3. Problématiques transversales et pistes de travail3.1 Des problématiques transversales communesa. L’adaptation du paquet technique à chaque contexteIl est tout d’abord important de rappeler qu’un agriculteur va pouvoir se <strong>la</strong>ncer dansl’adoption d’une nouvelle pratique agricole sous au moins deux conditions :• s’il y voit un intérêt,• s’il en a les moyens, qui peuvent être d’ordre financier, logistique, ou encore entermes de connaissances.Préa<strong>la</strong>blement à <strong>la</strong> discussion sur l’évaluation des performances de ces pratiques, se posentdonc d’abord les enjeux de l’adéquation de chaque paquet technique aux besoins desproducteurs et de leur adaptation aux contextes locaux. Ainsi, les objectifs des agriculteurs,des consommateurs et des structures facilitant <strong>la</strong> mise en œuvre des pratiques innovantes nesont pas toujours les mêmes. Pour le SCV, les producteurs peuvent être davantage intéresséspar les gains immédiats procurés (fourrage pour les animaux, facilité d’obtention des intrantspar les projets) que par <strong>la</strong> réhabilitation de <strong>la</strong> fertilité des sols, qui peut être l’intérêt premierde bailleurs de fonds par exemple (Njomaha et al. 2010). De même, les consommateurs enAfrique de l’ouest sont généralement d’abord concernés par <strong>la</strong> disponibilité et l’accès (le prix)des produits alimentaires plutôt que par les questions de durabilité environnementale (Duguéet al. 2012). Pour une même problématique, par exemple <strong>la</strong> dégradation des sols, d’autressolutions que le SCV peuvent être privilégiées par les agriculteurs, comme <strong>la</strong> culture enterrasse au Vietnam (Affholder et al. 2009). La réflexion sur <strong>la</strong> pertinence de l’applicationd’une pratique agricole nouvelle dans un contexte local spécifique constitue donc un préa<strong>la</strong>bleincontournable. Lamantia (2012) <strong>note</strong> ainsi que sur les processus d’adoption de pratiquescomme le SCV, il y a un besoin d’études plus détaillées sur les motivations des exploitants etles connaissances dont ils disposent.D’autre part, il semble important de concevoir les paquets techniques proposés commeflexibles et modifiables en fonction des situations. L’introduction d’une innovation au seind’une exploitation demande en effet des adaptations de <strong>la</strong> pratique au contexte spécifique del’exploitation. Cet enjeu est notamment important pour le SCV et le SRI car ils comprennentun certain nombre de principes :• certains partisans de ces techniques considèrent que l’ensemble des principes doiventêtre mis en œuvre par les agriculteurs pour parler d’une adoption de <strong>la</strong> technique etpour effectuer l’évaluation de <strong>la</strong> pratique,• d’autres considèrent que l’application de tous les principes n’est pas primordiale et pastoujours possible ni préférable selon les contextes.Or, le fait d’appliquer l’ensemble des principes d’une pratique n’est pas toujours possiblepour l’agriculteur. Par exemple pour le SCV en Afrique sub-saharienne, Giller et al. (2009)montrent bien que le maintien sur le champ des résidus de culture est limité pour plusieursraisons : <strong>la</strong> compétition avec le fourrage destiné à l’élevage (vaine pâture), <strong>la</strong> productioninsuffisante pour une couverture optimale du sol, <strong>la</strong> « tradition » ... S’agissant du SRI, sa miseMieux gérer l’eau par des pratiques agricoles innovantes : quelles perspectives dans les pays en développement ?Billy Troy et Calypso Picaud - Mars 2013 50
