Malgré le nombre important d'œufs pondus par la femelle, on estime que plus <strong>de</strong> 90 % <strong>de</strong>ssta<strong>de</strong>s immatures n'atteindront jamais le sta<strong>de</strong> adulte même dans les conditionsenvironnementales les plus favorables. La forte mortalité <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s immatures explique aussiqu'en <strong>cas</strong> <strong>de</strong> <strong>gale</strong> comm<strong>un</strong>e le nombre <strong>de</strong> femelles adultes par mala<strong>de</strong> est relativement limité.Une étu<strong>de</strong> très ancienne faite au moment <strong>de</strong> la 2 e guerre mondiale et portant sur près <strong>de</strong> 900hommes examinés a montré que le nombre moyen <strong>de</strong> femelles adultes par patient étaientd'environ 11 à 15, et que 50 % <strong>de</strong>s patients étaient infestés par moins <strong>de</strong> six femelles adultes[61]. Les femelles adultes ne se répartissent pas aléatoirement sur le corps mais elles ont <strong>de</strong>ssites d'élection marqués (cf. § 4.1).La survie <strong>de</strong>s acariens dans l'environnement est <strong>un</strong> élément important dans l'épidémiologie <strong>de</strong>la <strong>gale</strong> et <strong>de</strong>s mesures complémentaires <strong>de</strong> lutte à mettre en œuvre p<strong>ou</strong>r éviter les infestationssecondaires. Une étu<strong>de</strong> portant sur 32 maisons <strong>de</strong> patients infectés à montré la présence <strong>de</strong>S. scabiei dans <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>ssières prélevés sur le sol dans 44 % <strong>de</strong>s <strong>cas</strong> ; 64 %<strong>de</strong>s maisons positives contenait <strong>de</strong>s sarcoptes vivants [62]. Les adultes peuvent être tués à <strong>de</strong>stempératures relativement modérées, par exemple <strong>un</strong>e exposition à 50°C pendant dix minutesest létale, que ce soit en atmosphère humi<strong>de</strong> <strong>ou</strong> sèche. Leur survie en atmosphère humi<strong>de</strong>(90 % Humidité Relative) est <strong>de</strong> 3 j<strong>ou</strong>rs p<strong>ou</strong>r <strong>de</strong>s températures entre 21 et 25°C. Elle n’est que<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux j<strong>ou</strong>rs à 25°C en atmosphère sèche (30 % HR). T<strong>ou</strong>tefois la survie augmente auxtempératures plus faibles qui ralentissent leur activité biologique (14 j<strong>ou</strong>rs à 14°C) [63]. Lacongélation tue les adultes en 1h30 à -25°C [64].Des étu<strong>de</strong>s moléculaires récentes ont mis en évi<strong>de</strong>nce chez S. scabei <strong>de</strong>s protéineshomologues <strong>de</strong> certains allergènes présents chez les acariens <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>ssière <strong>de</strong>s maisons(h<strong>ou</strong>se dust mite) [65]. Parmi ces allergènes on tr<strong>ou</strong>ve <strong>de</strong>s sérines protéases "trypsin-like"particulières dans la mesure où ces enzymes présentent <strong>de</strong>s sites catalytiques nonfonctionnels. Ces protéines inactivées appelées SMIPP (Scabies Mite Inactivated ProteasesParalogues) agissent comme <strong>de</strong>s antagonistes <strong>de</strong>s protéases actives. Les protéases activessont reconnues par <strong>de</strong>s récepteurs présents à la surface <strong>de</strong> certaines cellules épithéliales etdéclenchent <strong>un</strong>e réponse inflammatoire en induisant la libération <strong>de</strong> cytokines [66]. Les SMIPPsp<strong>ou</strong>rraient se lier aux récepteurs à protéases <strong>de</strong>s kératinocytes sans les activer, protégeantainsi les acariens d’<strong>un</strong>e réponse inflammatoire efficace <strong>de</strong> l'hôte.Haut Conseil <strong>de</strong> la santé publique 18
4 - Formes cliniques <strong>de</strong> la <strong>gale</strong>La durée d’incubation est d’environ trois semaines mais est réduite à moins <strong>de</strong> trois j<strong>ou</strong>rs lorsd’<strong>un</strong>e réinfestation. Dans <strong>un</strong>e étu<strong>de</strong> historique, humaine et expérimentale, conduite dans lesannées 1940, la symptomatologie se déclarait en moins <strong>de</strong> 24 heures chez plus <strong>de</strong> 95 % <strong>de</strong>spersonnes ré-exposées [67]. Ceci s’explique par <strong>un</strong> mécanisme d’hypersensibilitié vis-à-vis dusarcopte. Ce mécanisme met beauc<strong>ou</strong>p plus <strong>de</strong> temps à se mettre en place en <strong>cas</strong> <strong>de</strong> primoexposition.Il existe é<strong>gale</strong>ment <strong>un</strong>e imm<strong>un</strong>ité protectrice qui expliquerait la moindresymptomatologie en <strong>cas</strong> <strong>de</strong> réinfestation ainsi qu’<strong>un</strong>e charge parasitaire plus faible [68].4.1 - Forme comm<strong>un</strong>eLes <strong>de</strong>scriptions cliniques <strong>de</strong> la <strong>gale</strong> se rec<strong>ou</strong>pent d’<strong>un</strong>e revue <strong>de</strong> la