le transfert transmembranaire (influx-efflux) des molécules<br />
pharmacologiques avec la mise en jeu de canaux ou pompes plus ou moins spécifiques. Hormis les<br />
systèmes membranaires de transport, les glycoprotéines membranaires GP170 jouent un rôle<br />
important dans l’efflux. L’induction possible. d’un efflux actif important bloque toute possibilité de<br />
concentration intracellulaire suffisante pour atteindre un effet pharmacologique, cet efflux (commun<br />
à tout un groupe de structures moléculaires) recouvre le syndrome clinique de<br />
résistance pleiotropique aux agents pharmacologiques (MDR).<br />
- Une autre inactivation possible intracellulaire est le trappage ou liaison non spécifique sur des<br />
molécules protéiques n’entraînant aucun effet pharmacologique ou physiologique. Ce trappage<br />
diminue de façon importante la concentration intracellulaire de la molécule active et peut entrer en<br />
compétition avec soit les cibles spécifiques, soit le mécanisme de désactivation /efflux.<br />
- Plusieurs mécanismes moléculaires peuvent modifier les cibles moléculaires cellulaires<br />
spécifiques des drogues :<br />
*soit une modification qualitative de la cible telle la mutation de la tubuline dans les résistances<br />
aux vincaalcaloides, mutation activation constante d’un récepteur spécifique entre autres dans les<br />
résistances aux antihormonaux. (récepteurs aux androgènes cancer prostate hormono-indépendant)<br />
* soit une modification quantitative de la cible telle surexpression de la dihydrofolate réductase<br />
dans la résistance aux methrotrexates, la modification d’expression de la topoïsomérase dans la<br />
résistance aux antracyclines.<br />
* induction de voies métaboliques de contournement ou sauvegarde telle la voie passant par la<br />
thymidine kinase (TK) pour la synthèse des pyrimidines qui peut être induite et non contrôlée et<br />
prendre le relais de la voie passant par la thymidilate synthétase enzyme bloquée par les drogues<br />
antimétaboliques.<br />
* induction ou modulation de voies enzymatiques spécifiques :<br />
- telle une voie enzymatique de réparation rapide de l’ADN en cas de molécule thérapeutique<br />
interagissant directement avec l’ADN.<br />
- tel un mécanisme d’activation d’une prodrogue ainsi : l’activation de la capécitabine (prodrogue<br />
de 5 fluorouracil) en drogue activée par la thymidine phosphorylase cellulaire (TP) dont la<br />
concentration est en général supérieure dans les tissus tumoraux par rapport aux tissus sains. Toute<br />
modification d’expression et du taux de l’enzyme d’activation TP dans les tissus pathologiques peut<br />
interférer dans l’efficacité pharmacologique de la prodrogue qui en dépend.<br />
DCEM 2 – Module 10 19
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- Enfin, toute modification de l’expression de récepteurs spécifiques par hyper ou hypométhylation<br />
du promoteur tels les récepteurs des androgènes dans les cancers de la prostate hormonoindépendants.<br />
La connaissance de ces mécanismes moléculaires de résistance a comme retombé en clinique, à<br />
l’heure actuelle, la possibilité de sélection et d’orientation vers des protocoles spécifiques, des<br />
patients évoluant sous un protocole thérapeutique susceptible d’induire une multidrogues résistance.<br />
La détermination moléculaire avant toute thérapeutique d’une expression moléculaire soustendant<br />
une résistance thérapeutique peut être un pas plus précoce dans la sélection de protocoles de<br />
chimiothérapie spécifiques.<br />
2.7. Traceurs ou marqueurs sériques dans les tumeurs solides<br />
humaines<br />
