14entreprises & innovationLA TRIBUNE VENDREDI 14 décembre 2012Des graffitis à l’eau et à la lumière. L’artiste AntoninFourneau a pu élaborer son « Water Light Graffiti »,grâce au soutien de Digital Arti. [DR]4 000 eurosC’est ce qu’il faut débourser pour qu’un trio demusiciens d’une certaine notoriété vienne jouerdans votre salon, ou dans votre entreprise, pendant90 minutes. Comptez 1 000 euros pour unduo (piano, saxo…). Une formule qui a déjà séduit,entre autres, la banque HSBC.Saisir les pièces de muséeGrâce à la start-up Virtuasense, le visiteur pourra se saisirdes pièces rares dans les musées afin de les contempler soustoutes les coutures… sans risquer de les faire tomber ! Leprocédé consiste d’abord à numériser les vases, bustes etautres trésors de sorte à disposer de leurs doubles virtuelsà visualiser en 3D sur un écran dédié.artistes du smartphone Aprèsavoir ouvert une galerie en ligne pourles créateurs d’images numériquesoù la valeur de l’œuvre dépend du buzzqu’elle suscite, LimitedPix a mis au pointun procédé pour imprimer des photosd’art prises avec des smartphones.Un service qui se développe au pointde donner lieu à des expositions.Ces start-up qui veulentfaire de l’or avec l’artcréation De jeunes sociétés innovantes remodèlent les relations professionnellesentre musiciens, transforment les fans en e-producteurs, organisent des concertsde jazz chez vous et rendent la pratique de la musique classique plus fun que le rock.Erick HaehnsenLe monde des start-upne se limite pas aue-commerce et àl’« informatique dansle nuage ». Désormais,artistes, ingénieurs et designerslancent des start-up à coups deréseaux sociaux spécialisés et,parfois, de crowdfunding (financementparticipatif avec le grandpublic). Même pas peur ! Selon lesprofils, elles comptent doper lacréation artistique ou la pratiquedes arts. Surtout, elles explorentde nouveaux modèles économiquespour ne plus faire rimerartiste avec pauvreté.Chacun le sait. Même truffés detalents, la majorité des artistes nesavent pas se vendre. Forte de ceconstat, Alexandra Charrier –30 ans, patronne d’une société quiporte son nom, créée en novembre2010 – souhaite inverser la tendanceen lançant en France unnouveau métier : l’organisation deconcerts de jazz à la maison oudans les entreprises. « Je cherche àremettre au goût du jour les spectaclesvivants à domicile »,explique-t-elle. Pour le confort deses clients, elle va jusqu’à s’occuperdu traiteur, privatiser un lieu pourl’événement ou même assurer desservices de conciergerie. Uneaubaine pour les musiciens ! Car,face à l’effondrement des ventes dedisques, les concerts deviennent laplanche de salut économique.Bien sûr, les artistes préfèrentpasser à l’Olympia ou au Stade deFrance plutôt que chez MadameToute-le-Monde. « En fait, mêmeceux qui ont une certaine notoriétéont du mal à trouver des “dates” »,reprend Alexandra Charrier, quia sondé des musiciens et leursagents sur l’intérêt des spectaclesde proximité. Et, de fait, desartistes comme le chanteur dejazz Gregory Porter lui ont dit :« J’aimerais bien jouer pour toi. »Après le radio-crochet,le web-crochet<strong>La</strong> jeune patronne choisit avecson client les instruments, les formations…Quant aux prix, ilsvarient de 1 000 euros pour unduo (piano, saxo) à 4 000 eurospour un trio de musiciens d’unecertaine notoriété qui va jouer90 minutes. Une formule qui adéjà séduit des entreprisescomme la banque HSBC, lasociété d’ingénierie informatiqueOsiatis ou la Web Agency ETO.Même volonté de promouvoirles musiciens pour le site Featurit.com, qui, ouvert en novembre dernier,rassemble déjà 200 créateurs(musiciens, compositeurs, photographes,vidéastes) et presqueautant d’auditeurs : « De nombreuxartistes ont des compositionsnon achevées dans leurs tiroirs :morceaux de musique, paroles,photos, rush de vidéoclips… »,constate le compositeur et producteurJean-Patrick Allouche,PDG fondateur de Featurit.L’idée est simple : partager cescréations sur le site afin de leurdonner une seconde vie grâce à lacollaboration d’au moins deuxartistes. L’un rajoute une ligne debasse, l’autre un solo de guitare…Une fois la création peaufinée,l’équipe publie le résultat, appelé« Feat », sur le site. Après avoirécouté la « démo », les auditeurspeuvent voter (note de 1 à 10).