Fr-03-07-2013 - Algérie news quotidien national d'information
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6 > A C T U<br />
Morsi<br />
Seul contre tous<br />
Position américaine vis-à-vis de l'Egypte<br />
Les « Obamettes »<br />
Le président égyptien Mohamed<br />
Morsi apparaissait de plus en plus<br />
isolé hier, lâché par cinq ministres<br />
et son propre porte-parole et sous<br />
le coup d'un ultimatum fixé par<br />
l'armée exigeant qu'il réponde<br />
aux demandes du peuple, après<br />
des manifestations monstres. Ces<br />
dernières seraient plus<br />
importantes que celles qui avaient<br />
provoqué la chute de Moubarak.<br />
Les partisans du président<br />
islamiste se rassemblaient en<br />
masse en début d'après-midi à<br />
travers le pays, tandis que<br />
l'opposition se mobilisait<br />
également pour continuer d'exiger<br />
son départ, faisant craindre un<br />
regain de violence. Un climat<br />
tendu où l’armée ainsi que la<br />
police sont appelés à parer à tout<br />
débordement entre les deux<br />
camps. Sur la place Tahrir où les<br />
manifestants exultaient avant-hier<br />
soir après l'annonce de l'armée<br />
donnant à Morsi 48 heures pour<br />
«satisfaire les revendications du<br />
peuple», l'ambiance était tendue<br />
mais optimiste. Des effectifs de<br />
police supplémentaires étaient<br />
également déployés dans la<br />
capitale. L’attaque de plusieurs<br />
sièges du parti au pouvoir, les<br />
trois derniers jours, et la saisie<br />
d’armes à feu ont contraint les<br />
autorités à une « plus grande<br />
vigilance », annonçait hier un<br />
porte-parole de la police<br />
égyptienne sur sa page Facebook.<br />
«Le régime n'est plus légitime»,<br />
déclarait un manifestant anti-<br />
Morsi, Mostafa Gharib, disant<br />
craindre que les islamistes «ne se<br />
battent jusqu'à la fin avant de<br />
tomber». La plupart des<br />
entreprises étaient fermées au<br />
Caire où les rues, quasi désertes,<br />
contrastaient avec l'habituelle<br />
activité de la mégalopole<br />
égyptienne. Le ministre des<br />
Affaires étrangères, Mohammed<br />
Kamel Amr, a annoncé son départ,<br />
rejoignant quatre autres ministres,<br />
dont celui du Tourisme,<br />
démissionnaires depuis la veille.<br />
Kamel Amr est le plus important<br />
membre du cabinet à se retirer.<br />
Dans la foulée, le porte-parole de<br />
la présidence, Ehab Fahmi, et le<br />
porte-parole du gouvernement,<br />
Alaa al-Hadidi, ont quitté leur<br />
poste. Samy Annane, conseiller<br />
pour les affaires sécuritaires a, lui<br />
aussi, jeté l’éponge infligeant un<br />
revers supplémentaire au<br />
président islamiste. L'ultimatum<br />
de l'armée pour que soient<br />
«satisfaites les revendications du<br />
peuple», qui vient à échéance ce<br />
soir, a été lancé par le<br />
commandement militaire au<br />
lendemain des manifestations<br />
massives à travers tout le pays<br />
pour exiger le départ du Président<br />
issu des <strong>Fr</strong>ères musulmans, élu il<br />
y a tout juste un an. Le coup de<br />
grâce est venu lundi soir de la<br />
Maison-Blanche. Obama, devant<br />
l’ampleur des manifestations, a<br />
appelé le président Morsi a<br />
satisfaire les revendications de la<br />
rue. Au moins 16 personnes ont<br />
été tuées dans tout le pays en<br />
marge des manifestations. Des<br />
affrontements similaires avaient<br />
déjà fait huit morts, dont un<br />
Américain, la semaine dernière.<br />
n'ont rien vu !<br />
L'Egypte revêt, pour l'administration américaine, démocrate ou républicaine, une<br />
importance géostratégique qui n'est plus à démontrer. C'est ainsi que la Maison- Blanche a<br />
toujours pris soin d'y envoyer ses « meilleurs » diplomates. Les deux derniers diplomates<br />