Le succès du contrôle thérapeutique des processus tumoraux dépend de leur diagnostic précoce. Il<br />
est donc nécessaire de développer des méthodes fiables et simples pour identifier les tumeurs dès<br />
les premiers stades évolutifs. Cette demande est à la base du développement des marqueurs<br />
biologiques du cancer et de leur mesure dans les fluides corporels.<br />
Le terme de traceurs biologiques « Tumoral Markers » a été précisé en 1975 par Herberman à la<br />
conférence du NCI « advancess of <strong>Cancer</strong> management », en définissant les critères d’un traceur<br />
biologique idéal :<br />
Application facile : dosage simple, reproductible, d’un coût contrôlé.<br />
Détectabilité : existence de méthodes de dosage permettant la mesure d’une différence<br />
quantitativement significative entre les taux des sujets normaux et ceux des patients atteints de<br />
néoplasies.<br />
Sensibilité permettant de reconnaître « seulement les vrais malades » : faible nombre de faux<br />
négatifs.<br />
Spécificité permettant d’écarter les non-malades et d’indiquer le site de l’atteinte cancéreuse<br />
(spécificité d’organe)<br />
Possibilité d’une surveillance de la maladie résiduelle en phase « invisible » par dosages répétitifs<br />
et détection précoce de la récidive ou de la métastase.<br />
En 1980, Gross-Koln présentait les possibilités diagnostiques par les traceurs tumoraux.<br />
Un traceur <strong>tumoral</strong> idéal devrait donc :<br />
identifier la néoplasie,<br />
monitorer la thérapie.<br />
C’est vers ce but que tendent tous les marqueurs bien que peu le réalisent.<br />
Dès 1981, Wolf attirait l’attention sur certaines limites :<br />
absence d’une vraie spécificité (car association fréquente avec une pathologie non néoplasique),<br />
absence de vrai parallélisme entre taux sérique et volume de la masse <strong>tumoral</strong>e. Une chute des taux<br />
circulants d’un traceur biologique peut être consécutive à une réponse au traitement ou à une perte<br />
de la capacité de sécrétion du traceur par la tumeur.<br />
2.7.1. Application clinique des marqueurs<br />
Le dépistage : en raison de leur spécificité et de leur sensibilité insuffisantes, les marqueurs<br />
tumoraux n’ont pas à l’heure actuelle leur place dans ce domaine, notamment si la valeur prédictive<br />
négative ou positive du test est trop faible. Une exception malgré tout dans le domaine, la<br />
thyrocalcitonine dans les cancers médullaires de la thyroïde, forme familiale.<br />
Le diagnostic : aucun des marqueurs actuellement disponibles n’a une spécificité absolue vis-à-vis<br />
des cellules cancéreuses et ne peut être utilisé dans un but diagnostique. D’autre part, la sensibilité<br />
est insuffisante et ne permet pas d’éviter les faux négatifs. Le dosage des marqueurs ne peut être<br />
envisagé que dans le cadre d’aide ou d’orientation diagnostique. Une exception : le dosage du<br />
PSA dans le cancer de la prostate qui a vu sa spécificité augmenter par le dosage des formes PSA<br />
DCEM 2 – Module 10 20
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libre/PSA total, la densité PSA (taux de PSA sur volume échographique de la prostate) et enfin la<br />
mise en route de standards internationaux et d’une calibration inter-techniques.<br />
L’appréciation du stade : beaucoup de marqueurs ont une corrélation avec l’extension de la<br />
maladie et notamment avec la présence de métastases (80 à 90 % de taux positivité). Les marqueurs<br />
sont de ce fait plus le reflet de la dissémination métastatique que de l’existence de la tumeur<br />
primitive.<br />
Le pronostic : il existe pour certains marqueurs une relation taux plasmatique/nombre de cellules<br />