« Nous pouvons alors présenter leséquipes artistiques dont les morceauxaffichent les meilleurs scoresaux producteurs, maisons dedisques, éditeurs et labels indépendantsavec un argument : il y a déjàun public pour ces œuvres »,reprend Jean-Patrick Allouche,qui compte se rémunérer avec unpourcentage sur les contrats decession de droits.« Je cherche à faire participer desartistes connus qui pourraient donnerleur voix a cappella [sansaccompagnement instrumental,ndlr] ou leur musique pour que lescréateurs de Featurit collaborentafin d’accoucher d’une nouvelleœuvre. Le tout en collaborationavec les maisons de disques quibénéficient ainsi d’un mode social
VENDREDI 14 décembre 2012 LA TRIBUNEentreprises & innovation 15Pour « remettre au goût du jour les spectacles vivants »,la jeune entrepreneuse Alexandra Charrier a eu l’idéed’organiser des concerts de jazz à domicile. [DR]pour faire la promotion de leursartistes. À condition qu’ellesacceptent de céder leurs droits… »Encore très expérimentales,mais fort intéressantes, certainesstart-up explorent l’alliance dubuzz et du crowdfunding. Avecplus ou moins de bonheur. À commencerpar la plate-forme WebMyShowProduction, qui invite lesinternautes à coproduire des événementsculturels. En pratique, ilsuffit de s’inscrire sur le site… etde faire « chauffer » sa carte bleuepour acquérir des « parts » surl’événement de son choix. À savoir10 euros dans la limite de1 000 parts. « L’internaute devientalors officiellement “e-producteur”.À ce titre, il touchera un pourcentagesur les recettes engrangéespar l’événement. Le montant finalsera calculé en fonction de soninvestissement initial », expliqueMaximilien Fernandez, créateurde ce nouveau service.Des avantages en naturepour les musiciensPour faire fructifier leur investissement,les e-producteurs sontinvités à assurer eux-mêmes lapromotion de l’événement, parexemple via les réseaux sociaux.Un kit contenant les affiches del’événement – ainsi que des mailspréremplis qu’ils pourront diffuser– devrait bientôt leur êtredistribué. En outre, pour les inciterà miser plus (et gagner plus),les plus gros investisseurs bénéficierontd’avantages en nature. Parexemple, une place gratuite enloge avec quatre amis et uneséance photo avec les artistes.Pour l’heure, le service est encoreau stade du pilote. « Nous avonsdémarré à deux avec du “LoveMoney”. Mais le fait d’avoir développéla plate-forme montreconcrètement le projet. Ce qui aconvaincu deux nouveaux associésqui injectent des fonds et renforcentl’équipe », ajoute MaximilienFernandez.le site prélève 10 %sur les sommes levéesPlus mûre, la plate-forme Ooctoexpose les projets artistiques enrecherche de financements participatifs.Fait notable : un grandnombre de porteurs de projetsdépassent leurs objectifs chiffrés.« Nous avons récolté en quinzejours 114 % des fonds dont nousavions besoin », confirme <strong>La</strong>urentGueirard, batteur du groupe depop-rock-électro Studio Paradise,qui veut réaliser son clip vidéo.Pour les fans-financeurs, l’objectifn’est pas de s’enrichir, mais biende se faire plaisir. « Nous refusonsle système de parts et de retour surinvestissement », résume MaximeCormier, cofondateur du site quiFocusse rémunère en prélevant 10 % surles sommes levées. « Notre philosophie,c’est le partage, pas la rentabilité.» En échange d’un don enargent sonnant et trébuchant,l’internaute-fan reçoit un cadeau :du simple CD dédicacé au véritableconcert privé de