en œuvre peut être très contraignante, notamment au niveau de <strong>la</strong> gestion de l’eau. Celle-cidemande une préparation du champ importante : nivellement, système d’irrigation et dedrainage fonctionnel (butte, canaux d’irrigation, station de tête de pompage), tour d’eauadapté (en cas de SRI dans un périmètre irrigué)...Ainsi, si ces pratiques sont mises en avant pour leurs performances supposées à <strong>la</strong> parcelle, i<strong>la</strong>pparaît essentiel de raisonner également à l’échelle de l’exploitation et du territoire. Ainsi,dans le SCV <strong>la</strong> compétition possible pour l’usage des résidus de culture nécessite de prendreen compte les interactions avec l’élevage (Lamantia 2012). La disponibilité et l’affectationpossible à différentes cultures des engrais minéraux et de <strong>la</strong> fumure organique conditionnent<strong>la</strong> manière dont les agriculteurs vont mobiliser ces intrants dans leurs systèmes de culture, parexemple sur le SRI (Krupnik et al. 2012). Le montage de projets collectifs d’équipement enirrigation au goutte-à-goutte, permettant de réduire les coûts, met en jeu une dynamique entredifférents exploitants d’une même zone irriguée (Woltering 2010).Le croisement des paquets techniques proposés avec les capacités d’adaptation desproducteurs peut permettre de déboucher sur l’adoption des pratiques en tant que telles ousous une forme modifiée. Par exemple pour le SCV, les agriculteurs peuvent n’adopter quecertains principes (rotation des cultures et non <strong>la</strong>bour, en <strong>la</strong>issant les résidus de culturedisponibles pour l’élevage). Sur une expérience de mise en œuvre du SRI au Sénégal(Krupnik et al. 2012), les producteurs appuyés par des chercheurs et des techniciens ontcombiné les pratiques du SRI et des pratiques conventionnelles pour trouver un compromisentre désherbage entièrement manuel ou entièrement chimique, l’une et l’autre de cessolutions étant difficiles à appliquer. Cette nouvelle pratique a permis d’atteindre les mêmesrendements qu’en SRI et des marges supérieures à celles obtenues en SRI et avec lespratiques conventionnelles recommandées, tout en répondant mieux aux besoins desproducteurs. Un continuum se construit alors entre des paquets techniques innovants, despratiques conventionnelles recommandées et des pratiques paysannes (Lamantia, 2012).Des cadres de recherche action permettant <strong>la</strong> co-construction de solutions entre agriculteurs,chercheurs et techniciens peuvent permettre d’explorer cette voie. Krupnik et al. (2012) ontmis en œuvre, sur le SRI au Sénégal, une démarche fondée sur l’échange entre producteurs,chercheurs et agents de vulgarisation, en mobilisant les systèmes du Champ-Ecole Paysan, quia encouragé l’analyse de l’expérimentation paysanne, et des méthodes de <strong>la</strong> rechercheparticipative.b. L’évaluation des avantages tirés des pratiquesEn premier lieu, l’évaluation des avantages et des limites de ces pratiques se heurte à desdifficultés assez c<strong>la</strong>ssiques en termes de suivi agro-économique des exploitations dans lespays en développement. Ainsi, il n’est pas toujours possible d’intégrer tous les facteurs dansl’analyse. Par exemple <strong>la</strong> main d’œuvre, qui est un paramètre clé pour les 4 techniquesconsidérées ici, est complexe à intégrer dans l’analyse économique pour les petitesexploitations familiales du Sud. En effet, les membres de <strong>la</strong> famille peuvent travailler auchamp sans que l’on puisse estimer précisément leur temps de travail et sa valorisation.D’autres coûts ne sont pas forcément intégrés dans certaines études, par exemple le réservoirdans les systèmes de goutte-à-goutte (Oumarou 2008). Par ailleurs, les performances sontsouvent étudiées dans des conditions optimales, mais il serait également intéressant deconsidérer des cas où certaines conditions sont limitantes. Par exemple, le SCV pourrait êtreétudié dans des cas où le mulch n’est pas assez épais à cause d’une pluviométrie insuffisante(Lamantia 2012).Mieux gérer l’eau par des pratiques agricoles innovantes : quelles perspectives dans les pays en développement ?Billy Troy et Calypso Picaud - Mars 2013 51
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