<strong>tumoral</strong>es sécrétantes (masse <strong>tumoral</strong>e) mais la relation stricte taux plasmatique/pronostic n’a<br />
jamais pu être formellement démontrée car le taux circulant des marqueurs dépend de leur synthèse<br />
intra<strong>tumoral</strong>e et leur libération par excrétion ou lyse cellulaire.<br />
La surveillance du traitement : c’est dans ce domaine que les marqueurs ont trouvé leur plus<br />
importante application. C’est en effet le signe généralement le plus évident de l’efficacité d’un<br />
traitement, qu’il soit chirurgical, radiothérapique ou chimiothérapique. En cas de chimio et/ou de<br />
radiothérapie, la persistance de taux plasmatiques élevés est souvent synonyme de résistance.<br />
Le dépistage des récidives : les marqueurs sont dans de nombreux cas le premier signe de<br />
l’apparition d’une récidive et ceci souvent plusieurs mois avant même sa révélation clinique.<br />
Cependant, peu d’essais thérapeutiques ont pu démontrer l’intérêt en terme de survie d’un<br />
traitement initié lors de l’élévation isolée d’un marqueur. Enfin, une surveillance stricte de<br />
l’évolution ne se conçoit que dans le cadre où une thérapeutique palliative efficace et spécifique<br />
peut être utilisée dès les premiers signes d’évolutivité.<br />
2.7.1.1. Le dosage de plusieurs marqueurs tumoraux peut être<br />
influencé par différents facteurs :<br />
1 - chez les malades souffrants de maladies rénales ou hépatiques modifiant la production<br />
d’urine ou de bile.<br />
2 - pendant la phase aiguë de la thérapie, soit chirurgicale (libération accrue des marqueurs<br />
pendant les manipulations chirurgicales) ou par chimiothérapie ou radiothérapie (libération des<br />
marqueurs tumoraux lors de la lyse cellulaire induite).<br />
3 - certains médicaments peuvent interférer sur les taux circulants de marqueurs. Par<br />
exemple, des anti-androgènes (thérapie administrée lors d’un cancer de la prostate) inhibent la<br />
productin PSA-PAP dont la synthèse est androgéno-dépendante.<br />
4 - certains actes médicaux (toucher rectal, biopsie), par la micro-lésion de l’organe<br />
concerné, peuvent provoquer une libération accrue transitoire de marqueurs.<br />
5 - certaines contraintes techniques comme par exemple l’absence de matériel de référence<br />
décrit plus haut, ou l’existence dans le sérum d’anticorps liants des réactifs spécifiques utilisés lors<br />
du dosage (par exemple, production d’anticorps contre des anticorps de souris) ou la qualité de<br />
conservation des échantillons.<br />
3. Classifications<br />
3.1. Classification histologique<br />
Une tumeur se définit sur le plan anatomo-pathologique comme une masse tissulaire en excès<br />
constituée par une prolifération cellulaire anormale qui échappe aux mécanismes de régulation de<br />
l’organisme. Les tumeurs doivent être distinguées des pseudotumeurs, masses tissulaires<br />
néoformées qui peuvent relever de processus inflammatoires (bourgeon charnu), d’anomalies<br />
d’organisation tissulaire (hamartome) ou de processus dystrophiques hormono-dépendants<br />
(mastose) ou nutritionnels (goitre thyroïdien). Les tumeurs sont classées en fonction de leur<br />
histogenèse i.e selon le type cellulaire d’origine. En fonction de la ressemblance avec le tissu<br />
normal d’origine une tumeur sera dite différenciée ou non.<br />
DCEM 2 – Module 10 21
Faculté de Médecine de Marseille<br />
En fonction de leur agressivité vis à vis de l’organisme i.e de la mise en jeu du pronostic vital par la<br />
dissémination métastatique, on oppose les tumeurs bénignes aux tumeurs malignes ou cancers.<br />
3.2. Critères anatomopathologiques de malignité<br />
