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Iran: vers un espace public confessionnel? - Sciences Po

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débat <strong>public</strong> contribuaient à cet effet de différenciation précisément parce qu’ils débordaientles considérations strictement religieuses pour privilégier les capacités politiquessupposées des candidats. Il était ainsi dit que “ la préservation de l’islam doit l’emportersur celle de ses prescriptions ”, que “ l’islam n’est pas réductible au fiqh ” et que d’ailleurs“ les deux tiers du fiqh concernent le politique et le social ”. Autrement dit, le débat reconnaissaitsimultanément l’autonomie du politique par rapport au religieux et celle du religieux parrapport au politique, double différenciation à laquelle était attaché l’imam Khomeyni, quoiqu’on en dise. Un enjeu de la désignation du Guide comme “ source d’imitation ” avait d’ailleurstrait à l’équilibre des pouvoirs au sein de la République. L’objectif était certes de marquerla pérennité de la dimension religieuse tout à la fois comme principe de légitimité etcomme ressource diplomatique, mais aussi de délimiter le champ de compétence duGuide par rapport à celui du Président de la République : à l’<strong>un</strong> l’incarnation de ce principede légitimité religieuse, à l’autre la charge de la “ reconstruction ” et de la conduitedes affaires publiques — et entre l’<strong>un</strong> et l’autre le rapport était de nécessaire complémentarité,plutôt que de rivalité. Le silence éloquent de Hachemi Rafsandjani, de ses conseillers etde ses ministres tout au long de ces débats était révélateur de ce partage des rôles. Enbref, si on n’avait jamais autant parlé de la sacralisation du politique en <strong>Iran</strong>, jamais nonplus on ne s’était autant efforcé de distinguer ces deux sphères du sacré et du politique.Dans son ambiguïté, la déclaration de l’ayatollah Rasti Kashani, l’<strong>un</strong> des membres duConseil de Guidance, à propos de la nomination de l’ayatollah Khamenei comme marja’,traduisait bien ce phénomène d’autonomisation respective du religieux et du politique: “ <strong>Po</strong>ur toute question relevant de l’ordre étatique, il convient de suivre l’avis du velayat-efaqih [du Guide de la Révolution]. <strong>Po</strong>ur toute question individuelle, deux situationsse présentent. Soit il n’y a pas de désaccord fondamental entre les marja’, et l’individuest alors libre de suivre la source d’imitation de son choix. Soit il y en a <strong>un</strong>, et il faut alorsse soumettre à l’avis de l’aslah. Si ce dernier n’est pas désigné, le croyant adopte enconscience l’avis de son choix et le Guide constitue alors bien évidemment la premièresource d’imitation <strong>vers</strong> laquelle il devrait se tourner ”. Il serait prématuré de tenir pouracquis l’aboutissement de ce processus d’autonomisation du politique ou son caractèreprotodémocratique : on peut aussi bien voir dans de tels propos l’émergence d’<strong>un</strong>e problématiquede type libéral que la volonté des clercs de garder le monopole de la gestionde la vie des individus face à <strong>un</strong> pouvoir à prétention hégémonique. A tout le moins le débatreste ouvert pour de longues années.D’autant que les modalités de l’accession d’Ali Khamenei au statut de marja’ sont loind’avoir instauré sa suprématie absolue sur l’<strong>un</strong> ou l’autre des deux champs et d’avoirconsacré sa position d’aslah. Il convient de bien distinguer la fonction de marja’ et les qualitésde aslah (le plus apte) et de alam (le plus savant), attribuées au plus éminent desmarja’. La reconnaissance de ces derniers titres est aussi peu formelle et peu institutionnaliséeque celle du rang de marja’. Elle procède également de la common knowledgedes croyants et des clercs. Il n’en reste pas moins que la différence entre ces attributsest importante. Si le aslah n’a pas la légitimité de mettre en cause les positions des autresmarja’, il est entouré d’<strong>un</strong> plus grand nombre de disciples et il est plus suivi en tant que“ source d’imitation ”. C’est tout naturellement <strong>vers</strong> lui qu’on se tourne en cas de désaccordentre les marja’ sur telle ou telle question donnée. Cette primauté diffuse, caracté-Les Etudes du CERI - n ° 27 - juin 1997 16

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