Le système de goutte-à-goutte encourage à réaliser plusieurs cultures par an, pouvant allerjusqu’à trois 20 . Plus les exportations au champ sont importantes, plus elles devront êtrecompensées par une fertilisation, c’est pourquoi l’introduction du goutte-à-goutte doit êtrecouplée à une fertilisation adéquate afin de ne pas épuiser les sols. Le goutte-à-goutteencourage également le passage à une culture à plus forte valeur ajoutée (arboriculture,maraîchage...) et demande une réorganisation des assolements. Au Maroc, l’augmentation desterres cultivées avec un système de goutte-à-goutte a engendré une diminution de <strong>la</strong> surfacecéréalière et ainsi diminué <strong>la</strong> quantité de fourrages disponibles (Force 2011).Le gain de temps de travail réalisé grâce au goutte-à-goutte et <strong>la</strong> diminution de <strong>la</strong> pénibilité dutravail peuvent être très significatifs. Par exemple, une exploitation de 180 ha d’agrumesnécessite une quinzaine d’ouvriers pendant 20 jours pour une irrigation à <strong>la</strong> robta 21 dans leGharb (Maroc) alors qu’en goutte-à-goutte seule une personne est nécessaire pour gérer lesélectrovannes permettant l’irrigation (Force 2011). Certains kits de goutte-à-goutte à bas coûtsdemandent au contraire de <strong>la</strong> main d’œuvre pour le remplissage manuel des bidons d’eau etl’entretien du système – 80 % des agriculteurs s’en p<strong>la</strong>ignent dans une expérience auZimbabwe avec un système de goutte-à-goutte à bas coût commercialisé par P<strong>la</strong>stro® (Maisiriet al. 2005).L’organisation du travail sur l’exploitation est primordiale avec le système de goutte-à-goutte.Lorsque le champ est utilisé pour une autre culture, un travail supplémentaire doit être faitpour installer et enlever le matériel. C’est pourquoi un goutte-à-goutte enterré en dessous duseuil de <strong>la</strong>bour peut être avantageux. Le démarrage du cycle de <strong>la</strong> culture en goutte-à-gouttedépend du cycle des cultures considérées prioritaires, et des pics de travail correspondant auxtravaux de mise en p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> culture en goutte-à-goutte.Aspects économiquesLe gain de temps de travail réalisé par l’adoption du goutte-à-goutte permet de faire uneéconomie sur <strong>la</strong> main d’œuvre, même si <strong>la</strong> technicité exigée par <strong>la</strong> mise en œuvre du systèmedemande une main d’œuvre plus qualifiée donc plus chère. L’économie de temps réalisée peutpermettre à l’agriculteur de diminuer ses coûts ou de diversifier ses activités. Force (2011)estime que les frais de main d’œuvre sont divisés par 5 dans le Gharb (Maroc) lors du passageau goutte-à-goutte, passant de 1500 à 300 dirhams/jour (soit environ 136 euros/jour à 27euros/jour). Au Niger, l’expérience menée par Oumarou (2008) sur <strong>la</strong> <strong>la</strong>itue indique que legoutte-à-goutte nécessite deux fois moins de main d’œuvre que l’arrosage manuel (pararrosoir). Toutefois, Woltering (2010) <strong>note</strong> que l’économie en travail peut être marginalevoire nulle sur des systèmes maraichers de très petite taille, comme le système de 80 m 2 duJardin Potager Africain. En effet le réservoir est rempli manuellement ce qui représente peud’avantage par rapport à l’arrosage manuel. Les gains en main d’œuvre sont obtenus sur dessystèmes plus grands (500 m 2 ) avec pompage.20 Entretien avec Laurent Stravato, 21 juin 201221 « La parcelle est découpée en plusieurs petits bassins élémentaires (ou média) dont les dimensionsmoyennes sont de 40 m². Ces bassins sont alimentés par des canaux (seguias) de distribution en terre qui sontalimentés à partir d'une seguia mère qui est alimentée à son tour à travers une brèche opérée sur le cana<strong>la</strong>rroseur. » - source : Be<strong>la</strong>bbes K. (2004), Ecobi<strong>la</strong>ns appliqués à l’agriculture et Formation de Conseillersagricoles en environnement au Maroc (EFCA-PIP) - É<strong>la</strong>boration d’un modèle d’écobi<strong>la</strong>n pour l’évaluationenvironnementale de l’agriculture irriguée au Maroc, Cas du périmètre irrigué de Tad<strong>la</strong>.Mieux gérer l’eau par des pratiques agricoles innovantes : quelles perspectives dans les pays en développement ?Billy Troy et Calypso Picaud - Mars 201344