Le tissu <strong>tumoral</strong> cancéreux comporte des modifications cytologiques de malignité : anisocytose,<br />
anisocaryose, hyperchromatisme nucléaire, nucléole proéminent, augmentation du rapport<br />
nucléocytoplasmique, activité mitotique marquée, mitoses anormales.<br />
Il s’y associe des critères d’invasion : membrane basale, vaisseaux (embols vasculaires), nerfs ainsi<br />
qu’une désorganisation architecturale majeure.<br />
Parfois, ces critères sont insuffisants et seule la survenue de métastases affirme la malignité ex :<br />
tumeurs neuroendocrines.<br />
3.3. Notion de dysplasie épithéliale et de carcinome in situ<br />
La dysplasie est un trouble de la multiplication cellulaire associant des anomalies cytologiques ainsi<br />
qu’une désorganisation architecturale. Elle est gradée en dysplasie légère, moyenne ou sévère ou en<br />
dysplasie de bas grade ou de haut grade.<br />
Les lésions dysplasiques sont des lésions précancéreuses.<br />
Le carcinome in situ se caractérise par des anomalies cytologiques majeures associées à une<br />
désorganisation complète de l’architecture mais avec respect de la membrane basale.<br />
Le franchissement de la membrane basale correspond au caractère infiltrant avec invasion du<br />
chorion par la tumeur.<br />
3.4. Principaux types de tumeurs<br />
3.4.1. Tumeurs bénignes<br />
Epithéliales<br />
revêtement malpighien : papillome (cutané ou muqueux)<br />
parenchyme glandulaire : adénomes (« polypes » du tube digestif)<br />
Conjonctives<br />
On distingue le tissu conjonctif commun constitué de fibroblastes et de collagène que l’on retrouve<br />
partout dans l’organisme et le tissu conjonctif différencié exemple : tissu adipeux, osseux,<br />
cartilagineux, musculaire et vasculaire.<br />
De ces tissus dérivent un certain nombre de tumeurs :<br />
les fibromes : tumeurs à prédominance fibroblastique<br />
les lipomes : tumeurs constituées d’adipocytes<br />
les angiomes : tumeurs développées à partir des structures vasculaires<br />
les léiomyomes : tumeurs bénignes musculaires lisses<br />
les rhabdomyomes : tumeurs constituées de cellules musculaires striées<br />
les chondromes : tumeurs cartilagineuses<br />
les ostéochondromes : tumeurs bénignes comportant un contingent osseux et cartilagineux<br />
Tumeurs « mixtes » (associant un contingent épithélial et conjonctif)<br />
Exemple : adénomyome prostatique<br />
fibroadénome mammaire<br />
3.4.2. Les tumeurs malignes<br />
Tumeurs épithéliales : carcinomes<br />
carcinomes épidermoïdes : peau, muqueuses malpighiennes, poumon, etc.<br />
adénocarcinomes : différenciation glandulaire : tube digestif, rein, sein, etc.<br />
Tumeurs conjonctives : sarcomes<br />
DCEM 2 – Module 10 22
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Fibrosarcome, liposarcome, rhabdomyosarcome, léïmyosarcome, angiosarcome, chondrosarcome,<br />
ostéosarcome, synovialosarcome.<br />
Tissus lymphoïdes :<br />
Leucémies et lymphomes<br />
Système nerveux :<br />
Gliomes<br />
Tumeurs germinales :<br />
Séminome<br />
Carcinomes embryonnaires<br />
Tératome<br />
Tumeurs de blastème :<br />
Neuroblastome<br />
Néphroblastome<br />
Tumeurs du système mélanique<br />
Mélanomes<br />
Tumeurs des séreuses<br />
Mésothéliome<br />
3.5. Classification TNM<br />
Le système TNM pour la classification des tumeurs malignes a été mis au point par Pierre Denoix<br />
(France) entre 1943 et 1952.<br />
3.6. Principes du système TNM<br />
La classification par stades est consacrée par la tradition. Il se révèle souvent utile de recourir à ce<br />
procédé lorsqu’il s’agit de comparer plusieurs groupes de malades.<br />
aider le clinicien qui devra décider du traitement ;<br />
