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anatole jakovsky - Bibliothèque Kandinsky - Centre Pompidou

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

« C’était l’été. Le commencement de la canicule. Paris se dépeuplait.<br />

Tous mes amis étaient déjà partis en vacances, et la chaleur de mon grenier<br />

devenait intenable. Pourquoi ne m’offrirais-je pas, moi aussi, un mois de<br />

vacances, mes premières depuis tant d’années Et pourquoi n’irais-je pas en<br />

Bretagne, à laquelle je rêvais dès mon plus jeune âge Je n’avais qu’à me<br />

procurer un vélo d’occasion. Pour le reste, je me débrouillerai sur place, bien<br />

que les hôtels étaient hors de prix, tandis que les auberges de jeunesse,<br />

implantées partout en Allemagne, étaient encore inconnues en France. Mais où<br />

aller La Bretagne est grande, variée, la terre, les landes, les ajoncs, la<br />

mer… » 220<br />

Lyrisme mis à part, cette échappée fut pour notre critique l’occasion de découvrir l’œuvre de<br />

Robert Delaunay sous un nouvel angle. Fraîchement débarqué à Damgan, « petite station<br />

balnéaire morbihannaise », le critique s’empresse de découvrir Gavrinis, petite île située non<br />

loin de Belle Île :<br />

« Dans le golfe, un pêcheur désoeuvré m’a proposé de m’emmener dans<br />

sa barque dans l’île de Gavrinis, bien plus intéressante selon lui que le<br />

gigantesque menhir cassé de Locmariaquer, et le dolmen des Marchands où je<br />

comptais me rendre. Alors en route pour Gavrinis… Ce fût incontestablement<br />

l’un des plus grands évènements de ma vie.<br />

A peine franchi le seuil, les signes gravés sur les parois obscures et humides de<br />

ce dolmen, enfoui sous un tumulus m’ont sauté à la figure, saisi à la gorge,<br />

provoquant instantanément une cascade de réactions tumultueuses, se<br />

propageant à la vitesse de la lumière. Pas possible… C’étaient des Delaunay !<br />

Oui, les rythmes circulaires de Delaunay, les mêmes cercles concentriques, les<br />

mêmes brisures syncopées, déportées à gauche ou à droite au gré de je ne sais<br />

quels glissements sismiques, les rivages des anciennes cartes géographiques et<br />

la jungle enchevêtrée des empreintes digitales. » 221<br />

Lors d’une excursion qui prend la forme d’un voyage initiatique, Jakovsky pressent l’une des<br />

influences possibles de Robert Delaunay. Heureuse coïncidence ou réelle inspiration La<br />

question ne fait aucun doute pour Jakovsky :<br />

« […] Les signes de Miró, aussi parlants et aussi signifiants à sa<br />

manière, rappelaient seulement les signes tracés pas ses ancêtres préhistoriques,<br />

sans qu’il y eût le moindre emprunt et ressemblance, étant de la même essence,<br />

alors qu’en comparant mentalement ce que je voyais là avec mes souvenirs très<br />

nets des reliefs monochromes ou polychromes de Delaunay, je devais conclure<br />

à une similitude par trop flagrante. De toute façon, les coïncidences étaient<br />

exclues. Similitude, soit, mais pas identité. En défaveur de Delaunay, hélas.<br />

Delaunay n’[…] a pris que le côté factice, artificiel, ornemental, périssable.<br />

Sonia l’imitant, imite l’imitateur! » 222<br />

220 Idem, p. 290.<br />

221 Idem, p. 292-293.<br />

222 Idem, p. 293-294.<br />

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