La plus faible quantité d’eau pompée lors de l’utilisation du goutte-à-goutte va permettre àl’agriculteur de diminuer l’énergie nécessaire au pompage de cette eau. Cependant dans dessystèmes de goutte-à-goutte sous pression, l’énergie nécessaire pour mettre l’eau souspression doit être prise en compte (équivalent à élever l’eau à une hauteur plus importante).La question de l’investissement dans l’équipement en goutte-à-goutte et de son entretien estcentrale. Le frein majeur à l’adoption du goutte-à-goutte reste l’investissement initial qu’ilreprésente, mais celui-ci est variable. En France, l’investissement peut représenter de 2 000 à5 000 euros /ha en considérant l’ensemble du matériel à acquérir (notamment station depompage de tête, bac de fertigation, filtres 22 ). En Tunisie, l’instal<strong>la</strong>tion d’un goutte-à-goutteéquipé de goutteurs régu<strong>la</strong>teurs de pression aux normes oscille autour de 1670 euros/ha, alorsque des systèmes de tuyaux en p<strong>la</strong>stique à bas coût sans goutteurs facilement démontablemais avec une durée de vie plus courte peuvent coûter environ 280 euros/ha (Le Goulven etal. 2009). En Afrique de l’ouest, le coût d’instal<strong>la</strong>tion est de l’ordre de 2 à 4 millions de FCFApar ha en fonction du type de culture (i.e. de 3 000 à 6 000 euros par ha). Le mode d’accès àl’eau (privé, collectif de petite taille ou grands périmètres) est également un paramètreimportant. En effet, l’existence d’un tour d’eau peut nécessiter <strong>la</strong> construction d’un systèmede stockage de l’eau à proximité des parcelles (bassin par exemple) permettant de stockerl’eau du tour d’eau pour pouvoir <strong>la</strong> réutiliser au moment choisi avec le goutte-à-goutte. Dansce cas le coût d’instal<strong>la</strong>tion peut augmenter. Par ailleurs, en Inde, Kumar et al. (2005) ontmontré que le type de culture peut avoir un impact significatif sur les coûts d’instal<strong>la</strong>tion :ainsi pour des cultures à p<strong>la</strong>nts plus espacés (manguiers, orangers), le coût de l’investissementà l’hectare peut être divisé par trois par rapport à d’autres productions.Au Maghreb, <strong>la</strong> mise en œuvre de politiques nationales visant à diffuser l’irrigation au goutteà-gouttes’accompagne de fortes subventions pour faire face à ce coût d’investissementimportant, comme au Maroc et en Tunisie. Des processus dits « informels » de conseil etrevente de matériel d’occasion ont également vu le jour (Force 2011).Par ailleurs, des initiatives ont été développées pour mettre au point et diffuser des systèmesd’irrigation adaptés à différentes superficies et à bas coûts, afin de rendre <strong>la</strong> technologie plusaccessible aux petits agriculteurs dans les pays du Sud. Ainsi l’ICRISAT (InstitutInternational de Recherche sur les Cultures des Zones Tropicales Semi Arides) a développé lesystème de Jardin Potager Africain, qui a été introduit au Niger à partir de 2001. Il est basésur un système d’irrigation au goutte-à-goutte sur 500 m 2 (avec des gaines fabriquées parNetafim) alimenté par un réservoir de 4 m 3 p<strong>la</strong>cé à une hauteur de 1 mètre. Par ailleurs,l’ONG IDE a mis au point des systèmes permettant d’irriguer des surfaces de 10 à 1 000 m 2(l’eau est stockée dans des seaux ou des fûts surélevés puis envoyée dans les gaines), qui ontété utilisés en Inde et au Kenya (Oumarou 2008). Au Burkina Faso, IDE conçoit etcommercialise des kits de goutte-à-goutte (cf. Tableau 7) pour des surfaces réduites (20, 50,100, 200 ou 500 m 2 ) et avec un dispositif simplifié destiné à réduire les coûts. L’objectif estde permettre aux petits producteurs d’obtenir un retour sur investissement après unecampagne de maraîchage. Le kit comprend les gaines avec deux filtres à faible coût et desmicrotubes. Le réservoir, p<strong>la</strong>cé sur un support qui permet de le surélever l’eau (de 1 à 5 m)pour augmenter <strong>la</strong> pression du système, ainsi que des filtres produits localement, <strong>complète</strong>ntce kit.22 Entretien avec Patrick Rosique, 13 juin 2012Mieux gérer l’eau par des pratiques agricoles innovantes : quelles perspectives dans les pays en développement ?Billy Troy et Calypso Picaud - Mars 201345
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