fournir les indications sur le pronostic ;<br />
permettre d’apprécier les résultats du traitement ;<br />
faciliter les échanges d’informations entre les centres de traitement ;<br />
encourager la poursuite des recherches sur le cancer chez l’homme.<br />
3.7. Règles générales d’emploi du système TNM<br />
Dans le système TNM, la description de l’extension anatomique de la maladie repose sur<br />
l’évaluation de 3 éléments :<br />
T – l’extension de la tumeur primitive<br />
N – l’absence ou la présence et l’extension des métastases ganglionnaires lymphatiques régionales<br />
M – l’absence ou la présence de métastases à distance.<br />
La juxtaposition de chiffres à ces 3 symboles indique l’extension des lésions malignes, par<br />
exemple :<br />
T0, T1, T2, T3, T4 N0, N1, N2, N3 M0, M1<br />
Pour résumer, le système constitue une « description abrégée » de l’extension d’une tumeur<br />
maligne.<br />
Les règles générales d’application, valables pour toutes les localisations, sont les suivantes :<br />
1/ Chaque cas doit être confirmé histologiquement. En l’absence de cette preuve, il doit être<br />
enregistré séparément.<br />
2/ Deux classifications sont données pour chaque localisation :<br />
a/ une classification clinique préthérapeutique, désignée par le sigle TNM (ou cTNM).<br />
Elle s’appuie sur les constatations faites avant le traitement. Ces constatations sont le résultat de<br />
DCEM 2 – Module 10 23
Faculté de Médecine de Marseille<br />
l’examen clinique, de l’imagerie, de l’endoscopie, des biopsies, de l’exploration chirurgicale et<br />
d’autres examens complémentaires.<br />
b/ une classification histopathologique post-opératoire, désignée par le sigle pTNM. Elle<br />
s’appuie sur les constatations faites avant le traitement, complétées ou modifiées par les<br />
observations supplémentaires recueillies au cours de l’acte chirurgical et de l’examen<br />
histopathologique. L’appréciation histopathologique de la tumeur primitive (pT) implique une<br />
résection de la tumeur primitive ou une biopsie suffisante pour apprécier la catégorie pT la plus<br />
élevée. L’appréciation histopathologique des adénopathies régionales (pN) implique une exérèse<br />
appropriée des ganglions pour affirmer l’absence de métastase ganglionnaire lymphatique régionale<br />
(pN0) et suffisante pour évaluer la catégorie pN la plus élevée. L’appréciation histopathologique de<br />
métastase à distance (pM) implique un examen microscopique.<br />
3.8. Régions et localisations anatomiques<br />
Les localisations de cette classification sont définies conformément à la Classification internationale<br />
des maladies -–Oncologie (CIM-O, Organisation mondiale de la santé, 1976).<br />
3.9. Classification clinique TNM<br />
Les définitions générales suivantes sont utilisées dans tout l’ouvrage :<br />
T – Tumeur primitive :<br />
TX Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive<br />
T0 Pas de signe de tumeur primitive<br />
Tis Carcinome in situ<br />
T1, T2 Degrés croissants de taille et/ou d’extension locale de la<br />
T3, T4 tumeur primitive<br />
N – Adénopathies régionales :<br />
NX Renseignements insuffisants pour classer l’atteinte des ganglions lymphatiques<br />
Régionaux<br />
N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux<br />
N1, N2 Degrés croissants d’atteinte des ganglions lymphatiques<br />
N3 régionaux<br />
Notes : - l’envahissement direct des ganglions lymphatiques régionaux à partir de la tumeur<br />
primitive est classé comme une métastase ganglionnaire lymphatique.<br />
-l’envahissement métastatique de tout autre ganglion que les ganglions lymphatiques régionaux est<br />