américains en poste au Caire sont des femmes.<br />
Anne Peterson a remplacé,<br />
au mois de mai<br />
2011, sa camarade<br />
Margaret Scobey,<br />
soupçonnée d'avoir failli à sa mission<br />
en n'ayant pas anticipé la<br />
chute du régime Moubarak. A ce<br />
moment, les Américains, Barack<br />
Obama en tête, voulaient<br />
« envoyer un signal fort à l'intention<br />
de la nouvelle Egypte ».<br />
Expérimentée, femme de terrain<br />
ayant échappé de justesse à<br />
un attentat alors qu'elle était en<br />
poste en Colombie, Peterson<br />
avait pour principale mission de<br />
consolider les relations stratégiques<br />
entre les deux pays, d'autant<br />
plus que l'opposition égyptienne<br />
et les mouvements révolutionnaires<br />
n'avaient pas «pardonné» aux<br />
Etats-Unis leur soutien indéfectible<br />
à Hosni Moubarak et le «ralliement<br />
tardif» de la Maison-<br />
Blanche à la révolution du 25 janvier<br />
2011. Au début de sa mission,<br />
Peterson a commencé à<br />
nouer de nouveaux liens avec les<br />
« nouveaux » acteurs politiques<br />
du pays. Les <strong>Fr</strong>ères musulmans<br />
figuraient déjà en 2011 en bonne<br />
position dans l'agenda américain.<br />
Du côté de l'administration<br />
Obama, le futur président égyptien<br />
devra, en premier, respecter<br />
tous les accords passés par<br />
Moubarak, priorité pour les<br />
Accords de Camp David. Ce fut le<br />
cas. Une fois élu, le président<br />
Morsi a fait savoir que son pays<br />
respectera, à la lettre, les accords<br />
passés avec Israël, à la surprise<br />
générale. Une « surprise » ? Pas<br />
vraiment. En Egypte, l'opposition<br />
et certains analystes n'ignoraient<br />
pas les liens « privilégiés » entre<br />
les Américains et les <strong>Fr</strong>ères<br />
musulmans. Au lendemain de son<br />
élection avec une légère avance<br />
sur Ahmed Chafik au deuxième<br />
tour de l'élection présidentielle,<br />
Obama s'est précipité de féliciter<br />
le nouveau « Raïs » et a promis<br />
que les Etats-Unis allaient travailler<br />
avec le nouveau venu, élu<br />
démocratiquement. Une fois au<br />
pouvoir, Morsi, sous la coupe de<br />
la confrérie qui l’a porté aux portes<br />
du Palais d'El Itihadia, multiplie<br />
les « erreurs ». Il se met à dos<br />
l'opposition qui l'accuse de vouloir<br />
« Ikhwaniser » les institutions<br />
et les administrations, il écarte en<br />
douce les deux principaux chefs<br />
de l'armée en nommant Samy<br />
Anane comme conseiller et met à<br />
la retraite le Maréchal Tantawi<br />
puis provoque une crise sans précédent<br />
avec le pouvoir judiciaire.<br />
Pendant toute cette période, les<br />
Américains se sont abstenus de<br />
toute critique à l'encontre de leur<br />
allié. Début mai <strong>2013</strong>, la situation<br />
économique du pays est peu<br />
reluisante. Les pénuries se multiplient,<br />
l'insécurité règne et le vrai<br />
visage du « fondamentalisme »<br />
religieux en Egypte apparait au<br />
grand jour. Menace contre les<br />
communautés religieuses minoritaires,<br />
arrestations arbitraires,<br />
violences <strong>quotidien</strong>nes dont le<br />
bilan s'élèvera, selon des ONG<br />
locales, à plus de mille morts<br />
dont 258 cas de décès suite à des<br />
tortures dans les commissariats.<br />
Du côté de l'ambassade ou du<br />
Département d'Etat, aucune<br />
condamnation ferme ou directe.<br />
Pis encore, au début du mois de<br />
juin, alors que le collectif<br />
Tamarod continue sa campagne<br />
de collecte des signatures, Anne<br />
Peterson prend ouvertement<br />
position en faveur de Morsi.<br />
Dans une allocution devant<br />
des étudiants au Caire, Peterson<br />
avait critiqué les appels à manifester<br />
