Gong 34 - Association Francophone de Haiku
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À MON HUMBLE AVIS,il convient avant tout <strong>de</strong> s'interroger : « Pourquoi écrire <strong>de</strong>s haïkus dansune autre langue que le japonais? ».L'une <strong>de</strong>s premières raisons tient certainement à la volonté <strong>de</strong> traduire et<strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s oeuvres accessibles, d'un point <strong>de</strong> vue linguistique, à<strong>de</strong>s personnes ne parlant pas le japonais. Ici, je vous propose une autreraison et motivation : défendre <strong>de</strong>s langues, <strong>de</strong>s dialectes, <strong>de</strong>s patoisqui, si nous n'y prêtons pas gar<strong>de</strong>, disparaîtront ou dans le meilleur <strong>de</strong>scas <strong>de</strong>viendront <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> moqueries. Il en est ainsi du patois limousinet particulièrement du patois creusois.L e patois creusois n'est ni une langue ni un dialecte. Il ne possè<strong>de</strong> niorthographe ni syntaxe développées. Il s'agit surtout d'un « parlé », lié àla transmission orale <strong>de</strong>s coutumes, traditions, contes et autres comptinesdu centre <strong>de</strong> la France. Chaque « païs » (qui correspondraient plusou moins aux cantons actuels) présente ses caractéristiques qui font queles patois creusois parlés par <strong>de</strong>s personnes distantes <strong>de</strong> trente kilomètressont différents. Et c'est justement cette différence qui nous rassemble.L e patois creusois est plus qu'un dialecte : il sent bon les forêts immensesoù abon<strong>de</strong>nt champignons et châtaignes ; il contient les sons <strong>de</strong>storrents et <strong>de</strong>s rivières ; il donne à voir les blocs <strong>de</strong> granit moussus parmiles champs <strong>de</strong> fleurs ; il est la voix <strong>de</strong> nos aïeux. Alors : « Peut-on écrire<strong>de</strong>s haïkus dans une autre langue que le japonais ? ». Non seulement, onle peut, mais nous le <strong>de</strong>vons. Les langues ne meurent pas (même si nousparlons souvent <strong>de</strong>s « langues mortes ») ; seules les personnes parlantune langue meurent. Libres à chacun d'entre nous <strong>de</strong> laisser partir avecelles un pan <strong>de</strong> notre histoire. À <strong>de</strong> vieux amis très chers, j'avais fait lapromesse d'apprendre et <strong>de</strong> transmettre le patois avec eux. Désolé Lucienneet Jean : j'ai failli à ma promesse et vous n'êtes plus là. Alors, permettez-moi<strong>de</strong> terminer, en patois creusois, ce plaidoyer pour le droit àla différence et contre l'uniformisation :Bouta sur le gâne -las chatignés a soutrepas une traquet.que l'on pourrait traduire par :Sur le chemin humi<strong>de</strong> -les châtaignes à terreaucune trace.Jérôme DINET<strong>34</strong>24