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Numéro 65 - Le libraire

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ENTREVUEpolarD ENNISL EHANEDes nuances de gris dansle roman noirOnze ans après Gone, Baby Gone, Dennis <strong>Le</strong>hane retrouve sondétective privé fétiche, Patrick Kenzie, dans un roman policier portépar les demi-teintes de la quarantaine.52 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011La dernière fois que le <strong>libraire</strong> a parlé àDennis <strong>Le</strong>hane, il venait de faire uneincursion historique et très documentéedans l’histoire de sa ville natale, Boston,en se replongeant dans l’époque tumultueuse qui avait immédiatement suivi la PremièreGuerre mondiale. Avec Un pays à l’aube, <strong>Le</strong>hane sortait du ton et de l’époque contemporaineoù se déroule l’action de la plupart de ses romans, comme Gone, Baby Gone ou Mystic River.Cette fois, avec Moonlight Mile, <strong>Le</strong>hane fait unretour percutant au temps présent, en reprenant leduo de détectives privés, Patrick Kenzie et AngelaGenaro, qu’il a mené pendant cinq histoires,jusqu’à l’épisode particulièrement douloureux deGone, Baby Gone. Dans ce roman (égalementdevenu un solide long métrage), Patrick et Angietravaillaient sur la disparition de la petite AmandaMcReady, une enfant de 4 ans enlevée à sa mèrealcoolique et négligente, pour être confiéeillégalement à une famille à l’aise, tendre etaimante. Patrick se retrouvait alors face à undilemme moral profond : valait-il mieux ramener lapetite à sa mère ou la laisser à ses ravisseurs bienintentionnés? <strong>Le</strong> choix de Patrick – le premier –allait lui valoir bien des remords et une rupturetemporaire avec Angie, outrée de voir la petiteretomber dans son enfer domestique.Douze ans plus tard, alors que Patrick et Angie,réunis, tirent le diable par la queue et qu’ils sedébattent avec leurs soucis de nouveaux parents,Patrick reçoit la visite de la tante d’Amanda, quivient lui annoncer que l’enfant, devenue une grandefille débrouillarde, a de nouveau disparu. Poussépar un mélange de culpabilité et d’honneur, Patrickse remet alors sur la piste d’Amanda, un parcoursqui le mettra en contact avec de dangereux mafieuxtchétchènes et toute une galerie d’inquiétants et dedésolants personnages. Un parcours (parsemé de scènes enlevantes mais aussi parfoishilarantes, grâce au sens du dialogue exceptionnel de <strong>Le</strong>hane) qui poussera le privé fatiguédans ses derniers retranchements.© © Diana Lucas <strong>Le</strong>avengoodParRémy CharestPareil, pas pareilSi <strong>Le</strong>hane, également auteur de ShutterIsland, est loin de se laisser prendre dansdes ornières, il avoue avoir eu un grand plaisir à retrouver ses marques et à faire évoluerses personnages fétiches sur un territoire familier. Enfin, en partie : « Reprendre lespersonnages de Patrick et Angie, c’était un peu comme ressortir mes jeans favoris – avantde me rendre compte qu’ils sont passés de mode.Quand j’ai laissé Patrick, c’était deux ans avant le 11septembre, et quand je l’ai repris, c’était neuf ansaprès. Ce n’est plus la même Amérique. »<strong>Le</strong> monde de Patrick a changé à cause de l’attaqued’Al-Qaïda et de ce qui s’en est suivi – l’Irak,l’Afghanistan, la paranoïa ambiante, etc. –, mais aussides revers économiques qui ont affecté les Américains,en particulier ceux de la classe moyenne et de la classeouvrière. « Ce qui se trouve en filigrane du roman, c’estl’effondrement économique de 2008 », expliquel’auteur. <strong>Le</strong>s maisons abandonnées, les nouveauxdéveloppements laissés en plan offrent ainsi le décorde plusieurs scènes essentielles du livre.Roman policier, Moonlight Mile tient donc aussi duroman social, les motivations des personnages étantsouvent expliquées en partie par le contexte socioéconomiqueoù ils se trouvent. Ainsi, un meurtres’expliquera par les problèmes de drogue graves d’unpauvre type pris dans le tourbillon économique, lesméthamphétamines étant devenues pour lui la seulefaçon de tenir le coup, quand il faut travailler tempsdouble pour gagner le strict nécessaire : « C’est unenouvelle drogue qui va avec le contexte économique.Une drogue de travailleurs qui en ont besoin pourpouvoir continuer. »Cet état des États-Unis, c’est la vision d’un <strong>Le</strong>hanedont la colère est palpable, quand il aborde avec un humour tranchant les effets de la crisesur les travailleurs, par opposition à l’absence de conséquences quasi totale pour lesspéculateurs qui l’ont provoquée : « Quand on voit qui se retrouve à payer pour la crise

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