le 30 juin pour amener le<br />
président Morsi à quitter le pouvoir.<br />
« Les opposants ont plutôt<br />
intérêt à améliorer la performance<br />
de leurs structures électorales<br />
au lieu d'organiser des<br />
manifestations qui risquent de<br />
dégénérer en violence …<br />
L'Egypte a besoin de stabilité<br />
pour remettre de l'ordre dans la<br />
maison sur le plan économique.<br />
Plus de violence dans la rue ne<br />
fera que rallonger la liste des<br />
martyrs », a-t-elle dit. «Les Etats-<br />
Unis ont choisi de travailler avec<br />
le vainqueur des élections quel<br />
qu'il soit tant que celles-ci répondent<br />
aux critères internationaux»,<br />
a-t-elle ajouté pour<br />
répondre à ceux qui accusent les<br />
Etats-Unis de soutenir le président<br />
Morsi.<br />
Alimentant davantage les<br />
soupçons d'une complicité avec<br />
les <strong>Fr</strong>ères musulmans notamment,<br />
l'ambassadrice a rencontré,<br />
durant la semaine dernière l'adjoint<br />
du guide de la confrérie,<br />
Khaïrat Al-Chater, qui n'a pas de<br />
poste officiel. Dans des déclarations<br />
à l'agence Anatolie, une<br />
source diplomatique à l'ambassade<br />
américaine au Caire a<br />
affirmé que cette entrevue s'inscrivait<br />
dans le cadre d'une série<br />
de rencontres avec des personnalités<br />
politiques. «L'ambassadrice<br />
américaine a donné une leçon de<br />
patriotisme. S'il y a alignement,<br />
elle s'est alignée sur les valeurs<br />
américaines », a déclaré à la<br />
presse Ragueh Dardiri, de la commission<br />
des affaires étrangères au<br />
Parti liberté et justice des <strong>Fr</strong>ères<br />
musulmans, prenant la défense<br />
de la diplomate qui s'est attirée<br />
des critiques très acerbes.<br />
Mais les anti-Morsi ne se laissent<br />
pas décourager. Ils savent<br />
qu'en politique, surtout lorsqu'il<br />
s'agit de soutien américain, les<br />
positions ne sont jamais éternelles.<br />
« Dès que les Etats-Unis réaliseront<br />
que les <strong>Fr</strong>ères musulmans<br />
sont en situation de faiblesse ou<br />
que la situation a dégénéré en<br />
conflit sanglant entre partisans et<br />
opposants, ils seront les premiers<br />
à réclamer le départ de Mohamed<br />
Morsi afin de préserver leurs<br />
intérêts stratégiques en Egypte»,<br />
prévoit Essam Chiha, avocat et<br />
cadre du parti libéral Al-Wafd,<br />
dans une tribune publiée dans le<br />
<strong>quotidien</strong> el-Watan. De son côté,<br />
Mostafa Kamel Al-Sayed, professeur<br />
de sciences politiques à<br />
l'université américaine du Caire,<br />
partage le même avis. Il déclara le<br />
26 juin à une journaliste de<br />
Ahram Hebdo, que « si le soulèvement<br />
populaire du 30 juin est<br />
comparable à celui du 25 janvier<br />
2011 et si l'armée s'aligne à nouveau<br />
sur la volonté du peuple, les<br />
Américains feront volte-face et<br />
lâcheront les <strong>Fr</strong>ères comme ils<br />
l'ont fait avec Moubarak ». Le 1 er<br />
juillet, alors que le président<br />
Barack Obama se trouve en tournée<br />
en Afrique, la Maison-<br />
Blanche rend public un communiqué.<br />
Les Etats-Unis demandent<br />
au président Morsi de ne pas<br />
«ignorer les revendications du<br />
peuple égyptien descendu dans<br />
les rues d'une manière pacifique».<br />
Obama lâche Morsi et Anne<br />
Peterson attend l'accord du sénat<br />
américain pour rejoindre<br />
Washington D.C où un nouveau<br />
poste l'attend. Au final, la diplomatie<br />
américaine n'a rien vu<br />
venir en Egypte. En moins de<br />
deux ans, Obama a parié sur le<br />
mauvais cheval. Ses « Obamettes»<br />
devraient rendre compte un jour.<br />
Yacine Chabi<br />
ALGERIE NEWS Mercredi 3 juillet <strong>2013</strong>