anatole jakovsky - Bibliothèque Kandinsky - Centre Pompidou
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
III. MULTIPLES FACETTES D’ANATOLE JAKOVSKY<br />
1) Anatole Jakovsky, écrivain<br />
Nous avons jusqu’ici évoqué la figure du critique d’art, cependant Anatole Jakovsky a<br />
également été un écrivain hors pair. Bien avant son poème illustré par Robert Delaunay, Clefs<br />
des pavés 194 paru en 1939, il est à l’origine d’un ouvrage illustré de quinze planches de<br />
gravures originales réalisées par Kurt Séligmann, Protubérances cardiaques, publié en 1934 195 .<br />
La métaphore organique que l’on retrouve au sein même du titre vise à mettre en avant un<br />
réseau de métaphores filées tout au long du texte. Nous lisons au début et à la fin du poème, qui<br />
fonctionnent tous deux sur le principe de la répétition et du circuit clos, « Ici on change les<br />
cœurs Mesdames, Messieurs » 196 . Ce texte est l’occasion pour Jakovsky d’égaler par l’écriture<br />
la poésie des œuvres de Séligmann. En découle par conséquent un langage imagé qui joue sur<br />
tous les niveaux de narration. Il s’ensuit un dialogue imaginaire entre l’artiste et l’écrivain,<br />
mimé par des « moi » et des « lui » placés en début de phrase, qui vise à illustrer les quinze<br />
planches gravées. Elles ont pour titres respectifs : Le Prestidigitateur, Marathon, Industries<br />
romantiques, Léda, Les Épaves Vivantes, Le Grand Flibustier, Magie Noire, Le Premier<br />
Aviateur, Gueule Cassée, Les Désastres hivernaux, Vampyre, Le Corsaire, Monument aux<br />
Morts, Le Charmeur de Serpents, et Carnaval. Ce qui frappe avant tout est la diversité de ces<br />
titres, certains provenant de la mythologie, d’autres de quelque magie incantatoire, quelquesuns<br />
relevant d’une morbidité manifestement assumée. Le Grand Flibustier évoque la gravure<br />
donnée par l’artiste pour les Vingt-quatre Essais 197 publiés un an plus tard. On retrouve en effet<br />
le même paysage à l’arrière-plan ouvert sur l’horizon, agrémenté de nuages. C’est également<br />
aux cieux que songe A. Jakovsky lorsqu’il écrit :<br />
« Nous sommes au zénith du mystère. Les nuages galvaniques<br />
s’accouplent avec la terre prolongée jusqu’à l’enfer. Les nuages lourds<br />
sillonnent la terre qui sue, ils enlèvent l’atmosphère et l’obscurité, laissant les<br />
vides sans vie et sans ombres. Parfois dans leurs ruptures apparaît le disque<br />
inconnu de l’autre côté de la lune. Tout s’agite, tout hurle, tout tremble et<br />
s’adonne, poussé par quatre vents, par les quatre souffles des sorcières, assises<br />
194 Anatole DELAGRAVE (pseudonyme d’Anatole JAKOVSKY), Clefs des pavés, Paris, [s.n.], 1939, 37 p, 2<br />
« fluo-enluminures » de DELAUNAY Robert.<br />
195 A. JAKOWSKI, Kurt SÉLIGMANN, Protubérances cardiaques, Paris, Chroniques du jour éd., 1934, 3 p., 15<br />
pl. de gravures originales.<br />
196 A. JAKOWSKI, K. SÉLIGMANN, op.cit., p. 54.<br />
197 A. JAKOVSKI, Vingt-trois gravures : Arp, Calder, Chirico, Erni, Ernst, Fernandez, Giacometti, Ghika,<br />
Gonzalez, Hélion, <strong>Kandinsky</strong>, Léger, Lipchitz, Magnelli, Miró, Nicholson, Ozenfant, Picasso, Séligmann, Taeuber-<br />
Arp, Torrès-Garcia, Vulliamy, Zadkine, Paris, Jacques Povolozky éd., 1935, 4 p., 23 pl. de gravures originales.<br />
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