Rechercheà l’IRSSTConditions d’emploi, santéUn portrait des travailleursLes grandes enquêtes sur lapopulation perm<strong>et</strong>tent de déceler destendances <strong>et</strong> de mieux tenir compte desPoint de départEn 1998, l’Institut de la statistique duQuébec a effectué une enquête généralesur la santé <strong>et</strong> le bien-être de la populationquébécoise, l’ESS98. Les chercheursde l’IRSST ont voulu analyser plus en détailles données ainsi recueillies, dans lebut d’y déceler des tendances nouvelles,des aspects moins connus ou d’importantsliens en matière de SST <strong>et</strong> deconditions de travail <strong>et</strong> d’emploi.ResponsablesMichèle Gervais 1 , Paul Massicotte 2 <strong>et</strong>Danièle Champoux 3 , de l’IRSST.PartenairesL’Institut de la statistique duQuébec (ISQ) <strong>et</strong> sa DirectionSanté Québec.RésultatsEn plus de fournir un portraitglobal de la population québécoise,l’exploitation de l’ESS98a apporté des informationsqualitatives <strong>et</strong> quantitativesutiles à la compréhension desréalités actuelles de santé <strong>et</strong> desécurité du travail au Québec.Elle contribue à préciser lesavenues dans lesquelles la recherchea intérêt à progresser,notamment en matière deprévention des lésions professionnelles.UtilisateursLes dirigeants, chercheurs <strong>et</strong> planificateursintéressés à l’évolution destendances en matière de conditionsd’emploi ainsi que de santé <strong>et</strong> de sécuritédu travail, notamment en ce quia trait à la prévention <strong>et</strong> à la santépublique.123changements globaux dans les conditionsde travail. En Europe, divers paysy recourent, <strong>et</strong> ce, depuis plusieursannées. C’était cependant la premièrefois, en 1998, qu’une enquête sur la populationquébécoise (l’ESS98) consacraitune partie de son questionnaire àdiverses dimensions de l’environnementde travail. L’Institut de la statistiquedu Québec a ainsi sondé 11 000 travailleurs.Une mine de renseignementsLes données, inédites à l’échelle duQuébec, renseignent notamment sur laprésence de contraintes physiques <strong>et</strong>organisationnelles dans les milieux d<strong>et</strong>ravail. Citons à c<strong>et</strong> égard la manutentionde charges lourdes, les effortsdéployés sur des outils ou des machines,les vibrations d’outils <strong>et</strong>de machines, le bruit intense, lespoussières de bois, les solvants,le travail répétitif, les horairesirréguliers, les horaires de nuit <strong>et</strong>la rémunération au rendement.« Jusqu’à ce jour, ce type d’informationne pouvait être obtenueque dans le cadre de proj<strong>et</strong>strès ciblés, ne concernant qu’unnombre limité d’entreprises, dansune région donnée, explique PaulMassicotte, conseiller scientifiqueà l’IRSST. Auparavant, la premièresource d’information surles travailleurs accidentés, les circonstancesentourant les accidents<strong>et</strong> les événements eux-mêmes,était le fichier des lésions professionnellesde la <strong>CSST</strong>. »Il n’est donc pas surprenant queles chercheurs de l’IRSST aientvoulu exploiter les données nouvellesapportées par l’ESS98, question d’alimenterla réflexion prospective dans ledomaine <strong>et</strong> d’enrichir, de soutenir <strong>et</strong>d’orienter la recherche en santé <strong>et</strong> ensécurité du travail (SST).Parmi les résultats de l’analyse del’IRSST, quelques-uns se distinguentpar leur caractère inédit. D’autresencore contribuent à nuancer des informationsdéjà connues. Par exemple,il est apparu clairement que le cumulde contraintes physiques crée un terrainpropice à la survenue d’accidents.C’est là un des apports intéressants del’analyse, qui démontre que le taux defréquence des accidents s’accroît proportionnellementà l’accumulation d’expositionsà des contraintes physiques.Le cas du secteur tertiaireQuoique différentes des statistiques dela <strong>CSST</strong>, les données sur les accidentsdu travail de l’ESS98 révèlent ou confirment,selon le cas, le nombre croissantde problématiques de SST dans lesecteur tertiaire. Ainsi, la restaurationarrive en tête de liste avec la plus fortefréquence d’accidents (le double de lamoyenne québécoise), surpassant mêmeles secteurs primaire <strong>et</strong> manufacturier.C’est aussi dans la restauration qu’onobserve le plus de travail à temps partiel,le moins de syndicalisation <strong>et</strong> lesrevenus les plus bas, bref, des conditionsde travail <strong>et</strong> d’emploi