Mouvements et tendances - Api

Pôles de compétitivité
Le génie civil de l’Ouest se mobilise
Forcément atypique parce que les maîtres d’ouvrage
privés ne sont pas légion, la création de ce pôle, limité
aux agglomérations de Nantes et Saint-Nazaire, traduit
le poids de la sphère publique à travers des établissements
d’enseignement supérieur et de recherche. Son
Difficile de rater la nouvelle entrée de la
maternité du CHU de Nantes, en bord
de Loire, dont l’avancée, sorte de préau
monumental, est soutenue par des piliers
culminant à 16 mètres. Réalisés par ETPO,
son entreprise, Bernard Théret porte néanmoins
sur eux un jugement mitigé. « Nous
avons mis du temps à trouver une solution
technique convenable. Et en les examinant
dans le détail, on relève des imperfections. Si
le pôle avait existé à l’époque, nous aurions
su qu’un doctorant démarrait au même
moment des travaux sur le béton autoplaçant.
Nous aurions gagné du temps et
sans doute obtenu une meilleure qualité de
finition. »
C’est le premier mérite que le dirigeant
reconnaît au pôle génie civil Ouest (PGCO)
dont il est le président : apprendre aux différents
acteurs gravitant autour de ce secteur à
se connaître pour mieux mesurer le potentiel
régional dont ils disposent. D’ailleurs, professionnels
et responsables universitaires n’ont
pas attendu les appels à candidature du gouvernement
pour s’organiser : lancée en 2002
par un petit noyau, l’idée de créer un tel pôle
s’est concrétisée dès la fin 2003. Au départ,
un constat : le nombre d’unités de formation
et de recherche en génie civil classe l’ensemble
Nantes-Saint-Nazaire en deuxième
position, après la région parisienne, par l’importance
et le niveau de son expertise. « Il
n’y a pas que la nanotechnologie à faire de la
recherche », glisse malicieusement Bernard
Théret.
Ouvrages uniques
dynamisme est stimulé par la présence de grands équipements
publics. La labellisation est donc une façon de
prendre acte de ces acquis, mais elle devrait aussi favoriser
la communication entre les membres et attirer des entreprises
extérieures.
Une expertise académique pour les constructeurs
La centrifugeuse géotechnique du Laboratoire central des Ponts et chaussées (Photos LCPC - Jean-François Ringot)
L’École centrale de Nantes fait figure d’établissement
pilote national, son laboratoire
de mécanique des fluides dispose d’un bassin
de houle tout à fait original, la centrifugeuse
géotechnique du LCPC (Laboratoire
central des ponts et chaussées) à Bouguenais
jouit d’une réputation internationale, la
soufflerie du CSTB (Centre scientifique et
technique du bâtiment) présente une panoplie
de climats réputée la plus complète
d’Europe, etc. Reste à tirer le meilleur parti
de tous ces atouts en multipliant les passerelles
entre chercheurs et professionnels.
Celles-ci sont d’autant plus nécessaires que
la concentration manufacturière est là une
notion inconnue : profession atomisée, le
génie civil ressemble davantage à une activité
de service que de production avec des
salariés qui se trouvent sur les chantiers de
leurs clients.
D’où la dominante technologique et non
industrielle de ce pôle. Calculs, modèles
réduits, tests grandeur nature sur certains éléments
: ces trois étapes sont incontournables
dans la construction des ouvrages qui, contrairement
aux avions ou aux bateaux, sont à
chaque fois uniques en raison des contraintes
de leur environnement (sol, vent, climat,
hauteur, site...). Il n’y aura ainsi jamais de
réplique gémellaire du pont de Millau. « Et
nous sommes les seuls en Europe à réunir
l’ensemble de ces compétences », précise
Bernard Théret.
Des outils financés par le public
L’autre spécificité tient au rôle occupé par la
puissance publique, « primordial et indispensable
», en raison du coût prohibitif de
ces équipements. Airbus ne dispose pas de
sa propre soufflerie pas plus que les Chantiers
de l’Atlantique n’ont leur bassin de
carène. À l’échelle d’ETPO, cela signifie
aussi avoir pu bénéficier des infrastructures
de l’École centrale pour l’installation d’un
système d’amortisseur de houle dans un
port de plaisance privé.
Sa labellisation devrait apporter au pôle une
meilleure visibilité internationale, espèrent
ses géniteurs, et attirer ainsi des sociétés
extérieures, françaises ou non, exprimant un
besoin ponctuel ou désireuses de s’implanter
à proximité. Pour Bernard Théret, « c’est une
façon de renvoyer l’ascenseur à nos centres
de recherche ». Au niveau local, cela devrait
contribuer à améliorer encore l’image du
génie civil, y compris auprès des autorités. Et
puis, un tel affichage groupé donne plus de
poids auprès de certains organismes comme
l’Agence nationale de la recherche. La preuve ?
Parmi les huit projets qu’elle a sélectionnés
fin octobre dans le cadre du réseau génie
civil et urbain, six sont soutenus par le PGCO.
Un score qui doit faire bien des envieux, y
compris à Paris.
Jacques Le Brigand
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La lettre API
L’Année économique de l’Ouest hors série / Janvier 2006