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Iran: vers un espace public confessionnel? - Sciences Po

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évélateur que les participantes s’y rendent le plus souvent à pied. Les heyat fonctionnentde façon comparable, à ceci près que leurs fidèles ont ou ont eu des activités professionnellesqui débordaient le cadre du quartier, notamment dans les réseaux des guildes : aussi arrivent-ilssouvent aux ré<strong>un</strong>ions en autobus ou en voiture. Néanmoins, le principe de sociabilitédes heyat demeure le même et repose sur l’idée d’<strong>un</strong>e certaine intimité ou toutau moins d’<strong>un</strong>e certaine camaraderie entre leurs membres : là non plus, on ne fréquentepas n’importe quel cercle et l’information suit des circuits fermés.Si jaleseh et heyat rassemblent des habitué(e)s selon <strong>un</strong>e périodicité donnée — hebdomadaire,bimensuelle ou mensuelle — la mosquée, elle, représente <strong>un</strong> <strong>espace</strong> plus neutre,<strong>un</strong> lieu <strong>public</strong> aussi où chac<strong>un</strong>, fût-ce <strong>un</strong> passant, peut pénétrer sans y être invité et seretrouve, au moins en théorie, l’égal de l’autre, où le rôle de l’hôte est tenu par Dieu luimême.En bref, on se rend par soi-même à la mosquée quand on est généralementconvié, éventuellement par affichage, dans <strong>un</strong> jaleseh ou dans <strong>un</strong> heyat. De plus l’imamde la mosquée n’a pas (ou pas encore ?) le même rôle social que le curé dans sa paroisse,pour des raisons rituelles : il n’y a pas de baptême en islam et ni la circoncision, ni le mariagene se déroulent à la mosquée ; seules les cérémonies de deuil ont désormais lieudans son enceinte pour des raisons souvent de commodité, voire de distinction, maissans pour autant que les f<strong>un</strong>érailles à proprement parler y soient célébrées. Il n’en restepas moins que la mosquée participe de l’<strong>espace</strong> du quartier (ou des quartiers dontelle est le point nodal) : d’<strong>un</strong>e part, elle est le maillon intermédiaire entre la religiosité deceux-ci et les réseaux cléricaux, en particulier les “ sources d’imitation ” (marja’-e taqlid) 6 ;d’autre part, elle accueille quotidiennement au moins certaines catégories d’habitants oude travailleurs du voisinage, tels que les personnes âgées ou les commerçants à larecherche d’<strong>un</strong> lieu de prière et, accessoirement, de repos, sans compter qu’elle garantit,il est vrai de moins en moins systématiquement, <strong>un</strong> véritable service <strong>public</strong> en offrantde l’eau courante et des toilettes.Par contraste, la participation à la prière du vendredi ne peut pas, ou plutôt ne peut plusêtre tenue pour <strong>un</strong>e forme de sociabilité religieuse de quartier. Dans les premiers tempsde la Révolution elle s’exerçait bien à cette échelle du voisinage : les évergètes du crûne manquaient pas de mettre à la disposition des fidèles des autobus salavâti, c’est-àdiregratuits ; en outre, tout <strong>un</strong> système de voiturage contribuait à drainer <strong>vers</strong> l’<strong>un</strong>i<strong>vers</strong>itéde Téhéran les habitants des quartiers. Aujourd’hui, les fidèles étant, on l’a dit, beaucoupmoins nombreux à observer ce rituel, ce maillage s’est relâché et la participation àla prière du vendredi consiste plus en <strong>un</strong> acte individuel qui implique peu la sociabilité duquartier. Notons par ailleurs que les mosquées ne semblent pas avoir occupé ce “ créneau”, le vendredi n’étant décidément pas le jour du Seigneur dans la République islamique,tout au moins dans les lieux de culte : les gens privilégient la famille, tant et si bienqu’il n’est pas rare que les édifices religieux soient purement et simplement fermés ce jourlà,jusqu’à la tombée de la nuit.Les transformations et la différenciation de l’islam nous suggèrent de saisir le champ6 Formalisé au XIXème siècle, ce titre désigne les théologiens les mieux qualifiés pour servir de référenceet de modèle aux fidèles, en particulier grâce à leurs compétences dans le domaine du droit (fiqh). Selon lesépoques, la comm<strong>un</strong>auté des croyants chiites reconnaît comme directeur de conscience <strong>un</strong>e ou plusieurssources d'imitation qui résident généralement dans les villes saintes d'Irak, Karbala et Nadjaf, ou en <strong>Iran</strong>, àQom, mais aussi dans les principales métropoles du pays.Les Etudes du CERI - n ° 27 - juin 1997 11

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