précaires.Cela sans compter d’autres aspectscontraignants du travail : tâches répétitives,rémunération au rendement <strong>et</strong>horaire irrégulier.Les populations à risqueLes auteurs de l’étude se demandentainsi s’il ne faudrait pas établir unlien entre l’emploi précaire <strong>et</strong> la SST.Les changements des dernières décenniesen matière d’organisation du travail— lesquels concernent toutes lestranches de la population active — onttouché davantage quelques groupes d<strong>et</strong>ravailleurs, dont les jeunes, les travailleursautonomes ainsi que les salariésdes p<strong>et</strong>ites entreprises.Il ressort en eff<strong>et</strong> que les jeunes demoins de 25 ans constituent une populationà haut risque. Plus souvent accidentésque les travailleurs de 25 ansou plus, ils sont aussi significativementplus exposés aux contraintes physiques<strong>et</strong> organisationnelles.26 Prévention au travail Automne 2006
<strong>et</strong> sécuritéquébécoisEn ce qui concerne la taille desentreprises, les plus p<strong>et</strong>ites (de 1 à 20 employés)semblent concentrer des conditionsde travail <strong>et</strong> d’emploi précaires.C’est là, par exemple, que la moitié desjeunes travaillent ; le travail à temps partiel<strong>et</strong> le travail temporaire y sont trèscourants, l’ancienn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la syndicalisation,faibles, tout comme les revenus. Lesauteurs notent également une surreprésentationdes secteurs des loisirs, del’hébergement, des services personnels<strong>et</strong> domestiques, de la restauration <strong>et</strong> ducommerce de détail dans c<strong>et</strong>te catégorie.Qui plus est, on dénombre aussi,parmi les p<strong>et</strong>ites entreprises, les troisquarts des travailleurs autonomes. Davantagesoumis aux contraintes organisationnellesque les salariés, ilstravaillent aussi de plus longues heureschaque semaine.Pour l’avenir, la concertationSelon Paul Massicotte, « l’étude réaliséeici constitue un excellent point de repèreà partir duquel surveiller l’évolutionde la situation par des études plusfines ou des enquêtes ultérieures ».En somme, les résultats de la rechercheconvergent pour indiquer quecertaines populations spécifiques, généralementmoins ciblées par les programmesde prévention des accidentsdu travail, requièrent une attentionparticulière. De façon plus globale, lesauteurs affirment qu’elles bénéficieraientgrandement d’une améliorationde leurs conditions de travail.Lorsque les populations cibles sontdifficiles à cerner <strong>et</strong> qu’elles sontdispersées dans plusieurs domainesd’activité économique, il devient pluscomplexe de définir les moyens deprévention à favoriser. Les chercheursconcluent à la nécessité d’intégrer lesproblématiques spécifiques aux groupessensibles dans les proj<strong>et</strong>s de rechercheréalisés auprès d’entreprises ou de secteursplus ciblés.Fréquence de l’exposition aux principalescontraintes de travail des jeunes <strong>et</strong> de leurs aînésContraintesJeunes(15-24 ans)Aînés(25 ans ou plus)Ratiojeunes-aînésHoraires irréguliers 34,8 % 28,9 % 1,20Travail répétitif 28,9 % 18,9 % 1,53Manutention lourde 26,5 % 16,5 % 1,61Efforts outils-machines 23,6 % 17,1 % 1,38Horaires de nuit 14,0 % 10,0 % 1,40Bruit intense 13,2 % 12,3 % 1,07Solvants 11,0 % 6,0 % 1,83Dans la restauration, les difficultésles plus répandues sontle travail répétitif, les horairesatypiques <strong>et</strong> la rémunération aurendement. C’est dans ce secteurqu’on trouve le plus grandnombre de personnes qui disenttravailler très vite <strong>et</strong> très fort.Il appert en outre qu’une améliorationdes conditions de travail <strong>et</strong> deSST des couches plus vulnérables de lapopulation active exige une approcheplus globale de la prévention des lésionsprofessionnelles. Pour donnerdes résultats tangibles, c<strong>et</strong>te démarchedoit se faire, toujours selon les auteurs,en concertation avec les autorités responsablesde la santé <strong>et</strong> des servicessociaux, du travail, de l’emploi <strong>et</strong> del’éducation. PTLoraine Pich<strong>et</strong>tePour en savoir plusGERVAIS, Michèle,Paul MASSICOTTE,DanièleCHAMPOUX.Conditions d<strong>et</strong>ravail, de santé<strong>et</strong> de sécurité des travailleursdu Québec,Rapport R-449,140 pages.Téléchargement gratuit :http://www.irsst.qc.ca/files/documents/PubIRSST/R-449.pdfPhoto : G<strong>et</strong>ty ImagesAutomne 2006Prévention au travail27