littérature à <strong>un</strong>e autre [1-4]Il existe peu <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s séries cliniques récemment publiées, notamment dans les paysocci<strong>de</strong>ntaux. Il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit que la maladie peut rec<strong>ou</strong>vrir <strong>de</strong>s entités différentes, <strong>de</strong> la<strong>gale</strong> <strong>de</strong>s gens propres et <strong>de</strong>s <strong>gale</strong>s débutantes sans lésion cutanée jusqu’aux <strong>gale</strong>s profusesavec nombreuses lésions cutanées sans p<strong>ou</strong>r autant être hyperkératosiques.Le prurit d’abord localisé peut ensuite se généraliser, <strong>de</strong> façon plus <strong>ou</strong> moins intense selon lesindividus. Habituellement il est à recru<strong>de</strong>scence nocturne. Le caractère collectif, familial <strong>ou</strong>conjugal est très évocateur du diagnostic <strong>de</strong> <strong>gale</strong>. Certaines lésions cutanées sontsecondaires : eczématisation <strong>ou</strong> lésions induites par le grattage (papules, nodules, érosions, <strong>ou</strong>stries <strong>de</strong> grattage). Certaines lésions cutanées sont plus spécifiques : sillons, vésicules perléeset nodules scabieux.Les <strong>de</strong>scriptions cliniques sont basées sur <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s anciennes. Par exemple dans <strong>un</strong>e étu<strong>de</strong>indienne <strong>de</strong> 1015 patients inclus à Goa en quelques mois en 1970, 98 % <strong>de</strong>s patients avaient<strong>de</strong>s lésions cliniques [69]. Le prurit était présent dans 82 % <strong>de</strong>s <strong>cas</strong>. Les signes cutanésobservés étaient peu spécifiques : papules (92 %), vésicules (76 %), cr<strong>ou</strong>tes (69 %), et pustules(42 %). Le classique sillon s<strong>ou</strong>s cutané n’était observé que dans 7 % <strong>de</strong>s <strong>cas</strong> et pas <strong>de</strong> nodulescabieux. Les lésions cutanées étaient observées dans certains territoires : espacesinterdigitaux <strong>de</strong>s mains (77 %), poignets (74 %), région ombilicale (65 %), c<strong>ou</strong><strong>de</strong>s (57 %), plisaxillaires (49 %), région génitale (34 %), seins chez la femme (14 %) [69]. Dans <strong>un</strong>e étu<strong>de</strong>anglaise menée à la fin <strong>de</strong>s années 1950s, 191 <strong>cas</strong> <strong>de</strong> <strong>gale</strong> ont été décrits [70]. Les lésionscutanées n'étaient pas décrites, mais la localisation <strong>de</strong>s lésions montrait <strong>un</strong>e prédominance a<strong>un</strong>iveau <strong>de</strong>s membres supérieurs (56 %), du petit bassin (54 %), <strong>de</strong>s mains et poignets (45 %),<strong>de</strong>s jambes (46 %) et du tronc (45 %). Les lésions étaient décrites comme profuses dans <strong>un</strong>peu plus <strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong>s <strong>cas</strong>. La tête comme le cuir chevelu n'étaient pas t<strong>ou</strong>chés, les auteursconsidérant même cette absence comme évocatrice du diagnostic <strong>de</strong> <strong>gale</strong> dans <strong>un</strong> contexteévocateur. Dans <strong>un</strong>e autre étu<strong>de</strong> très ancienne portant sur près <strong>de</strong> 900 hommes examinés,85 % présentaient au moins <strong>un</strong> sillon actif aux mains <strong>ou</strong> aux poignets, 40 % au c<strong>ou</strong><strong>de</strong>, 37 % aupied <strong>ou</strong> à la cheville, 36 % au pénis et au scrotum, 16 % aux fesses, 15 % aux aisselles, 6 % augen<strong>ou</strong>. Ces zones ne se superposaient pas forcément aux zones <strong>de</strong> lésions cutanées quipeuvent aussi être dues aux sillons <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s immatures [61].Le dos est beauc<strong>ou</strong>p moins s<strong>ou</strong>vent atteint. Le c<strong>ou</strong> et le visage sont en règle épargnés en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> formes cliniques particulières.Le sillon scabieux est <strong>un</strong> signe clinique spécifique [71]. Il réalise <strong>un</strong>e petite lésion cutanéesinueuse, filiforme progressant <strong>de</strong> 5 millimètres par j<strong>ou</strong>r environ. Il correspond au trajet <strong>de</strong>l’acarien femelle dans la c<strong>ou</strong>che cornée. Il s’observe surt<strong>ou</strong>t aux régions interdigitales <strong>de</strong>smains et sur les faces antérieures <strong>de</strong>s poignets. A l’<strong>un</strong>e <strong>de</strong>s extrémités du sillon, peut existerparfois <strong>un</strong>e surélévation <strong>de</strong> la taille d’<strong>un</strong>e tête d’épingle, qui correspond à la position <strong>de</strong> lafemelle adulte.Recommandations relatives à la conduite à <strong>tenir</strong> <strong>de</strong>vant <strong>un</strong> <strong>ou</strong> <strong>plusieurs</strong> <strong>cas</strong> <strong>de</strong> <strong>gale</strong>/Novembre 2012 19