classé comme une métastase à distance.<br />
M – Métastases à distance :<br />
MX Renseignements insuffisants pour classer les métastases à distance<br />
M0 Pas de signe de métastases à distance<br />
M1 Présence de métastases à distance<br />
La catégorie M1peut être subdivisée conformément à la notation suivante :<br />
Pulmonaire PUL(MONARY) Médullaire MAR(ROW)<br />
Osseuse OSS(EOUS) Pleurale PLE(URA)<br />
Hépatique HEP(ATIC) Péritonéale PER(ITONEUM)<br />
Cérébrale BRAI(N) Cutanée SKI(N)<br />
Lymphatiques<br />
(ganglions)<br />
LYM(PH) Autres OTH(ERS)<br />
DCEM 2 – Module 10 24
Faculté de Médecine de Marseille<br />
4. Classification des cancers professionnels<br />
4.1. <strong>Cancer</strong>s professionnels par appareils<br />
NB: Les tableaux de maladies professionnelles indemnisables (MPI) seront cités selon la forme<br />
suivante: Tn, n étant le numéro du tableau dans le Régime Général de la Sécurité Sociale. La<br />
plupart de ces tableaux existent également dans le Régime Agricole avec une nomenclature<br />
spécifique qui ne sera pas mentionnée dans cette question.<br />
<strong>Cancer</strong>s du poumon<br />
. Amiante (T 30 et 30bis)<br />
. Arsenic (T 20bis et 20ter)<br />
. Bischlorométhyléther (T 81 )<br />
. Dérivés du chrome (T 10ter )<br />
. Goudrons, suies, dérivés du charbon (T 16bis )<br />
. Dérivés du nickel (T 37ter )<br />
. Oxyde de fer (T 44bis )<br />
. Poussières ou gaz radioactifs (T 6 )<br />
. Poussières de cobalt associées au carbure de tungstène (T 70ter RG) avant frittage<br />
. Brouillards et vapeurs d'acide sulfurique (déclaration au CRRMP)<br />
. Silice (à déclarer au CRRMP)<br />
<strong>Cancer</strong>s de la plèvre<br />
. Amiante<br />
<strong>Cancer</strong>s ORL (nez et sinus de la face)<br />
. Travaux exposant à l'inhalation des poussières de bois (T 47)<br />
. Dérivés du nickel (nickel carbonyle) (T 37ter) : carcinome malpighien et l'ethmoïde et du<br />
cornet moyen<br />
. <strong>Cancer</strong>s du larynx après exposition à l'amiante ou aux brouillards et vapeurs d'acide<br />
sulfurique : à déclarer au CRRMP<br />
Leucémies<br />
. Exposition aux rayonnements ionisants (T 6) (rayons X, substances radioactives naturelles,<br />
procédés artificiels, toute source d'émission corpusculaire) : leucémie myéloïde chronique aussi<br />
bien après irradiation aiguë qu'après exposition chronique à de faibles doses.<br />
. Benzène (T 4) leucémie aiguë prédominante, leucémie myéloïde chronique, leucémie<br />
lymphoïde chronique.<br />
. Exposition à l'oxyde d'éthylène : leucémies et lymphomes à déclarer au CRRMP<br />
<strong>Cancer</strong>s cutanés<br />
Ils sont en général précédés de lésions pré-cancéreuses dégénératives<br />
. Arsenic (T 20) : mélanodermie puis kératodermie palmo-plantaire, maladie de Bowen<br />
(dégénérescence lenticulaire en disque) et carcinomes<br />
. Goudron, suies, dérivés de combustion du charbon (T 16bis) : ils contiennent des<br />
hydrocarbures aromatiques polycliques (HAP) à la base de la cancérogenèse.<br />
. Huiles minérales dérivées du pétrole (T 36bis)<br />
. Rayonnements ionisants (T 6) : carcinome cutané compliquant une radiodermite<br />
<strong>Cancer</strong>s de la vessie<br />
- Amines aromatiques (T 15ter) : on les retrouve surtout dans l'industrie chimique<br />
(production de colorants et de pigments), dans l'industrie du caoutchouc et des matières plastiques<br />
et dans l'industrie pharmaceutique.<br />
Angiosarcomes hépatiques<br />
. Chlorure de vinyle monomère (T 52) agent de synthèse du PVC<br />
. Arsenic (T 20)<br />
DCEM 2 – Module 10 25
Faculté de Médecine de Marseille<br />
4.2. Réparation de cancers professionnels<br />