plusieursheures, à l’occasion de sonmariage par exemple. Originalité,l’internaute peut égalementtravailler sur le projet en tant quetechnicien. Ce qui dépasse leclassique crowdfunding.Soutenue par Oséo et le ministèrede la Culture et de la Communication,la plate-formed’Oocto s’apparente à un job boarddans le domaine de la musiqueainsi que de l’ingénierie son etlumière. Pour commencer, Ooctos’est contenté de mettre en relation,sans filtrage, des artistes etdes techniciens. Peu à peu, lastart-up a mis en place un réseaude prestataires « certifiés » par sessoins. Autre originalité, l’artisteUn réseau social pour mieux vendreUn Ovni ! Créée par Anne-Cécile Worms en2009, la start-up Digital Arti est le premierréseau social sur l’art et l’innovation, fort deplus de 1 000 vidéo-blogs d’artistes, galeries,festivals, développeurs, codeurs… « Nouslouons ou vendons des œuvres numériques originaleset nous organisons clés en main desévénements d’art numérique pour une communicationinnovante », explique Anne-CécileWorms, qui sélectionne des artistes numériquesinternationaux capables de répondreà un cahier des charges rigoureux pour desbudgets allant de 50 000 à 250 000 euros !Dernière création : la rosace de la gare de l’Estpeut impliquer ses fans en leurproposant des missions bénévoles.Les fans ne touchent alorsaucune rémunération, mais ils ontl’occasion de côtoyer leurs artistesPour les fansfinanceurs, l’objectifn’est pas des’enrichir, mais biende se faire plaisir.favoris. Là encore, Oocto n’encadrepas la prestation, mais fournitun ensemble de « bonnes pratiques» à adopter.Toujours dans le secteur de lamusique, la plate-forme Weezicouvre une très large brèche surl’avenir des start-up artistiques.Pas étonnant qu’elle ait étélauréate du Grand Prix de l’Innovationde la ville de Paris. Créé enjuillet 2011 par trois musiciensà Paris, qui sera illuminée par une œuvre deStefan Perraud en fonction du trafic de voyageurspendant trois mois à partir du20 décembre.Grâce à l’Art <strong>La</strong>b de Digital Arti, l’artiste enrésidence Antonin Fourneau a élaboré« Water Light Graffiti », un mur de LED surlequel le public peint de la lumière avec unpinceau trempé dans l’eau ou avec un pistoletà eau. Magique. <strong>La</strong> vidéo a fait 4 millions devues en août dernier ! Et la demande mondialeexplose. « Nous allons industrialiser leprocédé », poursuit Anne-Cécile Worms quimet déjà les fabricants en concurrence. qamateurs, Weezic réinvente lapratique de la musique classiqueen s’appuyant sur la « partitionaugmentée ». Un peu comme GuitarePro pour le rock, le pop-rocket l’électro. À unegrande différenceprès : « Nous reconstituonsun modèle numériquede l’œuvre enregardant le tempo, lesnuances, les articulationset le phrasé dechaque instrument.Même s’il s’agit d’uneœuvre à 30 instruments », préciseGrégory Dell’Era, directeur généralet cofondateur de Weezic quia suivi un cursus « école etconservatoire » à la flûte à bec etau basson.Outre l’aspect bluffant et trèsludique de cette immersion musicaletrès réaliste, Weezic rendaccessible la possibilité de joueravec un orchestre symphonique.« Moi-même, cela ne m’est arrivéque trois ou quatre fois dans mavie ! Certains musiciens ne l’expérimententjamais », explique GrégoryDell’Era, qui vend chaquemorceau à télécharger entre deuxet huit euros. Autre point fort : lemusicien isole la ligne d’un instrumentet la retire pour jouer àsa place afin de s’exercer. Qui plusest, il ralentit ou accélère… sansperdre la tonalité originale.Mieux encore : en un clic, il transposeen Ut (Do) pour la flûte traversièrela ligne de clarinette (enSi b ou en <strong>La</strong>) duConcerto pourclarinette de Mozart. « Notrepreuve de concept porte sur lamusique classique », reprend GrégoryDell’Era. « Mais nous allonstransposer ce modèle à toutessortes de musiques. » Les rockersrisquaient d’être jaloux ! q