1 - Mode de reconnaissance principal fondé sur le principe de la présomption d'origine<br />
(système des tableaux de MPI)<br />
2- Mode de reconnaissance complémentaire : sur avis motivé d'un CRRMP la maladie<br />
pourra être considérée comme professionnelle, si, figurant dans un tableau, il manque une condition<br />
(liste de travaux, durée d'exposition, délai de prise en charge), ou si, ne figurant pas dans un tableau,<br />
la maladie peut être en relation directe et essentielle avec la profession et si elle a entraîné le décès<br />
ou une IPP supérieure ou égale à 66,6 %.<br />
4.3. Prévention des cancers professionnels<br />
Les risques cancérogènes pourraient être en grande partie prévenus sur les lieux du travail par<br />
l'élimination des substances les plus nocives, une diminution significative des niveaux d'exposition,<br />
l'amélioration des protections collectives et individuelles et une meilleure information des salariés.<br />
Le décret du 1 er Février 2001 relatif à la prévention des risques cancérogènes étend le champ<br />
d'application de la prévention des risques cancérogènes aux agents mutagènes ou toxiques pour la<br />
reproduction. Il reprend tous les principes de prévention, notamment les obligations de l'employeur<br />
de supprimer ou réduire au maximum l'exposition des salariés et le rôle du médecin du travail dans<br />
la définition de l'aptitude et dans la surveillance périodique des salariés (cf le chapitre sur la<br />
prévention).<br />
4.4. <strong>Cancer</strong>s professionnels surveillance post-professionnelle<br />
(decret du 26 mars 1993)<br />
Elle a pour but d'envisager la réparation des cancers professionnels dépistés après l'emploi et<br />
d'améliorer l'évaluation des risques réels. Les agents cancérogènes retenus sont strictement définis<br />
ainsi que la mise en œuvre de la surveillance médicale (examen médical clinique tous les deux ans<br />
et examens complémentaires réglementairement définis). La prise en charge financière est réalisée<br />
par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie auprès de laquelle le salarié doit effectuer sa demande.<br />
DCEM 2 – Module 10 26
Faculté de Médecine de Marseille<br />
5. Iconographie<br />
Figure 1<br />
Figure 2A<br />
DCEM 2 – Module 10 27
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 2B<br />
Figure 3A<br />
DCEM 2 – Module 10 28
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 3B<br />
Figure 4<br />
DCEM 2 – Module 10 29
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 5<br />
Figure 6<br />
DCEM 2 – Module 10 30
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 7A<br />
Figure 7B<br />
DCEM 2 – Module 10 31
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 7C<br />
Figure 7D<br />
DCEM 2 – Module 10 32
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 8<br />
Figure 9<br />
DCEM 2 – Module 10 33
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 10<br />
Figure 11A<br />
DCEM 2 – Module 10 34
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 12<br />
Figure 13<br />
DCEM 2 – Module 10 35
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 14<br />
Figure 15<br />
Figure 16<br />
DCEM 2 – Module 10 36
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 17<br />
Figure 18<br />
DCEM 2 – Module 10 37
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 19<br />
Figure 20A<br />
DCEM 2 – Module 10 38
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 20B<br />
DCEM 2 – Module 10 39
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 21<br />
Figure 22<br />
DCEM 2 – Module 10 40
Faculté de Médecine de Marseille<br />
Figure 23<br />
Figure 24<br />
DCEM 2 – Module 10 41